Aria pour Taris...

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Merdique… C’est à peu près ce qu’on pourrait dire de cette situation. Enfin, c’est le constat le plus juste qui lui apparaissait en ce moment… Falko s’essuya les lèvres du revers de main, constata la trace de sang qui l’ornait à présent. Il passa sa langue sur le coin de sa lèvre sanglante et boursoufflée.

  • - C’est bien ma veine… sans mauvais jeu de mot. C’était pas écrit sur la porte d’entrée, ni même sur la présentation holonet de votre colonie que c’était un nid à connards engraissés aux crédits indexés sur la médiocrité. Résul…

Putain, celui-ci fait mal, pensa Falko quand ses esprits lui revinrent quelques secondes après avoir été percuté par un nouveau coup de poing. Ces gars-là ont la susceptibilité à fleur de peau… Il leur faudrait un stage de gestion du stress et de la colère. Ca doit bien se trouver, même par ici, non ? Par visio-conférence, peut-être ? Le deuxième coup, au ventre, lui coupa le souffle durant des secondes qui parurent une éternité. Sortez donc un Colo à Griffes de son jus pour voir s’il est toujours aussi loquace… même un mollusque asthmatique aurait plus de chance de tousser après ça sans manquer d’air. Il se mit d’ailleurs à tousser, avec ce sentiment désagréable que sa plèvre allait rester collée comme une gommette de Kenth sur la baie vitrée de la salle à manger de madame Karn. Falko se força à expirer et à reprendre de petites inspirations rapides pour recouvrer son souffle.

  • - J… j’ai la vague impression que vous n’êtes p… pas très portés sur le dialogue. Et j’ai même dans l’idée qu’vous n’comptez pas me rajouter en ami sur votre page Holo-Face. Je… je sais bien que j’donne pas plus envie que ça d’être fréquenté, mais on gagne à me connaître. S… si je vous assure.

    - Ok, t’es un rigolo doublé d’un fouille-merde. Mais t’as mis le nez là où il ne fallait pas. Nous on veut bien faire connaissance, mais tu fais des difficultés inutiles. Réponds à nos questions et ça ira plus vite.

    - J’ai pourtant pas la réputation d’avoir la truffe baladeuse… j’suis même plutôt du genre discret, niveau relatio…


Le poing qui percuta sa mâchoire manqua de peu lui faire perdre connaissance, il mit cependant un moment à rassembler ses esprits et lorsque ce fut fait il bascula, sans vraiment la contrôler, sa tête en arrière. Les néons de la pièce exiguë l’éblouirent, accentuant cruellement la migraine carabinée que lui avait flanquée cette franche discussion entre gens de bonne volonté…


  • - T’as pas bien dû comprendre les règles du jeu. Alors laisses-moi te les expliquer… pour le moment on fait ça amicalement. Mais si ça tarde trop, le capitaine va arriver et il va changer de partition pour quelque chose de plus radical. Et si ça ne te convainc pas, il finira par te balancer dans une fosse avec deux ou trois nexus qui ont les crocs. Et là, ce sera trop tard pour te mettre à table.

    - Mais dis-moi ducon… c’est que t’aurais presque de la répartie. T’es pas deuxième pompe toi, ça se voit, tu sais faire des phrases. C’est curieux dans ce trou paumé, mais pas très étonnant… parce que j’ai cru comprendre que t’étais que de « passage ». Du tourisme sexuel avec des Rakgoules ? Non… même elles n’auraient pas envie de voir ta gueule avant le coït.


