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Nouveau petit texte. Je m'excuse par avance si vous ne comprenez pas toutes les références.
Le Veilleur
Il jette un coup d’œil à la mallette. Cet argent, il en a besoin, pour ses recherches. Il a pris par les égouts. L’eau, visqueuse et nauséabonde, clapote tout autour de lui. Il court dans la semi obscurité. Il craint et, en même temps, il espère qu’il viendra. Il veut en finir une bonne fois pour toutes. Mais il en est certain, il viendra. Il vient toujours.
Il est dehors, sa fuite se prolonge. Pas longtemps, son ombre à LUI apparaît sur le sol. Il fait volte-face, saisit l’une de ses fioles, la lui lance, il l’esquive. Le duel s’entame…Chacun a ses armes, chacun s’en sert.
Rapidement, il prend l’avantage. Le voleur devient incertain, il a peur. Quelle ironie…lui qui est passé maître dans l’art de l’inspirer, il l’éprouve, il l’éprouve comme à chaque fois qu’il le retrouve sur son chemin…
Lundi
Celle-ci, une Amilcar de 1926, je l’ai achetée à un amateur il y a trois ans. Là, une Austin-Healey 3000, acquise lors d’une foire automobile. Et ici, une Bentley, 1958, toujours en très bon état. Ce n’est pas sans une pointe de fierté que je déambule parmi ma collection. Oh, il y a bien quelques modèles de moindre valeur ou hors d’usage, mais tous ont un prix à mes yeux.
Je crois, d’ailleurs, que je vais me laisser tenter par une petite balade.
Mardi
Je lui accorde un dernier regard. Celui qu’il me rend est un mélange de haine et de peur. Un mariage que j’ai souvent croisé dans leurs yeux. J’entends les sirènes, la police sera bientôt là. Je n’ai plus rien à faire ici, je m’en vais.
Quelle heure est-il ? Tard, mais j’ai l’habitude. Un dernier détour et je rentre.
Mes pas ne sont pas innocents, ils me mènent à cette rue, je la connais bien. Autour, tout est calme, il n’y a pas un souffle de vent, pas un bruit. Un lampadaire éclaire vaguement le théâtre de mes souvenirs mais la nuit règne en maîtresse partout ailleurs. Je ne la crains plus, je suis la nuit.
Je profite du calme apparent pour me rappeler à nouveau, je me recueille. Il y a longtemps et pourtant, ma blessure reste vive, ouverte, et ne cicatrisera jamais vraiment. Elle sera toujours là, souvenir ineffable, inébranlable, implacable. Morsure, marque au fer rouge dans ma chair, dans mon cœur. Douleur lancinante qui me pousse à ne jamais oublier, à ne jamais renoncer. Jamais.
Mercredi
- Regarde ce que j’ai retrouvé dans le grenier ! Un vieux Stratego. On fait une partie ?
- Si tu veux.
Je devrais m’occuper de lui davantage, je sais. Mais il connaît et accepte mes obligations, il a aussi les siennes. Il a vite grandi. Ils ont tous vite grandi.
Je ne lui laisse aucune chance, je sais que c’est ce qu’il attend de moi, tout comme c’est ce que j’attends de lui. Je le laisse déplacer ses pièces, je feins une stratégie en déplaçant les miennes. Sur le terrain, je suis du genre « attaque préventive ». Ici, c’est la même chose. Le conseil que me donnait souvent mon ami d’enfance, Tommy, lorsque nous jouions à ce même jeu, ne quitte pas mon esprit. « Si tu veux battre ton adversaire, tu dois penser comme lui. » Je gagne cette partie et les deux suivantes.
Jeudi
J’entre en silence. Je fais quelques pas, on essaye de m’arrêter. Ce genre de sentinelle n’a pas besoin d’yeux pour me voir. J’avais prévu qu’il y en aurait, je connais son style. Je les neutralise avec un concentré chimique contenant du désherbant.
Je l’entends courir, elle n’est pas loin.
- Pourquoi faut-il toujours que tu te mêles de mes affaires ?
Je ne réponds pas, je sais qu’elle essaye de faire diversion. Je passe en vision nocturne, la repère. Plus q’une minute trente, le temps presse.
