La Vie, la Mort

Répondre
Partager Rechercher
Bien le bonjour, collègues rôlistes.

Cela faisait un bon bout de temps que j'avais plus posté par ici, par manque de temps et surtout d'inspiration...

L'inspiration est revenue hier soir alors que je m'enfonçais dans des souvenirs toujours aussi douloureux...
J'ai donc écrit cela dans la soirée.

J'ai hésité avant de poster cela, c'est un style différent de ce que je fais d'habitude, dans la mesure où je m'identifie plus ou moins à un des personnages.

J'attends vos commentaires, critiques. J'écrirai la suite et fin si cette partie vous plaît.

J'espère que cette partie ne vous ennuiera pas.

(Par contre, désolé pour le titre... Peut être certains auraient espérés trouver autre chose dans ce topic. Disons que le titre reflétait mes songes à l'instant où j'ai commencé à écrire cela.)

PS : les passages en italique sont en quelque sorte les pensées des personnages...
__________________
Quel est le pire des ennemis qui nous attende avec l'âge ?
Qu'est ce qui imprime la Rîde plus profondément au front ?
Voir chaque personne aimée effacée de la page de la vie,
Et être seul sur Terre comme je le suis maintenant.
La nuit… Le noir… Le silence… La mort… Ma vue se trouble… La plaie béante sur mon ventre devient de moins en moins obsédante… J’ai froid.

La seule sensation qui me reste est celle de tremper dans mon sang. Je n’entends plus rien : le bruissement du vent dans les branches des hauts arbres, le battement de mon cœur.

A quoi bon lutter contre la mort ? Je suis seul le ventre à moitié ouvert, la peau brûlée au milieu des Bois Acérés, entouré par des ossements vaguement humains qui, quelques minutes plus tôt, s’étaient jetés sur moi animés par un quelconque sortilège profane.

Je n’ai plus la force de penser. Mon corps est engourdi par la froideur de la mort. Ma respiration faiblit, mon rythme cardiaque devient imperceptible. C’est la fin…

L’ombre de la mort est à quelques dizaines de centimètres de moi. Elle murmure quelques paroles incompréhensibles. Tout semble si loin, si peu important. Une forte lumière blanche s’échappe de ses mains et m’enveloppe. Une sensation agréable me pénètre. Est-ce ça la mort ?

La douleur se raviva puis s’amenuisa jusqu’à disparaître. J’ouvris les yeux. Ses cheveux bruns voilèrent mon regard. Cette douceur, cette chaleur ne pouvait appartenir qu’à une seule personne. La brise rejeta sa chevelure angélique en arrière dévoilant son visage. Ses grands yeux verts attirèrent mon regard qui se perdit dans cette immensité de pureté.

Rem, c’était bien elle. Je levai ma main pour toucher ses douces joues, pour être bien sûr que je ne rêvais pas. Les traces de brûlures de ma main avaient disparues. La vie circulait à nouveau en moi. Je me relevai suffisamment pour pouvoir m’asseoir. La douleur au ventre me rappela de manière très désagréable que j’étais encore en convalescence.

Rem me rappela d’un ton moqueur:
- Holà chevalier ! Ne bougez pas trop. La blessure n’est pas encore cicatrisée. Et la prochaine fois, je ne me trouverais peut être pas dans les environs pour vous porter assistance !
- En tout cas, c’est aimable de ta part de sauver ma carcasse une fois de plus.
- Vous ne croyiez pas que j’allai vous laisser aux loups tout de même ?
- Au fait, pourquoi n’es tu pas intervenu pendant le combat ?
- Erm… Disons que je viens d’arriver…
- …
- Et puis si j’étais intervenu, qui serait venu nous sauver ?
- Pour la dernière fois Rem, tu sais à quel point tu comptes pour moi… Je t’en conjure, ne me suis plus dans ce genre d’escapades. As-tu la moindre idée des dangers qui te guettent ici ?
- Dites donc messire, je vous sauve la vie et vous trouvez encore à rechigner de ma présence ? C’est fort tout de même…
Son teint boudeur se changea en un sourire pur et tendre qui vint illuminer son visage. Les réactions féminines restent toujours incompréhensibles à mon esprit. Mais, revoir son tendre visage et son sourire candide me remplirent de joie. Je me mis à rire. Mes abdominaux me rappelèrent rapidement à l’ordre : on ne rie pas après s’être fait trancher le ventre par quelques mort-vivants.

