[BG] Jiyaa

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[HRP] BG en cours d'écriture, qui était au début réservé à ma guilde mais quitte à participer au théâtre, autant présenter un peu (beaucoup) son personnage...[/HRP]

Premiers sangs

Dans le salon richement meublé, le feu crépite et illumine d'un doux halo les deux sacrieurs installés sur les banquettes rouges et or. La femme, enceinte de 9 mois, fixe son mari qui garde les yeux fermés, en attente. Tout deux sont parés de belles étoffes, simples mais de qualité, et dégagent un aura que seuls les puissants connaissent.
Nylia et Eltan Neang'Yl. Meneurs de la petite communauté de sacrieurs du Nord-Est de Cania, où sont parfois acceuillis quelques commercants ou voyageurs.

La peau de la femme dégage un éclat cristallin, d'une beauté froide. Le visage sans expression, elle rompt soudain le silence, et d'une voix sans ton, lance:

"L'enfant.."

Elle s'interrompt, fixant toujours son mari, avant de reprendre:

"Il n'est pas de toi."

L'homme ouvre les yeux, deux pupilles rougeoyantes se figent dans la contemplation de la femme. Dans un souffle, il demande:

"Qui ?"

Du même ton, la femme répond: "Le sadida qui est passé il y a quelques mois. Neuf, pour être précise."

L'homme referme les yeux. Il articule avec effort, après quelques minutes de silence:

"Sors."

Lentement, la femme se lève, mais il n'y a pas trace d'inquiétude sur son visage. Ce seul mot lui a suffi pour comprendre. Cette nuit, elle mourra. Elle sort, pas à pas, sans tourner le dos à l'homme qui partage sa couche depuis 10 ans. La porte refermée devant elle, elle ne perd plus une seconde.

Elle court, traversant la grande demeure, pas vraiment un chateau, qui les abrite, eux et quelques uns des plus pauvres de leur communauté. A perdre haleine, sans réfléchir, elle fuit le courroux de l'homme qui commande à une centaine de sacrieurs valeureux, et qui ne peut perdre la face. Un homme tel que lui trompé par sa femme après tant d'années d'attente d'un enfant ne peut permettre que cet affront soit révélé au grand jour. Le bébé refletera l'essence des deux parents, et une sacrieuse et un sadida ne peuvent donner naissance qu'à un monstre. A vrai dire, il lui importe peu que cette femme qu'il a cessé d'aimer et qui ne lui a jamais vraiment montré d'amour ai donné ses faveurs à un autre homme. Il préssent que ce sadida n'est surement pas le seul. Mais c'est un chef, et l'honneur sacrieur ne peut souffrir d'une telle injure.

Alors la femme qui sait tout cela court, traversant les champs jusqu'à sa foret, celle qui l'a longtemps protégée et dont elle connait les monstres. Pourtant, elle ne peut plus courir très longtemps. Les douleurs de l'enfantement la prennent. Elle ne regrette pas d'avoir avoué à son mari. Malgré sa froideur apparente et son manque de fidélité, elle n'aurait pas supporté donner des explications après la naissance.

En vérité, tandis qu'elle s'effondre sus un arbre, ses belles parures jurant avec la couleur boueuse du sol, elle songe avec curiosité à l'enfant à naitre. Elle n'éprouve rien de spécial pour lui, mais elle est curieuse de voir le résultat de son union avec le sadida fougueux qui l'a charmée. Elle se dit qu'après tout, cela peut faire un beau bébé. Elle a oublié son mari qui la recherche déjà. Elle souffre et hurle sous les contractions. Ses chairs se déchirent et son sang imprègne la terre, mais elle n'a pas peur, car elle a appris aux monstres de la foret à craindre l'odeur de sa souffrance.

Enfin, l'enfant est là. Avec la lame fixée sous son poignet, elle tranche le cordon et plaque le nouveau né contre elle, suivant les gestes maternels ancrés dans sa génération de femme depuis la nuit des temps. Une fille. A la lumière de la lune, elle examine son enfant, qu'elle débarbouille de son sang. Elle est un peu déçue, car sa fille ressemble à une parfaite petite sacrieuse. A un détail près... L'enfant a la couleur d'un bourgeon qui vient d'éclore. La mère se redresse, s'appuie contre l'arbre qui l'a soutenue et repose le petit être qui n'a toujours pas crié sur son ventre. Sereine, la petite sacrieuse respire doucement, les yeux encore fermés. Sa mère termine délicatement sa toilette, perdant pour la première fois depuis longtemps avec quelqu'un d'autre qu'un amant son air froid.
Elle a des sourires dans les yeux. Tout à coup, le petit être ouvre les siens et son regard plonge dans ceux de celle qui l'a mis au monde. Le regard gris de la mère et celui violet, ou peut être bleu, elle le distingue mal, de l'enfant se croise. Echange bref, échange parfait. Un bruit sec se fait entendre.

La petite sacrieuse fixe toujours sa mère, regardant sans un bruit sa tête basculer de ses épaules et rouler à terre, tranchée nette par la hache que l'homme a fiché dans son cou. Elle ne comprend pas. Et de nouveau, elle se retrouve aspergée du sang de sa mère, qu'elle acceuille enfin d'un gargouillement joyeux. L'homme ramasse la minuscule chose du cadavre de sa mère et la contemple, découvrant lui aussi la curieuse couleur de celle qui n'est pas son enfant. Le froid anime le bébé qui crie plus fort et veut retrouver la chaleur du corps qui finit de se vider de son sang à quelques pas de là. L'homme sourit. L'enfant vivra.
Seconds sangs


Il y a déjà 8 ans de cette nuit de novamaire qui a vu naître la petite sacrieuse à la peau verte.

Les amours interdits de sa défunte mère et du sadida inconnu ont été cachés par le père, qui a simplement donné comme réponse aux questions des autres sacrieurs une terrible maladie qui a emporté sa femme et laissé à son enfant cette curieuse couleur. Ni eux ni l’enfant n’ont la moindre idée de la vérité.

Jiyaa, puisque son père a choisi ce nom en honneur d’une de ses ancêtres, espérant en lui conférant ce nom plein de l’histoire et de la grandeur d’une famille respectée, forte et orgueilleuse, conjurer les mauvais augures de sa naissance, a grandi et sa peau s’est encore assombrie, mais les autres sacrieurs s’y sont habitués et la chérissent tout autant que les autres enfants.

Cela fait 3 ans qu’elle a commencé son apprentissage des armes et de la philosophie sacrieur, son temps se découpant entre maniement de différentes armes, maîtrise du corps, leçon d’honneur avec le vieux sage plein d’humour Vigan Hyra’No , et vénération de sa déesse avec le très craint prêtre de sacrieur. Elle n’a pas encore appris à se servir des différents sorts qui sont donnés aux sacrieurs, et ne le fera que dans deux ans.

Malgré cet encadrement très strict mais aimant, où chaque jour Jiyaa retrouve les enfants de son âge et s’amuse avec eux, elle ne fait pas beaucoup de progrès et si elle aime généralement s’entraîner, elle ne manifeste pas de dispositions particulières au combat.

Ce fait n’atteint pour le moment que peu son père, qui s’est vite lassé d’elle et suit sa jeunesse de loin, ne contrôlant que parfois les connaissances de la petite par acquis de conscience. Il a confié son éducation comme sa survie aux nourrices, qui après lui avoir offert le sein lors de ses jeunes années lui apprennent maintenant à tenir une maison, par petites tâches, sans trop insister, pour ne pas l’atteindre en son jeune âge.

Néanmoins, un évènement va bouleverser la petite communauté sacrieur, et changer considérablement le statut de Jiyaa en son sein. Un jour où elle s’entraînait à l’épée, la maniant sans grande conviction et la laissant plus souvent tomber par terre que sur son adversaire, un petit sacrieur déjà costaud pour son âge, et surtout très sur de sa supériorité, qui sans être méchant montrait bien que le peu d’enthousiasme de Jiyaa l’énervait profondément, Jiyaa connu pour la première fois la vraie douleur, celle que tout sacrieur se doit de canaliser et de vénérer pour la force qu’elle lui apporte.

Alors qu’elle était distraite par un combat entre un prespic malin et un de ses camarades qui avait décidé de commencer à apprivoiser ses sorts plus tôt que prévu, et qui lançait assaut avec acharnement sans réussir à atteindre le prespic qui semblait prendre plaisir à faire tourner son adversaire en bourrique, son partenaire, exaspéré, poussa un cri et fondit sur elle sans qu’elle ait le temps de lever sa garde. L’épée tranchante, qu’utilisait tout sacrieur quel que soit son âge, transperça son flanc. Par chance, Jiyaa par réflexe s’était écartée, et l’épée ne fit pas de dégâts mortels, lui tranchant néanmoins un bon morceau de chair. Jiyaa était petite, mais par instinct elle aurait du savoir gérer une blessure qui ne mettait pas sa vie en danger et se contenir. Les enfants sacrieurs s’entraînaient avec de vraies armes et ces accidents n’étaient pas rares, ils étaient constamment couverts de gnons et de plaies, sans que cela ne les gène le moins du monde. Pourtant, Jiyaa resta muette un moment, se passant les mains sur la plaie et les retirant rouges de sang, les yeux exorbités. Et tout à coup, alors que des adultes approchaient de la scène pour contrôler la situation, elle s’effondra sur elle-même et se mit à hurler, pleurant de douleur et maudissant sa vie qui la faisait affronter cette horreur qui semblait la manger de l’intérieur et qui la vidait de ses forces. Aussitôt, une dizaine de sacrieurs l’attrapèrent et la remirent sur pieds, avant de la lâcher et de reculer de quelques pas en la foudroyant du regard. Mais Jiyaa ne voyait plus tout cela, un voile noir masquait sa vision, et son hurlement se coupa net lorsqu’elle perdit conscience et s’effondra à nouveau.