Le méchant coup de botte qui vint le percuter, renversa la chaise et lui avec. La tête de Falko fit la rencontre du sol sans présentation inutile, dans un style direct, voire rugueux en passant d’abord dire bonjour au rebord d’une table qui passait par là. La sensation humide au contact de son crâne lui fit comprendre qu’il avait laissé quelques cheveux et un peu de son épiderme sur le trajet. Ca commençait à faire beaucoup de traces et de tâches pour quelqu’un qui voulait éviter de se faire remarquer. C’était souvent comme ça constata-t-il enfin ; le plus souvent discret, en retrait même, on finissait régulièrement par le taxer de sale con. Pas que ça le dérangeait réellement, après tout fallait bien être celui d’un autre et si c’était de plusieurs, n’était-ce pas déjà une bonne action ? Une forme de volontariat humanitaire ?

  • - En parlant de se mettre à table… ce n’est pas que je crache sur l’hospitalité de l’autochtone mal embouché que sont vos amis, mais les pains je préfère les manger avec parcimonie. J’ai la diététique exigeante et puis c’est étouffant quand ce n’est pas bien accompagné. D’autant que ça participe à la prise de poids… et là j’en ai déjà gros sur le râble. Trop c’est tr…

    - T’as jamais appris à fermer ta gueule ! Mais on va t’aider… sois sans crainte, on a la méthode.

Et la brute, grasse comme un roba proche de l’abattoir, chargé de lui asséner les caresses, de lui envoyer un nouveau coup de pied dans le ventre, qui vint percuter sa cuisse dans un geste de défense qui lui permit d’échapper au renouvellement de l’expérience du poisson hors de l’eau.

Là, laissant échapper un râle de douleur entre ses dents serrées, Falko eut un éclair de lucidité qui lui intimait d’arrêter de faire le mariole s’il ne voulait pas que l’échange soit écourté de façon définitive. A défaut de parler, ce qui n’était pas envisageable, il fallait gagner du temps et éviter de pousser trop loin la provocation pour ne pas outrepasser la limite de leur patience déjà précaire.

Un coup de botte au visage coupa court à toute réflexion tardive ; le rideau noir tomba sur la scène ; Falko gisant au sol dans son sang.

Dernière modification par Malheur ; 23/01/2015 à 17h28.
Combien d’heures s’étaient écoulées, depuis la fin du chapitre précédent ? Sur le flanc, Falko rouvrait péniblement les yeux dans la pénombre de ce qui lui servait de cellule de fortune ; un conteneur lambda, comme on en trouve des milliers dans les colonies ; rouillé dans lequel croupissait une eau à la forte odeur de cambouis et de carburant. A l’extérieur aucun son ne filtrait que le bruit de la forêt et d’oiseaux qui piaillaient non loin. Ce ne devait pas être le camp avancé de la colonie.

Pourquoi se retrouvait-il encore dans ce genre d’emmerdes alors qu’il était censé avoir raccroché le tablier depuis 4 ans ? C’était la ritournelle de l’homme qui change de vie sans jamais se débarrasser de ses vieux démons… Depuis, la barbouzerie n’était jamais loin, voire même dans le tiroir de la table de chevet quand on avait plus le badge officiel pour défourailler aux frais de la République avec la bénédiction du Sacro-Saint Sénat… Mais il fallait bien faire le boulot, avec ou sans passe-droits.

Mais là, pourquoi se coltinait-il tous ces problèmes… ? Ok, elle avait un sacré joli petit cul mais ça ne justifie jamais de creuser des tombes et d’y planter une stèle avec des épitaphes à deux crédits sorties tout droit de recueils des poètes ratés en mal d’inspiration qui inondent l’holonet avec du bon sentiment en veux-tu en voilà, bon à donner la gerbe même à un marin aguerri au roulis frénétique. A moins que ce soit la colique… Sans déconner, même un trou du cul de gamorréen aurait assez de neurones pour en sortir une avec plus d’esprit. Bon ok, c’est exagéré… ces dégénérés sont aussi cons que leur tête le laisse à penser. Mais on n’en est pas loin. Et pour le moment, c’était sa tombe qu’il était en train de creuser et cette idée lui déplaisait assez.

