Ici commence l'aventure de Lefaelle la petite gladiatrice et de son amie Anaelys, la Clerc studieuse. Vous trouverez dans ce post le premier chapitre
Bonne lecture !
Les Voyages de la Mariposa.
C’était un jour de printemps, il pleuvait. Une belle pluie, de celle dont on sait qu’elle gorge le sol d’Atréia lorsque les plantes commencent à nouveau à s’animer. La plupart des habitants du village étaient sortis pour accueillir avec bienveillance ce don d’Aion. L’hiver avait été rude, mettant à mal les réserves de nourritures de la région, et le froid avait duré jusqu'à tard dans la saison. Bientôt, la lumière baignerait de nouveau les terres, on préparerait la Fête du Réveil. Lefaelle trépignait d’impatience en attendant ce moment.
Oh, non que cette fête lui rappelle les meilleurs souvenirs. Enfant, elle avait souvent été vertement tancée par ses parents d’avoir mangé les pâtisseries des festivités, au petit matin, prenant tout le monde de cours. Les années suivantes, elle avait dû supporter les avances d’un certain Pol, le fils du forgeron, qui l’invitait systématiquement lors du bal donné en l’honneur du Printemps. Elle n’aimait pas Pol, il était arrogant et il sentait le souffre, comme son père. Cette année, elle avait vu se concrétiser contre son gré un accord entre ses parents et ceux de Pol, qui était des personnages influents en tant que Hauts Membres de la Guilde des Artisans d’Atréia. Le père de Lefaelle, simple fermier, n’avait guère eut le choix que de céder sa main contre l’assurance d’une protection et de fourniture de premiers choix. Elle était promise à cet imbécile, elle était en colère, et tout le monde s’en fichait.
Le jour de la Fête du Réveil serait sa revanche. Elle partirait. La vie de paysan, ça n’a pas d’avenir, la vie de Femme de Pol, encore moins ! Hors de question de finir à tricoter des chaussettes pour de la marmaille bruyante en écoutant un mari abruti parler du fil parfait de la dernière claymore qu’il a sorti de son c…
Adieu Papa, adieu Maman et surtout Adieu Nirdalü, village de son enfance. La route l’attendait, la route l’appelait, la route humide et boueuse, le froid de la nuit, l’inconfort de l’aventure, que du bonheur en perspective !
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Cela faisait déjà un mois que la Mariposa était amarrée au port d’Alérium. Lefaelle observait les mouvements sur les quais, les dockers chargeaient les sacs d’épices, les caisses de produits venues des confins du monde, les dernières richesses en provenance de la capitale bien à l’abri dans des coffres cerclés d’acier. Un balai incessant qui constituait la principale distraction de la jeune équipière ces dernières semaines.
Cela faisait bientôt deux ans qu’elle servait sur le navire volant du capitaine Roussel, cinq qu’elle avait quitté Nirdalü. Sa nouvelle vie était faite de longs voyages, de découvertes des terres lointaines, une vie menée au son du claquement des voiles dans le vent, au rythme des escales dans les ports de fortunes. Et d’attente. De trop longue attente à compter les jours en espérant que le facétieux capitaine, un homme qui mettaient autant de rage à combattre pied à pied les pirates des airs du Sud qu’à négocier la dernière cargaison aux Guildes de la Cité. Du coup, mieux valait-il savoir prendre son mal en patience. Dans ce domaine, comme dans bien d’autre, Lefaelle avait beaucoup à apprendre.
Elle sortit de sa rêverie en apercevant un spectacle singulier. Au milieu des dockers on distinguait nettement la silhouette d’une jeune bourgeoise, sûrement vêtu d’une de ces larges robes si peu pratique qu’affectionnent les demoiselles de la cour, marchant avec la démarche guindée de celles qui ne cherche qu’à empêcher leurs petits talons de déraper sur les pavés glissants des quais. Ce n’était pas la première fois que Lefaelle voyait venir dans la Cité Basse ce genre de fille en mal de canaille. Mais jamais jusque là elle n’en avait vu venir qui transportait une pile de livres aussi haute qu’une hallebarde, pile brinquebalante qui manquait de s’effondrer à chaque enjambée, et qui trainait derrière elle un petit vieux tout rabougri tirant une malle sûrement aussi lourde qu’un brax. Pour achever le tableau, cet improbable duo semblait suivre le fier Capitaine Roussel.
« Houlà » pensa-t-elle.
« -Tiens Lefaelle, puisque tu es là à rêvasser, conduis notre nouvelle passagère dans la meilleure de nos cabine, dit le capitaine sur ton un brin pompeux.
-Elle veut peut-être que je l’aide à porter tout son bardas la p’tite dame ?
