rencontre du samedi 10 juin

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Je tenais juste à remercier les équipes de JoL et tous les participants.
J'espère qu'il y aura pas la suite d'autres occasions de nous retrouver.
Voila, thx all.
Depuis quelques temps, la question du "virtuel" commence a intéresser la communauté analytique française. Un livre récent : "L'enfant au risque du virtuel", une journée scientifique : "La dynamique du virtuel chez l'enfant" attestent de cette actualité.

Si l'on ne peut que se réjouir de cet intérêt, même tardif, force est de reconnaître que l'on trouve encore des traces de l'ostracisme dans lequel a été tenue - et est encore tenue – « le virtuel » et les jeux vidéos.

L'impression que l'on en retire est une sorte de difficulté a se saisir de ce nouvel objet. Comment l'appréhender ? Comment en faire le tour ? Comment le saisir ? A lire le programme de cette journée, les pistes explorent des régions très diverses : la périnatalité, la génétique, l’urbanisme, les jeux vidéos, l’opérette, les cartoons, la temporalité… Deux sortes des filières semblent se dégager. La première fait appel à ce que l'on appelait naguère les humanités. Ainsi, chacun trouvera ses appuis sur ses auteurs de prédilection : Platon, Bergson, Freud, Borgès... il semble qu'il n'y ait pas un auteur qui n'ait parlé du virtuel ou de quelque chose qui fasse penser à l’Internet Jean BADOUAL [1], virevoltant comme un escrimeur en a été une figure. Mêlant le très réel de la génétique et les références littéraires, il a su en montrer les ambiguïtés, les espoirs, et les impasses que et le nécessaire accompagnement humain qui devait en entourer les progrès. Cet accompagnement doit être fait pour l'annonce du diagnostic, bien entendu, et pour les suivi médicaux et psychothérapeutiques indiqués, mais aussi de façon collective, afin que le savoir génétique et ce qu'il secrète soit symbolisés.

Un peu plus tôt, Drina CANDILIS HUIMAN en avait appelé au nourrisson savant de S. FERENCZI dans un très bel exposé clinique[2] retraçant l’histoire transféro-contretransférenciellle d’un travail auprès d’un enfants porteur d’une malformation génétique affectant gravement sont développement dont les parents avaient demandé une consultation Brazelton. Sa conclusion - le nom de l’enfant, nous dit elle, signifie dans sa langue maternelle « sauvegarde » - nous laisse aux portes de mondes virtuel. C’est d’abord, un peu en creux, le temps du virtuel qui se dépose là : le nourrisson savant, comme le virtuel, se conjugue au futur antérieur : il aura été. Ensuite, c’est aussi l’opération de prédilection (save, save as traduit par « enregistrer » « enregistrer sous ») des mondes numériques qui permet de déposer ce qui de soi ou de son travail mérite d’être sauf, et de le retrouver strictement identique à ce qu’il était au moment de la sauvegarde.

L’autre voie empruntée a été celle qui passe par les jeux vidéos que ce soit par la représentations que les villes y trouvent ou par les mécanismes suscités par les MMO. La première voie est sans aucun doute féconde : elle est empruntée par Jean Sébastien SOULE [3] , architecte. Mais il semble que par méconnaissance du processus de fabrication des jeux vidéos, il ait manqué quelque chose d’important : si la ville est si présente dans les jeux, c’est aussi et d’abord parce il était (et il est encore) plus facile de construire et d’afficher des villes qui sont somme toute qu’une succession de parallélépipèdes que des campagnes avec ses chaos de lignes courbes. Mickaël STORA a présenté l’addiction au virtuel [4], sans que, hélas, ces deux termes ne soient débattus.

Plus loin, à une enjambée de la Seine, et face à un autre public, sous l’égide du Forum des droits sur l’Internet et en partenariat avec Jeux Online, une rencontre débat était organisée autour du thème : "Les jeux en réseau massivement multijoueurs". La question, pour les intervenants, comme pour leur public, n’était pas là de savoir comment se saisir d’un objet : les jeux vidéos les ont saisi depuis leurs tendres années. D’où la question de Frank BEAU : qui est l’expert du jeu vidéo ? Le joueur ? Le sociologue ?Sans aucun doute, les joueurs ont construit leurs propres représentations de leur activité et donné des analyses dont certaines sont convaincantes (Je pense par exemple a la distinction faite par Richard BARTLE entre socializers, killers, archievers et explorers) mais ce qu’ils ne prennent pas en compte, ce sont les conditions de production de leurs discours. Frank BEAU nous a surtout laissé l’excellent terme de craftware pour désigner les objets produits dans le jeu par les joueurs. Le terme est important, car il permet de grouper de façon cohérente tout un ensemble de phénomènes que l’on retrouve dans les mondes en ligne : smileys, tutoriaux, bots, méritent tout autant le nom de crafware qui, à mon sens, gagnerait à désigner tout ce qui est fabriqué en ligne, mis à la disposition d’autres ou gardé en réserve pour soi.

