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Voici le 13em et dernier chapitre des Mémoires d'un Loup...
[ XIII - Sang d’encre]
Plusieurs heures durant, Getro et Walmy cheminèrent dans les nombreux tunnels creusés à même la roche qui formaient autrefois les artères du sanctuaire des Loups. Les deux amis furent étonnés de voir combien les équipements étaient nombreux et modernes. Mais visiblement, quelque chose ou quelqu’un avait prit un malin plaisir à tout détruire. Aucun appareil électronique ne semblait avoir été épargné. Walmy visita même ce qui semblait être une bibliothèque intégralement carbonisé.
Le plus étonnant résida dans le fait que rien ne laissait deviner qui étaient les auteurs de cette dévastation. Pour tenter de trouver des réponses à cette question, Getro essaya de retrouver les enregistrements des caméras de surveillances que jamais il ne repéra.
Avant de se reposer d’une journée d’exploration, les deux hommes s’attelèrent à remorquer le Loup de Mer sur le quai d’Eden, là où il avait dû s’amarrer tant de fois. Puis, pour passer la nuit, ils jugèrent plus prudent de parquer aussi le Styx en Eden, et de refermer le panneau de métal servant de porte.
Pendant plusieurs semaines, nul n’eut l’occasion de revoir les deux compères. Lorsque Rorist s’inquiéta de leur absence, seul un homme sembla capable de le renseigner. Selon lui, Getro et Walmy revenaient de temps en temps à Zion, au niveau du quai de maintenance, pour se procurer des pièces d’hovercraft ainsi que des vivres. Mais en réalité, le conseiller Hamman était toujours en contacte avec les deux hommes.
Getro et Walmy étaient restés en Eden pour remettre en état le Loup de Mer. Par nécessité, ils avaient dût retourner à plusieurs reprises à Zion, et, après de longues semaines de labeurs, le vaisseau de métal noir devint presque en état de servir. Les premiers temps, Getro se demanda pourquoi Walmy leur imposa cette rénovation, mais la réponse lui était venue d’elle-même en relisant les mémoires du vieux Jacques. Ils avaient finis par admirer le courage, voir la folie, des Loups. Plus que de l’admiration, leurs sentiments évoluèrent en un profond respect. Et en leur mémoire, en plus de remettre en état le Loup de Mer, les deux hommes battirent une stèle commémorative en faveur des Loups en plein milieu du quai d’Eden.
Lorsque le Loup de Mer fut enfin en état de décoller, Getro envoya un message pour le conseiller Hamman afin de le prévenir de leur découverte, et de leur retour à Zion à bord du nouveau vaisseau. La réponse ne se fit pas attendre. Le conseiller Hamman leur renvoya un message avec un dossier complet joint.
- Tu crois qu’il a trouvé ce qu’il s’est passé au Loup de Mer… et à son équipage ? demanda Getro.
- Il y a des chances. Enfin, je l’espère. J’aimerais bien savoir pourquoi le journal finit comme ça, aussi.
Getro saisie une série de commandes sur son clavier. Le visage du conseiller Hamman apparut alors sur l’écran de la nouvelle console du Loup de Mer.
« Bonjour Getro, et bonjour Walmy.
Je dois vous dire combien je suis étonné d’apprendre que vous avez choisit de rebâtir le Loup de Mer. Mais bon, je me permets de vous contacter dès maintenant pour vous faire part des découvertes que j’ai faites grâces aux archives de Zion. J’ai réussit a recopier les vidéos suivantes avant que le capitaine 0uranos décide de suivre Michael Popper dans un groupe appelé E Plurius Neo. Je pense que vous serez désolé de voir la vérité sur la fin du Loup de Mer. »
Le visage du conseiller s’effaça alors de l’écran, laissant apparaître une vidéo apparemment assez ancienne montrant l’infirmerie de Zion. Un homme et une femme étaient étendus sur des civières placées l’une à côté de l’autre. Une infirmière au chevet du soldat visiblement très blessé pris la parole.
- Jacques, j’ai une bonne nouvelle. L’état de votre bras se stabilise ! Vous voyez, je vous avais dit de ne pas être pessimiste !
- Merci, j’espère vraiment pouvoir reprendre mon poste sur le Loup de Mer au plus vite ! répondit alors Jacques.
- Attends au moins d’être en état pour ça, répliqua Gelgia en souriant.
- Au fait, vous avez de la visite vous deux, repris l’infirmière. Je vous laisse !
