Exhile

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I - Des bleus et des souvenirs
II - Le Renégat
III - La fin du contrat




I - Des bleus et des souvenirs

Des paquets de mer balayaient le pont, donnant à cette nuit de tempête une véritable vision de cauchemar. Trempé et transi, les pieds attachés au dessus du pont, j'étais pris dans la tourmente et sentais ma dernière heure arriver.
Une lame plus forte que les autres, fit céder la barre métallique sur laquelle j'étais suspendu, et je glissai sur plusieurs mètres. Ma tête heurta de plein fouet les vagues déchaînées, puis le courant m'emporta au fond du fleuve. Les lumières des réverbères des quais disparaissaient lentement et bientôt je fus engloutit dans l'obscurité la plus totale.
Alors que je sentais peu à peu l'eau entrer dans mes bronches quelque chose me saisit par le col. Puis, en un instant, je me retrouvais la tête hors de l'eau. J'expulsai violemment tout le liquide que j'avais inhalé, ce qui provoqua une affreuse douleur de brûlures dans mes poumons. J'avais mal à la tête, comme si j'avais reçu une énorme pierre; mes yeux picotaient, j'avais du mal à voir ce qui se passait autour de moi. Cependant je voyais suffisamment pour distinguer les traits d'un visage, vraisemblablement ceux de la personne qui est venue me secourir quelques minutes auparavant. Exténué, je me laissais guider sur les eaux, repensant encore à ma mésaventure. Comment j'ai pu me mettre dans un pétrin pareil?
J'entendis une voix douce et rassurante me murmurer quelques mots à l'oreille.

- Ne t'en fais pas, je suis là maintenant.

Une femme? Cela me surpris, bien qu'au fond de moi, cette situation ne m'était pas si étrangère.

- On y est, plus que quelques mètres, m'annonça t-elle.

Sa voix si pure, si maternelle, m'étais familière, mais en vain, je ne m'en rappellai pas. J'étais certainement trop fatigué par les évènements de la soirée.
Mon corps ne tarda pas à rejoindre la rive. Sortit de l'eau, je tenta à nouveau d'identifier ma sauveuse mais ma vision était encore plus flou qu'avant.

- Ne bouge pas, tu as besoin de te reposer, me lança-t-elle à nouveau. Je fermai mes yeux et je sentis la pression de ces lèvres sur mon front. Soudain mon coeur se mit à battre à vive allure. Le contact avec l'inconnue fit ressurgir en moi des souvenirs que je croyais enfouillis à jamais, des émotions que je pensais perdues.

- Ca ne peut pas être toi.

Je me concentrai et fis encore l'effort d'ouvrir mes yeux pour une derrière fois mais soudain, sa voix me paralysa sur place.

- Oh mon dieu, tes yeux!

J'étais pétrifié et les questions fusèrent dans ma tête. Que m'était-il arrivé? Je voyais des lueurs vertes défilaient de partout.

- Je suis désolée mais il faut que je le fasse.

Quelque chose me piqua violemment le bras droit. Je me doutais qu'elle m'avait injecté une substance, mes yeux se refermèrent lentement et bientôt mes paupières s'écroulèrent sous le poids de la fatigue.


- Bien dormi?

J'ouvris mes yeux et les refermai aussitôt au contact avec la lumière extérieure. J'étais allongé sur un lit, mes muscles ne répondirent pas; j'étais incapable de bouger. Je sentis une main se poser délicatement sur mon front.

- Détends-toi, tu es en lieu sûr ici.

Mes paupières s'ouvrirent progressivement, et rapidement, les contours du visage de mon interlocutrice levaient leurs voiles. Mes yeux s'écarquillèrent.

- Non, tu n'es pas au paradis, se mit-elle à prononcer, amusée, avec un léger sourire aux lèvres.

- Ke... Ked... Kedra? bégayais-je, victime de cette nouvelle émotion qui s'emparait de moi. Jamais, même dans mes rêves les plus insensés j'aurais pu imaginer prononcer à nouveau ce nom. Comment as-tu pu... Elle m'interrompit en déposant son doigt sur mes lèvres. Je croyais que... Elle couvrit ma bouche avec sa main en exerçant une légère pression.

- Je t'en prie Ed, cesse de me poser toutes ces questions!

A la tête qu'elle faisait, je compris tout de suite que quelque chose n'allait pas chez elle, elle paraissait extrêmement épuisée. Je tentais de me calmer, de contenir mes émotions; je n'avais pas envie de monter la tension malgré ma curiosité d'en savoir plus sur les évènements passés.

- Qu'est-ce qui m'est arrivé? lui demandai-je. Pourquoi j'ai si mal aux yeux? Et d'abord c'est quoi cet endroit? lançai-je en grognant.

- Il s'est écoulé si longtemps pour que t'ais pu oublier cet endroit?

