Un pas de plus du côté obscur

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L'air était lourd, vicié, appesanti d'odeurs âcres qui prenaient la gorge et les tripes : la chair brûlée. Tout autour des fumerolles dégageaient encore leurs exhalaisons délétères qu'aucun vent ne venait disperser. La mort régnait en maîtresse absolue, accompagnée de ses amies putrescence et malédiction. Rien ne devait subsister, rien ne subsisterait.

Au cœur de ce qui ne méritait pas le nom de champ de bataille tant celle-ci avait été inégale, Akhmôn et Naphrat se tenaient dos à dos, immobiles, jaugeant de leur regard irradié la scène de carnage dont ils étaient les auteurs imprescriptibles : autour d'eux et de la créature moribonde qu'Akhy était parvenu à soumettre à sa terrible volonté, d'ultimes flammèches achevaient de ronger ce qui pouvait l'être. Un peu plus loin le toit d'un bâtiment s'effondra dans un grand nuage de matériaux embrasés. Et quand le feu et le sang ne se mêlaient pas, c'est parce que ce dernier était carbonisé, à l'instar des quelques murs de terre séchée couverts de suie jusqu'à mi hauteur là où le sol n'était pas boursouflé par l'horrible pestilence que les deux combattants venaient de répandre.

Des corps sans nombre, sans âge, sans vie, gisaient ici et là, maigres reliques de ce qui avait été l'instant d'avant un petit hameau paisible à la vie bien réglée sous le joug de la République Galactique. Il n'en restait rien sinon de quoi alimenter l'un de ces innombrables charniers ou bûchers qui signaient, comme autant de cicatrices sur la terre souillée, la progression des armées de l'Empire. Oh, ils n'avaient pas fait l'erreur de croire que les quelques murs de ce coin tranquille resteraient sans défense. Des soldats étaient venus, éclatants de rouge et de blanc puis bientôt de sang et de neige, de cette neige fine et légère, quelques flocons à peine, qui tombaient timidement et feraient d'ici quelques heures le linceul immaculé de ces combattants au destin achevé.

Ils restaient aux aguets, immobiles, les mains serrées et les pieds fermement campés au sol. L'éternité aurait pu s'écouler avant qu'ils ne rompent leur sinistre formation, leur binôme aussi fatal que destructeur. Leurs regards scrutaient les ombres, fouillant chaque recoin, avides d'y découvrir une nouvelle menace, encore un peu de vie à digérer, à ronger, à déchirer comme une nouvelle offrande à celui à qui ils devaient tout. Un vagissement, lointain, brisa le silence un court instant. Plutôt un râle d'agonie auquel ne répondit qu'un rapide coup d'œil de l'un de ces maudits avant que ce bruit ne s'éteigne de lui-même.

Puis, sans qu'un mot eut été prononcé, leurs sabres laser à la poignée couverte de sang et de runes luisantes s'abaissèrent enfin jusqu'à ce que leur pointe, méthodiquement, s'enfonce dans le cœur de ceux qui avaient peut-être cru, l'espace d'un instant, venir à bout de leur effroyable puissance. Lentement elles frôlaient le sol, sinistres maraudeuses de plasma, en quête d'une dernière chaleur, d'une ultime étincelle de vie à éteindre, d'une vie vacillante qu'elles ne se contentaient pas de prendre mais sur lesquelles elles plongeaient, brutales, et ravissaient dans un chuintement électronique, malsaine jouissance à la gloire de celui qui, par l'entremise de ses noirs serviteurs, manifestait sa toute-puissance. La mort était venue, rapide délivrance pour les plus chanceux dont les lames de lumière avaient découpé les chairs, effroyable douleur pour les autres que d'indicibles traumas avaient défiguré et tourmenté et dont la peau avait éclaté, rongée de douleurs fiévreuses en quelques trop longs instants.

A deux ils étaient venus, à deux ils allaient repartir, sans un mot, anges de la mort au noir manteau, ne laissant derrière eux rien qui fut vivant. Ils libérèrent chaque âme de son corps déliquescent pour mieux l'offrir à leur seigneur et maître. Le bruit qu'ils avaient perçu auparavant s'éleva de nouveau, cri d'enfant plutôt que plainte. Naphrat finit d'arracher la porte de ses gonds de cuir d'un revers de Force et pénétra dans la pièce unique d'une habitation dévastée sur laquelle les murs menaçaient de s'écrouler. Là elle écarta la table qui avait basculé contre un mur, renversant avec elle le berceau qui y avait été déposé. Deux yeux gris grand ouverts, qui n'avaient pas vu le monde depuis plus d'un mois semblèrent la dévisager dans le silence retrouvé. Elle porta la main à la poignée de son sabre encore fumante. La lame de lumière jaillit avec un crissement caractéristique en même temps que la Sith tirait le panier d'osier hors de sa cachette improvisée...



Naphrat se redressa tout d'un bloc, les yeux exorbités. Le souffle lui manquait tant elle avait dû crier dans son sommeil. Hébétée, elle se sentait hoqueter, submergée par l'horreur de ce qui n'était pas un rêve tant la réalité l'accablait. L'homme allongé à ses côtés l'enlaça immédiatement dans une étreinte puissante, comme s'il craignait qu'elle se débatte et se blesse. Longtemps ses mots tour à tour apaisants et menaçants restèrent sans effet sinon celui de libérer, une fois la terreur dissipée, des flots de larmes qui semblaient ne pas devoir finir et la secouaient de spasmes douloureux.

Le cauchemar s'arrêterait-il un jour ?
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