Avant tout, je précise que je suis athée, non pas que ça ait un quelconque rapport avec la choucroute, mais c'est pour bien préciser que je ne prends ici qu'un point de vue historique et culturel, je ne prends pas ici partie dur l'existence ou non de Dieu...
J'avais juste envie de relativiser l'idée souvent rencontrée comme quoi la religion (je traiterai ici uniquement de ce que je qualifierai de
religions du Livre,à savoir les religions juives, chrétiennes et musulmanes.) ont été un frein à l'avancée et à l'épanouissement des sociétés, et ce de manière
intrinsèque.
Dernière chose, je voudrais essayer de montrer que si les méthodes scientifiques ont vu le jour dans les régions où ces religions étaient implantées, ça n'est pas par hasard, mais c'est bien parce que ces religions constituaient un terrain favorable à l'apparition de la science.
Quand je parle de la science, je parle de la méthode scientifique, telle qu'elle est apparue à partir du dix huitième siècle, et non pas de la technique, qui est apparue bien plus tôt, et pas spécifiquement en occident. (en particulier, on se souviendra de l'utilisation de la poudre par les chinois bien avant son utilisation en Europe. C'est intéressant de noter qu'à partir d'une avance technologique chinoise, le passage à la science ne s'est pas fait avant que ces méthodes ne soient importées d'occident.)
A noter que j'appellerai dans ce qui suit le
Livre (avec une majuscule) l'ensemble des livres sacrés de la religion considérée.
Bref, ce que je conteste, ça n'est pas le fait que ces religions aient pu faire du mal où autre, mais d'une part qu'elles n'aient fait que du mal, et d'autre part que ce mal soit inhérent à leur nature.
Reprenons par le commencement.
Pourquoi est-ce que je distingue ces religions du Livre des autres religions, en particulier orientales et paganistes?
A mon sens, l'une des spécificités de ces religions, c'est le fait que leur cosmogonie placent le monde dans les mains de l'homme, et non de Dieu.
Les créations du monde, quelles que soient leur version dans le Livre, présentent toutes que Dieu a créé le monde, puis l'a placé dans les mains de l'homme. C'est là un point extrêmement important à mon sens. Le monde n'appartient pas à Dieu, mais à l'homme.
A l'opposé, l'homme n'a pas ce statut central dans les divers paganismes, et pas non plus dans les religions orientales.
Typiquement, et pour caricaturer un peu, l'hindouisme va sous-entendre que le monde est illusion, et le bouddhisme que le monde est le lieu des réincarnations, que l'on espère quitter, ou du moins s'en détacher, définitivement. Bref, dans ces deux religions (on me permettra ce raccourcis de langage pour le bouddhisme.), le monde n'est pas
en soi un objet digne d'intérêt. A l'opposé, si l'on regarde la Génèse : Dieu créa le monde [...] et il vit que cela était bon. Ainsi, de manière assez unique, les religions du Livre présentent le monde comme étant dévolu à l'homme, et de plus, comme un objet digne de s'y intéresser.
Une autre manière de voir les choses est que les religions du Livre ont
séparé Dieu, l'univers, et l'homme. Ainsi, très tôt (typiquement, dès le treizième siecle, avec Saint Thomas d'aquin qui a théorisé cette séparation dans le cas des religions catholiques et protestantes, non encore différenciées à l'époque, et qui ont toutes deux repris son héritage, et bien plus tôt pour l'islam), les sociétés dans lesquelles ces religions étaient influentes ont séparés ces trois domaines des connaissances.
La théologie s'intéresse à Dieu, les arts et sciences à l'univers, et, un siecle plus tard, avec les problèmes éthiques liés au problème de la dissection (*), les arts et sciences ont eu également à s'intéresser à l'homme, domaine de connaissances qui restait à la limite entre la théologie et les arts/sciences.
Bref, dès le treizième siecle, la Connaissance n'était plus l'apanage de l'Eglise, et dès lors, sont apparus des savants
reconnus n'appartenant pas à l'Eglise, qui ne conservait que la théologie, c'est-à-dire l'étude de Dieu.
On m'objectera tout les débats qui ont eu lieu autour de l'astronomie, mais là encore, ces débats auront lieu parce que l'Eglise avait permis à cet esprit scientifique d'émerger en dissociant l'univers de Dieu.
Je trouve ainsi que prétendre que l'Eglise a freiné l'émergence des sciences est tout à fait biaisé, dans la mesure où elle l'a justement fait émerger, dans la continuité (et non la rupture comme certains le prétendent) avec son héritage romain. (**)
A l'opposé, cette séparation des sphères de connaissances divines, humaines, et de l'univers
n'a pas eu lieu dans les autres groupes culturels de l'époque, qu'ils soient hindouistes, bouddhiques, paganistes, ou autre.
Notons que dès cette époque, l'astronomie, et un certain nombre d'autres disciplines sont déjà enseignées en universités, qui ont été initialement fondées sur l'instigation des pouvoirs religieux.
Poursuivons avec le prochain changement majeur : la création de l'imprimerie. (prenons comme date 1455 pour la première bible imprimée.) Je passe sur le schisme catholique / protestants, qui n'apporte pas grand-chose à mon propos.
A partir de ce moment, la Bible deviens accessible à tous, où presque. (Auparavant, il s'agissait d'un objet coûteux, et tous les monastères n'en possédaient pas une. On estime actuellement que Sait Augustin, l'un des plus "grands" commentateurs de la Bible, n'a jamais eu accès à une version intégrale...)
