La Science-fiction est, à mon sens, une des rares littératures 'jusqu'au boutiste'. Je m'explique.
Dans un roman, on s'intéresse à l'évolution de personnages à partir d'une situation de départ. Bref on nous raconte une histoire. Si, dans la littérature classique, cette évolution peut-être poussée très loin, jusqu'à atteindre parfois l'absurdité ou l'horreur, le postulat de départ est le plus souvent réaliste : le récit, aussi extravagant qu'il puisse être, doit rester vraisemblable au travers du prisme du monde que nous connaissons (ou que nous avons connu).
Dans la science-fiction, la notion de vraisemblable se perd au profit de celle de cohérence. Les deux choses sont proches, mais en même temps radicalement différentes : la cohérence peut très bien être construite à partir d'un postulat totalement invraisemblable. Et c'est bien là que se situe toute la force de la S-F : on part d'une idée, on la creuse pour l'amener aussi loin que possible, on la travaille pour en sortir un univers cohérent, à partir duquel on va construire une évolution identique à celle de la littérature classique, pas dans la forme qu'elle va prendre (l'évolution est, par nécessité, intimement liée à l'univers), mais dans sa construction (comment réagir?...) pour amener, là encore, parfois jusqu'à l'absurde.
Je ne sais pas si cela fait de la S-F le dernier bastion de la pensée philosophique, mais cela lui confère une facilité à être une littérature d'idées, idées qu'elle peut, naturellement, malmener jusqu'à en extraire toute la matière, jusqu'à en dégager une réflexion épurée de toutes les tentatives pour l'adoucir. L'objection 'oui, mais dans la vraie vie, ça ne se passe pas comme ça' n'a pas lieu d'être. La réflexion peut-être forte, brute. Elle peut s'exposer sans pudeur. Aussi loin que l'auteur l'a menée. Ou même au-delà, lorsqu'elle s'empare de nous et nous ouvre un nouvel horizon.
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