Elle ne se réveilla que bien plus tard, après une nuit de fièvre et de douleur, et ouvrit les yeux sur le visage fermé de son père. Il détourna aussitôt les yeux et lui demanda :

« Alors ? »

Jiyaa mit quelques minutes à comprendre la question et répondit faiblement :

« Alors quoi ? »

Enervé, Eltan Neang’Yl se leva et fit le tour de la couche ou reposait Jiyaa, se contenant avec peine. N’en pouvant plus devant le silence de l’enfant qui le suivait des yeux, il explosa :

« Alors quoi ? Tu te conduis comme un bébé et tu oses me demander « alors quoi » ?! Tu me déçois énormément Jiyaa, tu n’es même pas capable d’affronter une blessure minime et tu me fais honte devant tes professeurs et tes camarades. »

Jiyaa maintenant complètement réveillée et révulsée par ce qu’elle considérait comme une injustice totale, son petit visage froncé de colère, ouvrit la bouche avec la ferme intention de renvoyer son père qui ne s’occupait jamais d’elle dans ses pénates, mais n’eut pas le temps de mettre ses projets à exécution, coupée net par Eltan:

« Tais toi ! Tant que tu n’auras pas appris à te contrôler, tu n’auras plus accès à ma maison et je ne te considérerai plus comme ma fille. Tu ne portes plus mon nom. A 8 ans, je maniais déjà mes châtiments et jamais je ne me suis comporté aussi lâchement que toi. Tu n’as pas le sang d’un chef Jiyaa ! Tu ne t’es toujours pas montrée digne de ta lignée. Ta vie ne se compose pas de jeux stupides et d’enfantillages ! Tu es née pour combattre et porter l’honneur sacrieur, pas pour t’effondrer comme… »

Plus son père avançait dans son discours, plus son sang s’enflammait et Jiyaa pouvait distinguer les auras rougeâtres qui flottaient autour de lui, et qui l’hypnotisait complètement, sans pour autant diminuer son attention, au contraire, chaque parole semblait se graver plus profondément en elle.

Sans terminer sa phrase, Eltan sortit de la maison qui abritait Jiyaa et murmura entre ses dents serrées les mots qui lui avaient écorchés la gorge, qui furent emportés par le vent de Cania qui s’était levé :

« Comme un sadida. »
Troisièmes sangs



Jiyaa a 14 ans. Elle est devenue une belle jeune fille, grande et déliée comme une liane, et modelée de formes alléchantes. A son âge, toutes les autres sacrieuses sont déjà devenues des femmes, elles sont tout aussi formées qu’elle mais plus petites et plus trapues, plus robustes.

Une sacrieuse saigne pour la première fois tôt, entre 10 et 12 ans, pourtant Jiyaa reste une enfant et ses nourrices s’inquiètent.

Cela fait 4 ans déjà qu’elle connaît ses châtiments et ses sorts, et qu’elle apprend à les maîtriser. La philosophie sacrieur lui a été révélée dans ses moindres détails, mais Jiyaa n’est toujours pas assidue. Depuis ce jour ou elle a perdu son statut de future guerrière, il y a 6 ans, elle compense cet échec par une présence, une gentillesse et une ouverture d’esprit qui plait et fait rire ses camarades. Même si la valeur guerrière est la principale chez les sacrieurs, ce ne sont pas des iops, et elle a su trouver sa place à travers le développement de son esprit.

Ses professeurs ont fini par s’y habituer, et si elle suit toujours ses entraînements, c’est bien plus pour sauver les apparences et rester avec ses amis que pour progresser. A vrai dire, elle apprécie prendre les coups à la place des autres et faire bouclier de son corps, mais avec des partenaires uniquement sacrieurs, cette qualité est assez peu utile. En revanche, la souffrance la révulse toujours et elle ne se fait décidemment pas à ses châtiments, qu’elle n’utilise quasiment jamais, préférant s’amuser à jour des tours à ses camardes en échangeant leurs places à loisir. Quant à son épée dansante, qui est censé la servir, elle n’en fait qu’à sa tête, et la sacrieuse ne cesse de se chamailler avec, car Jiyaa préfèrerait que l’épée attaque ses ennemis plutôt qu’elle, sans succès. Pour être tout à fait lucide, ce que Jiyaa préfère dans ces entraînements, c’est la proximité des jeunes sacrieurs masculins de son âge avec qui elle peut s’essayer discrètement à toute sortes de jeux, et apprécier à loisir la cour qu’ils lui font.

Un jour de jumaire, un jeune féca arriva au village des sacrieurs, seul, se présentant comme maître de bâton et proposant ses services. Bien entendu, on lui rit au nez :

« Dis donc minot, tu as quel âge ? »

Le féca répondit d’un ton assuré :

« 19 ans et ailes au vent ! »

Des rires accueillirent sa réponse, et on lui expliqua gentiment :

« Ecoute gars, t’es un peu jeune pour t’occuper de nos enfants, ils ont des professeurs plus expérimentés… »

Sans se démonter, il répliqua, sans doute habitué à cet accueil dubitatif, avec un ton de commerçant avisé :

« Il n’y a personne qui aurait besoin de cours particulier, plus adaptés à sa personnalité, qui aurait des difficultés ? »

Le vieux sage Vigan Hyra ‘No, qui se reposait d’un cours mouvementé sur le sacrifice, lui répondit alors avec malice, avisant le bel aspect du jeune féca :

« Tu n’as qu’à aller te proposer à Jiyaa, elle est là bas, c’est celle qui a la peau verte, elle s’entraîne justement au bâton. »

Il y eu des murmures amusés à cette réponse, mais sans s’en soucier, le jeune homme se dirigea d’un pas assuré vers l’enceinte de combat, préférant observer d’abord sa future élève en action.

Quand il arriva, il put voir Jiyaa, bâton en main, un grand sourire sur le visage, qui lançait des regards outranciers au sacrieur plus jeune qui se tenait devant elle, et qui semblait fortement décontenancé par son aspect. Elle le taquina gentiment :

« Ben alors Ynuin, on sait plus tenir un bâton ? Même moi je m’y prend mieux que ça.. Et pour un homme tu sais, c’est utile, de savoir se servir de son bâton. »

Le sous-entendu n’était pas très fin et le pauvre sacrieur rougit violemment, tentant une attaque sans conviction. Jiyaa l’évita facilement, et lâchant son propre bâton, elle lui sauta dessus en poussant un hurlement de joie, le plaqua au sol et s’employa le plus sérieusement du monde, en le chatouillant, à le faire mourir de rire.

Un sourire apparut sur le visage du féca, qui rentra dans l’aire de combat pour séparer les deux combattants, Ynuin au bord de l’asphyxie tellement il riait.

« Hop là tous les deux ! Je suis le nouvel instructeur de Jiyaa, et d’après ce que j’ai vu, elle va moins rire maintenant. »

Jiyaa se dégagea de sa poigne, et lui demanda avec un sourire hypocrite :

« Et à qui ai-je l’honneur, monsieur le professeur féca ? »

Les yeux brillants, il lui répondit sans se troubler, accompagnant ses paroles d’une petite courbette :

« Watapou, pour vous servir, damoiselle.


- Watapou tout court ?


- Watapou tout court. En garde ! »

Ramassant le bâton de Jiyaa, il le lui lança et pris de l’autre main son propre bâton. Jiyaa se mit en garde. Elle appréciait déjà ce Watapou, tout simplement pour son humour et surtout car elle aussi se présentait comme « Jiyaa tout court » puisque son père l’avait définitivement reniée à la naissance de l’enfant qu’il avait eu avec sa seconde épouse. Jiyaa aurait aimé s’occuper de celui qu’elle pensait être son demi frère, mais n’ayant pas le droit de rentrer dans la demeure des Neang’Yl, elle ne pouvait que le regarder de loin quand sa mère lui faisait prendre l’air.

La première attaque du féca la décontenança, car elle n’était plus sur un terrain qu’elle maîtrisait. Elle fit la grimace en s’esquivant précipitamment, et chercha à retrouver contenance.