Jolie et trop jeune pour toutes ces conneries surtout… et pourtant déjà bien assez pour que ces clebs en rut ait eu envie de se ruer dessus et lui faire découvrir à quel point les hommes peuvent parfois être de sales porcs. « Parfois… » c’est comme de dire que les aqualish et les abyssins sont « parfois violents ». Ca revient à dédouaner l’humanité de sa connerie et de sa brutalité latente…

C’est juste une gamine aux idées trop larges pour sa destinée toute tracée et bordée de conventions familiales auxquelles elle ne peut pas déroger. Aussi loin qu’elle fuira, elle sera rattrapée par son « devoir » et par son « nom ». Rattrapée par lui, sûrement… parce que c’est son boulot. Parce qu’il a signé un contrat qui lui avait tout pris ; un contrat sans concession au-delà du formulaire qu’il avait signé en bas à droite sur l’écran d’un datapad au premier jour qu’il était monté par-delà les nuages, visiter le sanctuaire des Karn-assiers… Il s’était attaché à cette femme qui les dirigeait tous, attaché à cette famille qui n’avait de limite que ses propres ambitions.

Mais cette fille-là, il ne l’avait pas prévue. Elle a un de ces regards sombres comme ses cauchemars et chargé pourtant de reflets scintillant d’espoir. Il y a une tempête dans la tête de cette fille-là, avec des vagues qui submergeraient même ce gars-là. Des vagues qui chamboulaient son âme qui caressaient ces plaies, qui fondaient sans crainte sur ses crocs et ses lames. Une fille perdue quelque part entre ses regrets de n’avoir pas pu dérouler son histoire comme elle l’avait rêvée… et la panique de ne pas savoir trouver sa place dans le cours de l’histoire d’une dynastie qui scrute les siens pour s’écrire et se réaliser.

Ca tient d’ailleurs presque de l’ironie de porter le nom d’une mélodie et de ne pas savoir s’accorder. S’accorder, s’acclimater, s’habituer, se fondre… s’oublier…ne plus l’écrire mais se résigner à sa destinée. Sont-ce ces pensées qui la hantent chaque nuit et entrecoupent ses sommeils agités, toutes les 2 heures précisément ? Deux c’est suffisant pour savoir qu’on ne peut pas prendre la même route, qu’il y a ceux qui marchent dans l’ombre de ceux qui marchent devant. Et il ne faut pas s’y méprendre, quand à la faveur d’un soleil ou d’un néon farceur, notre ombre semble s’étendre pour les couvrir et les dépasser, car ils marchent bien dessus sans ciller. Comme à l’ombre des drapeaux, le mât sera toujours plus haut que nos vies et nos pensées ; obéir sans sourciller, mourir par devoir, c’est pas bien compliqué.

Un joli sourire aussi… quand il parvenait à lui en soutirer un. Parce qu’elle avait la fibre humoristique effarouchée. Mais c’était de la connerie tout ça, en trois semaines et des brouettes on ne se crée pas des affinités. Et valait mieux pas se raconter des histoires, il n’y a que dans les contes qu’on rencontre des fées.

Alors pourquoi ? Une réponse fusa dans son esprit ; parce que c’était son job. C’est bateau comme réponse, oui, pire cliché il n’y a pas. Mais c’était la foutue réalité, parce qu’il avait mis les pieds dans le plat dès le premier jour ; compromettant tout ce qu’il avait été, tout ce qu’il croyait être resté. A moins que ce ne soit vraiment lui ? Sans concession, sans restriction… sans limite que celles que veut bien lui fixer le « patron ». La patronne plutôt et elle avait l’esprit large et de la souplesse sur les conditions d’emploi.