L’infirmière sortie donc par une porte en dehors du champ de la caméra pour faire place à un homme particulièrement bien vêtu. En reconnaissant le fils du conseiller Fenrir, Jacques fit une grimasse. Les deux hommes eurent, malgré tout, une discussion des plus courtoises et banales pour une telle situation. Après quelques minutes le visiteur prit congé.
- Tu le connais ? demanda Gelgia.
- Il me semble oui. Je ne veux pas te mentir. Pas à toi ! Son père était le conseiller Fenrir.
- Celui qui a été tué ?
- Oui, c’est bien lui… En fait… Je ne sais pas trop comment te l’avouer, Gelgia…
- Qu’est ce que tu essayes de me dire ?
- En fait, il a essayé de se servir de moi. Quand j’ai refusé, il a voulut m’éliminer. C’était un accident, Gelgia ! Un accident ! S’il te plait, dis moi que tu me crois…
Getro et Walmy semblèrent frustrés de ne pas entendre la réponse de Gelgia. Avant même qu’elle n’ait eu le temps de prendre la parole, l’image se figea. A leur grand étonnement, c’est la voix du conseiller Hamman qui se fit entendre.
- Je dois vous avouer, que je savais que c’était Jacques qui avait accidentellement tué le conseiller Fenrir. Le capitaine Vidar me l’avait dit et avait demandé que, vu les circonstances, l’affaire soit étouffée. Mais voyez ce que j’ai trouvé d’intéressant… Alors que ces deux là parlent dans l’infirmerie, une caméra de surveillance observait le couloir.
Dans le bas droit de l’écran, un cadre s’incrusta. Une nouvelle vidéo en noir et blanc montrait la porte d’accès à l’infirmerie. Après quelques secondes, le fils du conseiller Fenrir en sortit. Curieusement, il ne s’en alla pas après avoir fermé la porte. Bien au contraire, la vidéo le montra en train de coller son oreille contre l’entrée de l’infirmerie et resta sans bouger un moment. Puis brusquement, en se redressant, il frappa le mur de son pied. La vidéo s’acheva lorsqu’il s’en alla d’un pas hâté, tout en murmurant des paroles inaudibles.
De nouveau, le vissage du conseiller Hamman apparut en gros plan sur l’écran de la console en face de Getro et Walmy.
- Vous voyez, il me semble évident que le pauvre homme vient d’apprendre d’une façon des plus brutale comment fut mort son père. Lorsque j’ai vu cela, j’ai pensé qu’il n’avait qu’une chose en tête : se venger. J’ai mis plusieurs jours à trouver ce qu’il a fait ensuite. En fait, j’ai retrouvé ces deux enregistrements qui, à mon avis, permettent d’expliquer ce qu’il s’est passé pour le Loup de Mer et son équipage. Ecoutez plutôt cette conversation…
Une nouvelle fois, l’image se brouilla. Seule une vois neutre se fit entendre.
- Ordre de mission du 2 juillet 1983 pour le Loup de Mer… annonça t’elle.
- Capitaine Vidar ? Ici le commandant. Une personne de Zion sollicite votre aide ! Vous devez dans les plus brefs délais explorer la zone TB912.
- La zone TB912 ? Mais il y a rien là bas ? Que signifie cette mission ? Et qui la demandée ? questionna le capitaine Vidar.
- Je n’ai pas de détails. C’est un ordre !
- Bien commandant.
Après ce court échange, rien que des parasites résonnèrent dans les hauts parleurs de la console jusqu’à ce que le conseiller Hamman reprenne la parole. Getro et Walmy se regardèrent, étonnés.
- Vous vous demandez sûrement ce qu’il y avait dans la zone TB912 ? Et bien je l’ai découvert en fouillant les transmissions du fils de Fenrir vers la Matrice. A l’époque, lorsque nous avions encore beaucoup de place dans les mémoires des serveurs de Zion, toutes les communication étaient enregistrées. Ecoutez plutôt.
Cette fois ci, l’écran devint noir.
- Monsieur Johnson. J’aimerai dire que c’est une joie de vous parler à nouveau, mais ce serait mentir…
- Je vous ai dit de ne pas m’appeler du nom de famille de mon père, Smith !
- Agent Smith, je vous prie !
- Oui, bon, agent Smith. Vous voulez l’information ou non ?
- Je vous écoute ?
- Un vaisseau zioniste va tenter de franchir le secteur TB912 bientôt.