Vendredi
Personne à l’étage. Je traverse le couloir toujours en l’appelant, sans résultat. Me voici à nouveau au rez-de-chaussée, le hall est vide, tout autant que la cuisine et la salle à manger. Je pousse une fois encore la porte du salon et je constate que quelque chose a changé. Il y fait sombre, les rideaux sont tirés. J’utilise l’interrupteur.
- Surprise !
J’écarquille les yeux un instant, je les regarde. Je les connais, tous, depuis longtemps. Mon anniversaire ? Aujourd’hui ? Je l’avais presque oublié. Passé un instant, ils viennent à moi, m’embrassent, me félicitent.
Ils sont tous enjoués, c’est moi qu’ils célèbrent. Je ne peux pas leur faire défaut. Aussi, quand ils lèvent leur coupe et portent un toast à ma santé, je fais de même en les remerciant. Ils me poussent à leur offrir un discours. Rapidement, je me creuse les méninges et prononce quelques mots. Ils me regardent en souriant puis applaudissent. Ils connaissent ma nature, alors cela leur convient. Pour eux, j’ai rempli mon office.
Samedi
La nuit est tombée. Une nouvelle nuit que je passe à sillonner la ville, ma ville. Aussi grande et peuplée soit-elle, il y reste néanmoins des zones d’ombre. D’ici, tout semble calme et pourtant, je sais qu’ils sont là, quelque part. Certains se cachent, ils me craignent. D’autres attendent simplement le bon moment pour frapper. Mais je les ai à l’œil.
Il m’arrive parfois d’hésiter, de me demander si tout ceci est bien utile, si tout ceci a réellement un sens. Je regarde alors autour de moi et je retrouve confiance. Je sais que c’est un mal nécessaire. Je me dois de continuer, de ne jamais lâcher prise, jusqu’à ce que l’on n’ait plus besoin de moi. J’écarte donc mes doutes et reprend ma croisade.
Dimanche
Le masque que je porte m’empêche de subir les effets du gaz que contiennent ses fioles. La faux, il essaye de me couper en deux. J’esquive, le désarme, me jette sur lui. Il n’a pas une très bonne constitution et compte davantage sur quelques hommes de main ou le fruit de ses expériences pour venir à bout de ses adversaires. Je l’immobilise, lui arrache son propre masque et le ligote. Il est neutralisé.
*
Si je suis heureux ? La question est ambiguë. Oui, parfois je le suis. Il est vrai que je n’ai pas à me plaindre, en tant que milliardaire, je suis à l’abri du besoin. Mes journées sont partagées entre le travail, des rendez-vous d’affaire ou de simple courtoisie, et quelques hobbys. J’aime le sport en général, la lecture, les objets anciens, les échecs, l’opéra.
Ma famille ? Mes parents sont décédés lorsque j’étais encore un jeune garçon. Légalement, je n’ai plus que mon oncle, Philip. Même si, au cours de ma vie, j’ai rencontré et fréquenté des gens bien que je considère comme ma famille.
Des amis ? En ces sphères dans lesquelles j’évolue, on a toujours beaucoup d’« amis ». J’organise ou me rends, de temps en temps, à des réceptions, des soirées, dans lesquelles se retrouve le gratin de la société. Tout ceci m’ennuie un peu mais cela fait partie du personnage de playboy que je me suis composé. En réalité, mes véritables amis sont peu nombreux.
L’amour…Bien que mon cœur soit solitaire par choix, j’ai aimé quelques femmes, oui. Chacune unique à sa manière. Cependant, diverses contraintes, professionnelles, principalement, ont fait que ces histoires ne purent durer. Toutefois, il y a une exception. Alambiquée et nébuleuse, est cette histoire qui ne cesse d’apparaître et de disparaître de ma vie. Tout autant qu’est complexe et mystérieuse, la femme avec qui je la partage. Je suppose que dans la plupart des histoires où les sentiments jouent un rôle, la situation est bien souvent aussi difficile à aborder.
En fait, je suis un homme comme les autres. Ou du moins, j’essaye de l’être.
Mais... Ce signal, dans le ciel. Il me faut y aller.
« …C’est exact, nous sommes en direct du centre ville où le Joker et ses hommes se sont emparés d’une entreprise de cosmétiques. On m’apprend qu’il est sur le point de la faire exploser ! Il y a actuellement un échange de coups de feu avec la police et... Attendez, oui, c’est lui, il vient d’arriver, c’est Batman…»
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