Chapitre 3 ! Tout neuf et tout beau !

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Chapitre I
Chapitre II






La nuit arriva dans l’effervescence générale. Tout le monde au village avait désormais appris l’arrivée du barde et, comme l’avait prévu Erhmar, le mot s’était répandu dans les villages voisins. On approchait de l’équinoxe de printemps, mais les nuits paraissaient encore longue à la campagne. Il y avait peu à faire, une fois le travail de la journée abattu. On discutait, on buvait, on se promenait. Souvent, on organisait des fêtes ou des bals. Mais rien de tout cela ne pouvait approcher la distraction que promettait un barde.
Un barde ! Rien que le mot transportait quelque chose de magique, et on l’entendait rouler de chaumière en chaumière, alors que les ombres s’étendaient lentement sur la ville. Une à une, les chandelles s’allumèrent derrière les fenêtres, et les gens commencèrent à converger vers le Fil de l’Eau. Pas question de rester chez soi ce soir. Homme, femme, enfants, leurs yeux brillaient dans les lueurs des torches, et les rires résonnaient déjà dans la nuit. Quel spectacle cela serait ! Jamais un barde n’était venu dans la région depuis sept ans, clamaient les anciens. Sept ans ! Les enfants ouvraient des yeux ronds.

Petit à petit, on voyait également affluer les charrettes venues d’autres villages. Les gens y étaient entassés par groupe de six ou huit, et les chevaux essoufflés d’avoir été aussi poussés. De bons gros chevaux de labour, peu habitués au galop. On se saluait, on s’embrassait, on se retrouvait avec plaisir. Six heures de marches séparaient Longue-Rivière de Bois-Rouge, et cela seul rendait les rencontres assez rares pour être appréciées. Dans un roulement de sabots, quelques riches propriétaires arrivaient sur leurs montures. Eux aussi, malgré tout leur argent, se mêlaient avec plaisir à la foule et riaient de concert. Un barde ! Voilà une vraie distraction !
Le village qui avait paru endormi pendant la nuit paraissait se réveiller au crépuscule. Les rues entraient en ébullition, et Mahlin avait bien du mal à se frayer un chemin dans la foule. Si seulement il avait eu les larges épaules d’Aarel, ou bien le sourire charmeur de Shani ! Mais, non, il écrasait des pieds à gauche et à droite en murmurant de vagues mots d’excuse, fendant la foule à la recherche de deux tresses. Deux tresses blondes, avec un n½ud bleu, si sa mémoire était correcte. Un joli brin de fille, s’il avait pris la peine de la pousser dans le canal. Et il avait besoin de compagnie, de quelque chose pour lui faire oublier le sourire que Shani avait dédié à ce grand dadais de Toni Broadhelm. Non, vraiment, comment pouvait-elle lui sourire ainsi ? Elle devait pourtant se rendre compte qu’il n’était qu’un vulgaire charmeur au rictus trop carnassier.

Maugréant tout bas, il continua à marcher, esquissant un sourire poli dès lors qu’il croisait quelqu’un.
" Ah, tu es là ! Viens vite, ça va commencer ! " Aarel apparut soudain à côté de lui et lui prit le bras. " La salle commune est déjà pleine à craquer, il faudra regarder de l’étage, j’ai réussi à trouver des places correctes, grâce à une certaine demoiselle que je ne nommerai pas. Mais dépêche-toi, ou je doute que Betingel patiente toute la soirée ! "
Riant, moitié poussant moitié tirant, le colosse entraîna Mahlin en sens inverse, en direction de l’auberge. Là où Mahlin avait dû se faufiler, les larges épaules d’Aarel ouvraient un chemin sans aucune difficulté.
" Betingel, tu dis ? "
" Oui oui, c’est bien ce que je dis ! Mais je te préviens, elle n’a plus de tresses ! "
Mahlin haussa les épaules, et dégagea son bras de la poigne de son ami.
" Et tu dis qu’elle nous a trouvé des places ? "
Aarel leva les yeux aux ciels.
" Mais qu’est-ce que tu as, ce soir, à me faire répéter cent fois les mêmes choses ? Oui, oui, je te dis, mais dépêchons-nous, ou elle risque bien de changer d’avis. Et je veux voir ce barde, quoi que cela implique entre toi, et elle " Il riait ouvertement, maintenant.
" Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? " grommela Mahlin. La foule était désormais assez dense pour que même Aarel ait à jouer des coudes. Lentement, péniblement, ils arrivèrent au pied de l’escalier qui montait à l’étage de l’auberge.Là encore, les gens se pressaient sur les marches, se dévissant le cou pour voir un spectacle qui n’avait pas encore commencé. Mahlin restait stupéfait devant cette foule. Comment un, voire deux villages, pouvaient-ils contenir autant de monde ?

