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[Jahna au micro]
Le troisième chapitre de l'Ex-Libar étant clos il est désormais temps de vous faire découvrir les textes des participants et de vous permettre de voter et ainsi de designer les deux prochains organisateurs.
Aenur et moi avons eu le plaisir de nous occuper de cette troisième édition. Nous vous avions proposé comme thème les 7 péchés capitaux:
Avarice
Colère
Envie
Gourmandise
Luxure
Orgueil
Paresse
Il fallait en choisir un (ou plusieurs) et le prendre comme thème pour votre texte .Merci a tous ceux qui ont bien voulu participer et qui nous ont proposé des textes aussi différents les uns des autres et agréable a lire.
Quelques petits rappels :
-Les textes sont anonymes et doivent le rester jusqu'à la publication des résultats donc si jamais vous aviez deviné qui est qui gardez le pour vous
-Vous avez deux semaines (jusqu'au 8 Mai) pour voter.
-Les auteurs des deux textes ayant remporté le plus de votes organiseront le prochain chapitre.
-Si jamais les auteurs se rendaient compte d'une erreur ou avait quelque chose a demander il est toujours possible de m'envoyer un mp ou d'envoyer un mail a Aenur.
Petit lien : le premier et le deuxième chapitre de l'Ex-Libar
Et maintenant les textes !
Texte numéro 1 :
(Les sept péchés)
Le grand vizir était un peu sorcier. Cela se savait, mais cela ne se disait pas. Ce que les gens ne savaient pas, par contre, c’est que la magie qu’il pratiquait était interdite. Un grand vizir qui fait de la magie noire, vous pensez… il aurait eu la tête coupée sur-le-champ.
Il désirait une chose par-dessus tout. Un artefact unique au monde, hors d’atteinte pour lui. En effet, il était conservé dans un palais gardé par des djounn. * Et pour accéder à la chambre où était gardé l’artefact, il fallait être pur, de corps et d’esprit.
Pendant des années, le vizir chercha la perle rare, l’homme qui lui permettrait d’accéder à ce trésor. En vain. Puis un jour, la favorite du Khalife tomba enceinte. Le grand vizir, à force de cajoleries et de pression, parvint à obtenir du Khalife d’être le précepteur de l’enfant.
Le jeune prince grandit, sous l’égide du Vizir. Il était beau comme la Lune. Qu’il est grand, celui qui le créa et le modela si beau !
A l’aube de ses treize ans, le Vizir prit le jeune prince à part, et lui expliqua qu’il avait besoin de lui. Le jeune prince, prêt à tout pour satisfaire son précepteur, jura immédiatement de faire son bon plaisir. « Sur ma tête et mes yeux, Vizir, tant qu’il plaira à Allah, je te servirai. ».
Le Vizir emmena donc le Prince Malek au devant du palais enchanté.
« Tu seras face à plusieurs épreuves, prince, dont tu triompheras aisément. Tu devras traverser sept pièces, mais dans aucune d’elles tu ne t’arrêteras. Enfin, tu trouveras un coffret. Apporte-moi ce coffret. »
Et le prince partit. Quand il arriva au-devant de la porte gigantesque et richement ouvragée, celle-ci s’ouvrit toute seule. Il entra dans une première pièce, remplie d’or et de pierres précieuses, de gobelets d’argent ciselé et de richesses infinies. Sans un regard pour elles, Malek traversa tranquillement la première pièce, et entra dans la seconde.
Dans celle-ci se trouvaient onze femmes d’une rare beauté, étendues sur des matelas en des poses lascives et aguicheuses. Nulle d’entre elles n’attira plus son regard que les richesses précédentes. Et le prince traversa sans encombre cette pièce encore.
Dans la troisième pièce se trouvaient d’énormes tables, couvertes des sucreries les plus riches, les plus savoureuses du monde. Ni les gâteaux au miel, ni les cornes de gazelle, ni les makhroud, ni les bonbons ne l’arrêtèrent.
Il ouvrit sagement la porte de la quatrième chambre. Une chambre entièrement emplie des matelas les plus mœlleux qui soient. Même ceux de son père le khalife n’étaient que ruines en comparaison. Les matelas enchantés étaient un appel au repos, au sommeil, et troublèrent un instant notre prince, qui avait fait un long chemin, et commençait à être fatigué. Mais il savait que s’il abandonnait maintenant, il décevrait son précepteur. Il continua donc courageusement et poussa la porte de la chambre suivante.
Dans la cinquième chambre, il ne vit rien. Car rien n’y était. Mais dès l’instant où il posa un pied à l’intérieur de la chambre enchantée, des voix s’élevèrent et commencèrent à l’insulter, traitant sa famille de parvenus, son père d’injuste, lui-même de fainéant, en bref, les pires insultes au monde. Le jeune prince les ignora royalement, et continua son chemin, sachant qu’il n’était plus très loin de la fin.
La sixième chambre était emplie d’esclaves, les plus belles qui soient, et qui se jetèrent à ses pieds dès qu’il entra. Elles le couvrirent des compliments les plus fous, le suppliant de rester avec elles, les écouter pour l’éternité. Il n’en avait cure, et leurs compliments le touchèrent si peu qu’il se dégagea de leur étreinte gentiment, et ouvrit la porte de la dernière épreuve.
Dans cette chambre, il découvrit un coffret. Le jeune prince fut troublé.
« Mon précepteur m’a pourtant dit sept épreuves. Et je n’en ai passé que six. Se serait-il trompé ? »
Haussant les épaules, il se pencha et prit le coffret. Au moment où ses mains touchaient le bois délicatement orné, dans un grand nuage de fumée, un Djinn apparut.
Le prince, le reconnaissant pour ce qu’il était, s’inclina profondément.
Puis le Djinn parla.