L’intérêt de la rencontre a été de pointer les pistes de réflexions qu’amènent les jeux vidéos, et pas seulement sous l’angle de « l’addiction aux jeux vidéos » qui est vraiment l’arbrisseau qui cache la forêt. Cette forêt, c’est d’abord celle de l’absence des parents. Je ne connais pas d’autres domaines ou la transmission est inversée : ce sont les enfants qui enseignent aux parents – et l’on retrouve là le nourrisson savant, c'est-à-dire que ce qui séduit les parents, c’est sans doute moins l’enfant réel habile devant un PC ou une console, que cette image grandiose de soi – his majesty the baby – que nous avons tous en nous. C’est ensuite celles des liens, que l’on noue ingame pour s’éviter d’en nouer ou d’en dénouer dans le monde offline. C’est ensuite celui de la responsabilité qui petit à petit est déléguée à des dispositifs de contrôle automatiques : radars, camera, et le maintenant parental lock. Il est important de noter, je pense, que pour Blizzard, le dispositif a été implémenté non pas pour protéger nos chères têtes blondes mais pour gagner le marché chinois qui ne lui était ouvert que si le temps de jeu de chaque joueur pouvait être contrôlé– et qui le lui reprocherait ? Son métier est de vendre des jeux pas de se soucier d’éducation. Mais l’on voit avec cet exemple que les jeux vidéos se trouvent vraiment dans une position privilégiée, hétérotopique, pour interroger les tensions de notre monde actuel. : ce qui sert a vendre des boîtes de jeu devrait aussi servir à éduquer ? Il y a là de quoi s’arrêter et réfléchir cinq minutes. D’un autre coté, il est impossible d’empêcher les joueurs de parler aussi d’autre chose que du jeu pendant le jeu et quand bien même cela serait possible, le ver est déjà dans le fruit : comme la grande majorité des jeux vidéos, il ne s’agit que de logique capitaliste : amasser-produire-détruire

A propos de jeux vidéos, S. TURKLE parlait « evocative object » : objet à penser, mais aussi objet ayant possiblement la possibilité de penser. On peut y ajouter – surtout si l’on se souvient qu’il a souvent été répété que les éditeurs dépensaient beaucoup d’argent pour faire un jeu vidéo, qu’ils peuvent aussi être précisément cela : objets à dé-penser, dans lesquels et par lesquels l’imaginaire de l’objet colmate l’imaginaire du sujet

Sans aucun doute, l’Internet rebat les cartes qui jusqu'à présent régulaient notre rapport à l’autre, au temps, à l’espace, au corps, au savoir. Et sans aucun doute, il en sortira quelque chose de surprenant que nul aujourd’hui ne peut prévoir. On y voit, déjà, des logiques s’y affronter, par exemple entre ceux qui soutiennent l’idéologie du premier Internet : la mise à disposition du plus grand nombre du plus de connaissances possible et les logiques économiques. Ailleurs ce sont les idéologies du contrôle le plus totalitaires auquel Internet semble si bien se prêter avec ses liens forcés, qui s’opposent aux liens que l’on construit en ligne et aussi offline. Comme souvent la question est de savoir de quels liens on veut bien dépendre – et c’est cela que Thomas GAON aborde en parlant de dépendance (et non pas d’addiction) aux jeux vidéos.

D’une rive à l’autre, deux mondes semblent se côtoyer : d’un coté, des cliniciens expérimentés parlent d’une chose qu’ils connaissent peu, ou avec des références qui sont externes à leur objet. De l’autre, des praticiens avec une expérience plus ou moins affirmée, mais avec une connaissance naturelle de leur objet. Il serait temps que ces mondes se rencontrent.


[1] « Da San Vincent code » ou le poids du virtuel dans la génétique
[2] « Le mythe du nourrisson savant »
[3] « villes réelles/villes virtuelles »
[4] L’addiction au virtuel
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