A y repenser, l’avait-elle seulement sollicité ? Non. Enfin presque. Deux ou trois fois, mais le reste du temps, tout était venu de lui. Il avait fait ces choix-là tout seul, comme un grand, embarqué dans un élan qui le dépassait. Un truc étrange qu’on appelle « loyauté » et qui fait défaut à tant de gens à notre époque troublée. Par loyauté, oui, il avait « ponctué » - parfois définitivement – des contrariétés et des mauvaises volontés. Etait-il comme ces portes-flingues de films anciens qu’il affectionnait tant ? L’idée de n’être qu’un second couteau ne chagrinait pas plus que ça son égo, ils avaient souvent de beaux rôles mais dans le contexte, ça l’éloignait un peu plus cruellement encore des aspirations déjà frustrées au nez desquelles il n’avait pas encore claqué la porte. L’espoir fait vivre, disait-on… et le chasser c’était mettre un pied dans la tombe. Dans le genre, il ne pouvait pas se permettre de gaspiller ces indulgences divines que la Force ou quoi que ce soit d’autre, avait eu la générosité de lui concéder jusque-là ; faute de les reclasser en prodigalité et qu’une prise de conscience universelle lui coupe ces politesses sous les pieds. Déjà que la mort avait une fâcheuse tendance à abuser de la tondeuse… fallait pas pousser le vice trop loin.

Tout ça était confus dans son esprit et pourtant si clair à la fois. Les idées se mélangeaient les unes aux autres et n’arrangeaient rien à la migraine qui ne l’avait pas quitté depuis. Etait-on quelques minutes après le tabassage en règle ou le lendemain ? Falko toucha sa lèvre et sa tête, toutes deux douloureuses. Pas que le reste ne le faisait pas souffrir mais qu’il se souvenait surtout de ceci. Le sang avait coagulé mais ça sentait encore le frais, quelques heures avaient dû s’écouler sans qu’il ne soit capable de le mesurer précisément. Il fallait bien dire qu’on l’avait délesté de tout ce qui leur avait paru inutile… soit tout, sauf un t-shirt et son pantalon de treillis, sales et rougis. A ce moment il se rendit compte qu’il avait froid ; tant qu’il en était engourdi. Le stress, la fatigue, les blessures, la soif et la faim… et peut-être le rafraîchissement nocturne ? Il n’y avait plus qu’à cocher les cases, mais à ce compte c’était plus rapide de faire un grand « check » sur tout le formulaire.

Lorsqu’il tenta de bouger, une pique de douleur lui arracha un gémissement difficilement contenu. Des côtes fêlées peut-être, des ecchymoses et pétéchies en tout cas, à lui en dessiner une belle carte de la voie lactée et des secteurs obscurs de la galaxie en plusieurs endroits du corps. Il n’y avait plus qu’à l’indexer aux archives du musée de la conquête spatiale…

Ce n’était pas vraiment le moment d’énumérer les traumatismes et de faire un concours de souvenirs. Nostalgie n’aurait qu’à repasser un peu plus tard quand il serait moins occupé et surtout un peu moins en danger. Parce qu’en l’état, l’avenir et la retraite paraissaient compromis. Et qui allait hériter de la malle à vestiges, des photos façon « copains d’avant » et des décorations qui ne méritaient pas toutes une histoire au coin du feu… ? La République flanquerait ça à la poubelle, vite fait, bien fait. Et de ses flingues et de ses speeders ? Falko inspira de rage contenue. Pas question que ces choses-là soient dispersées aux quatre vents, revendues aux enchères à des amateurs du Natunda engoncés dans leur médiocrité et leur mollesse. Et pire… ça pourrait arriver dans les mains de connards de chasseurs de primes crasseux, de mercenaires sans scrupule ou encore de criminels à la petite semaine, tout ça pour une bouchée de pain. Inconscients qu’ils sont de la valeur sentimentale de ces bijoux et de leur qualité… non, ça, c’était pire que de crever oublié de tous sur cette planète en ruine, puante, qu’est Taris. Ca c’était un coup à le faire se retourner dans sa tombe. Ca n’en finirait donc jamais ? Après avoir raccroché, il s’était remis à pêcher en eaux troubles et une fois mort il recommencerait à s’activer ? Non, quitte à crever il fallait au moins que les comptes soient soldés, le testament dûment rédigé et les orphelins placés… et tout ça était encore à réfléchir, à peaufiner… il y avait peut-être encore des choses à faire – un foyer à fonder ? – avant de tirer sa révérence sans se retourner.