- Intéressant. Très intéressant. Nous nous en occuperons.
- Sommes nous quittes maintenant ?
Fou de rage, Getro frappa violemment la console en face de lui.
- Le fils de pute, il a vendu le vaisseau pour venger son père ! hurla Walmy.
Sur le choc du coup porté par Getro, la console resta muette. Walmy dut rajouter un coup de pied pour que l’enregistrement envoyé par le conseiller Hamman reprenne.
- Oui, il a trahis la cause zioniste par pure haine. Je n’ai pas encore trouvé comment, mais il semblerait que le Loup de Mer ait réussit à s’échapper du funeste guet-apens des machines. Le capitaine Vidar aurait apparemment conduit son vaisseau jusqu’à la surface où ils ont du atterrir et fuir. Pourquoi la surface me demanderez vous ? Et bien je dois vous avouer que je ne sais pas. Il a sûrement pensé y être plus en sécurité qu’à Zion. Mais tout cela ne peut rester que supposition tant que nous n’aurons plus d’informations sur ce point.
Comme pour rassembler ses esprits, le conseiller Hamman resta silencieux quelques secondes. Machinalement, il se caressa le menton de sa main droite.
- Enfin, veuillez pardonner cette brève absence. Sachez que sa vengeance ne s’est pas arrêter là. Le plus cruel reste à venir. Mais cette fois ci, la vidéo parlera d’elle-même.
Une dernière fois, la visage du conseiller s’effaça. Getro et Walmy reconnurent immédiatement l’infirmerie de Zion où, dans la vidéo précédente, se reposaient Gelgia et Jacques. L’image les montrait d’ailleurs allongés, en train de dormir. Un peu plus loin, installée près d’un bureau en bois, l’infirmière de garde lisait un livre. Lorsque la porte de l’infirmerie s’ouvra, Getro et Walmy ne furent pas étonner d’y voir entrer le fils du conseiller Fenrir. L’homme chuchota à l’oreille de l’infirmière qui acquiesça avant de s’en aller. Satisfait, le fils du conseiller s’installa sur la chaise précédemment occupée par l’infirmière et regarda longtemps Gelgia et Jacques endormis devant lui, puis sorti de sa veste un vieux couteau rouillé.
Lentement, il se leva pour se pencher au dessus du vissage de Gelgia. Puis d’un geste rapide, l’homme posa la lame de son couteau sous le coup de Gelgia tout en apposant son autre main sur la bouche de la jeune femme. Le geste brusque réveilla Gelgia qui tenta de s’échapper de son agresseur.
- Bougez pas, Gelgia ! Ne m’obligez pas à faire des choses que nous regretterons tout les deux ! murmura t’il.
Sous l’agitation de Gelgia, Jacques se réveilla. Lorsqu’il dégagea le drap qui le couvrait, Getro et Walmy remarquèrent que le bras droit du soldat avait été amputé. Malgré son infirmité, Jacques se leva brusquement.
- N’approchez pas Jacques… Je peux lui ôter sa vie facilement, voyez vous ! Peut-être aussi facilement que lorsque vous avez tué mon père, assassin !
- S’il vous plait… Je vous en prie… C’est une affaire entre vous et moi ! Laissez la partir !
- Et puis quoi encore ? Je ne crois pas que vous avez eu de la pitié pour mon père !
- Votre père était un putain de traître, un vendu !
- Ta gueule connard ! Je vais t’apprendre le respect.
D’un geste violent, le fils du conseiller força Gelgia a se lever. Jacques, largement affaibli par sa récente amputation, se traîna vers eux en s’aidant d’une chaise posée près de là. Lorsque Jacques se trouva enfin en face de Gelgia, il put parfaitement apercevoir son coup ensanglanté. Visiblement, par la violence des gestes de l’agresseur, la lame avait déjà légèrement entaillé le coup de Gelgia.
- Je vous en prie, laissez la partir.
- Ca te fais quoi d’être à deux doigts de la perdre, elle ? Tu me donnerais quoi pour la sauver ? Ton autre bras ?
- Va te faire foutre ! Viens… Comme un homme, et non comme un loque ! Viens te venger.
- Voir ton vissage, Jacques, dans un tel moment est la meilleur des vengeances. Si seulement tu pouvais te regarder !