« Alors, que nous vaut votre présence ici ? Vous n’avez pas l’air bien vieux, et il est rare que des voyageurs soient seuls dans ce coin perdu de Cania. »

Pour toute réponse, Watapou lui dit :

« Cela ne m’étonne pas que tu t’effaces, même ta garde est mauvaise. Mets un peu de cœur dans ce que tu fais, si tu ne veux pas prendre un mauvais coup. Je ne suis pas là pour te chouchouter, mais pour voir ce que tu vaux et t’aider à corriger tes erreurs. Et j’ai l’impression qu’il va y avoir du boulot. »

Jiyaa grimaça de nouveau mais raffermit sa prise sur son arme et corrigea sa garde. Elle feinta, tenta une attaque qui fut contrée par le bâton de son adversaire. Elle mettait peu de puissance dans ses coups, cherchant à trouver une faille dans la parade de son professeur et à frapper au bon endroit une seule fois plutôt que s’épuiser à attaquer un adversaire de toute façon trop fort pour elle.

Finalement, à une attaque du féca, elle plongea en avant et chercha le contact, bloquant son adversaire de son corps, et en profita pour lui asséner un coup de pied entre les jambes assortis d’un coup au creux de la nuque du tranchant des deux mains. Elle recula vivement en ramassant son bâton tombé à terre, pensant avoir une bonne marge de manœuvre par ses coups, mais fut cueillie en se baissant par un coup à l’estomac, qui la fit rouler à terre et la laissa immobile, tentant de reprendre son souffle.

La voix du féca se fit entendre.

« Erreur, cette petite attaque en traître est peut être efficace sur tes camarades, mais apprends que des adversaires autres et confirmés porteront toujours une coquille et tu manques trop de puissance pour faire bien mal de tes mains. »

Il s’agenouilla à coté d’elle et lui demanda, quand même un peu inquiet de ne pas la voir se relever :

« Ca va ? »

En se penchant vers elle, il se rendit compte qu’elle souriait largement et elle lui répliqua :

« Très bien, je suis mieux par terre qu’en face de vous, c’est reposant. »

Watapou resta interdit quelques secondes avant d’éclater de rire :

« Eh bien tu m’as l’air d’être un sacré numéro ! » Lui tendant la main pour l’aider à se remettre sur pieds, il ajouta :

« Viens, on va discuter de ta manière de combattre, ça vaut mieux. »

Il s’arrêta soudainement et lui dit d’un ton calme : « Au fait, tu saignes. »

« Hein ? »

Jiyaa se toucha le ventre mais elle n’avait rien, elle baissa alors les yeux et s’aperçut que des filets de sang coulaient le long de ses jambes, tachant le sol poussiéreux. Un sourire satisfait s’étala sur son visage.

« Eh ben, c’est pas trop tôt ! Je reviens ! »

Et elle partit en courant jusqu’à la maison de la nourrice chez qui elle vivait encore, sous le regard de ses camarades souriants, heureux pour elle.

Elle débarqua en trombe chez la vieille Jimana en criant « Ca y est, ça y est, je peux partir ! ». Sa vieille nourrice la calma, et avisant le sang qui coulait de ses jambes, sourit et lui donna de quoi se laver et des bandes souples de peau de lapino pour éviter les petits tracas des femmes. Elle lui pinça la joue et lui dit :

« Allez va te laver, on parlera ensuite de tout ça. »

Jiyaa, tout en savourant l’eau du baquet dans lequel elle trempait qui la délassait, se mit à chanter affreusement faux des comptines pour enfants pour faire rire les femmes et les petits présents. Elle se sécha et se rhabilla rapidement, avant de se présenter d’une courbette devant sa nourrice.

« Alors, comment me trouvez vous, ma chère Jimana ? »

La nourrice rit et lui répondit :

« Sublime Jiyaa ! Plus sérieusement, que vas tu emporter ? »

Jiyaa avait du mal à contenir son excitation. En effet, la tradition sacrieuse voulait que quand une enfant devenait une femme, elle quitte pour la première fois seule et pour un an son village, pour acquérir de l’expérience et la connaissance du vaste Monde. Jiyaa avait vu partir puis revenir chacune de ses amis et elle attendait impatiemment son tour, enfin arrivé.

« Ben, j’ai pas grand-chose à emporter finalement… Mon épée me servira peu, je crois. Je ne la manie vraiment pas bien ! Je vais emmener quelques vêtements, mes dagues, un poignard, un arc pour la chasse… Un peu d’argent, des provisions, de quoi se laver et se coiffer, et en route ! »

Jimana approuva de la tête puis ajouta en hésitant :

« Bon, tu dois aller prévenir le conseil… Cela prendra quelques jours avant que les détails de ton départ soient réglés… Et euh… Peut être prévenir ton père, même s’il sera forcément au courant… Lui dire toi-même ? »

Jiyaa s’assombrit et répliqua sèchement :

« Quel père ? »

Jimana soupira et reprit :

« D’accord, oublie ça… Par contre, normalement, la mère est la seule autorisée à aller te voir de temps en temps et à t’aider si tu as des ennuis… Il faudra que tu choisisses quelqu’un d’autre pour ce rôle, même si tu es grande maintenant. »

Jiyaa répliqua vivement :

« Oui oui ne t’en fais pas, je me débrouillerai ! »

A vrai dire, elle avait déjà une petite envie derrière la tête, et elle se demandait si elle pourrait la mettre en œuvre…

A ce moment, on toqua à la porte, et Watapou après en avoir reçu l’autorisation passa la tête par la porte. « C’est ici que mon élève a disparu ? » demanda t-il.

Avec un sourire, Jiyaa l’invita à entrer et lui présenta sa nourrice. Elle le mit ensuite au courant en quelques mots de son départ et conclut sur un « Vous allez devoir vous trouver un autre élève ! »

Il éclata de rire et lui répliqua : « Sûrement pas ! Quand je commence une éducation, je la termine, et avec toi j’en ai pour un moment. Je viens avec toi. »

Jiyaa se troubla : « Euh.. Je ne suis pas sure que vous puissiez, je dois m’en aller seule. »

Comme à son habitude, le féca ne se laissa pas abattre et ajouta « Seule oui, mais seule de ta race… Un féca ne devrait pas poser de problème. »

Jimana les interrompit. « De toute manière, tu dois prévenir le conseil, alors profite en pour leur demander. Ouste ! »

Elle les poussa dehors gentiment. Jiyaa espérait curieusement que le féca serait autorisé à l’accompagner. Elle l’observa discrètement tandis qu’ils marchaient en silence vers la maison qui abritait le conseil, appréciant ses cheveux bruns brillant au soleil, son nez droit, le velouté de sa peau et la beauté de ses muscles jouant sur la tenue de cuir simple qu’il portait. Elle était mal à l’aise mais s’efforçait de ne pas le montrer, peine perdue si l’on en jugeait à l’air de Watapou qui semblait avoir du mal à s’empêcher de rire devant les coups d’œil de Jiyaa.

Ils arrivèrent enfin au conseil, et Jiyaa demanda au féca de l’attendre dehors. Il failli protester mais haussa finalement les épaules, la laissant se débrouiller toute seule. Quelques minutes plus tard, elle ressortit de la maison, un air étrange sur le visage. Watapou l’interrogea :

« -Alors, qu’est ce qu’ils t’ont dit ?

- Ben ça n’a pas paru leur poser beaucoup de problèmes… A vrai dire certains d’entre eux, mon ex père par exemple avaient l’air plutôt contents de me voir mettre les voiles.

-Comment peut on avoir un « ex père » ? » Demanda le féca, interloqué.

Jiyaa lui fit un sourire triste : « Facile, mettez une sacrieuse bizarre à la peau verte, rajoutez un soupçon d’incompétence au maniement des armes, saupoudrez de refus de certains aspects de la philosophie sacrieur, remuez avec un père chef et distant et voilà, vous obtenez un joli reniement ! »

Watapou ne rajouta rien, et la laissa retourner à ses préparatifs.

Il fallut 3 jours au conseil pour dégoter une dinde pour Jiyaa et Watapou et la mettre en garde contre certains dangers du Monde, leçons que Watapou écourta d’un « Je suis avec elle, je lui apprendrai tout ça, ne perdez pas votre temps. »

Le féca n’était pas resté inactif durant ces 3 jours, prouvant sa valeur au combat en affrontant des sacrieurs plus âgés que lui et en encaissant des punitions sans faiblir (il semblait même y prendre un certain plaisir), et son efficacité à la chasse, en abattant de nombreux animaux, qu’il attirait curieusement.

Vint enfin le jour du départ. Jiyaa après avoir saluer tous ses amis avec émotion, le cœur serré, alla dire au revoir à son vieil instructeur, Vigan Hyra’No, dans sa maison. Elle avait été proche de lui, et il l’appréciait pour son esprit vif, elle lui posait souvent des questions épineuses et mettait son enseignement en doute, le poussant à justifier au mieux ses maximes, ce qui lui plaisait.

Il l’embrassa comme sa fille, et la salua d’un « Bonne chance, frotte toi au monde mais ne le séduit pas trop, petite croisée ! » Jiyaa fit volte face et lui lança un regard interrogateur.