Remuant au sol pour se dégourdir doucement, il chercha des mains dans l’obscurité maintenant totale. Il fouilla et remua des choses dont il préférait ignorer la nature, même si l’odeur ne laissait planer que peu de doute et une réelle puanteur. Il manqua de vomir, si seulement il avait eu quelque chose dans le ventre ; ne lui restait plus que la bile et c’était le pire à recracher. La douleur le lançait mais il se concentrait sur une seule chose ; survivre.

Parce qu’il n’était pas question de finir ici… pas comme ça, pas sans avoir été bouffé ce sandwich de 1 kilo réputé interminable dans ce grill sans allure au bout de la voie 359 de Coronet. Pas sans avoir acheté le dernier modèle de fusil blaster automatique, à système de refroidissement nouvelle génération, des ateliers Cirsha Dynamic’s Weapon Technology. Ni sans avoir refait un dernier saut HALO pour le plaisir et déployer les répulseurs de secours. Pas non plus sans avoir mis un pain dans la gueule de l’amateur de Gizka. Non… deux en fait. Pas non plus sans avoir retrouvé ce gosse perdu dans le hangar 28, assis au sommet d’une pyramide de caisses, toisant un monde trop grand pour lui, à partager sans envie, sans parents à qui se confier – trop pris – pour lui dire qu’après les étoiles ce ne sera ni mieux, ni pire pour lui. Surtout pas… sans avoir compris pourquoi il était assez con pour mettre sa vie ainsi en danger, au-delà de ce que son contrat exige de lui, au-delà de ce que la raison devrait lui interdire. Avait-il si peur de vivre… ou de mourir ?

Merdique la situation, oui, elle l’était. Il pataugeait même dedans jusqu’au cou. Difficilement, péniblement, il se mit à genou et, balayant l’air devant lui d’un bras, il avança doucement, prudemment pour chercher. Falko ne savait pas vraiment quoi d’ailleurs, mais il fallait s’activer ; dans la survie ce qui compte c’est ce qu’on fait, quoi que ce fut, mais de le faire, ne jamais se laisser dominer par l’envie de s’échouer.

Comment aurait-il pu deviner que le capitaine à la tête de cet avant-poste paumé de Taris roulait en parallèle pour un laboratoire pharmaceutique, qu’il alimentait avec quelques-uns de ses subordonnés en espèces animales locales et en Rakgoules ? Ce n’est pas nouveau le trafique zoologique mais ce sont rarement des militaires en poste qui s’y adonnent. Ca participe d’une curiosité intellectuelle malsaine… quant à eux ce sont les crédits qui les appellent. Et le kolto qui manquait tant, selon « miss humanitaire » ça n’était pas une réalité pour tout le monde. La fine équipe s’en faisait livrer en douce par ses commanditaires ; la chasse n’a jamais été une sinécure. Et puis il n’était pas question de livrer des bestioles à moitié mortes ; elles aussi avaient droit aux soins. Faudra penser à leur faire épingler la médaille des protecteurs de la cause animale… Si elle avait su… même troquer son honneur n’aurait plus suffi, pour le peu qu’elle devait penser lui en rester. Si elle savait… elle serait bien capable d’y retourner pour les enterrer vivants. Mais sur un C.V de jeune femme ça fait un peu trop original dans le milieu huppé et les salons feutrés que fréquentent les Karn ; il se pourrait même que ça choque… Elle ne collait déjà pas très bien avec la photo de famille avec sa couleur capillaire et son maquillage rebelle. Quoi que…