Enfin ils furent en haut. La vue de l’enfilement de chambre fit soudain hésiter Mahlin.
" Et les Chasseurs ? Ils sont ici ? "
Aarel secoua lentement la tête.
" Non, ils ne sont pas encore rentrés. Je me demande si c’est bon signe ou non. Mais, crois-moi, ces gaillards ne sont pas du genre à lâcher prise s’ils ne font que renifler le début du commencement de l’odeur de Pietr. "
" Oh, je veux bien te croire " acquiesca Mahlin en soupirant. Et puis toute pensée pour les Chasseurs disparut lorsqu’il reçut cent livres de fille dans le ventre.
" Mahlin ! "
Aarel hocha la tête avec componction.
" Mahlin, je te présente Betingel. Betingel, voici Mahlin "
" Je la connais " grogna le jeune homme, cherchant désespérément à voir quelque chose dans la semi-pénombre. Comme par un fait exprès, la torchère au-dessus de lui était vide. Puis Aarel cessa de faire écran contre la lumière, et il put enfin distinguer ses traits.
C’était bien Betingel, il n’y avait pas à se tromper là-dessus. Pas de tresses, mais toujours elle. Et ses yeux étaient si grands et si humides qu’il se sentit mal à l’aise rien que de les regarder.
" Ecoute… " fit-il. " Je… "
" Je n’arrive pas à y croire ! " faisait-elle en même temps. " Un barde à Longue-Rivière, et toi qui arrives le même soir ! Quelle coïncidence, c’est fabuleux ! "
Ses souvenirs étaient vraiment confus. La dernière fois qu’il l’avait vue, elle s’était montrée si insupportable et agressive avec lui qu’il s’était vu contraint de lui rafraîchir les idées. Etait-ce vraiment Betingel qui se blotissait maintenant contre lui ? Alors que tant de villageois se trouvaient autour ? Il se dégagea doucement, et s’assit sur le sol, les jambes pendantes par dessus la balustrade.
" C’est vraiment gentil de ta part de nous avoir trouvé ces places " fit-il en souriant de manière distante. C’était vrai. C’était parfait.

De là où il était perché, il pouvait embrasser toute la salle commune. De nombreuses torches se consumaient aux murs. Les tables étaient toutes remplies, et Erhmar, sa femme et son apprenti avaient fort à faire pour servir tout le monde, malgré tout ce qu’ils avaient pu cuisiner et préparer durant l’après-midi en prévision de la soirée. Tout un coin de l’auberge avait été libéré de ses tables et, malgré l’affluence, personne ne se risquait dans cet espace libre. C’était la scène, et le barde n’allait pas tarder. Il réalisa soudain que Betingel n’avait cessé de lui parler. Se sentant coupable, il reporta son attention sur elle.
" …de ma vie ", disait-elle en ce moment même avec un sourire espiègle. " Et pourtant je suis déjà allée à Trabor, une fois, avec mon père. Tu connais Trabor ? "
" De nom " fit-il dans un vain effort pour s’intéresser à autre chose que les dais de couleurs que l’on était en train de placer sur la scène. " De nom. Tu dis que tu y es allée ? A quoi est-ce que cela ressemble ? " A gauche de lui, les yeux rivés sur la salle, Aarel grignotait un morceau de pain en évitant soigneusement de glisser un regard vers eux.
" Oh, eh bien, à une ville je suppose " expliqua Betingel avec complaisance. " Il y a du monde, beaucoup de monde. Chaque rue est remplie d’au moins autant de personnes que ceux qui s’entassent ici ce soir, tu sais, et il y a des centaines de rues ! Et des ruelles, avec des pavés dorés, et des gens en habits de soie, et des chevaux partout, et… "

Mahlin suspectait qu’une grande partie de cela était exagéré, mais il finit tout de même par s’intéresser à la description qu’elle faisait. Non, ce n’était pas Shani, et son discours était la plupart du temps fatigant pour ce qu’il avait pu en juger, mais cela ne le dispensait pas de se montrer courtois et agréable… quitte à la replonger dans la rivière si jamais elle se montrait trop insupportable.
Le brouhaha dans la salle avait subtilement changé. Les gens avaient cessé de discuter d’eux, de leurs enfants, de leur ferme, de leur vie, pour attendre dans l’expectative. Des cris s’élevaient en de nombreux endroits, réclamant le barde.
Et les torches furent soufflées par un vent mystérieux. Et le barde vint.
" Aaaaaaaah ! "

Ce fut d’abord une forme sombre sur la scène, grande et dégingandée, qui se découpait uniquement par la grâce de la lueur lunaire. Puis les torches autour de lui se rallumèrent, et il apparut enfin clairement. Un homme de haute taille, aux cheveux longs et fins, rassemblés en un catogan comme celui de Mahlin. Il portait une tunique multicolore, qui semblait briller malgré le manque de lumière. Sa cape traînait sur le sol, et chacun de ses mouvements la faisait voler. Elle accrochait les regards, cette cape, si sobre et pourtant si lumineuse. Le silence se fit progressivement dans la salle. Bientôt, on n’entendit plus qu’un ou deux éclats de voix, puis plus rien. L’assistance retenait son souffle. Mahlin grogna lorsque Betingel, fascinée, lui planta ses ongles dans le gras du bras.
Le barde se dressa, les yeux inquisiteurs. Un geste, et une harpe se matérialisa dans ses mains. Il y eut des " aaah " et " oooh " dans la salle. Si Mahlin n’avait pas été posté en altitude, lui non plus n’aurait pas vu le geste fluide qu’avait eu l’artiste pour sortir l’instrument de sous sa cape. Et la musique s’éleva.