«- Pourquoi ‘croisée’ ?

- Je ne sais pas trop, mais tu es assez différente des autres, regarde toi, tu es bien plus grande et fine, et tes cheveux, cette tignasse ressemble plus à une sadidette qu’à une sacrieuse ! » lui répondit il en riant.

Jiyaa lui jeta un regard de ses grands yeux ronds, à travers les mèches de cheveux bleus qu’elle n’avait pas eu le courage de nouer en natte à la mode sacrieuse le matin. Elle réfléchit quelques instants et lui dit sur le ton de la confidence :

« Peut être, vous savez, je ne me sens pas très proche de Sacrieur, il y a des choses qui ne me plaisent pas, je ne les sens pas dans mon corps… »

Le vieux lui dit dans un grand sourire :

« On avait cru remarquer. »

Jiyaa faisant mine de n’avoir rien entendu, continua :

« En vérité, je préfère Feca, bouclier, ca me va bien. »

Vigan soupira en la poussant dehors « Ne confonds pas sentiments et religion, petite… Et depêche toi, il ne faut jamais faire attendre un professeur, et Watapou a l’air de s’impatienter ! »

Jiyaa voulut protester d’un « Mais.. » et n’eut pas le temps d’aller plus loin.

« Il n’y a pas de mais qui tienne, file ! A bientôt ! »

Elle s’enfuit en souriant, courant jusqu’aux dindes, où Watapou, monté sur une belle ébène, tenait par la bride une amande pour Jiyaa. Il l’apostropha du haut de sa monture :

« - Tu sais monter, j’espère !

- Depuis toujours ! Je suis née sur une dinde ! On a beaucoup de points communs ! »

Elle engagea un pied tremblant dans l’étrier en calmant son… fier destrier de la voix « Oh là, doucement ma belle… T’excites pas, j’vais pas t’fourrer aux champignons, allez grosse bécasse, on se calme. »

Du haut de sa dinde, Jiyaa se sentait puissamment heureuse, respirant l’air de ses plaines avec délectation, faisant des signes de la main aux derniers curieux qui la regardaient s’éloigner. Elle n’avait pas vu Eltan, et n’avait aucune envie de lui dire au revoir. Ils s’éloignèrent sur la route d’Amakna, en silence, Watapou laissant Jiyaa profiter de ces premiers instants de liberté. Mais elle était très bavarde de nature et rapidement elle voulut partager ses impressions et une conversation animée s’installa. Jiyaa voulait tout savoir.

Aucun des deux compagnons ne virent la silhouette sombre d’Eltan Neang’Yl les observer partir d’une fenêtre de sa grande demeure. Il cracha une seule phrase avant de s’en retourner :

« La voilà partie… Espérons qu’il ne se reproduiront pas ces deux là, une sacrieuse mi sadida et un féca un peu osamodas, ça donnerait un drôle de mélange. »
Quatrièmes sangs


Jiyaa marche silencieusement dans une ruelle sombre d’Amakna. Il est 2 heures passées. Elle suit, en s’efforçant d’être la plus silencieuse possible, une silhouette noire devant elle. Elle sait Watapou non loin et elle n’a pas peur. Elle perd soudain la trace de la silhouette, et hésitant entre deux ruelles, entend un bruit sourd derrière elle. « Merde » murmure t-elle entre ses dents serrées, en se retournant vivement. La concentration fait couler quelques gouttes de sueur sur ses tempes. Elle n’a que le temps d’apercevoir le panda qui lui fait face avant d’encaisser de plein fouet le coup de bâton qu’il lui assène. Le panda est un combattant avisé, il connaît bien les sacrieurs, et retire aussitôt son arme pour asséner un nouveau coup, n’ignorant pas qu’il en faut bien plus pour atteindre cette race. Aussi est il surpris par le grognement de douleur de Jiyaa. Il marque une seconde d’hésitation, craignant d’avoir mal évalué son adversaire, seconde qui lui est fatale. Aussitôt, Jiyaa se jette sur lui et l’envoie rouler au sol d’un coup de pied puissant. Sans lui laisser le temps de se redresser, elle abat son coude sur sa tempe, projetant violemment la tête de son adversaire sur le coté, qui s’abat avec un craquement répugnant sur le coté d’une caisse. Jiyaa murmure un « Désolée » indistinct avant de fouiller le mort et de tirer de ses poches avec ravissement une bourse bien pleine. Elle reconnaît le pas de Watapou derrière t-elle et en se retournant lui jette la bourse avec un grand sourire « Et voilà m’sieur ! » Le féca examine la situation et lui réplique d’un ton neutre :

«Tu aurais pu éviter le premier coup. Tu as eu bien de la chance que ce panda soit suffisamment intelligent pour se demander pourquoi un sacrieur grogne de douleur, et vaincre grâce à une faiblesse n’a rien de satisfaisant. Tu dois être assez forte pour éviter le coup, ou alors l’encaisser sans rien ressentir. »

Jiyaa soupire et lui répond :

« Des fois je me demande si tu sais que tu cherches à m’enseigner exactement le contraire de ce que l’on m’apprend depuis ma naissance… On ne change pas en un jour. »

Watapou lui réplique sans se départir de son ton neutre :

« Je ne te force pas à embrasser Feca, je te rappelle. Tu es libre de retourner dans ton village te coltiner la philosophie sacrieur. »

Jiyaa prend un air penaud et répond d’une voix humble « Tu as raison, excuse moi.. » Avec un grand sourire, Watapou lui lance un « Ben oui, j’ai toujours raison. »

Jiyaa lui fait la grimace et ils repartent tous les deux dans les ruelles. La sacrieuse a 15 ans, cela fait quelques mois qu’elle et Watapou sont arrivés en Amakna, et qu’ils survivent et s’entraînent comme ils peuvent. Jiyaa sent que quelque chose tracasse le féca et l’interroge :

« Tu es fâché ? »

Celui-ci, fâché en effet, lui répond d’un ton sec :

« Oui. Je n’aime pas quand tu n’as aucune confiance en toi comme ça. »

Contrariée, Jiyaa siffle un :

« T’es mignon, on a passé 14 ans à me dire que j’étais indigne, incapable d’honorer et de combattre pour Sacrieur, et toi tu débarques et tu veux que j’oublie tout ça en un claquement de main ! »

Watapou, énervé par cette réponse s’arrête net, manquant de se faire rentrer dedans par Jiyaa qui le suit, fait volte face et enchaîne aussitôt :

« Tu veux bien arrêter ton petit numéro ? Ca y est, tu t’es trouvée un problème alors tu lui colles un nom et tu te fixes dessus ? « Oh mon dieu j’ai aucune confiance en moi j’ai jamais été bonne à rien » Tu fais le choix de quitter ceux qui t’ont jugée, et qui t’ont pourtant donner ta place, au passage, tu commences une nouvelle vie avec quelqu’un qui t’estimes et te laisses battre des ailes et faire des erreurs à loisir, qui te guides et t’instruis, tu CHOISIS une nouvelle philosophie qui te colle à la peau, tu t’épanouis, tu réussis, tu progresses et tu oses me dire que c’est normal que tu n’aies toujours pas confiance en toi ? Que je te brusque trop ? Ne me rends pas responsable de tes petits problèmes de personnalité, tu veux ? C’est fatiguant de porter toutes les névroses du monde. »

Jiyaa reste bouche bée devant cette tirade, et ne fournit aucune réponse à Watapou qui semble en attendre une. Devant cette absence de réaction il reprend sa marche avec un « Bon tu viens, on a du boulot et on a pas toute la nuit non plus. » sec.

Ils marchent encore quelques minutes avant que Jiyaa se rapproche du féca et lui glisse un « J’ai compris » timide, tout en lui effleurant la joue de sa main. Le féca accepte cette réponse avec un sourire et lui souffle doucement « On verra. Je te préfère comme ça. » S’arrêtant soudainement de nouveau, il plaque la sacrieuse contre le mur de la ruelle, lui emprisonnant les poignets entre ses mains et lui glissant une jambe entre les siennes. Il l’embrasse doucement, longuement, et quand Jiyaa peut de nouveau parler, elle lui glisse, le souffle court : « Et alors, tes projets pour la nuit ? ». Avec un sourire éclatant, le féca lui répond « Ah oui tiens, tant que tu m’y fais penser, on va s’en occuper, de mes projets pour la nuit. » Il l’attrape par la main et l’entraîne jusqu’à une auberge proche.

Ils entrent et de la bourse fraîchement volée Watapou pose une poignée de pièces sur le comptoir en lançant un « Ta meilleure chambre, aubergiste ! » Le molosse qui se tient derrière le comptoir compte rapidement les pièces et répond « Il en manque une. »

Watapou, contrarié par cette interruption de son exploration minutieuse des mystères se cachant sous la jupe de Jiyaa, pousse un « Quoi ? » auquel l’aubergiste répète « Il en manque une. Les prix ont augmentés. » Prenant les choses en main, Jiyaa pose une pièce de plus sur le comptoir, et en rajoute une deuxième avec un sourire « Ca, c’est pour qu’on ne nous dérange pas. »

L’homme les conduit à l’étage et leur ouvre la porte d’une jolie petite chambre avec un lit confortable, sur lequel Watapou précipite Jiyaa avant même que la porte ne se soit refermée.