Ca va enfin permettre au lecteur de se trouver
seul face au livre, et face à ses contradictions, et surtout face à son manque d'organisation. (on pensera par exemple à la théorie des ordres de Pascal.
Face à cet apparent manque d'organisation, les libertins (au sens du 17eme siecle, ceux qu'on pourrait qualifier aujourd'hui de "scientistes", ou "rationalistes", même si les deux termes semblent un peu anachroniques.) vont essayer d'étudier la bible pour comprendre ce manque de cohérence.
En particulier, ils vont analyser le Livre (car ce mouvement aura lieu chez les catholiques (Richard Simon...), chez les protestants (Louis Capel...), et chez les juifs (Spinoza...)) en le scindant, au lieu de l'étudier dans sa globalité, ils vont considérer qu'il s'agit de textes d'origines diverses, et vont essayer de trouver des critères pour séparer les différents "morceaux".
Par exemple, dans la Bible, le nom de Dieu apparait sous deux écritures, suivant les textes : Jehovah, ou Elohim (distinction introduite par Richard Simon en 1678). Ils classeront donc en deux catégories l'ancien testament, suivant l'emploi de ces mots. Autre exemple, ils se rendront compte qu'il existe plusieurs traditions dans l'évangile de Saint Jean, qu'ils "découperont" en 4 "morceaux", et ainsi selon un assez grand nombre de critères.
Ceci préfigure une évolution importante vers la pensée scientifique, dans la mesure où on se mets à séparer l'objet d'étude en plusieurs parties plus facilement étudiables, et selon des critères
expérimentaux,
en spécifiant et en discutant des critères de séparation, et c'est ce dernier point qui n'avait jamais été fait auparavant, et qui est une évolution indispensable à la méthode scientifique. De plus, les règles de l'exégèse ont été fixées à l'époque, et insistaient sur le fait que l'analyse du Livre doit se faire en ignorant toutes les autorités, qu'elles soient religieuses, politiques,
mais aussi l'autorité des autres exégètes!!! Là encore, une condition indispensable à la méthode scientifique.
Notons tout de même que ça ne s'est pas fait aussi facilement que ça, il y a eu des pressions de la part des autorités religieuses (et contrairement à ce qu'on peut croire, les autorités juives et protestantes ont eu
le même comportement que les autorités chrétiennes, par exemple, les autorités juives d'Amsterdam "excommunieront" Spinoza en 1656, Jean Leclerc doit quitter geneve à cause des pressions des autorités protestantes, et il y a encore des exemples... Comme quoi la présence d'une institution religieuse telle que l'Eglise catholique ne change pas grand-chose, loin de là...)
De plus, à partir de cette époque, tous ces exégètes du Livre vont communiquer entre eux, indépendamment de leur confession. Ainsi, les travaux de Jean Astruc, catholique français vont être étudiés par des protestants, dans ce qui deviendra l'Allemagne.
En conclusion, je voulais juste tordre un peu le cou aux préjugés comme quoi la religion a été un frein au développement intellectuel, comme quoi les religions protestantes et juives auraient eu un comportement différent de celui de l'Eglise, ou comme quoi l'Eglise en tant qu'institution n'aurait cherché qu'à favoriser l'obscurantisme.
Au contraire, je crois que la religion a
permis et
aidé l'émergence de la pensée scientifique.
A ce titre, il y a une anecdote amusante concernant l'obscurantisme athée qui a pu être présent en France après la révolution.
Après la révolution, l'idée que la Bible était immorale a vu le jour en France (l'idée, qu'on rencontre encore de nos jours comme quoi les scènes de massacres où autres joyeusetés présentes dans la Bible rendait sa lecture "dangereuse" ou malsaine.) Ce qui a fait que la Bible a alors presque disparue du champ universitaire, pour tout le dix-neuvième. Ainsi, avec la naissance de l'egyptologie, discipline alors presque exclusivement française alors, aucun rapprochement n'a été fait avec la Bible, malgré le rapprochement culturel énorme qu'il y a eu entre les peuples dans l'antiquité.
A l'opposé, lorsque les savants "allemands" ont déchiffrés les cunéiformes, ces rapprochements ont été immédiatement faits, avec beaucoup de résultats extrèmement importants et intéressants, encore étudiés aujourd'hui. A l'opposé, encore maintenant, ces rapprochements sont très peu étudiés en égyptologie.
Bref, rejeter l'obscurantisme à la figure de l'Eglise en particulier, et de la religion en général, me semble être un raccourcis très simpliste.
(*) A savoir : a-t-on le droit de disséquer un corps? Le débat a été assez virulent, mais in fine, les médecins ont eu l'autorisation contre l'avis de nombreux écclésiastiques de disséquer des corps humains, ce qui marque en soi que l'étude de l'humain n'était plus du domaine exclusif de la théologie.
(**) Notons quand même qu'à cette époque, le terme de science est impropre par rapport à mon propos, d'où l'emploi de ma part du terme
art contigü à
science, pour indiquer que je ne parle pas encore de science au sens moderne du terme, à savoir l'emploi de la méthode scientifique, qu'on voit apparaître avec Newton entre autre, mais je vais y venir.
[edit] Un modo pourrait il completer le titre, que j'ai malencontreusement tronqué?
mettre par exemple :
La religion a t'elle permis l'emergence de la science?, ou un truc du genre.
[re-edit] tiens, autant mettre un titre accrocheur : genre :
l'exégèse critique : vers la révocation de l'antinomie scientifico-religieuse?
Ou :
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