Quelques notes sonnèrent, douces et tranquilles, hypnotiques. Puis les notes devinrent accords, et les accords se fondirent en une mélodie, une mélodie apaisante, et triste.
" Je chante. " fit le barde d’une voix monocorde. " Je chante pour les héros d’un autre temps. Je chante leurs victoires et leur défaites, le poids de la trahison et le choc de l’acier. " Lentement, sa voix s’anima. " Je chante l’héroisme des guerriers et les pouvoirs des mages. Je chante les armées en marche, la fatigue et la peur. Je chante les combats qui furent livrés, je chante les morts et les vivants, ceux qui tombèrent et furent oubliés, ceux dont le nom résonne encore, ceux qui sauvèrent le monde et ceux qui voulurent le condamner. Je chante la Guerre des Dix Mois et l’Apocalypse évité. "
La voix était désormais chargée de passion alors que des yeux fiévreux parcouraient la salle. Personne ne bougeait, personne ne parlait.
" Je chante Brajan De’Stil et ses pouvoirs fabuleux, je chante la gloire du héros tombé. Ecoutez, et réjouissez-vous, car Brajan combattit, et Brajan gagna. Je chante les mages à ses côtés." La musique s’arrêta une fraction de seconde, pour reprendre avec plus d’entrain. Le récit commençait réellement. Tout le monde, dans la salle, connaissait l’issue de la Guerre, et les exploits des Mages. C’était quelque chose que l’on racontait aux enfants au coin des veillées, les yeux dans le vague et le sourire aux lèvres. C’était une histoire que tous ici avaient entendu. Mais ce n’était pas la même chose. Non, pas la même chose.
" … et le soleil roulait sur ce champ qu’on appellerait plus tard la Plaine de la Victoire. Les soldats, réunis autour du conseil des Mages, n’avaient pas encore conquis ce nom au fil de leur lame. Le vent se levait du sud, et il sentait la mort. Tous ici savaient qu’ils allaient confronter un Mal plus profond que ce qu’ils avaient jamais vu. Les visages étaient durcis par la tension. Tous des braves, tous des héros. Aucun ne fit demi-tour, et aucun ne fuit lorsque le contact se fit. Le Maudit guidait lui-même ses légions, et sa force était sans limites. Avec lui venaient les Ombres, avec lui venaient les démons, avec lui venait la mort. Elle était là, perchée sur son épaule, tant il avait appris à la domestiquer. Elle astiquait sa faux, et elle riait, car sa moisson serait bonne. Et les guerriers virent sa faux, et ils l’affrontèrent sans ciller, car ils savaient qu’ils n’avaient pas le choix. Et derrière ces guerriers, il y avait les mages. Le conseil des mages, sa gloire et sa grandeur. Brajan De’Stil, qui jamais n’hésita et jamais ne s’adoucit, et qui donna sa vie pour la terre que nous possédons. Horemon le rouge, dont le rire était aussi puissant que ses pouvoirs, et dont le poing toujours défia la faucheuse. Teklan le jaune, sa force et sa vaillance, et la lumière qu’il apporta dans tous les c½urs. Rhodaz le bleu, qui fit se lever la mère de toutes les tempêtes, pour balayer le champ de bataille et le purifier de ses scories, pour disperser l’armée du Ténébreux aux quatre vents. Et Polis, et Mathiez, et Jin, et Topaze, à la beauté sans égale. Et tous se lançaient à corps perdu dans le combat, car eux aussi savaient que cette bataille serait la dernière. Et le Maudit les railla, le Maudit les moqua, le Maudit contra leurs pouvoirs avec les siens, car telle était sa puissance que rien ne pouvait l’inquiéter. Le Maudit piétina leur vaillance, s’abreuva de leur désespoir, et toujours son pouvoir grandissait. "

Il y eut des gémissements dans la salle. De toutes parts, les gens se mettaient à pleurer. Quelques rudes fermiers au visage austère se retrouvaient à gémir devant la vision d’apocalypse que le barde dépeignait. Les enfants, sur les genoux de leurs parents, se cachaient la tête dans les mains, et leurs pleurs résonnaient dans la salle. Tout le monde savait comment l’histoire se terminait, mais il était difficile de faire la part des choses alors que le barde recréait tout cela devant eux. Mahlin se surprit à trembler devant l’évocation si réaliste du Déchu. Betingel s’était à un moment ou à un autre blottie contre lui, et il ne l’avait pas repoussée. Elle serrait sa main fermement dans la sienne, une petite main blanche de gamine terrorisée. Quel âge avait-elle ? Pas plus de dix-sept ans, certainement. Il se sentit un peu coupable, puis sursauta lorsque la voix du barde prit de nouveau de l’ampleur.
" Les épées gisaient sur le sol, les casques et les cuirasses étaient brisées. Les cadavres jonchaient la plaine, et la Mort riait de plus belle, car elle savait comment tout cela allait finir. Mathiez était tombé au milieu des flammes qu’il n’avait cessé de créer. De Polis la Sage, il ne restait plus que des cendres fumantes, et cendres également devinrent les plantes qu’elle chérissait. Horemon l’invincible tomba à son tour, après que mille coups aient écorché son corps d’acier jusqu’à le dépecer vivant. Et Teklan, et Jin, et Topaze, dont la beauté venait d’entrer dans la légende, et dont les illusions ne furent d’aucun effet contre Celui Qui ne Rêvait Pas. Tous, ils tombèrent, car tous, ils se battirent jusqu’au bout. Amis, ne pleurez pas leur mort, car c’est ainsi qu’ils l’ont voulu, et ainsi sera révérée leur mémoire. Et Brajan De’Stil se trouva face à face avec le Déchu."
" Il va le battre ! Il va le battre " chuchota Betingel, toute excitée. Mahlin lui sourit. Aarel, dans l’ombre, arborait un rictus de loup, et ne cessait de caresser sa hache. Nul doute que s’il avait été là, aux côtés de Brajan, celui-ci n’aurait pas eu à se sacrifier.
" Le silence était total. Les combats cessèrent, car il est dit que la Mort cessa sa moisson, cessa de faire ce qu’elle faisait de toute éternité, pour regarder le combat. Et seule elle savait qui elle allait emporter dans son royaume, où il n’y a plus guerre ni bataille, rien que le néant et le froid. "