Là, il lui chuchote à l’oreille « Je vais m’occuper de toi. » tout en la déshabillant. Jiyaa lui sourit et lui dit « Avec plaisir. » Après divers déshabillages et calins, Jiyaa se retrouve à califourchon sur le ventre du féca, caressant rêveusement les quelques poils qui parcourent son torse. Watapou l’attire à lui et lui confit « Je serai là pour toi, Ji. Je suis heureux de t’avoir rencontrée. » La jeune femme plante ses yeux dans les siens, et en lui caressant les cheveux, lui chuchote « Moi aussi Wata, moi aussi… » Les yeux rieurs, le féca reprend :

« Pour le moment… Tu ne m’échapperas pas ! »

Il la renverse en se redressant, et plongeant entre ses jambes, lui mord sauvagement la cuisse. Il la mord tellement fort qu’un peu de sang coule sur les draps, mais Jiyaa rit aux éclats, pour la première fois elle se comporte comme une vraie sacrieuse : Elle tire du plaisir de sa douleur. Jiyaa revient au niveau du féca et l’embrasse doucement, absorbant son amour et sa chaleur. Watapou lui glisse une main entre les jambes, et la sentant prête s’enfonce doucement en elle, forçant un peu le passage au début et faisant gémir Jiyaa, de plaisir plus que de douleur, mais très vite elle s’offre à lui et lui entourant la taille de ses jambes, accompagne ses mouvements et l’accueille totalement. Il repousse les jambes de la jeune sacrieuse sur ses épaules à lui, et s’enfonce plus profondément en elle, caressant son corps et lui donnant ses baisers comme autant d’offrandes silencieuses. Les deux corps se mêlent, les deux êtres connaissent pour la première fois le bonheur d’être ensemble, et en s’échangeant un peu de leur essence, s’aiment et se lient durablement. Jiyaa grandit.
Cinquièmes sangs

Jiyaa a 18 ans. Elle se fatigue vite en ce moment, alors Watapou et elle rentre sagement à la tombée de la nuit dans une auberge pour se reposer. Son ventre légèrement distendu abrite un enfant depuis 6 mois, mais c'est encore assez discret.

Plusieurs mois plus tôt, ils se sont rendus tous les deux à Bonta, Watapou forcé de suivre Jiyaa qui refusait d'entrer dans la cité des anges sans lui, même s'il risque alors sa vie auprès des miliciens, qui ne se laissent pas bernés par ses ailes de brakmarien soigneusement cachées aux regards. Ils ont une mission, donnée par un "des amis" du féca.

Mais pour le moment, aucun des deux ne pensent à la tâche qui les attend, et ils pénètrent tranquillement dans l'auberge modeste. Dans la salle principale, accoudés au bar, quelques sadidas ivres regardent Jiyaa avec avidité à son entrée, et lui lancent quelques plaisanteries grivoises. Sans s'en soucier, Watapou s'installe à une table reculée, laissant sa compagne se débrouiller seule avec eux, comme elle en a l'habitude.

La sacrieuse s'apprete à passer devant eux sans répondre quand une exclamation d'un des saoulards la fait ralentir:

"Attaa un peu toa.. Et les gars, j'la connais elle, j'lu suis dja passée dessus à celle là.. Nan nan nan c'pas possible ça, trop jeune la minette, pourtant j'mettrais ma main à couper que j'ai dja vu ces ch'veux là.. Atta atta attadez, c'va m'r'vnir."

Il emet un rot sonore sous les rires de ses comparses, et comme Jiyaa, intriguée, se tourne vers lui, il rajoute plus fort:

"Ouais ouais ouais c'minois là j'le connais bien.. M'rapelle bien des souvenirs.. Comment qu'elle s'appelait dja.. Une nana les gars, zauriez du voir, froide comme la pierre dehors et chaude comme la braise dedans ! C't'ait ou déjà... Ah oui, à Cania !"

Jiyaa les sourcils de plus en plus froncés, le laisse parler, trouvant la coincidence assez énorme.

"Une reine les gars ! Une reine, pour moi ! le port alt.. iltia.. atiler.. bref, le port royal quoi ! Elle lui r'ssemblait vachement à la gamine, mêmes yeux, mêmes cheveux, même nez ! Son nom c'était Lynia ou Mylia ou Nylia ouais Nylia, et puis un truc bizarre comme les sacrieurs ils prennent Langyl ou truc.."

Des ricanements s'élèvent autour de lui et on entend un bref "Et le même cul, aussi ?" que l'ivrogne ignore, figé par le regard que Jiyaa, qui s'est approchée, lui lance. Elle est tout près maintenant, et peut sentir les effluves rances de transpiration et de mauvaise eau de vie qu'il dégage autour de lui. Son coeur se serre quand elle murmure "Nylia Neang'Yl ?"

Un éclair de compréhension passe dans les yeux du sadida aussi furtivement que dans le regard d'une dinde.

"Ouais ouais c'est ca ! Tu la connais ? T'es bien jeune pourtant.. C'qu'ca r'monte à loin, ct'histoire ! Atta atta un peu.. Ouais c'tait pendant la saison venteuse, un froid de croc gland dans ces foutues plaines, y avait qu'ce village de sacrieurs à des lieux à la ronde.." Il s'arrete puis ricane: "Mais elle m'a bien réchauffée, cette petite vicieuse ! Elle t'faisait d'ces trucs mon gars, jamais vu ! Ca s'voyait bien qu'son glaçon d'mari lui f'sait pas du bien au pieu, moi j'te l'dis !"

Le bras de Jiyaa fuse et attrape la sadida à la gorge, avant de le plaquer par terre tout en l'étranglant légèrement. Le silence s'est fait dans la salle, et les autres sadidas lui lance des regards menacants. Watapou s'est levé et s'est placé entre elle et les spectateurs muets, tenant son baton qui parait tout à coup bien menacant d'une main négligente. Il laisse Jiyaa faire ses affaires, ils se connaissent si bien qu'il n'a pas besoin d'explications pour approuver ses gestes.

Jiyaa siffle d'un ton plus froid que l'hiver conté par l'épave qu'elle tient sous sa main:

"Combien de temps ? Ca s'est passé il y a combien de temps ?"

Apeuré, le sadida se débat mais sans succès, il répond quand même:

"Chais pas moi ! Atta atta, doucement ! Ptet 18.. 19 ans, par là ! Après les attaques des sangliers malades!"

Jiyaa espère encore, et rajoute d'une voix désespérée:

"-Tu as dis qu'elle me ressemblait ? A quel point ? Décris là !
-Oh là oh là du calme, ya pas mort d'homme hein !'"

Sous la poigne de Jiyaa qui se resserre, il continue précipitamment, blême:

"Ben ouais, pas mal ouais.. Des yeux tout gris et froids, la peau pareille, blanche, on aurait dit un glaçon... Et les cheveux bleus aussi."

Maintenant, c'est Jiyaa qui blanchit à vue d'oeil, ce qui se traduit chez elle par une teinte de moisi assez déplaisante. Tout à coup, elle se redresse, lache le sadida et découvrant sa hanche et le haut de sa cuisse droite, au grand plaisir de la gente masculine présente, et crie:

"Est ce qu'elle avait ca ?" Elle désigne une tache de naissance sur sa cuisse, une petite tache brune en forme de tête de loup.

Le sadida la regarde avec des yeux ronds.

"Euh... Non."

Watapou hausse les sourcils avant de dire d'un ton neutre:

"Ma chérie, si tu pouvais te rhabiller, j'apprécierais que tu réserves ce genre d'effusion au privé."

Jiyaa confuse, se recouvre et balbutie: "Euh je me suis dit..." Elle s'arrete, et les yeux froids, rabat au sol de son pied le sadida qui tente de se relever. Elle appuie son pied sur le coté de sa tête, la lui plaquant au sol. Autour d'elle, les ivrognes semblent un peu hébétés, et elle crache avec mépris "Alors, c'était ça, mon père... C'était ça que ma mère s'envoyait."

Watapou n'a pas le temps de s'inquiéter de l'emploi de l'imparfait. Jiyaa s'agenouille près du sadida, et sans un bruit, lui prend doucement la tete entre ses mains, comme si elle allait l'embrasser. Il la regarde avec de grands yeux brumeux, sans bien comprendre le déroulement de la situation. D'un seul coup sec, elle lui tourne la tête sur le coté, et un craquement sinistre se fait entendre. Jiyaa se relève en s'époussetant les mains, et attrape Watapou par le bras "Allez viens, on s'en va avant qu'ils comprennent."