Je lui demandai alors :
- Dis moi, toi qui t’y connais mieux que moi dans les réanimations profanes, un squelette de deux mètres qui balance des boules de feu, ça te dit quelque chose ?
- Euh… non…
- Bien, maintenant tu as connaissance de l’existence de ces abominations

La zone autour de moi témoignait de cette rencontre avec la créature : les arbres, buissons étaient calcinés sur plusieurs dizaines de mètres carrés.

Interrogative, elle me demanda comment mon état de santé était devenu si critique.
- C’est bien simple. Tu vois tous ces tas d’ossements dans la clairière ? Pour chaque tas, compte un squelette réanimé.

Incrédule, elle compta les tas et s’arrêta quand elle dépassa la quinzaine. Puis, elle me dit :
- Cela m’étonne que vous vous soyez fait mettre à terre par ces misérables créatures ! Un chevalier de votre rang ? Abattu par ça ?
- Je n’ai pas fini… Rajoute à cela quelques autre non vivants de ce niveau et la créature dont je t’ai parlé tout à l’heure. Cela m’apprendra à être trop confiant devant quelque chose que je ne connais pas… Une dernière chose, cesse de m’appeler « chevalier », cette époque est révolue et tu es bien placée pour le savoir. Appelle moi par mon nom je te prie.
- Bien messire, si tels sont vos souhaits !
- Tu me désespères…

Elle croisa les bras et fronça les sourcils, feignant d’être irritée par ma remarque. Encore une fois, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire et encore une fois, la douleur me prit au ventre. Quelques jurons sortirent de ma gorge. Entendant cela, elle se mit elle aussi à rire. Ce rire si fin, si mélodieux se perdit dans les tréfonds des Bois et réchauffa mon cœur.

- Ah… rassurez moi Sire Erwann, vous êtes bien payé pour prendre la tête de ce nécromancien?
- C’est déjà mieux. Omets le « sire » et ce sera parfait. Cette chasse me permettra de vivre une ou deux semaines tranquilles…
- Ce n’est pas cher payé.
- En effet mais je ne me vois pas intégrer une milice ou la garde d’un noble. Question de principe… et puis, il ne se passe rien. Et puis je ne vois pas pourquoi je devrais me justifier devant toi, tu me connais assez ! Et tu ne devrais pas plutôt remplir tes offices au Temple du Matin ?
- Je vais répondre de la même manière que vous : il ne se passe rien là-bas. Et vous savez comme moi qu’on ne fait pas reculer le Mal en priant dans le temple. Notre vénéré Lathandre me donnerait sûrement raison…

Et une troisième fois, je ris… La douleur coupa court à cet instant. Nous devions rentrer en ville rapidement : mes vêtements, mes couvertures, mon sac, mes rations étaient calcinés. La hampe de ma hallebarde était en cendre et cela était bien plus gênant que le reste. Fort heureusement, carreaux et arbalète étaient intacts par je ne sais quel miracle.
Nous sortîmes alors du bois et partîmes en direction de Bérégost. Je passai rapidement au Temple, où je commençais à être connu, vu le nombre de visite que j’y faisais, dans un état plus ou moins grave. Des soins supérieurs me furent offerts et cela était normal : après tout, je servais la cause du Bien cette fois-ci. Du moins, cette mission était reconnue officiellement par le Temple, pas comme certaines autres plus officieuses.

- Bien, je te laisse là pour aujourd’hui, Rem. Je te retrouve demain matin devant l’auberge du Magicien Ardent. Passe une bonne nuit.
- Je viendrai immédiatement après les prières matinales. Que la Lumière vous garde Erwann !
- Passe le bonjour de ma part au Grand Prêtre. Et prie un peu pour mon salut également !
- Vous pouvez compter sur moi, comme toujours

Sur ces mots, je quittai le Temple et partis en direction de la ville. Je marchais quelques dizaines de minutes en regardant le ciel avant d’arriver à destination.

L’atelier de Taërom Fuirim était encore éclairé. Un forgeron de ce renom se devait de faire fonctionner son échoppe jour et nuit.
J’entrai alors. Taërom lui-même était là, forgeant un plastron en plates comme un diable, cette lueur de passion dans ses yeux. Il s’arrêta un moment, épongea la sueur sur son front et se retourna.
- Tiens, Erwan, ça faisait longtemps que je ne t’avais plus vu dans mon échoppe !
- Ravi de te revoir également Taërom !
- Alors ? Que me vaut ta visite cette fois ? Attends, vu tes vêtements, tes cheveux moitié brûlés, tu ne serais pas allé traiter notre vieil archimage Thalantyr de vieux bouc par hasard ?