" Brajan va gagner ! " hurla quelqu’un dans la salle. Des cris d’approbation lui répondirent de toute part, puis se calmèrent alors que tous se penchaient en avant pour entendre la suite.
" Le combat fit rage durant huit jours et neuf nuits " continua le barde, perdu dans sa musique. " Car si la Vie peut chasser les Ténèbres, celles-ci peuvent corrompre toute chose. Les sortilèges les plus puissants jamais crées furent lancés cette semaine là, et jamais l’énergie ne semblait leur manquer. Leurs coups étaient de plus en plus puissants, et leurs boucliers faiblissaient au fil des jours. Le premier jour de leur affrontement vit la mort de tous les êtres qui combattaient sous une bannière ou une autre. Et, alors que la Mort regardait le combat, ainsi regardèrent toutes ces âmes, qui attendaient d’être conduites dans l’au-delà. "
La musique s’arrêta. Le silence dura pendant près d’une minute, puis les spectateurs s’ébrouèrent de toute part. Cela ne pouvait pas être fini, pas comme ça, pas maintenant. Betingel ouvrit des grands yeux interrogateurs, et Mahlin ne put que hausser les épaules, frustré. Puis il sursauta lorsque un grand crépitement se fit entendre, comme si un éclair s’était abattu sur l’auberge. Et la musique reprit, forte, forte, puissante !
" Et Brajan hurla son désespoir de se faire inexorablement repousser, et son bouclier finit par voler en éclats. Et le Maudit clama sa victoire en réunissant toutes ses forces. Les ténèbres se concentrèrent entre ses mains, et la lumière fut absorbée de toutes parts. Cette attaque signait la fin de Brajan, la fin des huit royaumes, l’ Apocalypse. Et l’attaque fusa, et toute vie disparut sur la trajectoire de cette boule de ténèbres, tant puissante était son pouvoir." Une pause, courte, très courte, dans la musique. " Mais Brajan n’était pas là. Brajan n’était plus là. De ses dernières forces, agonisant déjà, il avait utilisé sa dernière carte. L’énergie noire, si noire, ne traversa qu’une illusion, et le Déchu hurla sa rage. Et Brajan sourit, car il sut qu’il pouvait gagner. Pour cela il s’était sacrifié, et avait sacrifié ses pouvoirs. L’énergie blanche qu’il avait utilisée jusque là, dans laquelle il avait puisé durant huit jours et neuf nuits, se dissocia, et les sept couleurs rayonnèrent en lui. Déjà il s’était inconsciemment servi du Violet pour créer une image de lui. Et dans cette semi-conscience, il appela les autres Couleurs. Et la Terre se souleva, et les Cieux s’ouvrirent, et la Foudre tomba. Et l’Eau se mit à bouillonner en lui, et le Feu jaillit de sa main pour terrasser le Ténébreux. Et, sous une aube écarlate, Brajan frappa. " La musique cessa d’un seul coup, après avoir atteint des sommets. " La Mort se retira, emportant avec elle Brajan et Hermon, au nom désormais maudit. Devant un tel tribut, elle négligea les âmes des morts qui avaient assisté au combat, et ceux-ci se répandirent de par le monde pour propager la nouvelle. La nouvelle de la Dernière Bataille, et de la Victoire. " Le barde laissa retomber sa voix. " De la Victoire. Ainsi on m’a rapporté l’histoire, et ainsi je vous la transmets. Ainsi elle se transmettra, et jamais ils ne seront oubliés. Brajan, Jin, Maerthe, Polis, Teklan, Rhodaz, Horemon, Topaze à la beauté éternelle. Brajan. Dans la Plaine de la Victoire ils reposent, et nul autre endroit ne leur aurait convenu. "
Il se tut, pour de bon cette fois. Mais, à la différence de ses autres interruptions, personne ne bougea ni ne parla durant un certain temps. Il ne fallait surtout pas briser la magie. Le Ténébreux était vaincu. L’histoire était terminée, et le monde était sauvé.

Quelque part, au fond de la salle, à droite, un timide applaudissement retentit. Un autre lui fit écho, puis un autre. Quand Mahlin retrouva assez d’énergie pour frapper dans ses mains, c’était un véritable tonnerre d’applaudissements qui déferlait sur la salle. Tous, ils applaudissaient. Ils criaient et ils hurlaient, les parents, les enfants, les garçons et les filles, tous payaient leur tribut en applaudissant. Le barde s’inclina une fois, deux fois. Même à cette distance, Mahlin pouvait remarquer la sueur qui lui coulait sur le front. Il avait les yeux dans le vague, et l’air perdu, comme s’il avait lui aussi vécu l’histoire qu’il racontait, et replongeait brutalement dans la réalité.
Les cris et les applaudissements ne se calmèrent pas avant un bon moment, et Mahlin n’était pas le dernier à hurler. A côté de lui, Aarel s’époumonait. Betingel n’applaudissait pas, car cela l’aurait obligée à lâcher le pourpoint de Mahlin ; mais elle criait comme les autres. Jusqu’au moment oà l’aubergiste, suant et soufflant, s’introduisit sur la scène, à côté du barde, mains levées pour réclamer le silence.
" Du calme, du calme ! Je vous demande un peu de calme, s’il vous plaît ! " Le tumulte diminua progressivement, jusqu’à cesser complètement. Les yeux brillaient dans l’obscurité. " Permettez-moi de vous présenter Maître Sheez, qui a fait un long chemin pour venir jouer dans nos régions. Malgré son talent certain, il a choisi une vie hasardeuse pour distraire les villages les plus reculés, et je crois que nous lui devons une ovation ! " Les gens hurlèrent et piétinèrent, et des vivats s’élevèrent de toute part. " Je crois qu’il n’y a pas besoin de parler plus avant, vous avez tous entendus la Geste des Mages. " Il fronça un sourcil de manière comique. " Que les enfers m’engloutissent, mais je n’aurais jamais imaginé que tout cela se soit passé ainsi. Quelle bataille, mes amis, quelle bataille ! " Il y eut des rires dans la salle. " Mais je vois que je vous dérange, ce que vous voulez, c’est le barde, pas mes radotages – que vous avez d’ailleurs amplement le temps d’apprécier lorsque vous venez boire ici ! " D’autres rires. " Sur ce, je vais vous demander de bien vouloir quitter mon auberge et d’investir les rues ! Ce soir, vous allez danser, je vous le promets ! Et n’oubliez pas, lorsque vous vous sentez fatigués, de venir prendre un verre de vin dans mon auberge ! Le meilleur vin de la région ! " Huées. " Place à la danse ! " Cris.