Ils s'esquivent rapidement, sans qu'un seul mot ait été prononcé dans la salle. Les portes se referment sur eux, et à terre git toujours le corps du sadida mort, la nuque brisée.
Curieusement, de petites ailes blanches d’ange ont poussées sur le dos de Jiyaa. Elle s’en agace et veut les cacher, mais Watapou la retient d’un air ravi : « Laisse, c’est un bon camouflage ça.. On dirait que ça te fait du bien, de tuer les gens. »

Dans la rue, une fois éloignés du danger des réactions, pour une fois, Watapou ne trouve rien à dire. Il sent la souffrance de Jiyaa mais n’a rien pour l’apaiser. Il se contente de la prendre par la taille et de l’envelopper de son amour, en attendant qu’elle parle. Comme elle n’en fait rien, il songe que le mieux est encore de la laisser en paix jusqu’à ce qu’elle décide de se confier. Il lui parle alors de leur mission :

« On devait tuer un homme… Cible facile, vieillard pilier de taverne, dans le genre taciturne, blasé et cynique, qui dérange par ses yeux encore trop affûtés et qui connaît trop de secrets pour vivre encore bien longtemps. Le problème, c’est qu’on ne va pas le faire. A la place, on va tuer mon commanditaire et ses hommes. Ca te va ? »

Jiyaa, encore mal remise de ses émotions, le regarde avec l’air abasourdi et n’a pas le temps d’ouvrir la bouche pour poser sa question, Watapou reprend :

« Parce que ce vieillard c’est mon père. »

Jiyaa ne parait pas convaincue et lui demande :

« Et alors ? Je viens bien de tuer le mien.
- Oui mais moi, je suis féca et ce n’est pas dans mes manières d’assassiner ma famille. Question d’honneur, sans doute. »

Jiyaa gronde et se tourne vers lui, les yeux pleins de colère sous l’insulte. Elle ne rencontre que de yeux rieurs et le grand sourire du féca qui se moque d’elle. Elle grogne alors un « Attends un peu que je te fasse ravaler ça.. » Mais Watapou est déjà parti à fond de train et zigzague dans la rue. Jiyaa lui court après, souriante en entendant les éclats de rire de son amour, malgré son cœur encore un peu à vif. Ils entament une course folle dans les ruelles de Bonta, quand Jiyaa, après avoir sauté par-dessus une caisse, s’effondre tout à coup en gémissant. Watapou se précipite et la trouve les mains crispées sur le ventre, haletante.

« Qu’est ce qu’il t’arrive ? »

Jiyaa articule avec angoisse :

« Des contractions…
- Hein ? C’est pas normal ça, c’est pas un peu tôt ? »

Sans se donner la peine de répondre, Jiyaa hoche la tête, l’inquiétude au cœur. Watapou se décide rapidement, et la porte à travers les rues, en marmonnant : « Je ne sais pas si je peux rentrer dans sa maison… Mais elle ne peut pas la mettre à la porte, elle. »

Enfin, ils arrivent devant une maison tarabiscotée, qui semble être faite de plusieurs étages branlants empilés les uns sur les autres. Watapou frappe à la porte, et au bout de quelques minutes, un petit écaflip lui ouvre, un pouce dans la bouche, et lui demande :

« C’est pour quoi ? »

Sans se formaliser, le féca répond :

« Va chercher Nina, et vite. »

Comme l’enfant ne bouge pas, il rajoute, tentant d’adoucir sa voix malgré son inquiétude :

« Je te donnerai un poisson. »

Enfin, l’eca s’exécute et revient accompagné d’une foule d’enfants, dont certains avec des bras en écharpe ou d’autres pansements, et au milieu d’eux, une petite bonne femme d’enie, ronchonnante malgré ses yeux qui sourient au milieu des enfants. Boulotte, elle a les cheveux d’un rose pâle et est habillée négligemment, sans cacher les gigantesques ailes de bontarienne qui encadrent son corps. En apercevant Jiyaa qui respire faiblement dans les bras de Watapou, elle pousse un petit cri aigu de surprise. Ses yeux se plantent dans ceux du féca qui semble tout à coup mal à l’aise, transpercé par le regard aigu. Elle ne ressemble plus en rien à la mère de famille accueillante et ouverte. Elle déclare d’un ton froid au féca :

« Je ne peux pas la porter, alors tu rentres aussi, mais je te surveille, et gare à toi si tu effrayes les enfants ou si tu ne te tiens pas à carreaux. »

Watapou acquiesce d’une moue et pénètre dans la maison. Il suit Nina jusqu’à une pièce à l’écart, ou il dépose Jiyaa sur une petite table d’opération, tout doucement. Nina l’écarte d’un battement de main et prend place aux cotés de la sacrieuse qui lui rend un pauvre sourire. Elle lui pose les mains sur le ventre et après quelques dizaines de secondes, demande à Watapou sans se retourner :

« Depuis combien de mois elle est enceinte ? »

C’est Jiyaa qui répond faiblement à sa place : « Six. »

La guérisseuse blanchit un peu mais ne dit rien. De nouveau, elle pose ses mains sur son ventre et puis écoute attentivement, déployant une magie à laquelle les deux amants ne comprennent rien.

Puis, elle dit calmement :

« Je ne peux rien y faire. Quelque chose ne va pas avec l’enfant, et le travail est commencé. Tu es faible, mais tu n’as pas le choix : tu vas accoucher. »

Elle ajoute rapidement devant le regard désespéré de Jiyaa :

« Ca va être dur, mais ne t’en fais pas trop, j’ai déjà vu des enfants survivre même nés avec 3 mois d’avance. Les sacrieurs sont des bébés costauds, ils passent très bien leurs premiers jours. Détend toi et respire. »

Jiyaa ferme les yeux et Nina se tourne alors vers Watapou :

« Toi, ne reste pas dans mes pattes, va attendre dans la pièce derrière, avec les enfants. Et rappelle toi ce que je t’ai dit. »

Watapou tente de protester mais devant le regard de l’enie, il bat en retraite et sors de la pièce, refermant la porte sur lui, et est accueilli dans la vaste chambre dans laquelle il entre par des cris de joie d’enfants. Néanmoins, les petits sentent bien son humeur et le laisse rapidement en paix. Il attend là plusieurs heures, seul lorsque les enfants vont se coucher, et quand les cris et gémissements de Jiyaa ne s’interrompent plus, il se lève et tourne en rond dans la pièce, se retenant à grand peine d’aller voir ce qu’il se passe à coté. Ses grandes ailes de démons se sont déployées sous son énervement, et il semble incarner un blasphème vivant dans le cadre de douceur et de pureté qui l’entoure. La peur l’étreint pour la première fois avec intensité, peur de perdre sa compagne, peur de perdre son enfant, et d’autres peurs, plus profondes, liées à sa vie et son futur et pour le moment mis en danger rôle de père.

Enfin, Nina sort de la pièce, lasse, et Watapou hoquette devant le sang qui orne ses vêtements et ses mains. Elle jette un coup d’œil à ses ailes mais ne fait aucun commentaire, et met fin aux tourments du féca, d’un ton triste.

« Je suis désolée. Je n’ai pas pu sauver l’enfant, mais elle va bien. »

Elle le laisse se précipiter dans la pièce, le visage ravagé par le chagrin. Il y trouve Jiyaa, qui les yeux fermés, ne s’anime pas à son approche. Un grand bandage lui entoure le ventre, qui cache l'ouverture que la guérisseuse été obligée de lui faire pour ne pas la laisser mourir avec l'enfant. Bien sur, elle l'a guérie aussitot après, mais une cicatrice demeurera, souvenir éternel des douleurs de ce jour maudit. Watapou n’ose pas la prendre dans ses bras tant elle parait faible, et c’est elle qui lui dit, chaque mot paraissant lui arracher le cœur :

« C’était un garçon. Un tout petit garçon… »

Watapou gémit à son tour et demande à Nina qui se tient à leur disposition sur le palier de lui montrer l’enfant, mais elle refuse, se justifiant par un :

« Non… Rien ne remplacera jamais cet enfant, mais n’avivez pas la peine en le contemplant. »

Le féca n’a plus la force de se battre, et il s’effondre au coté de Jiyaa. La guérisseuse, le cœur serré, s’éclipse en refermant la porte sur eux, emportant la vision du féca et de la sacrieuse enlacés, noyant leurs larmes et leur détresse dans leur amour mutuel.
*agite les mains comme une folle autour de sa gorge*

Hrrr..rrh...peuh paaarrrh... eurh..

*arrete de s'arracher le peu de cordes vocales qui lui reste et fais des signes d'impuissance.*

(HRP: flemingite aigue + manque de temps + boulot intensif = Ca n'avance pas, mais c'est prévu, pour dans pas longtemps, ça me motive de me savoir lue xD)
Sixièmes sangs


Depuis ce jour là, Jiyaa et Watapou se repose chez Nina. Elle tolère le brakmarien, car elle a lu dans son coeur et sait qu'il ne lui veut pas de mal, ni à elle ni à ceux qu'elle protège.