Il se mit à rire. Son rire grave si caractéristique qui faisait trembler les fondations même de son échoppe emplit la salle de son intensité.

- Bon, plus sérieusement, que c’est-il passé cette fois ?
- La routine… Une boule de feu mal placée venant d’un squelette géant…
- Ah… la routine…

A nouveau, il s’esclaffa de rire.

- Allez, donne moi ton armure et la lame de ta hallebarde que tu tiens dans ta main. Je vais faire chauffer le matériel. Mon plastron attendra un peu. Raconte moi ta campagne en Sembie, j’aimerai bien l’entendre de ta voix !
- De ma voix ?
- Tu sais ce que c’est : rumeurs, ragots…
- Si ça peut te faire plaisir.

J’en fis selon ses désirs. Quand le fer fut chaud, il se remit au travail. Je le laissai alors là, un artiste ne doit pas être dérangé pendant son travail .Tout sera prêt pour le lendemain matin.
J’allai alors à l’auberge du Magicien Ardent et commandai la même chambre que d’habitude. La nuit fut comme toutes les autres : cruelle et perturbée. Ces images me hantent et me hanteront jusqu'à ma mort…
L’aubergiste vint me réveiller tôt dans la matinée comme je lui avais demandé. Je m’équipai rapidement et pris un déjeuner frugal. Je laissai un pourboire généreux et quittai cet établissement.

La fraîcheur matinale était revigorante à souhait. Le soleil se levait juste sur la colline à l’Est de la ville et illuminait les chaumières.

Le martèlement constant de l’atelier de Taërom continuait encore et encore, comme à l’accoutumée. J’entrai dans sa forge. Taërom n’était plus là. Son second me répondit qu’il avait travaillé toute la nuit. Il m’expliqua également que la hampe de ma hallebarde avait été fabriquée à partir d’un métal dont il voulait garder le secret de fabrication ; il avait abandonné l’idée de remettre une hampe en bois car il ne peut malheureusement pas contrôler sa qualité. Mon armure ventrale métallique avait également été réparée.

Ses tarifs étaient toujours exorbitants mais je reconnaissais la qualité de son travail. En aucun cas ces nouveaux équipements ne me lâcheraient en combat. Sans autre forme de procès, je sortis, demandant à cet homme de remercier Taërom pour son travail.

J’allai alors rapidement compléter mon nécessaire de survie avec nourriture, couvertures, boissons diverses, torches et vêtements dans une échoppe quelconque.

Mes achats effectués, je retournai à la devanture de l’auberge, pour y retrouver Rem. J’attendis là quelques dizaines de minutes. J’en profitai pour observer le travail du forgeron le plus réputé de la Côte des Epées. Le tranchant de ma chère hallebarde avait été affûté et le manche me satisfaisait totalement : légèreté, solidité et souplesse. Je ne sais quel métal a été utilisé pour la hampe mais quoiqu’il en soit, c’était parfait, comme toujours.

Rem arriva en courant, en retard, comme à l’accoutumée.
- Sire !
- « Sire » ? Rem… Je m’appelle Erwann. S’il te plait, n’emploie plus ce terme, il me rappelle une période que je préférerais oublier. D’ailleurs, tu…

Elle se jeta dans mes bras. Une telle réaction inattendue et totalement impulsive coupa mes dires.

- Pourquoi oublier cette époque ? Elle fait partie de votre vie, de ma vie…
- Rem… t… tu… pourrais me lâcher s’il te plait ? C’est fort gênant…
- Mais vous rougissez !

Elle desserra légèrement son étreinte si légère et pourtant si pressante à mon cœur. Je me retournai alors, pris au dépourvu.

- Tu sais, Rem… Ce n’est pas aisé pour quelqu’un comme moi d’évoquer ce qui s’est passé cette journée là dans mes contrées… J’y ai perdu mes terres, mon titre et pire que tout, mes loyaux amis… Tu devrais d’abstenir également d’y penser, tu y as perdu les êtres qui t’étaient chers également.

Elle baissa la tête. J’eus le temps d’entrevoir ses yeux, devenus ternes, imprégnés d’une profonde tristesse. Un malaise profond me compressa le cœur. Je la pris dans mes bras.

- Pardonne moi… Je ne voulais pas…
- Ce n’est rien, c’est oublié. C’est de ma faute…

Elle esquissa un sourire.