D’un geste désespéré, Jacques se rua sur l’agresseur pour tenter le tout pour le tout. En lui-même, il savait que si il restait immobile, à assister à cela sans rien faire, il pourrait le regretter toute la vie ! Jacques n’avait pas le choix ; après le père, le fils !
Les deux hommes s’affrontèrent quelques secondes qui parurent des heures pour Jacques. Le fils du conseiller tentait de se défendre tout en serrant de plus belle Gelgia. Mais diminué par son bras manquant, Jacques n’arriva pas à prendre le dessus. L’issue de l’affrontement vint toutefois grâce à une bouteille en verre posée sur une table de chevet contenant un liquide verdâtre. De son bras valide, Jacques s’en était emparé, et l’avait éclatée sur le crâne de son adversaire. Le visage ensanglanté par des gouttes s’échappant des plaies ouvertes par des bouts de verres, le fils du conseiller Fenrir tituba, puis lâcha la prise du coup de Gelgia qui s’effondra sur le sol. Enfin, comme s’il s’était avoué vaincu, il s’en alla en courant en dehors de l’infirmerie. Dans sa fuite, Jacques remarqua que le vaincu laissa tomber sur le sol son couteau maintenant rouge sang.
- Non, Gelgia ! hurla t’il tout en se jetant à genoux aux côtés de la jeune femme toujours sur le sol.
En entendent le cri de terreur de Jacques, Gelgia réussit a rassembler des forces pour se redresser, et s’adosser contre le mur, tout en cachant son cou de sa main. Jacques sembla rassuré en la voyant sourire. Après avoir risquer de la perdre, il savait maintenant combien il tenait à elle.
- Tu l’as eu ! murmura t’elle.
- Oui, on l’a eu, Gelgia. Tout des deux !
Malgré la situation, il ne put s’empêcher de l’embrasser. Ses lèvres avaient un léger goût de sang, mais il fit semblant de ne pas s’en être aperçu. Finalement, lorsque des deux se séparèrent, Jacques voulut voir la blessure au coup de Gelgia. D’un geste doux, il repoussa sa main cachant l’entaille faite par le couteau rouillé. En voyant la profondeur de la plaie, une larme coulât sur la joue du soldat.
- Ne pleur pas. S’il te plait, ne pleur pas.
- Gelgia… Je suis vraiment désolé… Je ne voulais pas !
- Ne t’en fais pas, Jacques. Ce n’est pas de ta faute.
- Non, ne me laisse pas ! Tu peux combattre ! Tu peux tenir ! Infirmière, hurla t’il ! Infirmière, vite !
Bien que ses forces l’abandonnèrent progressivement, Gelgia regardait toujours Jacques en souriant. Mais malheureusement, malgré toute la volonté de la jeune femme, Jacques vit les paupières de Gelgia doucement recouvrir ses grands yeux bleus.
- Infirmière ! continua t’il.
Mais son appel était maintenant si faible que personne à Zion ne pouvait l’entendre. Lorsqu’une infirmière fit enfin son entrée dans la pièce, Jacques serait toujours contre lui le corps de Gelgia. Il espérait qu’il était en train de rêver ; Que bientôt, il allait se réveiller auprès d’elle et qu’ils pourraient retourner au plus vite à bord du Loup de Mer. Quand l’infirmière tenta de les séparer pour soigner Jacques, le soldat hurla, incapable de prononcer le moindre mot.
- Finalement, ce n’est que grâce à deux hommes que Jacques fut séparé de Gelgia, commenta le conseiller Hamman pour conclure.
Bouleversés par l’histoire, Getro et Walmy décidèrent de quitter pour toujours le repère des Loups. Avant de sceller définitivement le panneau d’accès, ils décidèrent de rajouter à côté de la stèle en mémoire des Loups une autre en l’honneur de Gelgia et Jacques.
« Puisse Dieu vous réunir dans un meilleur monde » avait gravé Getro en bas de la plaque. Puis, comme pour laisser en paix les âmes du couple, Walmy déposa le journal de Jacques ainsi que l’Epée des Loups dans sa boîte.
Au même moment, quelque part, dans la Matrice, une jeune femme ouvra les yeux. Elle était alors en position du lotus, sur le toit d’une église. D’un mouvement de tête, elle dégagea en arrière ses longs cheveux blonds, laissant apparaître ses yeux bleus.
- Ce n’était encore pas lui. Encore une fois, j’attendrais !
Puis le corps de la jeune femme se divisa en une multitude des symboles qui s’évanouirent dans le ciel azur de la Matrice.
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