Jiyaa a cru mourir de douleur, et elle pulse toujours avec la même intensité dans ses veines. Watapou, lui, est moins démonstratif, mais il n'en souffre pas moins. Ce qui chez Jiyaa s'exprime violemment pour s'épuiser au plus vite se distille lentement dans le coeur du féca, empoisonnant ses pensées et sa vie. Il est allé enterré son enfant avec Nina, dans un endroit paisible de la fowet de Cania, au bord d’un petit ruisseau, et ils sont plusieurs fois retournés ensemble en ce lieu.

Quelques jours seulement après l'accouchement de Jiyaa, des miliciens se présentèrent à la porte de Nina.

Celle ci alla ouvrir pour les découvrir, surprise, l'air reveche sur son palier.

"Bonjour, Nina. Nous recherchons 2 personnes, un feca d'apparence assez commune et une sacrieuse plus reconnaissable, à la peau verte, cheveux bleus et enceinte. Je vais être franc Nina, on les a vus entrer chez toi.."

Nina haussa un sourcil:

"Ah oui ? On a du mal vous renseigner alors. J'ai reçu un sacrieur, mais pas de sacrieuse et encore moins de feca.

- Nina, ne nous complique pas la tache... Nous savons que tu considères tes blessés comme exempte de toute justice, mais ce n'est pas le cas. Ils sont recherchés pour meurtre, et surement pas qu'un, à mon avis."

Si Nina ressentit quelques troubles à cette évocation, elle n'en montra rien. Au contraire, elle adressa un sourire lumineux aux deux hommes et leur déclara:

"D'accord, je vais vous montrer quelque chose.. Reculez un peu, pour mieux voir."

Jiyaa et watapou, qui retenaient leur souffle en suivant la conversation, entendirent un brusque bruit de claquement et de loquet, suivi d'une exclamation joyeuse de l'enie:

"Ma porte vue de l'extérieur ! Merveilleux, non ? Je l'ai peinte moi même !"

Elle se tourna vers le couple qui la regardait, comme deux ronds de flan:

"Ben quoi ? Vous pensiez quand même pas que j'allais les laisser faire !"

Et avec un reniflement dédaigneux, elle retourna à ses tâches.

Un sourire timide illumina pour la première fois depuis leur arrivée le visage de Jiyaa et Watapou.

Quelques mois passèrent, et le féca tournait en rond. Un jour, il déclara à Jiyaa, complètement rétablie :

« Bon, ça ne peut plus attendre, on doit « s’occuper » de mon contrat, sinon mon employeur cherchera quelqu’un d’autre. »

Jiyaa fit la grimace.

« - Tu ne peux pas simplement le prévenir de ce qui pèse au dessus de sa tête, ton père ?

- Non. A vrai dire, hum… Ca fait un moment qu’on ne s’est pas vus et il ne me porte pas en odeur de sainteté. »

Jiyaa marmonna un « Ca, c’est le moins qu’on puisse dire » avant de reprendre :

«- Bon, donc en gros on doit éliminer le mec qui a posé un contrat sur la tête de ton père alors que vous pouvez pas vous voir en tableau ?

-Toutafé.

- Autant y aller tout de suite alors.

- Tu as deviné le fond de ma pensée. *sourire* »

La nuit suivante, ils quittèrent sans un bruit la demeure de Nina. A pied, ils traversèrent bonta, dont les rues étaient toujours plus ou moins tranquilles.

Ils arrivèrent enfin devant une maison toute en longueur, sur un étage. Après en avoir fait le tour, Watapou décida rapidement de la marche à suivre :

« - Bon, je connais les lieux, alors écoute moi bien : Tu vas entrer par cette fenêtre là, et te débarrasser des deux gardes qui seront devant cette porte. Moi, je passerai par l’autre coté et on ira directement à la chambre de mon employeur, qui est à l’extrémité la plus proche. Normalement, les autres gardes n’auront pas le temps d’arriver et on repartira silencieusement, comme on est venus. Pas de cris, efficacité et discrétion. Silence absolu, ok ? »

La sacrieuse l’embrassa légèrement et lui répondit « Oui, chef ! Le premier arrivé mange l’autre.»

« C’est pas un jeu, hein… Prends ça au sérieux, c’est dangereux. »

Il s’enfonça dans l’obscurité pour remplir sa part du travail. Jiyaa prit une grande inspiration et crocheta la fenetre. Comme une liane, elle se coula à l’intérieur et resta immobile quelques instants, avant de longer le mur jusqu’aux gardes que lui avait indiqué watapou. Elle sourit dans la pénombre en les voyant la tête renversée, les lèvres entrouvertes, les yeux fermés et un léger ronflement s’échappant de leurs lèvres. « Difficile, hein.. » Elle se glissa près du premier et l’étrangla avec un lacet, accompagnant les soubresauts de son corps jusqu’au sol pour étouffer le bruit de la chute. Elle fit de même avec le second toujours aussi endormi avant de se diriger vers la pièce ou dormait « l’employeur ».

Néanmoins, avant d’y parvenir, elle aperçut de la lumière et entendit des bruits de lutte de l’autre coté de la maison. Elle soupira discrètement en songeant « ah, et c’est à moi qu’on fait la morale, hein.. » Quand elle arriva devant les portes de la salle éclairée, elle se figea d’angoisse.

Watapou s’y trouvait, entouré de 5 gardes déjà mals en point mais qui criaient tellement qu’ils n’allaient pas tarder à rameuter leurs petits copains, s’il y en avait d’autres.

Son arrivée les détourna du féca qui réussit à se dégager de la glyphe d’un de ses confrères. Jiyaa égalisa la partie en égorgeant un osa qui voulait porter secours à son dragounet :

« Non mais oh, 5 contre 1, c’était déloyal, ça ! »

Un des gardes ouvrit la porte donnant sur l’extérieur et se mit à hurler pour appeler les miliciens. « Ca se gâte ! » cria Watapou mais Ji tournoyait avec plaisir au milieu du combat et il commença à retrouver le sourire. Tout à coup, Jiyaa se figea dans un long cri d’alerte. Ils avaient complètement oublié les srams du combat et ce souvenir lui revint douloureusement en mémoire quand elle en vit un réapparaitre dans le dos du féca, le poignard brandi.

Elle hurla de toutes ses forces pour prévenir le féca : « WATA ATTENTION DERRIERE !! »

Il tenta de se retourner mais le sram abattit son arme au même moment. Avec un hoquet de terreur, Jiyaa vit ressortir le poignard du torse du féca. Ses boucliers avaient absorbé une partie du coup, mais le féca était trop mal en point pour y résister. Jiyaa sentit le sol vaciller sous ses pieds. L’horreur de ce qu’elle voyait empechait son cerveau de réfléchir normalement et c’est son éducation et sa nature qui prirent le relais. Elle se dégagea de ses assaillants et fonça sur le sram qui dégageait sa lame du corps de son amant, le punit et le tua sur le coup. Elle prit Watapou sans ses bras en sanglotant et coopéra avec le garde de l’entrée, avant de s’enfuir en courant dans la nuit.

La nécessité de sauver celui qu’elle aimait battait dans ses veines, et elle espérait avoir assez de ressources pour le maintenir en vie jusqu’à la maison de Nina. Peu lui importait qu’elle soit suivie et que l’enie court des problèmes, Watapou était mourant contre elle et c’était tout ce qu’elle comprenait. Elle le serrait fort dans ses bras en courant à la fois le plus vite et avec le moins d’accoups possibles. Le féca respirait faiblement et gémissait à intervalles réguliers.

Il trouva néanmoins la force d’immuniser Jiyaa contre les flèches du cra qui les poursuivait, et elle en profita pour se sacrifier et lui faire des transferts de vie. Son était empirait à chaque pas tandis que quelques couleurs revenaient aux joues du féca.

Elle réussit à prendre un peu d’avance, connaissant visiblement mieux les petites ruelles de Bonta que ses poursuivants, et arriva enfin, épuisée, devant la maison de Nina. Elle n’avait même plus la voix suffisante et la force pour frapper à la porte, mais elle réussit à pousser un cri qui fut suivi par les pas rapides de l’enie dans l’escalier.

Quand Nina leur ouvrit, elle poussa un cri de terreur et recula de 3 pas avant de reconnaître Jiyaa, couverte de sang. Elle pleurait toujours et ne put qu’articuler faiblement « Je t’en prie… Sauve le... »

Elle les fit rentrer rapidement, les cachant aux regards de la rue. Elle prit Watapou dans ses bras et malgré sa petite carrure, le porta jusqu’à sa « salle d’opération ». Jiyaa s’y traina en gémissant, tenant à peine sur ses jambes. Nina, anxieuse, lui dit « C’est de toi que je vais m’occuper, tu vas t’effondr.. » Jiyaa la coupa net « Tais toi ! Soigne le ! »

Que pouvait elle bien avoir à faire d’elle-même quand l’homme qu’elle aimait plus que tout au monde était en train de mourir sur une table ? Jiyaa soutint la tête de Watapou pendant que Nina s’éxécutait. Elle tenta de nettoyer la blessure mais quand elle mesura sa gravité, ses traits se ternirent. Pourtant, elle ne dit rien et tenta de refermer la plaie béante.