Mahlin poussa un léger soupir. Il aurait bien aimé que le barde enchaîne sur une autre histoire. Il y en avait tant à raconter. La Geste des Compagnons, le Bastion des Ames, les Prouesses du Roi des Saules… Tant de contes et de légendes qu’il avait lues avec passion dans les lourds grimoirs de maître Khorr, et qui pouvaient prendre vie sous ses yeux, pour peu que l’homme, en bas, sur la scène, s’en donnât la peine.
" C’était si merveilleux… " murmura Betingel, collé à lui, les yeux dans le vague. Il faillit bondir de côté. Il avait presque oublié sa présence, tout au spectacle. " Tu viens danser ? "
" Danser ? Je… je ne sais pas. Je n’ai jamais été un très bon danseur… "
" Je t’apprendrai ! Allez, viens ! " Elle se leva d’un bond, et s’étira en gémissant. " Par les Couleurs, combien de temps sommes-nous restés là ? Je me sens toute engourdie ! "
Mahlin se leva, lui aussi, et grimaça. Il avait des fourmis dans les jambes.
" Je ne sais pas, mais plus de deux heures, je dirais. Je crois bien que j’ai perdu la notion du temps… "
" Raison de plus pour danser, tu vas voir, je saurai bien te réveiller ! "
Elle lui saisit le bras d’une main autoritaire, et l’entraîna au bas de l’escalier, dont les marches avaient été désertées entre temps. En quelques minutes, l’auberge s’était vidée, comme par magie. On entendait au dehors le son du luth et du pipeau et, guidant la musique, la voix profonde du barde. Des rires et des encouragements fusaient de partout. Dans la salle commune de l’auberge, il n’y avait plus qu’Erhman et son épouse, occupés à restaurer hâtivement un semblant d’ordre. Dame Maud écarquilla les yeux en les voyant.

" Eh bien eh bien, vous êtes encore là ? Dépêchez-vous, ce serait tout de même dommage de rater le bal, surtout un bal comme celui-là ! Ah, si j’avais votre âge, vous pouvez parier que j’y serais en ce moment, en train de faire tourner ma jupe sur La Fille du Cordonnier. Mais oui, j’ai été jeune moi aussi, vous savez ? "
" Vous avez besoin d’aide, peut-être ? " demanda poliment Mahlin, appréhendant déjà les premiers pas de danse. Erhman releva la tête et le regarda comme s’il le voyait pour la première fois.
" De l’aide ? Cette nuit ? Mais la nuit est à vous, jeunes gens, allez-y ! Oubliez-nous, nous nous débrouillerons bien tout seul, allez. Notre apprenti est parti danser, ce n’est pas pour que nous embauchions d’autres bras. Allez, allez, déguerpissez ! " Il agita son torchon comme pour chasser des mouches..
" Tu vois bien, qu’ils n’ont pas besoin de nous " fit Betingel, contrariée. " Il fut un temps où tu étais plus empressé… "
" Je suis poli, c’est tout ! " protesta Mahlin, mais déjà il se faisait entraîner vers la porte. Il haussa les épaules et lança un regard impuissant à l’aubergiste.
" Les femmes… " répondit celui-ci en riant. Puis son rire mourut alors que la porte s’ouvrait et qu’une cape blanche se déployait dans l’entrebaillement de la porte. Betingel poussa un petit cri et se réfugia derrière le dos de Mahlin. Le jeune homme fronça les sourcils.
" C’est une belle nuit, aubergiste " constata le Chasseur en rentrant. " Une nuit de fête et de noce. Je suis surpris de voir un barde dans un village aussi reculé. " L’homme en robe violette entra sans un bruit derrière lui et, sans un regard pour la salle commune, monta l’escalier.
Derrière lui, les visages toujours aussi fermés, arrivaient les autres. Sur un signe de l’homme en blanc, ils s’inclinèrent devant l’aubergiste et montèrent dans leurs chambres. Le parquet craqua et gémit sous le martèlement de sept paires de bottes.
" Le bonsoir à vous, messire " fit dame Maud en s’inclinant, voyant que son mari n’avait pas l’intention d’entamer la conversation. En fait, il paraissait très occuper à nettoyer une table dans les moindres recoins. " C’est effectivement nuit de fête. Pourquoi ne prendriez vous pas une coupe de notre excellent vin ? Je suis sûr que vous mourez d’envie de vous joindre aux farandoles ! " Son sourire paraissait forcé, mais elle alla néanmoins chercher un cruchon sur une des tables, et commença à remplir un gobelet. Le Chasseur la regarda faire, puis secoua la tête.
" Pas de vin, merci. Je monte me coucher. Nous avons besoin de dormir. J’espère que votre… fête ne se prolongera pas trop tard, le bruit est insupportable. " Le sourire de dame Maud se figea. " Une région intéressante que la vôtre, aubergiste. De nombreux potentiels, et de nombreuses surprises. "