« Je suis le Roi des Djounn. Ce coffret m’appartient. Si tu acceptes de le laisser, je te donnerai tous les pouvoirs que tu désires et tu auras tout ce que tu veux. Tout ce que tu as vu dans le monde, je te le donnerai. »
« Je regrette, mais j’ai donné ma parole. Je dois rapporter ce coffret à mon précepteur, et rien ne m’en empêchera. »
« Qu’il en soit ainsi ».
Le palais, la chambre, le Roi des Djounn disparurent aussitôt, et le prince se retrouva seul au milieu du désert, le coffret dans les mains.
Il rapporta le coffret au Vizir, mais l’interrogea au sujet des épreuves. Il s’étonnait encore de n’avoir traversé que six chambres.
« Mon garçon » dit le Vizir, « la proposition du Roi des Djounn était la septième épreuve. Tu as triomphé des péchés humains, Allah soit loué ! ».
Il est dit que le jeune prince devint Khalife, succédant à son père, et fut le meilleur, le plus juste dirigeant que le pays ait connu, couvrant celui qui avait froid, donnant à manger à celui qui avait faim, et à boire à celui qui avait soif.
*Génies de la mythologie arabe.
Texte numéro 2 :
(L'envie / L'avarice)
Dans un ruisseau gazouillant au milieu de la poussière, un homme se baigne. L’eau apporte un peu de fraîcheur à l’atmosphère étouffante de ces étendues désertiques écrasées par un soleil de plomb.
Son chapeau en cuir repose à l’envers entre deux cactus à quelques mètres de là. Le lit du ruisseau est très peu profond, et l’homme y est allongé. Le courant n’est pas assez fort pour le faire bouger. Il est sur le ventre. Il a les yeux fixes et grands ouverts. Sa bouche est figée dans un cri silencieux. Sa main agrippe un tamis. Un couteau dépasse de son dos.
Dans un ranch, un homme lâche une bordée de jurons. L’étalon qu’il a échangé la veille contre une solide jument vient de s’écrouler, raide mort. De l’écume s’échappe de ses lèvres et de ses naseaux. L’homme s’aperçoit qu’on l’a escroqué en lui échangeant un canasson à bout de forces, à qui on avait fait prendre un fortifiant juste avant l’échange pour lui redonner bonne allure, et qui l’a tué. Il se dit qu’il aurait du se méfier, qu’à bien y réfléchir l’homme n’avait même pas pris le temps de vérifier l’état de santé de la jument, et qu’on ne l’y reprendrait plus.
Ordonnant à ses deux apprentis de brûler la carcasse, il part s’abriter à l’ombre du porche. Il fait trop chaud, et les mouches commencent déjà à se rassembler.
Dans la chambre d’un saloon, une femme nue savoure une cigarette, allongée sur un lit en bataille. L’homme à qui elle vient de vendre une nuit l’a prise comme si elle était la première depuis des années, et la dernière qu’il n’aurait jamais. Ca l’a changée des habituels cow-boys qui font toujours ça de la même façon, routinière et sans surprise. De plus, l’homme est parti sans essayer de faire la conversation et en laissant derrière lui le double de ce qu’elle lui aurait demandé.
Elle sourit, écrase sa cigarette, s’étire, s’endort.
Sur les docks de San Francisco, un homme avance lentement en observant froidement tous ceux qu’il croise. Il se dirige vers un navire qu’il sait sur le point d’appareiller pour l’Europe. Sa démarche est calme, son regard fixe. Ses mains reposent de chaque côté de son corps, l’une posée négligemment sur son Colt, l’autre protégeant une lourde sacoche en cuir noir pendue à son épaule. Il est sale, ses habits sont couverts de poussière.
Il atteint la travée menant au navire et discute un moment avec le second. Ils parlent du tarif, de la durée du voyage, des conditions de navigation, puis arrivent à un accord. Une fois les derniers détails réglés, l’homme grimpe sur la rampe d’accès et embarque sur le vaisseau. Ce faisant, il trébuche sur une planche mal ajustée, retrouve son équilibre puis reprend son ascension.
Un peu de poussière d’or coule de sa sacoche, se dépose à la surface des vagues venant clapoter contre les docks et se fond lentement dans l’océan.
Texte numéro 3 :
(Orgueil)
La salle du trône était nimbée d'une lumière carmin, les candelabres ne parvenaient que difficilement à percer l'obscurité qui régnait en ces lieux. Des symboles à la signification obscure étaient gravés sur tous les murs et un trône à l'aspect inquiétant faisait face à n'importe quelle personne qui aurait pénétré dans la pièce. Derrière lui, dans l'ombre, il était facile de discerner une araignée de pierre aux dimensions colossales.
"Quelles nouvelles m'apportes tu, Jaluk?"
La femme qui avait prononcé ces mots se tenait lascive sur le trône. Elle était d'une beauté resplendissante, à moitié nue, vêtue d'une tunique brodée qui laissait voir ses plus beaux atouts, un serre-tête en or sur la tête au milieu duquel un somptueux rubis était incrusté. Seule sa chevelure blanche comme la neige et sa peau noire pouvait prévenir l'ignorant du danger qu'elle représentait...une drow...
"J'espère qu'elles sont bonnes. Tu sais ce qu'il en coûte de subir mon courroux."
Devant elle, un second drow à la musculature impressionnante pour quelqu'un de sa race, ses vêtements ainsi que sa lame à l'aspect sinistre ne laissaient planer aucun doute quand à l'importance de son rang. D'un mouvement vif, il s'agenouilla et courba l'échine face à sa Reine.
"Oui, O grande Jabress, vos soldats ont récupéré ce que vous recherchiez, nous possédons enfin l'objet de pouvoir..."