-La p’tite dame elle s’appelle Anaelys. Et non, elle n’as pas besoin de l’aide d’une….de…Ses livres sont beaucoup trop précieux !!! »
Lefaelle lui fit signe de la suivre ; passa sur le second pont et s’arrêta devant la porte menant aux cabines. Anaelys se dirigea vers l’entrée dont la hauteur ne devait pas dépasser son épaule, elle s’arrêta quelques secondes à regarder d’un air désespéré la pile de livres qu’elle tenait dans ses bras.
Bah ce n’était pas jouer ! Elle posa la pile, prit une dizaine de livres et s’engouffra dans le navire. Lefaelle la suivis et la guida jusqu’à une chambre inoccupée. C’était déjà exigu, et la petite matelote pouffa en imaginant la jeune femme littéralement envahi par tous ses bouquins :
« - Je crois qu’il va vous falloir choisir entre vous et vos livres, à moins que vous soyez prêtes à dormir dessus ! »
Anaelys haussa les épaules et repartis chercher le reste de son attirail. Le second quartier-maître arrivait justement avec la fameuse malle, suivit du petit vieux à lunette, qui maugréait sur l’humidité, ces articulations et la jeunesse fainéante parce que vous comprenez ma petite dame, de son temps, et bah de son temps, voilà ! Lefaelle n’arrivait pas à savoir si ce drôle de personnage qui accompagnait leur nouvelle passagère était un vieux serviteur ou, à mieux regarder ces riches habits, quelque notable d’Alérium. Elle espérait pour lui qu’il ne comptait pas être du voyage.
Du voyage ? Elle tendit l’oreille : c’était bien le Capitaine Roussel qui parlait d’un possible départ dès demain soir, pour le Ponant, et profiter du thermique pour faire route bon plein. Le son de la cloche de la Mariposa retentit, rameutant l’équipage sur le pont. Tout le monde se regardait, impatient que le commandant du navire prenne la parole.
Certains étaient sortis en hâte, Varajinek le shugo vigie était en train d’enfiler un pantalon, tandis que Bolvig était couvert de mousse à raser. Les jumeaux Jol et Fol avaient encore leurs cartes en main, bien décidés à reprendre leur partie après l’inopportune interruption. L’excitation montait, trois mois d’inactivités ça vous met un équipage sur des chardons ardents dignes des forges Balaurs.
« - Bon les petits, fini la roupille ! Je vous annonce ce que beaucoup attendent depuis longtemps, on lève les voiles de la Mariposa… demain !!!
- Hourraaaah ! Hurla l’équipage !
Roussel fit signe au petit vieux rabougri qui accompagnait Anaelys de s’approcher à coté de lui. Bien qu’il soit, d’après la qualité de ces vêtements, une personne riche, il ne semblait pas vraiment soigné, ces cheveux ébouriffés tombaient par devant sur d’épais sourcils grisonnants, son visage comme ridé par les années à afficher ce petit sourire condescendant qui ne l’avait pas quitté depuis sa montée sur la Mariposa. Il regardait l’équipage avec bienveillance. Lefaelle était intriguée, elle se demandait bien qui pouvait bien être ce singulier personnage. Roussel repris sa harangue.
« - Nous partons pour longtemps. Voici l’Éminent Professeur Matahil, il est, comme vous le savez tous, le Recteur de la Grande Académie d’Atréia. Il est déplacement spécialement à Alérium pour appuyer un projet qui requiert notre concours. Les Roches Flottantes de la grande bordure sont des lieux que l’on sait à la fois dangereux, nombres d’entre nous a déjà eu affaire à ces dédales par le passé, dangereux donc, mais également mystérieux, puisqu’il semblerait selon l’Académie que ces Roches Flottantes abritent les vestiges d’anciennes civilisations. »
On vit Matahil acquiescer à ces mots. Tout le monde écoutait le Capitaine.
« - Je ne vais pas vous mentir, ça va nous changer des routes de commerce. Cette expédition, financer par l’académie, n’a pour but que de ramener le plus d’information possible sur les emplacements de ces vestiges. Pas de marchandises exotiques dans nos caves, pas d’escale dans je ne sais quel port à putes de la région Ouest. Cette fois, c’est l’aventure, la vraie ! Celle qui salit les mains et qui façonne les caractères ! Est-ce que vous vous en sentez capable ?
« - Ouais Capitaine ! Pour Aion et par les vents d’Atréia, nous te suivrons ! » Hurla l’équipage de plaisir. Cette devise, inventée par Roussel lui-même, était une sorte de rituel précédent chaque départ de la Mariposa. Et cette fois, c’était un départ vers l’inconnu.
Anaelys avait observée la scène accoudé au bastingage du pont arrière. Elle souriait de voir tout ces bonshommes prêt à suivre leur Capitaine jusque dans les ténèbres abyssales, ils n’avaient pas l’air très cultivés, bien moins qu’elle assurément, ils étaient peut être un peu fous, mais elle n’avait pas le choix, c’était avec cette joyeuse bande qu’elle irait au bout du monde.
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A suivre...