Presque.
(oui je me suis dit aussi que j'aurais dù trouver un truc un peu plus comparable avec un livre, disons ce haiku : "Gros caca. Dans un bol. Pas de bol." ou un roman de gare genre Brigade des Mœurs ou Harlequin)
Je ne parlais pas de revenir à mais de ne considérer ou pas comme de l'art.
Dans les œuvres sélectionnées dans ton "Presque", je ne vois pas beaucoup d'anomalies. Perso, je trouve super l'installation "machine à caca" et je n'aime pas trop "Springle Brigade" mais il faudrait considérer ce que ça donne en tant que série, dans une énonciation.
Après c'est peut être ce genre de déformation professionnelle qui est la source de la vision de l'art de certains cultureux, où il y aurait des espèces d'élus (genre ton "un ou deux par génération", formule qui soit dit au passant me fait toujours rire, on aurait donc droit à autant de génies qu'au XVIIème siècle en étant 20 fois plus nombreux et 100 fois plus avancés techniquement et développés en terme de structures d'enseignement artistique) tandis que tout le reste serait plus ou moins sans valeur.
Pour des trucs comme la peinture, qui ne nécessitent pas beaucoup de moyens, c'est sans doute vrai. Maintenant si tu écris pour un orchestre, tu as sans doute moins de chances statistiques de te faire entendre. Idem pour le cinéma, théâtre, etc.
Si je crois plus ou moins au talent je pense plutôt qu'il y a un pourcentage relativement élevé (je sais pas 10% ?) des gens qui ont le nécessaire à devenir des grands dans leur discipline*
(* après il peut y avoir un groupe plus petit d'ultra favorisés dans le cas d'arts bénéficiant de traits rares combinés, genre oreille absolue + ambitus exceptionnel en chant, mais il n'est a priori pas nécessaire d'être un tel mutant pour devenir un grand)
Ton *, c'est ce dont je parlais.
A l'arrivée je ne pense pas qu'il y ait beaucoup plus de "sans valeur aucune" que de talentueux, à moins que le degré de "corruption" d'un milieu artistique soit particulièrement élevé.
Je ne crois pas qu'on puisse tenir longtemps sans aucun talent. Il y a généralement toujours du travail. Je ne pense pas pour autant qu'on puisse définir l'art uniquement par la maîtrise des moyens. C'est une vision du monde, une énonciation comme je disais plus haut. Forcément, certaines énonciations sont plus singulières, s'affirment avec plus de force que d'autres.
L'exemple qu'on donne toujours, c'est Céline: "je n'aime pas ses idées mais quel style!". Dans "quel style" on dissocie forme et fond, on croit "sauver" l’œuvre, on se situe dans l'évaluation marchande petit-bourgeoise. C'est pareil que le "c'est bien peint". Edward Hopper, c'est mal peint, mais on s'en fout. Ce qu'on aime chez Céline, ce n'est pas tant le style en soi, que le style qui est aussi une vision de l'homme, toute boueuse soit-elle. Je crois que c'est Duras qui faisait la distinction entre le style ("bien écrire", utiliser des ornements de langage...) et l'écriture. Le début de l'Etranger c'est du sujet-verbe-complément, c'est pauvre et dépouillé. Mais c'est de l'écriture (l'écriture blanche disait Barthes, le non style absolu).
demandera t'on à une chanteuse d'être belle en plus
C'est sans doute vrai aujourd'hui pour la variété commerciale à destination des adolescents prépubères. Susan Boyd a été l'exception confirmant la règle mais elle n'avait pas une voix terrible non plus.
Il y a pas besoin d'une initiation particulière pour trouver beau la chapelle Sixtine ou la flûte enchantée de Mozart.
Ce qu'on appelle "l'initiation" ne serait pas en réalité de l'auto-suggestion ?
Initiation n'est pas le bon mot, effectivement. Je pense que cela suppose de voir beaucoup de trucs, de se former le regard. Pourquoi l'exemple de la chapelle Sixtine? Parce que les corps Renaissance sont beaux? Je trouve que l'émotion esthétique n'a rien de spontané ou d'inné. Tu cites Mozart mais si tu prends Wagner, dont personne ne conteste le génie, ça ne flatte pas d'emblée les oreilles candides.
C'est variable. Le travail de Carole Benzaken, si on t'en donne les clés, tu peux t'y intéresser, et même sans les clés tu peux ressentir que ce n'est pas quelque chose de totalement vain. Le clou planté dans un mur ou les boites de conserve "merde d'artiste", tu peux éventuellement t'en amuser quelques secondes, mais tu ne va pas les contempler. Et à l'inverse, les tableaux de Mad Meg (oh, elle doit plaire à Worstbobo elle...), tu peux rester très, très, très longtemps devant, même sans "initiation"
Je ne crois pas que le critère soit la durée de contemplation ou la capacité à éveiller une rêverie. Il y a des œuvres que tu saisis d'un seul coup d’œil, conçues pour ça (cf le Pop Art par exemple où on est dans la visualité pure).
De plus, il y a aussi des "énonciations" qui ne durent pas. Le spectacle vivant en est la preuve: des corps, un moment présent qu'il faut toujours réinventer et faire exister. Si génial soit le metteur en scène, une pièce ne dure pas, vieillit très mal (je ne sais plus le nombre exact de représentations au-delà duquel il ne fallait pas aller selon Peter Brook, parce qu'après on n'est que dans la reproduction et non plus l'incarnation). Personne ne conteste le génie de Patrice Chéreau mais il paraitrait incongru de remonter ses pièces (d'autant plus qu'il n'est plus là pour diriger les acteurs). La compagnie de Pina Bausch continue de faire exister ses spectacles mais son absence, cela se ressent, apparemment. Et les captations vidéo, qui fixent la représentation pour l'éternité, ce n'est pas le théâtre.
elle fournit un travail énorme pour les réaliser, et ses œuvres on un sens. Ringarde quoi.
"Ringarde": il y a des tas de trucs "ringards" dans les expositions internationales, même à la FIAC. Il n'y a pas d'école, de style... Ce qui est médiatisé, c'est souvent le "scandale" confortant le public dans ses préjugés, avec lesquels jouent, bien évidemment, les artistes "scandaleux": vous pensez que l'art c'est de la merde, ben je vous offre une merde (Piero Manzoni).