Je te connais suffisamment bien pour savoir quand tu es honnête ou pas, Rem. Tes yeux trahissent tes sentiments. Un tel chagrin revenu si subitement à la surface ne peut se cacher si facilement. Il en est de même pour moi… Puisse-tu retrouver la paix intérieure qui m’est inaccessible.

Je suis ravi de t’avoir rencontrée. Tu n’as pas idée de ce que je ressens pour toi. Tu es l’ange qui m’a ramené vers la Lumière. Tu es celle qui me donne la force de vivre, d’affronter ce gouffre de désespoir qu’est la vie.

Tu es et resteras ma raison de vivre, ma source d’espoir.
Je t’aime Rem… Mais à quoi bon t’avouer cela ? Je ne pourrais pas t’apporter le bonheur…Je serais le seul à souffrir de cet amour inavoué, tu n’as pas à en être victime.

C’est étrange à quel point nos pensées sont claires, parfaites quand on regarde cette réalité si aléatoire, si cruelle.

Penser à tout cela est inutile. Cela ne fait que raviver cette mélancolie si profondément ancrée dans ma chair et mon âme.


J’étais si profondément perdu dans mes pensées que je n’avais pas remarqué qu’elle était blottie contre moi. Sa respiration lourde et hésitante me fit comprendre la dure vérité : elle sanglotait. C’est tellement lourd à mon cœur de la voir ainsi.
Je posais délicatement ma main sur l’arrière de sa tête.

- Sois forte…Ne plonge pas dans le désespoir, tu n’en sortirais plus jamais. Allons-y.
- … Oui.

Elle essuya ses larmes, s’éloigna de moi, me tourna le dos et partit devant afin de me cacher ses yeux rougis.
Nous continuâmes à nous promener en ville, elle tenta de me cacher son désarroi mais c’était vain. Je regretterais toujours mes paroles malheureuses. Ce ne sera qu’un regret de plus qui pèsera sur mes épaules. Nous reprîmes une discussion plus amusante tout en marchant le long de la forêt. Le soleil caressait doucement nos peaux de son auguste lumière, la rosée matinale faisait miroiter les feuilles des arbres. Elle retrouva le sourire, comme toujours. Le temps est la clé de tout dans ce monde. Mon cœur se ravit de ne s’être allégé de cette petite culpabilité.

Un peu plus tard, un messager m’apporta une missive du Conseil. Le devoir, encore le devoir. Pour une fois qu’une journée si splendide pointa son nez, j’avais pour ordre d’exterminer un nid du Mal. Mais le devoir passe avant le plaisir.

- A la vue de vos yeux, ces nouvelles ne doivent être bonnes, n’est ce pas ?
- En effet Rem, je suis investi d’une nouvelle mission.
- Où allons nous cette fois ?
- Nous ? Tu ne vas nulle part Rem. Il n’est pas question que tu te mettes en danger. On m’apprend que la manifestation profane d’hier n’était rien d’autre qu’une habile diversion pour nous faire détourner le regard de quelque chose de bien plus grave.
- Justement ! Vous avez failli mourir hier, je ne vais pas vous laisser y aller seul.
- Je ne te laisse pas le choix Rem, tu m’en vois désolé.

Je posais alors ma main sur sa joue. Mon regard lui fit comprendre que ce n’était pas la peine d’insister.

- Bien, je vois…
- Tu sais que je n’aime pas te laisser derrière moi mais là, ce serait prendre des risques inutiles. Te perdre me serait insupportable.
- Vous partez demain matin, comme à l’accoutumée ?
- Oui, je viendrai te voir ce soir au Temple, j’ai des informations à collecter.

Elle me tourna le dos et reprit la route du Temple. Je la regardais s’éloigner, toujours aussi mal à l’aise. J’aimerai tant qu’elle m’accompagne mais ce serait bien trop risqué. Je ne suis déjà pas sûr de revenir, je ne peux me permettre de lui faire courir de tels dangers.

Je passais le reste de la journée à compléter mes rations, mon nécessaire de survie et à collecter quelques informations auprès du Conseil, et de personnes peu fréquentables.

Le soir arriva rapidement. Je devais honorer ma promesse et aller dire au revoir à Rem.
Je la retrouvai assise dans la salle de prières, les yeux fermés, psalmodiant diverses paroles incompréhensibles pour un néophyte comme moi. Elle rouvrit les yeux, tourna la tête et m’aperçut. Elle se leva mais ses jambes semblaient si faibles. Elle vint vers moi d’une démarche difficile, hésitante. Je courrais vers elle et la fis se rasseoir.