Accompagnant alors le geste à la parole, le drow tendit un coffret somptueusement décoré en direction de la Matronne. Le regard de celle-ci se plissa un instant, se posant sur l'objet de sa convoitise. Elle se leva alors lentement de son trône et descendit pour en prendre possession. Délicatement, elle l'ouvrit pour en découvrir son contenu. Au coeur du coffret, reposait un fouet à l'aura inquiétante, son manche était gravé de symboles qui ressemblait étrangement à ceux de la pièce. L'un d'eux était encore plus déroutant que les autres semblant suivre le moindre mouvement, un oeil surmonté de deux lames entrecroisées : le symbole de la Maison Al'Kesh, le symbole de la Valsharess...
"Vous avez bien travaille, Lolth sera contente."
Sa main se baissa alors vers le visage du drow toujours agenouillé, le regard rivé sur le sol. Elle lui prit le menton et l'obligea à la regarder dans les yeux, ses ongles rentrant lentement dans sa chair.
"Maintenant, prépare tes hommes, Jaluk. Nous allons soumettre les peuples des Tréfonds. Et quand nous en aurons fini avec eux, nous remonterons et nous montrerons aux races de la surface, le vrai pouvoir de Lolth."
Les mots qui résonnèrent alors auraient eu de quoi effrayer n'importe qui.
"A vos ordres, O Jabress. Tout sera fait selon votre volonté."
Texte numéro 4 :
(La colère)
« Monsieur Doigt l’est pô content ! L’est pô content du tout ! » dit-il en hurlant.
Voici Kevin, 4 ans, jeune apprenti de la vie. Son nouveau truc, c’est de dire qu’il n’est pas content toutes les minutes. La semaine dernière, il passait ses journées à faire le coq et à courir après les pigeons qu’il appelait ses poules.
« Voyons mon chéri, Monsieur Doigt en a peut être assez d’être en colère, tu ne crois pas ? Et si tu le laissais se reposer un peu ? Il a peut-être envie de dessiner un peu Monsieur Doigt, non ? » lui dit sa mère d’une voix lasse.
En réalité, elle en avait assez de l’entendre hurler du matin au soir. Aujourd’hui, l’école est en grève, et elle n’avait pas d’autre choix que de le garder à la maison avec elle. Alors elle avait pris son ordinateur portable pour travailler un peu de chez elle.
« Non ! Monsieur Doigt l’est pô content ! Y veut pô dessiner ! Y veut taper partout ! »
Et Kevin de courir partout en cognant les murs et tous ses jouets éparpillés par terre. Sa mère poussa un profond soupir. Mais pourquoi avait-elle dessiné deux yeux et une bouche sur l’index de son fils ce matin ?
« Kevin tu te calmes... Maman a encore beaucoup de travail, et si Maman ne travaille pas, elle ne pourra pas acheter des choses à Kevin... »
Le petit garçon s’arrêta alors. Il grimpa sur la chaise juste en face de sa mère, et resta plusieurs minutes à la regarder. Puis il approcha son index de son oreille en fronçant les sourcils.
« Maman ? Monsieur Doigt y veut savoir c’est quoi du travaillage ? »
Elle le regarda en levant les yeux, et l’ignora, continuant de tapoter sur son clavier.
« Maman ?? C’est quoi du travaillage ? Moi aussi je veux faire du l’ordinateur comme toi ! Monsieur Doigt y veut faire du l’ordinateur et y veut appuyer sur les carrés ! »
Kevin avait décidé de travailler lui aussi, pour aider sa mère. Il se déplaça sur les chaises jusqu’à arriver sur celle juste à côté de sa mère.
« Monsieur Doigt y faut que tu fasses du travail ! » chuchota le petit garçon à son doigt « Y faut appuyer là... et là ! et aussi ici et là ! »
Et il posa ses mains sur le clavier en appuyant un peu partout. Sa mère se fâcha. Elle se leva et, exaspérée, et le porta jusque dans sa chambre, puis elle ferma la porte.
« Tu commences sérieusement à me fatiguer Kevin. Maman n’est pas contente du tout ! Tu vas rester ici et jouer tranquillement, c’est bien compris ? »
Kevin, ne comprenant pas pourquoi sa mère se fâchait alors qu’il voulait l’aider, lui montra lui aussi qu’il n’était pas d’accord avec elle.
« Mais Maman a dit y faut travailler pour acheter des trucs pour Kevin ! Kevin a fait du travail plus que Maman, et faut laisser Kevin tranquille ! T’es méchante ! »
Trop petit pour pouvoir ouvrir la porte, il s’allongea juste à côté, et frappa la porte avec ses pieds.
« Monsieur Doigt a dit faut laisser Kevin ! Monsieur Doigt l’est pô content ! Y faut faire du travail Maman elle a dit et Maman elle crie quand Kevin y fait du travail ! Pô content ! » hurlait-il.
Sa mère commença à être agacée par les cris et les bruits de son fils. Elle ne parvenait pas à se concentrer. Elle se leva alors, puis ouvrit la porte, ne manquant pas de donner un coup de porte à son fils qui était affalé sur le sol. Ce dernier hurla de plus belle.
« Kevin ça suffit maintenant ! Tu te calmes ! Tu me fatigues ! Maman n’arrive pas à travailler ! »
Son fils s’arrêta de pleurer, puis la regarda. Après quelques secondes de réflexion, il se mit à crier de nouveau.
« Non ! Monsieur Doigt a dit faut pas faire ça ! Monsieur Doigt a dit Maman l’est méchante ! Méchante ! Méchante ! »
Elle le porta jusque dans la salle de bain, son fils hurlant et donnant des coups dans ses bras.
« Tu sais que ton Monsieur Doigt commence à m’énerver Kevin. Tu vas voir ce que je lui fais à Monsieur Doigt moi ! »
Elle lui prit la main, et fit couler l’eau du robinet. Puis elle frotta fort avec du savon et un gant pour bien enlever le feutre noir. Lorsque Monsieur Doigt eut complètement disparu, elle le reposa sur le sol.