Je regardais attentivement la pièce, examiner les moindres détails, le moindre indice qui pourrait me mettre sur la piste. Il ne m'aura fallu que quelques secondes pour prendre conscience que j'étais à bord du Zephyrus, illustre vaisseau dont j'avais été forcé d'abandonner dans les égouts.

- Comment est-ce possible?

Elle leva ses mains et fit retomber ses épaules, comme si elle l'ignorait.

- C'est toi qui l'a remis sur pied?

- Et bien... disons qu'il a fallu rechangé la coque et modifier la quasi totalité du câblage pour mettre à jour cette épave. Comme tu te doutes, les tout premiers modèles ne sont plus tellement d'actualité.


Je laissai échappé un sourire. J'étais tellement excité de cette nouvelle, par toute cette nostalgie refaire surface, qu'au fond de moi, j'en avais presque oublié mes déboires dans la Matrice. Soudain, un malaise se fit sentir. Quelque chose ne tournait pas rond dans cette scène mais je n'arrivais pas à me l'expliquer. Ce qui était une évidence mit un certain instant pour qu'enfin je pris conscience de l'incohérence de la situation.

- Mais Kedra, comment se fait-il que nous soyons dans le monde réel alors que nous sommes des programmes?

Elle resta figer, sans lâcher un mot, désarmée, ne sachant quoi répondre. Le silence s'installa dans la chambre. A cet instant, les secondes s'écoulèrent comme des minutes, tellement l'ambiance devenait pesante.

- Je dois y aller, tu devrais te reposer, lâcha-t-elle finalement.

Alors qu'elle s'apprêtait à remonter ma couverture, je lui saisit le bras.

- Qu'est-ce que tu me caches? Depuis le temps qu'on se connait, tu sais très bien que tu peux tout me dire.

Elle abaissa ses yeux, cherchant à fuir mon regard.

- Il s'est écoulé beaucoup d'années depuis la dernière fois qu'on s'est vu...

- Tu m'excuseras, j'ai perdu toute notion du temps depuis que j'erre seul dans la Matrice.

- Mais tu as fais ce choix. Tu as décidé de travailler pour lui.

- Tu l'as peut-être oublié mais la mort m'attendait au bout de ce tunnel. Si t'appelles ça un choix...


L'atmosphère tendue qui régnait dans la salle était encore plus étouffante qu'auparavant et on pouvait presque sentir la présence d'une barrière qui s'entravait entre elle et moi. Je relâchai son bras, la libérant de mon étreinte, et elle repartit, comme la dernière fois où nous nous sommes séparés, blessée.
J'osai même pas savoir ce qu'elle pouvait ressentir à ce moment-là, ce qu'elle pouvait penser de moi. J'étais frustré, cette situation me mettait mal à l'aise. J'avais besoin d'un peu de repos. Sans trop tardé, je me laissai emporter par la Morphée qui m'aida à me remémorer mon passé, à reprendre mon histoire à zéro, là où tout à commencer.



II - Le Renégat

- Hé, Ed! le patron nous demande.

Je le libérai de l'emprise de ma main ensanglantée. Il tomba sur le sol, face contre terre, le visage couvert de contusions.

- Alors, qu'est-ce qu'il a dit?

Le prisonnier avait gardé son silence. Je fis signe de la tête que c'était fini pour lui.

- Ha! On dirait que ces amateurs s'endurcissent un peu plus chaque jour, s'écria Ithar d'un ton moqueur.

Il me lança un chiffon pour nettoyer mes mains, fortement marqués par l'interrogatoire musclé que je venais d'achever.

Ithar m'informa sur le chemin que le patron nous avait convoqués pour une mission particulière, et qu'il exigeait de ce fait ma participation ainsi que ma présence pour le briefing qui se préparait. Le patron nous attendait dans sa suite, ce qui en disait long sur la nature de cette mission. On entra dans la loge où deux autres de ses sbires se tenaient devant le Mérovingien qui semblait impatient de commencer.

- Veuillez nous pardonner pour ce retard, Maître, s'excusa Ithar.

Le Mérovingien se tourna vers moi, attendant une réponse similaire de ma part.

- On était en train de torturer un type juste avant d'être interrompu.

Je pouvais sentir le Mérovingien contenir sa colère face à mon insolence. Il savait que je ne l'aimais pas, et lui me haïssait. Ce qui faisait sourire Persephone qui observait la scène en se maquillant face au miroir. Pour cet affront, le Mérovingien m'aurait probablement fait exécuté sur le champ par ses gardes, mais le contexte faisait qu'il avait trop besoin de moi pour ses affaires. Et puis, le pacte que l'on avait passé ne prenait pas en compte les formules de politesse.