- Ca ne va pas ? Qu’y a-t-il Rem ?
- Rien… Rien de bien grave, ça va passer.

Ses yeux semblaient ternes, vides. Elle était en sueur. J’ôtai ma pèlerine et lui la passa sur les épaules tout en la frictionnant. Je l’emmenai dans sa chambre et la fit aliter. J’allai alors voir un prêtre supérieur.

- Rem est au plus mal et je n’ai d’autre choix que de partir. Je la laisse entre vos mains.
- Bien sûr mon fils. Nous veillons sur elle et sur tous nos fidèles. La bénédiction de Lathandre et sa Lumière est sur nous.
- Oui oui… Concrètement, je compte sur vous pour la soigner. Je vous conseille de bien faire attention à elle.
- Vous ne faites pas confiance au Seigneur du Matin, le grand Lathandre ?
- Je ne fais confiance à personne que je ne puisse voir ou toucher. Prenez soin d’elle, c’est tout ce que je demande.
- Il en sera fait ainsi. Que Lathandre guide votre bras.

Je lui tournai le dos et retournai dans la chambre de Rem. Elle se reposait paisiblement. Je m’agenouillai à côté de son lit et lui pris la main.

- Je vais partir remplir mon devoir Rem. J’ai demandé que le Temple fasse son possible pour que tu ailles mieux.
- Ce… Ce n’était pas nécessaire, je vais bien.
- Tu dis toujours ça quand tout va au plus mal. Je ne m’absenterai que quelques jours. Je serais vite de retour.
- Promettez moi de revenir sain et sauf.
- Je te le promets Rem, comme toujours.
- Je prierai Lathandre pour que cette promesse soit honorée.
- Elle le sera.

Elle me sourit puis ferma les yeux. Elle s’endormit quelques minutes après notre discussion. Elle semblait si paisible dans son sommeil.
Je ne sais combien de temps je restais là à l’observer, à l’admirer dans son sommeil. Une minute ? Une heure ? Quelle importance…
Je relâchai alors délicatement sa main et sortit de la chambre. Je traversais alors le temple, passais la grande porte d’entrée et partis en direction de la forêt des bois Acérés, là où devait se trouver le repaire de cet infâme tourmenteur d’âmes.

La lumière du jour perça rapidement le dense feuillage des arbres de la forêt. J’étais bel et bien resté toute la nuit à son chevet. Je ne cessais de penser à son état de santé. Cela m’obsédait. Je tentais de me rassurer en me disant que les soins au Temple étaient efficaces puisque j’en avais moi-même fait les frais.
Je tentais de me concentrer sur ma mission. Les informations que j’avais quant à la position de cette crypte étaient plutôt floues, je devais être concentré afin de repérer la moindre trace anormale dans la forêt.

Je passais la journée à m’enfoncer encore plus profondément dans la végétation, à chercher encore et encore. Lorsque la nuit tomba, je dus stopper mes recherches, manquant de luminosité. Allumer une torche n’était pas une bonne idée. Je plantai ma tente dans un bosquet en m’assoupit.

Le sommeil est mon ennemi. Il me rappelle toujours ces atroces souvenirs. Mais cette fois, la nuit fut bien plus cruelle que d’habitude. Je vis Rem, le corps livide, inanimé sur son lit dans mes songes. Son visage raidi, son sourire absent, sa chair froide. Au moment où j’allai la toucher, je me réveillai en sursaut, en sueur et le cœur oppressé.

Je restais plusieurs minutes, immobile, tentant de retrouver mes esprits et surtout mon calme. Cette vision ne me quittait plus. Un rêve ? Une prémonition ?
Le doute m’assaillit. Et si c’était vrai ? Et si je ne la reverrai jamais ?
Une douleur atroce compressa mon cœur. Je dois m’arrêter de penser à cela, occuper mon esprit.

L’esprit humain fit bien son travail, comme il l’a fait durant toutes ces années. La peur devint colère. La colère devint rage. Exterminer ce nécromancien est ma mission, je le tuerai lui et toutes ses créatures. Ma mission est mon verbe.