« Voilà, il n’y a plus de Monsieur Doigt. Maintenant tu vas chercher tes jouets et tu joues tranquillement et en silence, sinon je te fais la même chose qu’à Monsieur Doigt ! »
Kevin la regarda un instant, les larmes aux yeux. Il passa sa manche sous son nez pour essuyer le fin filet de morve qui coulait.
« De toute façon, l’était pô beau ton Monsieur Doigt, tu dessines mal Maman ! »
Texte numéro 5 :
(L'envie)
Marcher dans les rues de Paris.
Marcher solitaire dans les rues de Paris.
Se surprendre à souffrir à chaque couple rencontré.
C’est vrai qu’elle est belle, qu’elle rayonne dans ses bras.
Pourquoi ne sait il pas la chance qu’il a ?
Couples dans le métro tendrement enlacés.
Couples sur des bancs fiévreusement enlacer.
Envie.
Marcher sans un sou dans les rues de Paris.
Se surprendre à vouloir chaque chose rencontrée. Pubs nous promettant le paradis contre des billets,
Étals remplis de marchandises qu’on souhaiterait goûter,
Toucher, posséder
Mais qui restent pourtant inaccessibles aux poches trop trouées.
Marcher quand il y a des voitures, des bus,
Marcher les poches vides mais trop désirer.
Envie d’amour ou envie d’objets, envies toujours mais hors de succès.
Qu’ai-je donc en moi que les autres envieraient ?
Seul, riche de trop de rêves qui ne peuvent exister
Désirant trop, trop vite pour pouvoir être exaucer.
Envieux de tout le monde, en vie pour désirer.
Trop d’envies pour toutes les contenter
Trop de désirs pour même songer
Au rêve qui se change en brève réalité
Vanités des vanités, tout est vacuité.
Et pourtant…
Tant de déceptions, tant de jalousies
Tant de fulgurantes douleurs dans l’intemporel Paris
En flanant…
Savourer ses envies comme le plaisir qui passe
Les distiller à fond jusqu’à ce qu’elles s’effacent
Se gaver d’envies plutôt que d’espérer
Le rêve se bonifie mieux qu’une réalité
Mes envies, j’en vis.
Mes rêves, j’en crève
L’envie est un péché
C’est pécher que d’en vivre.
Texte numéro 6 :
(Gourmandise/(Envie)/Colère)
Les rues étaient vides, lavées d'une petite pluie fine. Il ne pouvait plus être question de nuit, mais pas encore de jour. Au passage d'un camion de livraison, la silhouette sursauta, comme prise en faute. Mais le livreur repartit à vive allure dès que le feu passa au vert. La silhouette, elle, continuait son chemin d'un pas mal assuré, qui pouvait aussi bien tenir de la fatigue que de l'alcool. Elle tourna à l'angle, sans véritablement se sentir concernée par la direction et s'engouffra dans le quartier le moins bien famé de la ville.
Alors que son pas devenait plus pesant, le noctambule pila net devant une vitrine qu'éclairait une lumière rose démesurément vive. Ca ne paraissait pas à proprement parler une surprise de trouver là ce genre d'établissement pour l'individu, mais il n'en arrêta pas moins son périple. Son oeil s'agrandit et ses narines s'élargirent, comme s'il était en transe. Elle, lascive et impudique, s'offrait dans la vitrine comme si rien n'était plus naturel pour elle. Partout où il posait son regard, ses formes à elle étaient parfaites. Les couleurs de l'habillage, dénaturées par le rose omniprésent, n'en promettaient pas moins monts et merveilles sous elles.
Oh, bien sûr, on le raillait souvent pour sa lubie. Aller se rincer l'oeil sur cette devanture à des heures indues, ce n'était pas bien sérieux. Mais lui s'en moquait. Il se souvenait, non, il revivait toute une époque. Il s'évadait, repartait dans la sécurité d'une autre vie. Une vie protégée, où il était choyé. Sa mère, comme nulle autre après elle, avait su comprendre les moindres recoins de son coeur et surtout, l'aimer, comme il était. Se retrouver là, à l'âge adulte, et pouvoir revivre son âge que l'on appelle à juste titre tendre, c'était une magie que seul ce magasin pouvait invoquer.
Il n'était pas question pour la pâtisserie exposée de pouvoir rivaliser avec les chefs-d’oeuvre de sa mère, non. D'ailleurs, il doutait même que son créateur puisse y mettre le centième de l'amour qu'y déversait sa mère. Mais après tout, comme le sexe sans les sentiments, cette bûche qui avait accroché son oeil aurait bien pu le satisfaire de son appétit de tendresse, ainsi que de son appétit tout court. Elle faisait d'ailleurs partie de ses préférées, mélange de génoise généreuse et de mousse chocolatée. Le tourbillon qu'il formait lui rappelait cette valse de la publicité, avec le couple en tenue de soirée, qui tournait, tournait, tournait, à en donner le vertige. Il voulait plus que tout se noyer dans cette spirale de douceur. Les quartiers de mandarine posés en décoration réveillaient quant à eux ses papilles déjà prêtes à recevoir l'acidité du jus qui en coulerait lorsqu'ils les mâcherait. Les autres décorations, en sucre glacé, auguraient bien plus de douceur, mais aussi le craquant qui rééquilibrait l'ensemble de la confection. C'était une belle pièce, finalement, décida-t-il.
Mais l'homme est frivole, et il n'en fallut pas plus d'une ou deux minutes pour que le bonhomme jette son dévolu sur un tiramisu tout aussi appétissant. Et puis, ce fut le tour d'une forêt noire. Et d'une autre bûche. Il était l'homme de la publicité et voyait devant lui toutes les plus belles dames de la soirée s'offrir à son seul choix pour une ou plusieurs danses. Il n'avait qu'à choisir. Et recommencer, toute la nuit, recommencer à choisir. Il tendit donc la main et buta contre la vitrine.