Mahlin sursauta. Avaient-ils attrappé Pietr ? Erhman affirmait pourtant que nul ne pouvait trouver ce dernier s’il cherchait à passer inaperçu. Et s’ils l’avaient trouvé, que lui avaient-ils fait ? Visiblement, le petit homme rondouillard n’était pas avec eux.
La même interrogation dut se faire jour dans l’esprit de l’aubergiste, car celui-ci cessa de s’intéresser à sa table pour croiser le regard du Chasseur.
" Oh ? Vous avez trouvé l’alchimiste ? " fit-il d’une voix traînante. " Félicitations. "
L’homme en blanc le regarda un instant, le visage de pierre.
" Non, nous ne l’avons pas trouvé. Mais qui se soucie d’un alchimiste raté ? Non, nous avons trouvé bien mieux. " Il eut l’air d’hésiter un instant, et son regard se posa sur les deux jeunes gens, près de la porte. " Bien mieux. Sur ce, je vais me coucher. Bonne nuit. Demain sera une rude journée. "
Sans un mot de plus il fit demi-tour, ignorant les regards meurtriers que lui lançaient le couple d’aubergistes. On entendit ses bottes claquer sur les marches, puis une porte s’ouvrit et se referma. Et ce fut le silence.
" Quel odieux bonhomme " grinça dame Maud entre ses dents. " Je ne sais pas ce qui me retient de les jeter dehors à coups de pieds dans le derrière, tous autant qu’ils sont ! Et pourtant, les Couleurs savent que je ne suis pas une femme violente. " Elle disait cela, et elle faisait craquer ses jointures avec colère.
" Ils ne cherchent qu’à se faire remarquer " temporisa Erhman avec un soupir. " Mieux vaut ne faire semblant de rien, et attendre qu’ils partent. Deux jours, ils ont dit. Pas plus. Tu pourras tenir ? " Il eut un tendre sourire pour son épouse, et elle le lui rendit.
" Deux jours. Pas plus. Je vais essayer. " Son regard erra dans la pièce, sans but, puis se fixa sur les jeunes gens. Son visage se décomposa. " Oh, mes pauvres enfants, comme je m’en veux que vous ayez vu cela ! Ces odieux mages ! Il faudrait les brûler, tous autant qu’ils sont, voilà ce que je dis ! Mais ils sont couchés, maintenant, et la nuit ne fait que commencer ! "

Betingel resta un instant serrée contre Mahlin, puis elle se secoua.
" Vous avez raison ! Viens, Mahlin ! Montre-moi un peu si tu es un si mauvais danseur ! "
Son éclat de rire se perdit dans la musique qui résonnait dehors. Partout, les gens dansaient et riaient. Le barde était invisible, avalé par la foule, mais sa musique résonnait toujours, avalant les autres instruments, guidant la mesure, rajoutant une part de rêve aux mélodies les plus ordinaires. En ce moment, les musiciens jouaient Une femme de plus pour le fermier Galowin, et le rythme endiablé parut faire son effet sur Betingel. Sans hésiter, elle prit sa place dans les lignes qui se formaient, et Mahlin se retrouva, il ne savait comment, devant elle.
" J’adore cette chanson ! " hurla-t-elle pour se faire entendre, riant tout en parlant. Ses cheveux volaient en tous sens alors qu’elle bondissait au rythme de la musique, et Mahlin ne pouvait qu’admirer. Il se savait incapable de la suivre, et aurait en temps normal choisi une cavalière qui l’eût fait moins remarquer. Ou bien Shani. Mais il n’avait pas vraiment le choix. Et il commença à trouver les pas.
" Voilà, très bien ! Mais dis-moi, on dirait que tu as fait cela toute ta vie ! " railla-t-elle alors qu’il trébuchait.
" Je t’avais prévenu… "
" Je plaisantais ! Tu es mon danseur préféré ! "
La musique s’élevait et retombait alors que la voix grave, quelque part derrière ce mur de corps en sueur, continuait à relater les tribulations du fermier Galowin et les colères de son épouse.
Elle était blonde et avait un mari
Mais elle lui plut, il lui sourit
Et le soir, quand la lumière faiblit,
Quand la lune cache les ébats interdits,
Elle le rejoignit dans le foin de l’étable à vaches,
La troisième femme du fermier Galowin !

Pauvre fermier Galowin, avec toutes ses femmes. Mahlin était bien en peine de se débrouiller avec une seule, qui lui tourbillonnait présentement dans les doigts, corrigeant avec adresse ses écarts de rythme. La musique était prenante, la voix était captivante, et il dansait sous les étoiles. Où diable était Shani ?
Et il riait de leurs discours,
" L’amour n’est qu’un poison amer "
Et comme le fermier Galowin
Les hommes changent de cavalières !

Batingel lui lança un regard pétillant, et ils furent séparés alors que tous les hommes bougeaient d’un rang vers la droite, se trouvant à danser avec une nouvelle fille. Mahlin faisait désormais face à une jeune demoiselle en robe de soirée bleue, et certainement chère. Une fille de marchand, certainement. Elle le bouscula en dansant, riant des erreurs qu’il faisait comme des siennes propres. Un roulement de tambour, et il changea de nouveau de cavalière.
…A votre place et sous la lune
Que ferait ce cher Galowin ?

Rien, il ne ferait rien avec celle-ci, en tout cas, constata Mahlin en étreignant celle qui dansait avec lui désormais. La quarantaine passée, elle riait fort et sentait la sueur. Il ne fut que trop soulagé de changer de nouveau au couplet suivant. Et Shani se retrouva dans ses bras.
Et qui pourrait lui reprocher
De les avoir toutes embrassées
Agé mais en bonne santé
C’est notre fermier Galowin !