Ma recherche acharnée finit par me conduire dans une zone étrange. Une odeur infecte de putréfaction envahissait la forêt. Cette atmosphère oppressante, je la reconnais. Le Mal, le Mal est ici. Quelques minutes à arpenter la région suffirent. Une masure de pierre effondrée était plantée au milieu d’un bosquet. Une vieille connaissance en gardait l’entrée.
Une abomination squelettique plus grande qu’un homme armée d’une lance se tenait immobile devant les escaliers qui menaient aux profondeurs de la demeure de son maître. Des flammes léchaient ses vertèbres, son coup et semblaient provenir d’un foyer situé à son bassin.

Je posai alors mon sac à dos, saisis ma hallebarde et contractai mes muscles. J’attendais ce moment depuis l’avant-veille. Une revanche. Un combat. Ne plus penser qu’à sa survie, se concentrer dans ses gestes. Seul cela me permettait d’oublier.

Mon sang est en ébullition, mon esprit frétille, mes sens sont aux aguets. L’excitation du combat est toujours la même.

Je fis alors quelques pas et sortis des buissons. Le squelette tourna la tête et commença à me charger.
Un sourire mauvais se dessina sur ma face. Je marchais dans sa direction, hallebarde en main. Il passa sa main entre ses côtes comme la dernière fois. Sa main ressortit, une boule de feu luisant entre les doigts. D’un grand mouvement, il me lança celle-ci. Le projectile se dirigea à toute vitesse dans ma direction, émettant comme un crépitement dans l’air.

Je me jetai sur le côté, fis une roulade, pris le meilleur appui sur mes jambes et courut à toute vitesse vers lui, rasant le sol. La boule de feu s’écrasa quelques mètres derrière moi. Je sentis le souffle chaud de l’explosion sur ma peau, j’entendis le craquement des arbres et le feu qui se propageait.

Ayant atteint ma vitesse de course maximale, je plaçai ma hallebarde le long de mon bras droit pour profiter à la fois de la vitesse et de la force giratoire. Il était à portée. Je plantai alors mon pied droit dans le sol et lançait mon bras dans un mouvement diagonal, de bas en haut. Sa lance dévia mon coup mais la puissance du choc le désarma. Pris dans mon mouvement, je fis un tour complet sur moi-même, suivant la hallebarde et portai un second coup, celui-ci de bas en haut. La lame trancha ses vertèbres. Sa tête tomba.

Quelle satisfaction, quelle jubilation !
Mais je n’étais pas dupe, je savais bien que ce n’était pas fini, les créatures magiques ne se laissent pas abattre si facilement.

Il plongea a nouveau sa main entre ses côtes. Il y avait danger, j’étais à moins d’un mètre de lui, l’esquive était donc impossible. Que faire ? Fuir ? Tenter tout de même une esquive ? Non. Attaquer, attaquer, attaquer et tuer !
Je balançai ma hallebarde avec l’énergie du désespoir en hauteur. Son bras vola dans les airs, la boule de feu toujours en sa paume. En tirant profit du poids de mon arme, je rabattis celle-ci au sol et coupai ainsi l’abomination en deux. Ma lame n’eut aucune difficulté à accomplir cette tâche. Je sentis ses côtes se briser une à une à son passage. Le bassin céda à son tour. Ma hallebarde vint se planter dans le sol tandis que le monstre commençait à tomber.

Je jetai un regard rapide vers le ciel pour savoir combien de temps il me restait avant que son bras ne retombe au sol. Peu de temps, trop peu de temps. Courir, le plus loin possible. Je bondis le plus loin possible. Sa main toucha le sol et lâcha la boule de feu. L’explosion me propulsa plusieurs mètres en avant. Au moment où j’atterris sur le sol, la douleur se fit ressentir. Mon cou était dans un sale état, mon armure avait fort heureusement protégé mon dos.
L’euphorie et l’adrénaline anesthésiaient la douleur. Je me relevai et contemplais les restes du squelette, gisant au sol au milieu d’une zone calcinée, ma hallebarde toujours plantée en son centre. Je sortis celle-ci du sol et m’enfonçai dans les profondeurs du repaire du nécromancien.
Une odeur de viande en putréfaction, imbibée dans la mousse recouvrant les murs, provoqua une geste de recul de ma part. L’humidité latente et l’obscurité ne rendaient pas se lieu plus accueillant. Les couloirs sombres et étroits ne me rassuraient guère, le combat à l’arme d’hast n’est pas bien pratique dans ce genre de situation. Je continuais à descendre le long des escaliers et à parcourir les longueurs effroyables des couloirs. Après quelques bonnes minutes de marche minutieuse, prudente et abominablement éprouvante, j’entrevis de la lumière au bout du corridor. Ce dernier débouchait sur une salle assez grande, éclairée au moyen de torches et visiblement vide de toute menace.