Ce brusque retour à la réalité le déstabilisa. Pris d'un réflexe subit, il tourna la tête en tout sens pour chercher celui qui, ayant aperçu son manège, se moquait déjà de lui. Mais il était seul. Bien sûr qu'il était seul. Pourtant l'humiliation le disputait à des sentiments bien plus violents en lui. De quel droit lui ôtait-on la possibilité d'une nouvelle fois, d'une seule unique fois, retrouver le plaisir des sens. A quoi bon pouvait mener une vie sans le menu plaisir, la frivolité d'une bonne pâtisserie ?
Il allait passer son premier Noël dans la rue, et la compagnie des autres clochards pour cette soirée magique ne lui souriait pas beaucoup. Pas du tout, même. Et pendant ce temps, les gens normaux, les gens d'en haut, des hautes sphères, souriraient, riraient en famille et partageraient de délicieuses confections sans y songer. Ce n'était pas juste.
Il brandit alors une poubelle qui traînait là, et l'envoya fracasser la vitrine. Il s'enfuit.
Texte numéro 7 :
(Orgueil-Luxure)
Vernissage
Pourquoi nous regardent ils ainsi ?
Est-ce les hématomes de ma mère qui les excitent ? Ou bien peut être les mains de mon père nonchalamment posées sur mes cuisses. Ils sont nombreux à nous regarder, certains viennent de loin, d'autres régulièrement, parfois célèbres, souvent anonymes.
Visages porcins, s'épongeant sans cesse le front de leur sueur maladive, leurs yeux critiques et malsains nous dévisagent. Nous ne sommes pourtant que l'innocent reflet de leur propre perversité, victimes enfantées d'un jeu qui dépasse l'entendement. Le plaisir peut se lire sur leurs rictus a peine masqués. Ils se gaussent, prenant la mesure de chaque détail; jouissance réelle de leur masturbation intellectuelle.
Enfermés dans notre carcan de toile et de bois, nous ne pouvons que subir leur assaut visuel. Les odeurs se mélangent. Un léger parfum de vernis, l'habituelle huile pigmentée, une fine odeur boisée et l'urine de mon petit frère mue par le regard insoutenable du Pater Familias. Pourtant une odeur se fait plus forte encore, plus abusive. Ces gens transpirent, excitation passagère de notre mise a nue. Respiration parfois haletante, ils ne cachent pas leur joie. C'est à se demander quel côté du miroir est le plus obscène, le plus enviable.
Etrange balai charnel que leur va et vient. Ils s'installent, épient et font leur office. Souvent en toute discrétion. Chacun puisant un peu plus dans notre âme, laissant la place aux suivants. Valse du faux semblant où personne n'est dupe, la chasse est toujours partagée. Ils se repaissent alors de nos chairs, intimement convaincus d'en tirer la substantifique moelle leur assurant des faveurs tant convoitées. Nul besoin de crier à l'hérésie pour entrevoir le démon.
Nous n'avons pourtant pas demandé à exister, impuissant que nous sommes devant le jugement de nos pères. Vision statique de votre dynamisme illusoire, nous ne reflétons pas uniquement votre grandeur mais aussi votre décadence. Cette déchéance qui vous caractérise tant et vous sublime, elle est en chacun de nous. La masquer est inutile, c'est ce que nous exprimons, car tel est votre désir. Esclaves mimétiques de votre pensée, représentations fidèles de vos ressentiments, voilà ce que nous sommes.
Fascination incestueuse ou voyeurisme tendancieux, nous ne savons pas ce qui vous pousse à nous exhiber de la sorte. Quels secrets pouvons nous déceler ? Quelles prophéties mystiques nous habitent ? N'y voyez pas la boîte de Pandorre. Non. Nous ne sommes que ce que vous êtes.
Texte numéro 8 :
(Les sept péchés)
Je ferme les yeux et, avant de dormir, dans le secret du crépuscule, je vois cette image. Elle me hante.
Nuit noire, obscurité sans lune ni étoile, juste une chape de plomb pesante, l'orage gronde. Le vent hurle, et claquent les volets dans un sinistre concert d'édentés. Un éclair fend les ténèbres, frappe et déchiquette la statue du chérubin aux joues grises de la place centrale, révélant l'imposante masse blafarde de la cathédrale en ruine. L’épave est délabrée et plus aucune cloche ne chantera ici les louanges des saints égarés ni n’accompagnera les chœurs innocents disparus à jamais dans les affres de la peste. Le créateur n'a même pas daigné entretenir ses oeuvres, laissées à l'abandon, comme tout le reste, irresponsable égoïste.
Enveloppé dans un manteau d'ombres, le convive observe la scène de ses yeux de braises ardentes. Tel un feu obscène rongeant le Bûcher d’une vierge immaculée, la rage le consume. Gangrène de l’Esprit il s’en nourrit et se repaît de ses pulsions écarlates. A ses tempes, les tambours de guerre résonnent et les Litanies des tourmentés alimentent sa soif insatiable de haine. Guérisseur familier des angoisses humaines gorgé des cris de violence des parias, il s’abreuve de leur courroux et s’en délecte à l’excès.
Il dévisage la clocharde, avachie sur les marches de l’édifice, église profanée, vautrée et impassible, presque lascive. Morte. Non, pas exactement, pas elle, la mort l’a négligée la catin au cœur de pierre. Des asticots s'agitent frénétiquement sur ses flancs dans une parodie de danse macabre. Un craquement sec, du bas ventre de la femme s'extirpe une sangsue visqueuse, épaisse comme un bras. Le vers bouffi remonte sensuellement le long du corps puis vient voracement embrasser la carcasse, terminant sa lente procession funèbre en s’immiscent, dans une ultime contorsion grotesque, à travers les lèvres boursouflées de la charogne.