- Maintenant que vous êtes tous au complet, mes fidèles toutous, répliqua-t-il en appuyant son regard sur ma personne, nous allons pouvons commencer notre petit meeting.

Il tendit un papier à Ithar qui s'empressa de déplier.

- Voici l'adresse d'un antiquaire qui détient un objet qui m'appartient.

Le Mérovingien tendit une photo à l'un de ces deux sbires, laissant découvrir un katana.

- Je veux que vous le récupérez et que vous lui donnez une bonne correction.

- Quel genre de correction?
demanda Ithar.

- Celle dont on se relève pas, si vous voyez où je veux en venir.

Le Mérovingien se retourna, les mains derrière le dos.

- Allez, houste! J'ai assez perdu de temps. Faites ça proprement. Et ne revenez pas sans l'objet.


Des trombes s'abattaient violemment sur la voiture qui nous emmenait chez l'antiquaire. Ithar qui se tenait à coté de moi sur la banquette arrière, grattait les tâches brunâtres de sang qui s'étaient encrées sur le canon de son fusil.

- On y est les gars, annonça le conducteur.

On était arrivé devant une petite boutique, en bordure des quais de Bathory. On y entra et bien qu'elle paraissait petite, une quantité impressionnante d'objets étaient exposés un peu partout, derrière des vitrines. En parcourant les rayons, je remarquais que trois gardes épiais nos gestes scrupuleusement. Alors que j'essayais de repérer l'objet, un homme, trapu, sortit de l'arrière boutique et s'approcha de l'un de nous.

- Bonjour Monsieur, en quoi puis-je m'être utile?

- Je recherche cet objet, s'empressa de dire l'un des nôtres en dévoilant la photo au patron de la boutique. C'est le Mérovingien qui m'envoie.

J'observai la scène. Le sourire de l'homme se dissipa rapidement et son regard cherchait de l'aide. Il fit un léger mouvement de la tête envers l'un des gardiens. Mais avant même que ce dernier ait pu réagir, Ithar dégaina son arme cachée sous son manteau et tira, projetant le garde contre la vitrine qui explosa. A mon tour, je neutralisai le second gardien en lui brisant la rotule, puis son cou. Le troisième gardien ne causa pas non plus de difficulté. L'antiquaire, désarmé, se mit à genoux et supplia de l'épargner.

- Je vous en prie, ne me tuez pas. Je donnerai tout ce que le Mérovingien voudra.

Ce genre de situation était courante pour ceux qui osait voler le Français, et souvent, elle se terminait de la même façon.

L'homme nous conduisit à l'arrière-boutique jusqu'à un coffre-fort. Il composa le code et l'ouvrit, ressortant un katana d'une époque très ancienne.

- Prenez ça et maintenant partez.

- Le Mérovingien a été très déçu de votre attitude, et vous allez devoir payer.


L'homme de main braqua son arme sur l'antiquaire, mais alors qu'il s'apprêtait à appuyer sur la détente, l'irruption d'une petite fille dans la pièce déjoua la situation.

- Papy, j'ai entendu des coups de feu!

La petite fille resta paralyser à la vue de l'arme pointé sur son grand père. L'homme de main pressa la détente et l'homme s'écroula.

- Le Mérovingien n'aime pas les témoins. Dommage pour elle, elle va devoir y passé aussi.

J'avais l'habitude de tuer, mais pas des enfants. Je ne pouvais laisser faire une telle chose. Il pointa l'arme sur elle. Pris par ce sentiment de révolte, j'assena un coup de pied dans sa main, déviant la trajectoire de la balle.

- Put-ain?!

Et avant même qu'il put prononcé un autre mot, je lui mis un coup de poing en pleine face, pointa son bras armé vers le deuxième homme qui se trouvait derrière moi et lui fit presser la détente. Puis je saisis le katana et lui planta dans le ventre. Ithar était dérouté par ce qui venait de se passer.
Les deux sbires étaient allongés sur le sol.

- Putain d'merde Ed, à quoi tu joues?!?!

- Laisse tomber, on se casse.


Alors que je m'apprêtais à sortir, j'entendis le cliquetis de la culasse résonner dans mon dos. Ithar avait braqué son arme sur moi.

- J'peux pas te laisser faire ça Ed. Passe-moi le katana et j'oublierai ce qui s'est passé.

Je lui tendit l'objet lentement et lorsqu'il saisit le katana, je le sortis de son étui et coupa en deux le canon de son arme. Désemparé, je lui portai un coup à la tête avec le manche et il s'écroula, assommé.

- J'espère que tu me pardonneras mon frère.

J'entendis au loin des sirènes se rapprochaient de ma position. La petite fille s'était volatisée de la pièce et avait sûrement profité de ce moment de confusion pour donner l'alerte.
Je sortis par la porte de derrière et m'enfuis avec la voiture, aussi vite que possible.
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