J’entrai alors, toujours sur mes gardes. A peine eus-je franchis le palier de la porte que l’illusion magique régnant sur cette salle se dissipa. Il était là, entouré de quelques sbires non vivants. Ma cible… Habillé d’une immonde robe de bure noire et accompagné de neuf squelettes, zombis et autres abominations, le nécromancien se mit à rire et me provoqua :

- Tu tiens tant à mourir que ça, vagabond ? Comment oses-tu t’aventurer dans ma demeure ?
- Il suffit, immonde créature ! Le Temple m’envoie t’exorciser, toi et tes créatures ! Tu vas périr.
- Nous verrons…

Il termina la conversation en m’envoyant un projectile magique, une flèche plus précisément. Celle-ci vint se planter au milieu de la paume de ma main droite. Ma hallebarde tomba au sol, privée de ma poigne puissante. L’incantation magique ne se limitait pas à une flèche, mais également à un écoulement d’acide provenant de celle-ci. Ma main fut superficiellement rongée mais la douleur était telle que ma main semblait paralysée. Je me retrouvais mains nues face à lui et à sa cour. La situation était critique. Il jubilait.

Il me restait une solution. Est-ce mon envie de vivre ou ma volonté d’exterminer cette créature qui me poussa à me réfugier dans mes derniers retranchements ? Peut être était-ce ma volonté de tenir ma promesse et de revenir.
Malgré la douleur, mes poings se serrèrent. Mon rythme cardiaque accéléra. Un goût de sang vint inonder mes sens. Un sourire bestial se dessina sur mon visage, à mesure que mes yeux rougissaient. Mes muscles se contractèrent, toute sensation de douleur disparut. Mon esprit s’évinça rapidement, libérant toutes les contraintes imposées par l’esprit humain. Je perdis tout contrôle sur mes actes. Ensuite, le néant…

Cela faisait quelques années que je n’étais plus entré dans cet état là. Peut être depuis que j’avais rencontré Rem…

Le réveil fut plutôt désagréable… La douleur musculaire générale me laissa au sol durant quelques minutes, comme à l’accoutumée quand je devenais ainsi. Je me mis en position assise avec tout le mal du monde et contemplai mon œuvre. Devant moi se trouvait le cadavre, ou du moins ce qu’il en restait, du nécromancien, uniquement reconnaissable à sa robe. Apparemment, je n’avais pas eu le bon sens de me servir de ma dague à ma ceinture mais bien de mes poings. Sa figure ne pouvait même plus être appelée comme tel ; il ne restait qu’un amas de chair sanguinolente dépourvu de tout trait humain. L’état de ses créatures n’étaient pas plus agréable à regarder : dispersés aux quatre cons de la salle, les os ou lambeaux de chair semblaient se morfondre dans la poussière.

Ma main droite me faisait toujours souffrir, bien plus que le reste de mes muscles après cet effort dépassant les limites physiques humaines. Un mélange de sang, de morceaux de viande, d’abattis recouvrait mon plastron.
Malheureusement, remporter une victoire ainsi ne laisse aucune saveur, aucune satisfaction. Je me sens vide.

Le temps de ramasser ma hallebarde et de mettre le feu à tout le complexe, la douleur disparut. Ma main droite m’handicapait toujours dans mes mouvements mais la blessure n’était pas bien grave, juste l’affaire de quelques jours de cicatrisation.
La fumée envahit rapidement les couloirs, si bien que je dus sortir en courant pour éviter de finir asphyxié.
La lumière matinale m’aveugla quand je ressortis de ces lieux. J’étais resté inconscient bien longtemps.

Je me hâtais dans la direction du retour. La marche fut bien plus pénible qu’à l’aller ; la fatigue me traquait. La journée passa difficilement, mes pensées tournées vers Rem. Je n’avais plus rien pour focaliser mon esprit. L’angoisse m’envahit. Je plantai ma tente pour la nuit.

Je refis le même rêve. Bien plus cruel et douloureux que le dernier. Je me remis en route en pleine nuit après m’être réveillé, une douleur au cœur m’empêchant de me rendormir. Plus question de dormir avant de l’avoir revue en bonne santé. Dans cet état de crainte, la moindre minute est éternité. Le jour ne se levait plus, la nuit parut interminable. Je continuais à marcher, accélérant le rythme au fur et à mesure que mon anxiété grandissait.