" Je ne t’ai pas vu de la soirée " constata Mahlin avec un sourire espiègle. " A croire que tu te cachais ? "
Elle lui écrasa le pied avec une douceur sadique.
" J’écoutais le barde, comme tout le monde. Quelqu’un m’avait réservé une chaise, n’est-ce pas gentil ? "
Il la fit tournoyer autour de lui d’une pression de la main, puis la rattrappa de justesse et se lança à son tour dans un mouvement qu’il espérait fluide
" Oui, moi aussi j’ai pu trouver un endroit agréable. Et je n’imaginais pas les bardes comme ça. "
Tout pour détourner la conversation de Toni Broadhelm et Betingel. La musique s’arrêta sur une dernière note triomphale, alors que le fermier se mariait pour de bon mais continuait de consoler ses autres femmes. Tout le monde applaudit, essoufflé. Les couples séparés se reformaient lentement, alors qu’une vielle commençait à jouer une mélodie douce. Dieu du Foyer, si seulement Betingel voulait bien traîner un moment de plus à le chercher !
" C’est une nuit féérique " commenca-t-il, se sentant un peu maladroit, alors que Shani, après avoir promené son regard dans la foule comme pour chercher quelqu’un, se tournait de nouveau vers lui. " Profitons-en. Demain, nous rentrons chez maître Khorr "
" Oui. C’est la première fois que nous arrivons à Longue-Rivière en pleine fête. Je dois dire que c’est agréable ! "
Elle se laissa enlacer au rythme de la musique, distante et pourtant si présente. Pendant un moment, ils ne parlèrent pas. Ces chansons ne durent jamais assez, et la vielle se tut finalement, dans une atmosphère de calme surprise.
" Mahlin ! Où est-ce que tu étais ? "
Betingel se matérialisa soudain devant lui, cheveux en bataille, toute excitée, martelant sa poitrine de ses petits poings.
" Tu devrais avoir honte de me laisser comme cela à la merci de tous ces hommes ! Tu n’as donc aucune fierté ? Viens ! "
Elle ne jeta d’abord qu’un bref regard à Shani, puis la toisa de nouveau, suspicieuse.
" Tu permets que je te l’emprunte ? " Hochement de tête. " Merci. "
La musique devenait de plus en plus douce, et Mahlin se retrouva séparé de Shani, la tête de Betingel sur l’épaule. Shani lui lança un regard noir, puis elle se détourna. Et étouffa de justesse un cri de surprise alors qu’il venait vers elle.
Il était grand, et paraissait un peu perdu. La capuche qui avait jusqu’alors recouvert son visage était repoussée en arrière, découvrant des traits d’une beauté stupéfiante. Une beauté sereine qui n’appartenait qu’aux héros statufiés. Non, quelle statue pouvait bien retranscrire une telle… une telle splendeur ? Reprends-toi, ma fille. Elle tenta de détourner les yeux, mais c’était au-dessus de ses forces. Sa démarche féline était hypnotisante. Il avait de longs cheveux blonds, fins, libres, qui lui donnaient un air androgyne. Mais sa beauté n’en était que plus frappante Et il marchait droit sur elle !
" Bonsoir… m’accordez-vous cette danse ? "
Les yeux de Mahlin lui sortaient la tête. Que faisait ce Chasseur ici, alors que les autres étaient couchés ? Et avec Shani ? Comme si Toni ne suffisait pas. Refuse, ma grande. Refuse !
" Avec plaisir " répondit-elle. Son sourire était hésitant. Elle avait légèrement rougi et jamais elle n’avait été plus belle que sous cet éclairage diffus. Le mage s’inclina avec grâce et lui prit la main pour l’attirer à lui. Ils commencèrent à danser. Il dansait bien.
" Comment vous appelez-vous ? " demanda Shani à un moment
" Dous " fut la réponse.
A la fin de la chanson, la musique baissa puis s’arrêta, et ils se séparèrent. Sans prendre garde au bras de Betingel, Mahlin tapota l’épaule du mage.
" Excusez-moi de vous déranger, mais que faites-vous ici ? Je croyais que vous deviez dormir avec les autres, en prévision d’une dure journée ? " A peine avait-il parlé qu’il se rendit compte combien il devait paraître impoli. Mais il ne se sentait pas de bonne humeur. Et la beauté aristocratique de l’homme le frappait comme un soufflet.
Dous ne parut pas offensé. Il lissa les pans de sa toge d’une main tranquille.
" Je ne fais pas partie des Chasseurs, je me suis simplement joint à eux ; il se trouvait que je passais par là. Donc, je ne réponds aux ordres de personne. Les autres se prennent bien trop au sérieux, mais cela fait bien longtemps que je n’ai pas participé à une fête ou un bal. " Il hocha la tête, pensif. " Oui, bien trop longtemps. Ca me manquait. J’espère que vous ne voyez pas d’inconvénients à ce que je me joigne ainsi à vous ? "
" Non, aucun " firent Shani et Batingel de concert alors que Mahlin avait encore la bouche ouverte, sur quoi Betingel ajouta d’un ton de conspiratrice : " nous ferions mieux de les laisser seuls, ne crois tu pas Mahlin ? Allez, viens ! " Elle aussi était restée bouche bée devant le visage du mage, mais celui-ci ne lui accorda pas même un regard.
La danse suivante commençait, et il ne prêta que peu d’attention aux pas, les yeux fixés sur Dous.
" …cela doit être un travail passionnant " disait Shani.
" Oui, c’est ce que la plupart des gens disent. Mais je dois dire que je le trouve ennuyeux par moments. La discipline est bien trop sévère, et on se demande parfois pourquoi il nous faut traquer avec tant d’acharnements de pauvres herboristes qui n’ont jamais fait de mal à personne. Prenez ce Pietr, par exemple. Quel mal peut-il faire ? Les gens parlent plus facilement devant moi que devant les autres, vous savez. Je ne sais pas pourquoi. Mais d’après ce que j’en ai appris, cet homme ne ferait pas de mal à une mouche, et ses remèdes sont même parfois efficaces " Il gloussa " C’est rare, de nos jours. Et pourtant, notre travail est de le chasser et de le traîner de force à l’Université, ou de le faire passer en jugement. Non, je ne dirais pas que c’est passionnant. "
Ils dansèrent un moment en silence. La musique devint plus forte, et cacha la plupart de leur conversation. Mahlin se mordit les lèvres de frustration, entraînant insensiblement sa partenaire près du couple. Betingel riait et fredonnait au rythme de la musique. Un autre soir, il l’aurait trouvée attirante. Ce soir, il avait une furieuse envie de la noyer dans la fontaine du village. La musique se calma, et de nouveau il put distinguer leur discussion.
" Nous risquons de nous attarder un peu dans le coin " racontait le mage.
" Oh ? " demanda poliment Shani. " Mais vous disiez vous-même que cet alchimiste n’avait que peu d’importance ? Vous feriez mieux de le laisser exercer tranquillement, dans ce cas. Le village a besoin de lui, vous savez… "
Dous hocha doucement la tête.
" Il s’agit bien de cet alchimiste. Non, il y a un autre problème, par ici. La forêt… "
Mahlin rata un pas de danse, et faillit tomber. Batingel lui sourit avec indulgence.
" Un problème ? Dans la région ? Que les Couleurs me protègent, mais nous sommes aux extrêmes bordures de l’Empire, qui irait s’enterrer ici ? "