Jiyaa ne s’occupait plus de ce qu’elle faisait, elle n’avait plus assez de vie à transmettre au feca et elle lui caressait le visage en chantonnant, elle murmurait à son oreille que tout irait bien, qu’elle était là et qu’ils étaient sains et saufs.

Nina l’interrompit :

« Jiyaa… Je ne peux rien faire, j’ai tout essayé… Sa vie fuit par toutes ses blessures, je ne peux pas refermer celle là… »

La sacrieuse ne l’écoutait plus, car elle avait vu les paupières du féca frémirent. Il ouvrit brièvement les yeux pour les plonger dans ceux de son aimée apaisée, avant de les refermer. Jiyaa lui murmura « Dors… Dors mon cœur, ce sera bientôt fini… »

Nina voulut éloigner Jiyaa de Watapou, mais elle la repoussa violemment :

« - Qu’est ce que tu fais ?!

- Jiyaa… Ma petite… Jiyaa, c’est fini Jiyaa… Il est mort…

- Quoi ? Mais non, il se repose ! »

Jiyaa devint blême et se jeta sur le corps du féca, tremblante. « Wata ! Wata ! WATA ! Réveille toi ! Oh mon amour, reviens ! Wata ! Ne pars pas tout seul ! Non ! Non ! Wataaaa ! »

Jiyaa s’effondra, le corps du féca dans les bras, et hurla sa douleur dans un long sanglot déchirant.




Jiyaa a 19 ans. Jiyaa vieillit.
[hrp] J'écrirai à la première personne jusqu'à ce que j'ai plus envie ^^ [/hrp]

Septièmes sangs



Pis le chagrin, ca se mue vite en rage. Qui te prend aux tripes. Ton chéri, t'y penses plus, il est mort ton chéri, t'as juste l'image du mec qui l'a trucidé dans la tête. Qui t'a arraché le coeur, qui vient de détruire ce que t'avais de plus cher au monde, plus que ta vie.

Alors je suis partie, j'ai pas écouté Nina, qui avait peur qu'on me trucide aussi... La pauvre, elle comprenait pas que j'étais déjà morte, de toute façon.

J'y suis retournée la nuit suivante, tremblante de rage et assoiffée de sang. Me suis encore glissée par la fenêtre. Facile. Je voulais tous les tuer. Qu'ils payent, qu'ils lavent mon chagrin dans leur sang pourri. C'était la fête cette nuit là, on aurait dit. Personne aux postes habituels, ptet ils s'étaient réorganisés ? Tant mieux. Surprenez moi, mes chéris, que je vous fasse souffrir encore plus, que je prenne mon pied à tous vous voir crever à mes pieds sans comprendre.

Mais c'était pas ça. Dans une pièce de garde en bas, ils étaient presque tous là, attablés autour d'une pauvre écatte qui avait rien demandé. Et ca buvait, et ca rigolait, et ça violait. Elle était pas aux anges la gamine.

Ca aurait du me mettre encore plus en colère, mais j'avais déjà dépassé depuis longtemps mon seuil de sacriosité, je crois. Ils m'ont juste fait pitié. J'avais de la peine pour elle, mais bon, chacun ses emmerdes, elle au moins ils l'avaient pas encore tuée. Alors plutot que de faire un bain de sang, je me suis calmée et je suis juste montée étrangler celui pour qui on était venu cette nuit là... Il est mort comme un bébé.

Puis je suis redescendue et j'ai repéré le sram qui a tué mon coeur. Celui là, je pouvais pas le laisser vivre, ca m'était physiquement impossible.

Les autres, ils étaient tellement bourrés et excités qu'ils ont pas compris ce qui arrivait. Je suis juste rentrée, j'ai pas regardé la pauvre fille pour pas faire de conneries, je lui ai passé mon sabre au milieu du ventre, au sram, et je suis ressortie.

Et ben croyez moi ou pas, mais ça soulage pas. Du tout. Ca a pas comblé le vide, ni rien. J'avais toujours aussi mal. Toujours envie de mourir.

Je suis rentrée chez Nina et elle m'a aidée à enterrer Wata là ou était notre bébé. Je me suis pas attardée, j'avais encore beaucoup de choses à faire.

Alors je l'ai remerciée, et j'ai quitté sa maison. "Reste Ji, je peux t'aider, tu comptes pour moi, je ne veux pas qu'il t'arrives des malheurs.." qu'elle m'a dit.
C'est gentille de ta part tu sais, mais pour les malheurs, je crois que c'est un peu tard. Je peux pas trop aller plus bas.

J'ai fait les tavernes, et j'ai trouvé le père de Wata. Pas commode, le bonhomme. J'étais trop épuisée pour faire de la finesse. Je me suis posée à coté de lui quand il était pas trop atteint et j'ai dit:

"On vous avait collé un contrat sur la tête, vous savez ? Comme c'était votre fils qui devait le faire, il a pas voulu, et on a décidé de tuer le mec qui vous en voulait. Wata est mort là. Moi, j'ai terminé le travail, mais je vous conseillerai quand même de quitter la ville un temps."

Lui ai rien dit d'autre, je le sentais pas, le vieux. Il m'a regardé complètement hébété et je suis partie. C'était à prévoir, il m'a rattrapée mais j'étais pas d'humeur. Il était plus en forme que ce que je pensais, pourtant. Il m'a demandée "Tu es qui, toi ?" Alors je lui ai dit que j'étais plus personne. Que j'allais crever et que c'était très bien comme ça. Il m'a juste dit merci et il s'est désintéressé de mon sort. Pas une once de culpabilité, le vieux. Son fils clamse pour lui, sa femme vient lui tenir la jambe et rien.

J'ai recommencé le tour des tavernes, mais ce coup ci pour boire. Bah, je comprends pas les ivrognes, ca soulage pas non plus, ça rajoute juste des maux de crâne et des aigreurs d'estomac, et des maladies vénériennes.
Ultimes sangs

Ce que j'ai fait après, comment s'est passée ma vie ? Elle s'est passée.

Il y aurait encore des choses à raconter, peut être même un autre homme à présenter, mais aujourd'hui je considère que c'est mon état qui m'a fait tomber dans le genre de bras qu'il avait. Le genre proxénète, en fait.

Je pourrais t'en parler oui... Je pourrais te parler de l'amour dénaturé, horrible et incompréhensible qui peut se nouer entre ce genre d'homme et ses "propriétés", mais à part pour classer cette histoire dans ton dossier "expériences de la vie à éviter à tout prix" ca ne t'apporterait pas grand chose.

Toujours est il qu'il m'a encore fallu tuer pour me sortir de cette horreur. Toutes ses autres "femmes". Même galère ? Oh que non. Compétition sans merci, plutot.

Et je ne connais pas d'autre moyen de me libérer de mes chaînes que de les fondre.

J'ai réussi à me libérer de ses griffes, juste avant d'être enfermée définitivement... Juste avant de me marier. Marrant pour une pute, non ? Ok, dans un cercle très privé, mais ca n'enlève à rien au mépris de soi même qu'on en retire.

Alors j'ai fondu mes chaines, je suis passée entre les barreaux qu'étaient ses mains et je suis partie.

Laissées derrière moi, les deux cités, ankama et ses merveilles. Laissé derrière moi, celui qui a comblé l'abysse de mon coeur par du dégout, de la haine et un amour désespéré et malsain.

Où je suis allée ? Petit malin, tu crois donc que j'ai trouvé un endroit ou être apaisée ? Tu crois que j'ai trouvé où me purger de toutes les horreurs qui m'habitent ? Ca ne se trouve pas, ça. Et quand bien même, je le garderai pour moi, blotti et chéri à l'abris de mains destructrices.

Alors, je suis revenue.

Sans plus connaitre personne, sans retrouver mes vieux démons, j'ai recommencé une nouvelle vie. Ca veut pas dire que j'ai pris un nouveau départ hein, saine pure et compagnie, juste que j'ai trouvé la force de redevenir quelqu'un de fréquentable.

Un jour je suis tombée sur un écaflip tout vert, comme moi... Moyashi. Ca a été une belle rencontre. Je me suis rendue compte que ça existait, des gens qui pouvaient faire preuve d'une perspicacité étonnante sans avoir fait des massacres, et pouvaient en même temps faire preuve d'une gentillesse et d'un bon vivant à en pleurer de joie.

Il m'a présenté à ceux qu'aujourd'hui encore je considère comme ma famille.
A ceux qui suivaient l'enseignement d'orphée, à ceux qui protégeaient l'innocence oubliée de ce monde, aux protecteurs des enfants abandonnés, aux Orphéelins.

Ils m'ont acceuilli dans la maison d'Orphée Linas, et j'y ai vécu des moments magnifiques, j'y ai retrouvé ma joie de vivre. J'y ai trouvé un guide, qui a fait de mon coeur un otage en échange de mon amour et ma loyauté.

Najara, Sedna... Ma déesse.


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