J’arrivai dans la matinée au Temple en courant. Mes poumons brûlaient, mon sang brûlait mes muscles comme du liquide en fusion. J’entrai et traversai le hall avec une marche soutenue. Le prêtre supérieur m’interpella. Je me dirigeai vers le chambre de Rem, dans une autre aile du Temple.

- Messire Erwann, messire Erwann ! Arretez !
- J’ai terminé ma mission, laissez moi en paix !
- Où allez vous ?
- Voir Rem
- Vous ne pouvez pas !
- Si je le peux, ôtez vous de mon chemin !
- Elle est mourante messire !

Je m’arrêtai brusquement. Sa phrase résonna dans ma tête, des dizaines et des dizaines de fois. La douleur me reprit, me poignarda le cœur comme jamais. Un mélange de désespoir, de haine et de peur m’envahit. Je le saisis au cou de ma main gauche et le souleva dans les airs.

- Que dis-tu maudit prêtre ? Que lui avez-vous fais ?
- Nous avons… tout tenté mais nous ne… pouvions rien faire…
- Tu mens, chien !

Je le jetai au sol et courus dans la chambre de Rem. Elle était là, étendue dans son lit, habillée d’un linceul blanc. Je tombai à genoux au bord de son lit et pris sa main. Pâle, froide… Je répétais son nom des dizaines, des centaines de fois. Elle restait immobile, inanimée. Son visage marqué par la douleur, ses pommettes décolorées, ses mains froides… Que vais-je faire maintenant Rem ? Que vais-je faire sans toi ?
C’était trop dur, je m’effondrai physiquement et mentalement.

Je me réveillai deux jours plus tard, dans un lit. Un fidèle m’expliqua que j’avais perdu connaissance durant ce laps de temps. Le prêtre supérieur vint à mon chevet. Il s’excusa pour leur incapacité à effacer la maladie mais également pour me dire que Rem avait été enterrée dans le cimetière du Temple. Je ne comprenais pas ce qu’il disait.
La mémoire me revint, comme une immense lame qui me perça le cœur une fois de plus. Ce n’était pas un rêve. Elle m’avait bien quitté.
Je me levai, m’habillai, pris mes affaires et partis dans le cimetière. Une pluie dense s’abattait sur la lande. Je trouvai sa tombe.
A ce moment là, toute cette douleur, toute cette haine rejaillit des profondeurs de mon être. Je tombais à genoux, anéanti et pleurais, encore et encore. Je maudis les dieux et leur impuissance. Je maudis cette justice. Je maudis ce monde.

De nombreuses heures durant, mon état émotionnel m’empêcha toute pensée sensée ou constructive. Après avoir hurlé mon désespoir, j’essuyai mes larmes et partis. Il n’y avait plus rien pour moi dans cette ville, dans cette région, dans ce monde.

J’errais dans ce monde durant des jours, des semaines, des mois…
Je pensais avoir subi le pire mais le contrecoup me montra que j’avais tort. Ma source de chaleur, ma source de vie, ma source d’espoir… Tout avait disparu. Le monde était froid et terne. Ma lumière s’était éteinte à tout jamais.

La culpabilité me hantait. J’aurais peut être pu faire quelque chose si je n’étais pas parti en mission. Peut être n’aurait-elle jamais contracté cette maladie en me suivant dans mon périple. Ce sentiment me rongeait petit à petit. Je ne dormais plus, les rêves me replongeaient dans ces moments que je ne peux oublier.

Seul la mort me libérerait de cette souffrance. Mais le suicide est lâche. On ne peut pas mettre un terme à une vie qui vous a été donnée. Je devais continuer à vivre avec cette souffrance, continuer à errer dans le désespoir jusqu’à la fin.
Rem, ton souvenir sera en moi toute ma vie durant, traversant les âges et la mort. Nous nous retrouverons…




Ce qu’il advint de Erwann, personne ne le sait. Certains avancent qu’il se remit au service du Bien pour purger ses fautes et qu’il finit par périr après une attaque suicide dans l’antre d’une liche, poussé par le désespoir et la douleur. D’autres affirment qu’il termina sa vie dans les Vaux, après avoir mené une fin de vie paisible à travailler la terre.
Les informations quant à sa vie après cette tragédie restent floues et incomplètes. Puisse-t-il avoir retrouvé la paix au fil du temps.
Répondre

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés