SBAFF Panda parce qu'il le vaut bien
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Il sortait d'un cauchemar. Il avait l'habitude des cauchemars, depuis l'Orient, ils peuplaient ses nuits inlassablement. Le temps s'était écoulé et leur force s'était atténuée, il s'y était fait. Mais celui là avait été différent. Tellement réel, si cruellement précis parfois, d'une exactitude perverse. Une série d'actes de violence qui, malgré son expérience de la guerre, l'avait parfois horrifié. Et surtout l'absence totale de contrôle qui l'avait laissé simple spectateur de ses propres actions.
Des images défilèrent rapidement devant ses yeux, un combat sanglant, le visage angoissé de sa jeune élève, un homme à l'aspect repoussant. Les souvenirs le submergèrent, la douleur vive et aiguë d'un coup porté par un barbare, le goût d'une substance immonde, la douceur d'un baiser, l'odeur du sang et de la sueur, l'agréable chaleur d'un corps abandonné contre le sien. Enfin un cri ou un murmure, il ne se rappelait plus, des mots prononcés dans son gaélique natal.
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Panda...
Mo Chridhe... Mon coeur...
Mo Ruin... Mon amour...
Tha ghoal agam ort... Je t'aime..."
Un sourire se dessina sur ses lèvres, une émotion dont il ne se croyait plus capable l'envahit. La fatigue et la douleur passèrent au second plan. La lumière lui paraissait plus éclatante qu'à l'accoutumée, l'air qu'il respirait anormalement enivrant. Son esprit embrumé prit lentement conscience d'un poids sur son corps. Mais sa défiance instinctive et ses automatismes guerriers ne réagissaient pas. Malgré l'odeur du sang et de la sueur son odorat perçut un léger parfum qu'il reconnut aussitôt.
Son coeur battit au rythme du prénom de celle qu'il avait reconnut "
Meriel...". Oui c'était elle lui criaient ses sens anormalement aiguisés. Sans réfléchir plus avant, il enserra doucement la taille de la jeune fille. Sa main frôla ses cheveux qui s'étaient défaits lors du combat et tombaient jusqu'à sa taille. Ils étaient doux et soyeux.
Meriel se redressa d'un mouvement brusque au contact de la main de Panda dans son dos. Il était vivant. Elle releva la tête et leurs yeux se cherchèrent et s'accrochèrent. Elle n'avait pas besoin de confirmation, elle savait qu'il était revenu. Mais il ne voulait pas lui rendre sa liberté et elle se perdait dans ses yeux. Brusquement elle se rendit compte de ce qu'elle lui avait avoué, s'en souvenait-il ? D'un regard anxieux elle chercha la réponse à sa question.
Panda se perdait dans la contemplation du visage penché sur le sien. Il ne pouvait détacher ses yeux. Il scrutait le regard de la jeune fille en y cherchant la confirmation des phrases dont son esprit se rappelait si vivement maintenant. Tout d'un coup le mercenaire réalisa pourquoi il se sentait différent. Il était vivant. Elle l'avait ramené à la vie, aussi bien physiquement qu'émotionnellement.
Physiquement à l'instant, il ne savait comment mais le sentait au plus profond de lui-même. Son cauchemar avait bien été réel. Emotionnellement, il ne pouvait que le constater maintenant, c'était indéniable. Le temps passé avec elle pour son entraînement, son harcèlement incessant de questions, le jeu de la séduction auquel il avait joué avec elle par habitude, tout cela avait réveillé en lui l'étincelle de la vie qu'il croyait éteinte depuis l'Orient.
Elle lui avait rendu goût à la vie et il était tombé dans le piège de son propre jeu. Le chasseur était devenu la victime. Il avait nié depuis le début de son attirance les sentiments qu'il ressentait. Elle était trop jeune, lui trop vieux, elle ne pouvait pas être attirée par lui, elle ne pouvait pas l'aimer, ils étaient trop différents.
Les baisers volés ? Ce n'était qu'un jeu, un jeu qu'il maîtrisait à la perfection. Tellement familiarisé avec qu'il en était presque blasé. Mais il avait été dépassé par le jeu. Et face à cela qu'avait-il fait ? Il avait nié l'emprise qu'elle prenait sur lui, peut-être par peur de souffrir inutilement quand elle repousserait, ce qui était certain. Pourtant...
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Panda... Mo Chridhe... Mo Ruin... Tha ghoal agam ort..."
Ces mots résonnaient dans son coeur et dans sa tête. Meriel tressaillit en reconnaissant dans le regard de Panda la lueur étrange qui la troublait tant. Elle sentait la chaleur de son corps contre le sien, la fermeté du bras qui la maintenait contre lui. Elle se retrouva comme dans ses rêves sauf que cela n'en était pas un. Une bouffée de chaleur, bien réelle, lui monta au visage, elle sentit son corps échapper à son contrôle, hypnotisée par ce regard troublant.
Son instinct lui criait étrangement qu'elle était en danger. Mais quel était ce danger ? La panique saisit la jeune fille et elle tenta de se relever pour s'écarter de l'homme qui la tenait sous son emprise. Le mercenaire durcit son étreinte, refusant de la libérer.
"
Meriel...
- Que voulez-vous ?
- Ca ne peut plus durer ainsi, nous le savons. Ne me fuyez pas.
- De quoi parlez-vous ?"
En réponse, Panda attrapa Meriel par la nuque et exerça une pression à laquelle la jeune fille ne put ou ne voulut résister. Lentement, son visage descendit vers le sien, jusqu'à ce que leurs lèvres se frôlent et que leurs souffles se mélangent. Le baiser fut long, tendre et passionné, un baiser comme ceux qu'elle avait partagé avec lui dans ses rêves. Cela dura un temps indéfini, peut-être deux secondes, peut-être deux heures. Aucun des deux n’osait ouvrir les yeux pour affronter le regard de l’autre alors ils échangèrent un second baiser, pas un baiser volé cette fois.
"
De quoi parlez-vous ?"
Ils avaient le regard brillant mais celui de Panda s’assombrissait et, en seule réponse, il embrassa Meriel de nouveau en la serrant plus fort contre lui. Mais la jeune fille ne se laissa pas faire, elle voulait une réponse claire. Elle reprit ses esprits et parvint à se libérer de l'étreinte.
"
Répondez, Panda.
- Ne suis-je pas assez clair ?
- Non, je suis sûre que vous avez usé de ce procédé avec d’autres femmes.
- Quel procédé ?!
- Voler un baiser sans rien dire, en me laissant imaginer ce que je veux sans avoir aucune confirmation.
- Mais...
- Ces baisers ? Quelle en est la raison ?
- Et bien...
- Dites-le.
- Ce que je voulais dire...
- Dites-le.
- En fait...
- Mais bon sang, dites-le !
- Parce que je vous aime, Lady de Mortemer."
Un silence s’installa qui sembla durer une éternité. Brusquement un bruit attira leur attention, d'un même geste ils tournèrent vers l'entrée de la chambre. La porte était ouverte, sur le seuil se trouvait la sorcière qui les observait. Sa bouche était figée en un rictus. Ses narines frémissaient et ses yeux semblaient lancer des éclairs. Elle ne fit aucun geste, ne prononça aucune parole. Cependant un bruit violent retentit et ils se retrouvèrent immobilisés.