Ys - Hibernia - Le Destin des Kragen

 
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Le temps s’est écoulé, faisant reculer le ciel qui jour après jour s’est vu devenir sombre pour reluire à nouveau . Les saisons ont passées, immuables, printemps, été, automne , hiver . Chaque guerre a fait naître le temps de paix, recueil des morts vénérés. La ronde des arbres a suivit son cours, feuilles qui tombent pour repousser encore, éternelle nature en plein essor.
Les unions ont suivit les rencontres, les femmes ont portées ventre rond. Les champs ses sont gonflés d’orge et de blé, les troupeaux se sont étendus tandis que l’orgueil des hommes grandissait au gré de leur pouvoirs étendus. Le sien aussi. Mais quel orgueil…
Petite femme agile, elle cueille entre ses doigts les fruits du défendu, secret millénaire et obscure de la résurrection. Appel des âmes envolées. Plaies disparues.
Dans ses bras ouverts, elle retient les larmes. Des milliers de visages connus ou inconnus, des milliers de sorts jetés, des milliers de conseils et de divinations. Le silence des Ténèbres essayant de l’entourer de ses bras magiciens, pourtant n’arrive à l’ensorceler.

Aime lui a t’on soufflé dans un rêve ancien. Elle aime. Donne la vie lui a t’on demandé dans une plainte amoureuse. Elle renaît deux fois…



Dors un petit peu, un tout petit peu …
Et ne crains rien …
Homme à qui j’ai donné mon amour … Dors ici , profondément…
Fils de Lugh, Noble Kragen…
Je veillerai sur ton repos…

Nous séparer serait séparer
l’enfant de sa mère…
Eloigner le corps de l’âme..

Guerrier du beau lac de Lune..
Le cerf, à l’Est, ne dort pas ..
La biche sans corne ne dort pas
Elle gémit sous son petit tacheté..

Dors un petit peu , un tout petit peu …
Et ne crains rien..
Homme à qui j’ai donné mon amour…
Je veillerai sur votre repos …


Doucement, contre elle , elle accueille le guerrier revenu des combats. Contre son sein il repose, un sourire infini peint sur son visage. La lance de Lumière est venue s’échouer non loin, plantée dans le sable, dirigée vers les cieux. La brise se fait câline autour de l’homme venu chercher son réconfort. A voix basse, ils se parlent, se cajolent et se contentent. Les embruns chatouillent leur peau , déposant voile de sel sur les armures étincelantes. Bientôt la voûte céleste deviendra sombre, s’ornera des plus belles lucioles.
Face à l’océan de Necht, les époux conversent en paix, éloignés de toute contrainte.

Dans le lointain , derrière eux, une petite voix a retenti. Un rire s’est envolé pour frôler leurs oreilles attentives. D’un même mouvement ils se sont retournés pour voir surgir la tornade blonde. Le sourire est malicieux, le regard vif et curieux. Une cabriole, et déjà les voilà bousculés par une gaieté puissante. Le sable vole autour d’eux. Entre leur deux corps s’est précipitée la petite fille encore innocente. Les boucles de l’enfance tombent sur son front, chatouillent ses yeux et provoquent son rire. Une main douce écarte les mèches rebelles, un baiser se rue contre la joue tendre.

Le regard du patriarche se fait un instant dur, agacé par le calme rompu de son repos si attendu, mais vite attendri par la naïveté, s’éclaire à son tour. A peine à t-il le temps de gronder pour la forme, que la petite s’est roulée en boule contre sa mère. Ses yeux se sont fermés pour assurer son sommeil. Fier, il contemple leur œuvre, et d’un bras amoureux vient enlacer son épouse. Necht recouvre son calme… Si quelqu’un passait par là, il pourrait voir deux silhouettes proches, faisant face aux eaux calmes, reposées l’une contre l’autre… Mais ce soir l’enfant Kragen dormira en paix, nul n’oserait venir troubler ses rêves…
Contre sa joue , elle donne caresse tendre, complicité qui les rapproche un peu plus chaque jour… Dans ses yeux brille un amour puissant que le temps n’a pu effacer et ne fait que renforcer. Dans sa mémoire jaillit le souvenir…


C’était un matin d’automne, quand les arbres se sont couverts de feux et d’ocre, quand la mousse s’est étalée au pieds des marronniers, quand la Nature a pris un chemin si particulier avant de s’endormir…C’était une aube comme tant d’autres, à ses côtés elle le trouvait. Pourtant, ce matin là, il avait été éloigné. Première fois où il ne pouvait la cajoler, première fois où il ne pouvait la rassurer, première fois où le Protecteur était un homme comme tant d’autres, impuissant… Les cris du nouveau- né avaient achevé le fier guerrier. Montagne de muscles, montagne de puissance, brandissant Lugh comme un fou sur les champs de bataille, hurlant sa rage immense à la face de ses ennemis, il gémissait à présent en silence. Il savait qu’aujourd’hui, en ce matin d’équinoxe, le jour serait aussi long que la nuit étoilée…Même la Nature trouve son équilibre… même la Nature…Son regard s’était levé vers le ciel encore frais de la dernière nuit, un tableau vierge que les nuages n’avaient souillé en cette journée spéciale…
Quelque part dans le Domnann, dans un arbre cocon, naissait son héritière…A l’abri des regards, il se laissait aller à l’émerveillement et à la tendresse. Dans le berceau naturel, il avait découvert l’infiniment petit et l’infiniment grand… entre ses bras avait porté l’enfant minuscule avec une délicatesse surprenante, ému et maladroit…


Un temps en chasse un autre… La guerre avait été sa plus belle amante… Elle, elle avait tout effacé, Elle était devenu plus belle encore… Lune régnait sur son Soleil et lui donnait un nouvel éclat…


Le soleil décroît , disparaît dans une nouvelle nuit, plus belle que la précédente. Une ronde sans fin entame son cycle…
Les saisons se sont écoulées sur les fuseaux du temps, entre Eux s’est développée la Fleur. Belle comme un printemps, le visage doux de l’Eté et le regard tempête de l’Hiver…Elle grandit, libre de tout joug, développe charmes et adresses qui laissent présager de son devenir… Dans ses yeux brille la fureur de Cernunnos, dans ses yeux, se perdent déjà ceux qui ne pourront l’atteindre…Préservée dans les contrées du Roc Vigilant , l’enfant naïve s’efface lentement sous le regard attentif de ses parents. Sur les plages de Necht, sous le sceau de ce qui fut un secret, s’embellit le Destin des Kragen… Soleynn…
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