Bonjour! Ces temps-ci, j'essaye de compléter un peu ma culture littéraire anglaise, et je me suis intéressé à Jane Eyre (de Charlotte Brontë), vu que j'en avais lu du bien ça et là.
En fait, ce qui m'avait intéressé, surtout, c'est que n'importe quelle critique en venait à comparer avec Les Hauts de Hurlevent (ce qui était prévisible), mais en le mettant au même niveau (ce qui est nettement plus audacieux). Sauf que la lecture a été une grosse déception.
La première partie du livre est l'histoire, poncif du genre, d'une enfance pauvre et malheureuse, en pension. Certaines particularités (personnage féminin, laid qui plus est) et surtout le personnage d'Hélène Burns en font un moment intéressant qui, s'il a perdu toute saveur à force de manque d'originalité (on ne peut pas vraiment attaquer l'auteur pour ça), n'est pas déplaisant à lire.
La seconde partie, de l'arrivée à Thornfield à sa fuite, est une adaptation de Pamela (ou la Vertu Récompensée), avec seulement une forme romanesque et des personnages différents. Les conceptions de plagiat n'existaient pas vraiment à l'époque (si j'ai bien compris), mais l'apport de l'auteur est minime, par un manque de profondeur sur tous les personnages secondaires. L'héroïne tombe amoureuse de son employeur (Rochester), qui partage également ce sentiment ; s'ensuit la période habituelle d'atermoiement de l'auteur, puis les déclarations, et ensuite des révélations sur le passé de Rochester ainsi qu'un fort sens moral empêchent toute relation.
Finalement, la troisième partie est une farce de mauvais goût, avec l'érection d'un faire-valoir de Rochester en la personne de St.-John, qui se fait second prétendant, ainsi que la résolution progressive de tous les problèmes de l'héroïne: elle devient fortunée, trouve une famille, les obstacles au mariage avec Rochester disparaissent.
L'histoire n'a finalement rien de bien original, mais reste tout à fait passable, grâce aux personnages de Jane Eyre, Rochester, Helene Burns et St.-John qui créent des situations intéressantes. Cependant, les dialogues omniprésents manquent désespérément de fraîcheur, les autres personnages sont en toc, et il n'y a aucune ambiance. Thornfield, là où se passe une partie du roman, reste une vague maison à peine décrite qu'on peine à s'imaginer (seul le jardin est convenablement ébauché), les journées s'écoulent de façon disparate, sans parvenir à faire ressentir le passage du temps : en fait, l'ensemble de l'œuvre se réduit à des dialogues. Ce ne serait pas un problème s'ils étaient bien écrits, mais voila: Charlotte Brontë n'est ni adepte du "wit", ni partisane d'un style imagé, si bien qu'on ne retient des dialogues que les confrontations qu'ils créent, lesquelles confrontations sont trop convenues pour intéresser : une jeune fille laide et franche qui discute avec un homme d'action, c'est intéressant quelquefois, mais pas tout au long d'un roman.
Qu'en retiendrais-je? Eh bien, à part le personnage d'Helene Burns qui détonne tout à fait dans son personnage de stoïcienne chrétienne (St Augustin Lol), voire celui de St.-John, un insupportable mais irréprochable missionnaire, un caractère que je n'avais encore jamais rencontré, seuls les moments où la "haute société" de province est décrite valaient le coup, car Brontë se découvre alors un ton assez caustique, absent le reste du temps. Les quelques prises de position pour l'égalité des sexes ont de l'intérêt aussi, ramenés à l'époque, mais restent anecdotiques.
Ce livre manque d'émotions, et ne mérite à mon avis pas sa place dans les "classiques" anglais, sans parler des comparaisons avec l'œuvre de sa sœur. Du coup, je me suis dit qu'en parler avec d'autres gens m'aiderait peut-être à voir ce que j'ai manqué. Alors, toi, jolien, qu'as-tu pensé de Jane Eyre?
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