Rien ne lui a échappé, ni à lui, ni aux oiseaux noirs de mauvais augures perchés sur les vestiges du passé. Trop gras pour voler, ignorant la famine, ils se contentent de clopiner en attendant que le temps passe. Ils se prélassent, l’un sur la flèche fracassée du clocher, un autre campé sur une gargouille lugubre tel un prédicateur des temps anciens. Ils se complaisent dans l’attente en admirant cette scène, écoeurante, aux effluves de pestilence.
L’un d’eux, avide, marche difficilement en traînant les pattes vers les amants enchevêtrés, s’arrête, picore des viscères putrescentes, se gave de la vermine turbulente et se régale des entrailles puantes. Ses frères le rejoignent. Le rituel commence par la consécration de la chair. Et treize corbeaux dodus festoient au banquet des réprouvés. La sotte en est brisée. Ses sept côtes tombent en poussière et ses quatre sigisbées impurs s’en vont répandre leurs maux dans les plaines désolées du royaume corrompu.
Le visage de la goule bascule, ses prunelles vitreuses le fixent et lui murmurent « Baise-moi des baisers de ta bouche, car ton amour est meilleur que le vin ». Pâle maîtresse des délices défendus, l’amant à la tour abolie, le prince de l’exil, s’enivrerait bien à cette coupe exsangue. Désir sauvage et irrépressible, irrésistible tentation de la posséder corps et âme, ivresse des sens perdus depuis une éternité, cette faim cruelle s’estompe pourtant devant l’obsession de quitter le palais des vices et de prendre enfin son du, hors de ces murs. Il songe à ce jour, bientôt.
Et les sept trompettes sonneront et annonceront son retour. Dans un char de flammes, il chevauchera sur les nuées pour achever son œuvre dans le monde des mortels, et tous le verront et le prierons. Vingt-quatre Idoles d’ébène à son image surgiront du sol et tous se prosterneront et le vénèreront. Et lors de son avènement, l’Agneau enfin il dévorera. Sa dépouille aux pieds du trône funeste il répandra, ceindra la couronne aux douze étoiles et recevra le sacre suprême du dragon à sept têtes. Sultan des déchus armé de ses Légions, il jettera à bas les dogmes des faibles et régnera dans les siècles des siècles.
La question que je me pose n’est pas s’il refera surface, mais quand, et je me terre et ferme les portes de la citadelle de mon esprit en attendant l’inévitable.
Texte numéro 9 :
(L'Envie)
Ciel bleu, quelques nuages à l'horizon, pâle soleil d'hiver. Une journée somme toute assez banale. Et pourtant une journée qui fait partie de l'histoire... Enfin, de leur histoire.
Au dehors de la maison des cris retentissent sans cesse, l'air est si empli de bruit qu'on ne s'étonnerait pas de s'y cogner. A l'intérieur, un petit être se faufile en silence, attentif à tout ce qui l'entoure. Il ne doit surtout pas être surpris, oh non, les conséquences seraient terribles. Alors il prend ses précautions et après quelques couloirs vides arrive devant la porte.
Une dernière fois il se retourne et guette le moindre pas, malgré les sons étouffés venant de l'extérieur. Puis lentement il tend la main, saisit la poignée et ouvre la porte d'une blancheur éclatante. Ses yeux vifs repèrent immédiatement le paquet. Toujours aux aguets, il le prend dans ses bras et s'enfuit à pas de loups vers une chambre sombre à l'odeur de renfermé, en prenant garde de ne pas le laisser s'échapper de ses frêles quenottes. C'est qu'il est instable, ce paquet.
A présent le voila assis devant son butin, qui exerce sur lui une certaine fascination; il n'ose pas vraiment l'ouvrir, pourtant c'est bien dans ce but qu'il s'est décidé à courir certains dangers. Dès l'instant où il l'avait aperçu, un déclic s'était produit dans son cerveau: il devait l'avoir pour lui seul, c'était une certitude.
Maintenant qu'il lui fait face, la peur qui l'habite depuis le début est au plus haut car il s'apprête à passer à l'acte. Il peut encore renoncer, il le sait, mais il en a trop envie.
Avec des gestes plein de respect, il met à jour le contenu de la boite, sur lequel se reflètent les rayons qui filtrent à travers les volets. Son regard n'est plus qu'émerveillement, braqué sur l'objet de sa convoitise. Pris de frénésie, il passe enfin à l'action...
Il ne peut achever son oeuvre, c'est trop dur. Celui qui avait tant espéré la perfection de ce moment est déçu. Tant pis, se dit-il, la perfection n'est sans doute pas de ce monde. Il referme le paquet avec attention afin de ne pas éveiller les soupçons puis, comme la première fois, se dirige vers le lieu où il était entreposé pour le remettre à sa place. Son méfait accompli, il sort et se mêle à la foule comme si de rien n'était.
Deux heures ont passé. Un cri retentit dans la maison, expression de rage mêlée d'incompréhension. Accourant du jardin, Raphael, qui a huit ans aujourd'hui, découvre sa mère pétrifiée devant les restes du gâteau d'anniversaire. La majeure partie a disparu, et le peu qui subsiste ressemble plus à de la bouillie qu'autre chose... une bonne bouillie de chocolat et de sucre glace, tout de même.
Au même instant, Gregory, son petit frère de six ans, vomit derrière un buisson.
Texte numéro 10 :
(L'envie)
Seizième étage. Un immeuble du centre-ville, assez moderne, de grands bureaux, et des dizaines d’employés qui, chaque jour, s’installent derrière leurs claviers et travaillent à la réalisation des projets qui leur sont attribués.
