Le MRAP dénonce la dérive anti-arabe sur Internet
LEMONDE.FR
Les membres du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) protestent contre "le manque de volonté politique pour mettre fin" aux sites anti-arabes.
Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) dénonce, dans un rapport établi à l'issue d'une enquête menée pendant deux ans sur une nébuleuse de sites Internet anti-arabes, des "alliances entre l'extrême droite classique et des extrémistes se réclamant du judaïsme". Le rapport de 170 pages, que le MRAP devait présenter à la presse mercredi 16 juillet, tend à montrer que, derrière la nébuleuse de sites "Frema" (France en marche), se retrouvent des groupes d'extrême droite et des "extrémistes juifs".
Le rapport évoque l'année 2000 comme origine du "mélange des genres", des "sites pro-israéliens extrémistes côtoyant des sites conçus par des néonazis". Les sites se sont illustrés par leurs attaques contre les médias, rappelle le rapport, contre le MRAP, et ont revendiqué en janvier 2003 des attaques contre des mosquées.
Parmi les sites racistes mis en évidence, le rapport pointe sosracaille.org, ciblant musulmans et antiracistes (fermé en mars 2003), oumma.org, créé pour s'attaquer au portail musulman oumma.com, mrav.org, francarabia.org et deux sites "extrémistes juifs" : aipj.net et amisraelhai.org.
Derrières ces sites se trouvent des "groupes restreints mais très actifs", affirme l'un des auteurs, Gérard Kerforn. "On retrouve aujourd'hui encore, sur des forums de discussion tout à fait honorables, des propos infamants sortis sur sosracaille, venant de gens qui les ont pris au sérieux." De janvier 2001 à janvier 2003, se sont ouverts près de 30 sites Internet racistes sous la responsabilité d'un seul, liberty-web.net, mis en ligne par le même groupe d'individus.
INJURES RACIALES, MENACES DE MORT
Les auteurs du rapport ont recensé près de 450 000 messages échangés via ces sites racistes durant deux ans, "autant d'injures raciales, menaces de mort et diffamations à l'endroit de particuliers, journalistes, personnages politiques, attaques contre des lieux de culte musulman". Les auteurs des sites utilisent des programmes informatiques qui falsifient l'identité électronique et empêchent de remonter à l'identité réelle de l'auteur (des "anonymiseurs"). "Des dizaines de personnes ayant tenté de protester contre les messages racistes anonymes ont vu leur nom accolé à des écrits dont elles n'étaient pas les auteurs et qui étaient destinés à nuire", affirme aussi le rapport, une des attaques typiques étant de les faire passer pour des pédophiles.
Le rapport dénonce par ailleurs "le manque de volonté politique pour mettre fin à ces sites racistes", citant pour exemple le site abbc.com, tenu par un extrémiste "se réclamant de l'islam", qui "distribue de la littérature antisémite sans être inquiété depuis plusieurs années". Depuis 2000, les attaques contre les personnes ont redoublé d'intensité, en raison de l'impunité dont bénéficiaient les auteurs, précise le rapport. Le 7 mars 2003, tous les sites étaient coupés, "preuve qu'une seule personne avait le pouvoir", constate le rapport, qui explique la fermeture par les dissensions sur la guerre en Irak, entre pro-israéliens et pro-lepénistes. Mais dès la mi-mars, de nouveaux sites se sont ouverts "en catastrophe", réunis sous le nom "Frema", dont la page d'accueil renvoie à une série de sites (refractaires.org, fracarabia.org, occidentalis.org ...).
Marc Knobel, membre de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) et président d'une association antiraciste dont le sigle a été détourné, a fait part, mercredi, de son scepticisme face aux conclusions du rapport : "Tant qu'on n'a pas arrêté les auteurs, on n'est sûr de rien, n'importe qui peut créer son site Internet (...). Il y a environ 600 sites internet juifs, comment prouver qu'aipj.net est d'origine juive ? (...) Il est vrai qu'il existe toutes sortes de sites racistes anti-musulmans d'une extraordinaire violence, mais je serai prudent sur la "théorie du complot" dans ce domaine."
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) condamne, pour sa part, "toute dérive raciste" sur Internet et demande le renforcement de la législation pour lutter contre les sites racistes, a affirmé mercredi le directeur du CRIF, Haim Musicant, réagissant au rapport du MRAP. "Nous condamnons ces appels à la haine, on ne peut trouver de mots assez durs pour les condamner (...). Nous connaissons l'existence de sites extrémistes, qui sont insupportables" et qui se réclament du judaïsme, cités dans le rapport, "mais nous n'avons pas pu remonter à la source". M. Musicant a toutefois affirmé que le CRIF les avait déjà condamnés dans un communiqué en février 2002. Les auteurs, "qui ne sont que des individus et ne représentent aucune institution, (...) peuvent être des extrémistes et nous les condamnons. Mais ils peuvent être aussi des provocateurs, tout le monde peut ouvrir un site", dit-il, rappelant l'existence également "de sites propalestiniens qui font de l'antisémitisme (...). Il faut que tout le monde balaie dans son camp".
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