Dous lui lança un regard acéré.
" Vous parlez bien mal de votre village. Je l’aime beaucoup, pour ma part. J’aime son ambiance et ses sourires. Si vous allez un jour dans une grande ville, et la vie est ainsi faite que vous irez certainement, vous constaterez combien les sourires sont une denrée précieuse. Et, pour répondre à votre question, de nombreux opposants au Conseil des Mages, des rebelles, des hors-la-loi, se réfugient dans les endroits les plus inaccessibles. C’est justement le côté perdu de cette région qui en fait un endroit tout désigné pour de tels individus… "
Son visage s’était fermé alors qu’il parlait. Il parut s’en rendre compte, et l’instant d’après il était de nouveau tout sourire.
" Mais ne parlons pas de cela ici, nous sommes ici pour danser. Dansons ! "
Shani rit et se mit à virevolter avec dextérité, mais ses lèvres restaient pincées, et un pli barrait son front. Elle finit par demander.
" Que disiez-vous au sujet d’une forêt ? Vous voulez parler de la Forêt Hurlante ? "
Dous inclina la tête.
" La Forêt Hurlante ? Le nom est approprié… Oui, c’est bien de cette forêt donc je parle. Vous êtes vous déjà promené dedans ? Non ? C’est intéressant, vous savez. Il semblerait que quelqu’un maintienne cette forêt sous contrôle climatique. La température là-bas est bien plus douce qu’ici, et un vent tiède transporte les graines en tous sens pour aider la germination. "
Il haussa les épaules.
" Un mage vit sans aucun doute dans ces bois. Il est non autorisé. Demain, nous le débusquerons et nous le pendrons. "
raaaaaaaaaah !!!! jviens de lire le II et III d'un shot !!

pitin pitin pitiiiin la souiiiiiiiiiiiiiiiiite siouplaiiiit !!

Boudiou ! Crapo ! ayait tu recommences ! 'suis accros !! naveuleresteuh !!
Je viens de Coper-Coller les 4 Chapitres et maintenant je vais me lancer ! Elle a l'air très bien ton histoire !

Voyons voir le début.......euh .........Déja c'est bien
J'ai enfin pris le temps de lire ce chapitre, pas mal du tout, j'ai même appris un mot : Consomption


Je vais m'imprimer le 4 et aller me cacher pour le lire tranquillou
Post
Réponses en vrac (oh, the wisdom, the humanity !)


Citation :
Publié par Thog
tu envisage de faire un pdf à la fin?
Mwhahaha, il faut souffrir pour mériter le chapitre quotidien, il faut le déchiffrer sur l'écran glauque de l'ordinateur poussiéreux, les petits yeux blessés par la lumière défaillante...

Plus sérieusement, je ne pense pas faire de PDF tout de suite puisque l'histoire est en évolution permanente, et que je corrige au fur et à mesure de vos commentaires...

Citation :
Publié par Masklinn
Bon Greugreu je me dois de poster un ultimatum (de savoie)
Tu n'es vraiment qu'un vieux débris (de Meaux)


Citation :
Publié par WiX
bon, j'ai pas lu (le nombre de ligne ma effrayer ) mais vu le nombre de ligne tu pourrais écrire un livre
C'est l'objectif, hein
Mais faut pas avoir peur, ce n'est pas sale, c'est la nature...

Citation :
Publié par Rakay
J'ai enfin pris le temps de lire ce chapitre, pas mal du tout, j'ai même appris un mot : Consomption
J'ai mis consomption quelque part, moi ?
Houla je ne sais pas pourquoi j'ai écrit consomption à la place de componction ...

Parce qu'en plus Aarel a l'air de tout sauf d'un malade


Au passage mon avis sur le IV : Pour le moment celui que j'ai préféré, j'ai bien envie de lire le V pour voir ce que tu nous réserve, les personnages sont posés et avec quelques petites scènes bien senties, tu nous décris bien les caractères et traits de chacun. Une petite interrogation sur la fin du chapitre pour nous tenir en Haleine, j'attends la suite ^^
Unhappy
Hum hum

J'ai vraiment un mal de chien a me mettre dans l'ambiance, je comprends pas. Pourtant, a part les broutilles que je souligne a chaque fois, j'ai rien a redire... vraiment, je comprend pas.

Impressions a show :

Les gens avaient cessé de discuter d’eux, de leurs enfants, de leur ferme, de leur vie, pour attendre dans l’expectative.

Selon définition de l’académie française :
"Expectative. s. f. Se dit aussi d'une espérance, d'une attente fondée sur quelque promesse, sur de belles apparences."
D’où répétition entre attendre et expectative…

Horemon le rouge, dont le rire était aussi puissant que ses pouvoirs…

Dont ==> le rire et Les pouvoirs
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