-« Alors, tu as choisi quoi finalement ? Il serait peut être temps de t’y mettre, je te signale que dans deux heures il doit présenter son idée, et qu’on sera bons pour retourner remplir la photocopieuse. »
-« T’inquiètes donc pas, tu verras… »
L’homme d’une quarantaine d’années ne s’est même pas détourné pour répondre à sa collègue visiblement soucieuse, et sirote tranquillement le café dans son petit gobelet en plastique face à la fenêtre, d’où il peut contempler une partie de la ville. Il relève un peu sa manche pour regarder sa montre.
-« Dix heures, il va faire une pause, et aller se chercher un thé, comme tous les jours. D’ici une heure il sera hors course. »
Seizième étage, toujours. Mais de l’autre coté, avec une autre fenêtre, sans personne cette fois. Juste un bureau à coté, et un employé enthousiaste, occupé à trier les feuilles qui sortent une par une de l’imprimante.
-« Quarante…Quarante et une… Et la dernière ! »
Il la glisse rapidement dans la pochette plastifiée et fait claquer l’élastique, dossier complet, et dans les temps, il a eu chaud. Un coup d’œil à l’horloge murale juste au dessus, et il s’élance d’un pas enjoué vers la machine à boissons, comme tous les jours. Pas grand monde ce mardi matin, l’effectif est au plus réduit à cause des différents stages et missions exterieures, il ne reste que ceux qui seront présents au conseil d’administration de midi, où il pourra enfin présenter sa grande idée au vote de ses superieurs. Ca vaut bien un double thé pour l’occasion, et il repart sans se presser vers le bureau, quelques pièces en moins et un gros gobelet en plus.
-« Au fait, tu as pensé à améliorer le dossier ? Si jamais ils venaient à avoir vent du sien malgré tout… »
-« Tu es trop craintive, tu verras, c’est pas le dossier qui compte, c’est la présentation. Et quand ils verront qu’il ne vient même pas pour le présenter à l’heure, ils ne songeront même pas à lui demander quoique ce soit. Avec ce qu’on a on est tranquilles plusieurs années, ça laissera le temps de trouver des solutions avant qu’ils ne tombent dessus. »
-« J’espère que t’as raison, j’ai pas envie de me couvrir de ridicule… »
-« Prends donc un jus de fruits, tiens, et profite de la vue, on a le temps. »
L’horloge indique déjà onze heures quand il quitte son bureau d’un pas pressé. Il y a urgence, il ne peut de toute façon pas continuer comme ça, et même si la situation lui échappe, il doit faire vite, moins d’une heure. Le fait qu’il n’y ait presque personne l’arrange une nouvelle fois, pas de comptes à rendre, personne pour le retenir, il n’a qu’à traverser quelques bureaux, et il arrive au dernier, d’ailleurs.
En travaux.
Le panneau orange bloque le passage, posé là sans qu’il ne sache trop comment, remarque, il n’y vient jamais d’habitude. La tuile. Forcément, il faut que ça arrive aujourd’hui. A ce moment précis, coïncidence qui tombe mal. L’étage du dessous, vite, et il se dirige vers l’ascenseur, pas trop loin heureusement. Les minutes s’écoulent trop vite, et ça urge, il piétine sur place alors que les doubles portes coulissantes se referment. En route pour le quinzième étage.
-« Déjà onze heures cinq, on y va ? Autant arriver en avance pour faire bonne figure. »
-« Oui, on pourra discuter un peu avec les premiers arrivés, ça met toujours en confiance. »
Ils déposent leurs gobelets dans la corbeille avant de se mettre en route à leur tour vers l’ascenseur, tenant chacun une partie des documents sous le bras.
-« Tiens, tu ne m’as toujours pas dit ce que tu avais choisi, en fin de compte ? »
-« Le plus radical, la situation s’y prête en plus. »
-« Allez dis-le, tu sais que je suis trop curieuse pour me contenter de tes sous entendus ! »
-« Laxatif ultra concentré. Tu sais, celui qui sert dans les zoos et les cirques pour les éléphants, j’en ai bourré la machine à thé ce matin. Il va passer le restant de la journée à se vider, on est tranquilles. »
Le rire des deux comparses est vite coupé par l’ascenseur qui se referme sur eux, en direction de l’étage du dessus.
-« Et meeeeerde ! »
En travaux. Ce n’est pas l’envie de donner un grand coup de pied dans le panneau du quinzième étage qui lui manque, mais il n’a pas le temps, et il s’élance par les escaliers cette fois, l’ascenseur est trop lent. L’effort est de plus en plus difficile à fournir pour retenir l’inévitable, et il se demande ce qui a pu déclencher ça, sans vraiment trouver pourquoi.
-«Saleté d’architecte ! »
Une fois de plus, les toilettes sont à l’autre bout de l’étage, et il doit tout traverser. Il est bien déterminé à ce que ce soit le dernier, quitte à arracher le panneau et à se débrouiller quand même. Par chance, celui là n’est pas en travaux, et il manque de peu de se cogner dans la porte sous le coup de la précipitation.
-« Bonjour à tous les deux, heureux de voir que vous êtes à l’heure, installez-vous donc, nous allons bientôt commencer, on dirait que votre collègue ne viendra pas. »
-« Merci Monsieur le directeur, oui il a probablement oublié, ou n’aura pas été prêt à temps. C’est dommage, ce manque de serieux, je déteste cela. »
La grande table rectangulaire est déjà recouverte par les documents des autres responsables, et les deux arrivants s’installent rapidement, satisfaits et assurés du succès de leur plan. Midi sonne à la petite horloge de la salle de réunion, mais le directeur n’a pas l’air pressé, et il discute encore dans un coin avec l’un des clients.
Enfin, la délivrance. Un peu de chance dans son malheur, il n’y a personne pour l’entendre, ni l’avoir vu passer, il peut relâcher la pression en toute tranquillité, tout en réfléchissant à un moyen de parvenir à présenter son projet tout de même. Mais bien vite le moment de satisfaction s’estompe, après avoir promené son regard sur les murs. Il manque quelque chose, l’essentiel même, surtout dans sa situation. Le papier.
-« Ah non c’est pas possible ! »
Il a beau fouiller frénétiquement ses poches, rien, pas de mouchoirs, juste son portefeuille et ses notes pour son exposé au conseil. Ses notes. Pas vraiment d’autre choix. L’après-midi va être longue, très longue.
-« Avant de commencer, je vous offre à boire, les amis, rien de tel pour bien commencer une discussion que de ne pas avoir la gorge sèche ! »
Sous le regard amusé des autres participants, le directeur, connu pour ses manières bien familières, fait le tour de la table en déposant un gobelet devant chacun.
-« Et hop, du thé pour tous, profitez en, j’ai dû le faire monter exprès du seizième, ici la machine est en panne. »
Tous occupés à finir de s’installer et à goûter le fameux thé, les différents participants au conseil ne remarquent pas la grimace des deux en bout de table, qui commencent seulement à imaginer les conséquences de ces quelques gobelets de thé.
-« Tu en avais mis beaucoup dedans… ? »
Il se penche un peu sur le coté, sans quitter les autres des yeux, pour répondre au chuchotement de sa collègue.
-« A ton avis… »
Texte hors-concours : Sponsachtige scout, Canivo et Nerwen
My delicious lazy cat
Miss Plumington vit dans ce qu'elle nomme « ma banlieue paradis ».
Dans une petite maison sur deux étages, avec voisins forts délicieux. Les murs couleur saumon. Volets et boîte aux lettres, couleur crème.
Devant la maison un jardinet parfumé, avec chemin de gravier blanc, buissons de roses roses, et rosiers grimpants blancs couvrant les murs, comme un coulis de fruits sur un sorbet. Les pétales blancs gisent épars sur la pelouse tels un voile poudreux de sucre glace.
L'ensemble laisse imaginer un framboisier quelle que soit la saison.
Des effluves de sucre et de boissons aromatisée s'évanouissent sur le trottoir devant chez elle chaque jour de l'année. De Miss Plumlington elle-même émane en permanence une délicieuse odeur de tarte aux fraises.
Chaque mercredi en fin de matinée, Miss Plumington sort un fauteuil en osier tressé couleur pain d'épice sur le perron de sa délicieuse maison. Une robe blanche, toujours la même, à pois rose. De multiples jupons la soulèvent comme autant de couches de chantilly.
Une mousse.
Miss Plumington est plutôt ronde et sa robe est comme une pomme d'amour.
Un petit sac posé a ses pieds et son gros chat paresseux sur les genoux, elle attend que les enfants rentrent de l'école, joyeux, sautillants, la bouche fleurie de morceaux de pommes.
Elle les regarde passer et parfois agite ses petits doigts boudinés dans leur direction.
Les doigts de Miss Plumington sont couverts de tâches de colorants alimentaires, des serpentins de couleurs qui courent entre les lignes de ses mains et s'entortillent autour des pouces. Voilà ses seuls bijoux.
Elle agite donc ses doigts sucrés et une ribambelle de mouflets aux yeux croquants comme des amandes passe le petit portail blanc et vient se fourrer dans ses jupes. Étaler leurs bouilles rondes dans l'épaisseur de tissus molle comme un flan.
Miss Plumington caresse leurs bras aux odeurs de biscuit et leur fourre des caramels dans la bouche tout le restant de l'après-midi.
Ce mercredi, pour fêter le retour du soleil printanier, Miss Plumington étend la grande nappe miel sous les couleurs beurrées du forsythia fraîchement éclos. Rappliquant de tout le voisinage, les premières abeilles viennent y danser, annonçant aux enfants un grand et délicieux goûter.
Le chat Bernadette observe d'un œil rond comme un bonbon sa maîtresse sortir du four gâteaux de roses, fondants au chocolat, biscuits moelleux, disposer sur le rebord de la fenêtre les feuilletés en pâte d'amande, mettre au réfrigérateur les crèmes onctueuses, battre œufs, sucre et farine dans son grand robot ménager.
Lorsque l'agitation de la cuisine retombe, embaumant de délicieuses fragrances jusqu'au jardinet, les enfants escaladent le muret du jardin pour prendre place autour de la grande table fleurie et décorée. La limonade pétille dans les verres en plastique, le jus d'orange s'égaie dans les gorges reconnaissantes après la cavalcade. Le chat Bernadette s'occupe à ramasser les miettes tombant à sa portée, suçant les morceaux plus gros dans sa gueule édentée, le poil collant, le museau envahit des odeurs du festin des enfants choyés de Miss Plumington.
Les rires et la fête se poursuivent un temps dans la plus délicieuse humeur et la plus délicieuse abondance. Lorsque vient le moment de secouer la nappe, de mettre au frais les plats, Miss Plumington soupire en ajustant son corps gélatineux dans un renfoncement du canapé meringué et se retrouve seule avec son chat fidèle, Bernadette. La moustache dure et brillante comme une tige de canne, le museau cristallin comme la cassonade, le regard en dragée, reluisant comme une douceur, les oreilles en berlingots sur un corps caramel prolongé d'une queue telle une réglisse, le délicieux mais impotent Bernadette se love au creux des deux miches à lait de sa maîtresse.
Miss Plumington le caresse longuement, lissant son poil mentholé et le fait ronronner avec délice. Du dos de la main, puis de la paume, du dos de la main, puis de la paume, avant de prendre, sur la table d'appoint en merisier, les grands ciseaux à couture. Elle lui coupe une oreille, puis, fermant les yeux, la croque entre ses molaires. Bernadette, étonné, se laisse faire, puis emporter pour un dernier et délicieux festin dont il est le dessert. Petit à petit, Miss Plumington le suçote, le découpe et l'avale jusqu'à n'en laisser, pour le thé de huit heures, qu'un délicieux bout de patte.
Miss Plumington au salon
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