A tâtons, Falko vérifiait le sol et les parois jusqu’à mi-hauteur. Qui sait, la chance sourit aux… aux quoi déjà ? Parce qu’elle sourit déjà à tellement d’enfoirés de première qu’il se demandait si elle ne faisait pas le tapin par plaisir celle-là. Si en plus elle souriait aux cons comme lui, autant dire qu’elle se tapait tout le monde sans l’once d’une culpabilité. Mais aujourd’hui, il pardonnerait même à Fenrys de mélanger une boisson énergétique avec un whisky 18 ans d’âge, non filtré à froid, de la distillerie « Socorro Corellisi »… et d’y rajouter des glaçons… pas sans lui mettre une grosse taloche derrière la tête néanmoins. Le respect des bonnes choses ça s’inculque à tous les âges et c’est une attention de tous les instants. Il pardonnerait oui… pourvu qu’il s’en sorte.

Maintenant qu’il connaissait la situation, Falko comprenait mieux pourquoi cet avant-poste enregistrait les plus grosses pertes mis en rapport avec les autres. Il n’était pas question que des fouineurs aient dans l’idée de s’intéresser de trop près à certaines choses et de découvrir les magouilles du capitaine et sa clique. Alors il envoyait au casse-pipe tous ceux qui n’étaient pas concernés par cette joyeuse entreprise de zoologie participative… Il y avait pourtant matière à les convier en leur confiant la partie « entomologie » afin d’étudier ces cafards qui se repaissaient de crédits généreusement distribués par un laboratoire qui avait dû ranger les scrupules dans un bocal de formol entre le cadavre d’un bébé et les tripes du dernier inspecteur du comité d’éthique médicale.

C’était pas tout, ça, mais il se serait bien pris un café maintenant qu’il y pensait. La seule chose qui pourrait encore, éventuellement, relever son humeur bien que là, il doutait même de la faculté des grains issus des meilleures plantations de pouvoir sauver quoi que ce soit de sa journée. Et dire qu’il avait appris que Jawa Love avait entubé sa clientèle en mélangeant un pourcentage non négligeable d’excrément au café… sans rire !? Il n’y a donc plus de respect pour rien dans ce monde ? Il en avait goûté un dans le transport « aller », faute de mieux. Et l’ayant appris il s’en serait passé la bouche au désinfectant de classe AD s’il n’avait pas craint de ne plus jamais pouvoir sentir le goût de quoi que ce soit. Même un thé lui aurait été, maintenant qu’il y songeait mais il avait sa fierté et ne le dirait pas à haute voix pour autant.

Chance… cette putain sans vergogne avait donc décidé de se donner à lui une dernière fois ? Ou alors de revenir fidéliser la clientèle. Falko sentit quelque chose au sol, métallique, pointu. Une pièce cassée, peut-être un loquet de caisse de transport ou une simple tige métallique. Il n’était pas vraiment question de faire le difficile et sauf à commander par la pensée, en livraison express, un blaster tout beau tout neuf et chargé à bloc, il devrait faire avec ce qu’il venait de trouver.

Heureusement qu’elle ignorait ce qui se déroulait ici… ce n’était pas une mélodie qu’elle nous jouerait en ce moment, mais un requiem. Avant ou après il y aurait eu la grande symphonie du chaos avec percussions et explosions bruyantes et mortelles. Il était temps qu’elle retrouve une vie normale, surtout ; ou quelque chose dans ce goût même si elle serait marquée à jamais par ce qu’elle avait vécu ici. Il y avait aussi un peu de ça dans la raison… les beaux idéaux, les grands espoirs ne pouvaient pas être foulés aux pieds de la sorte. On ne pouvait pas violer tous les rêves… tous les espoirs… ni violer tout court quelqu’un qui aurait pu rester innocent. Il y a tant de saloperies dans l’univers qu’on ne saurait même pas tout recycler ni mettre en orbite pour stockage sans devoir y mettre tous les crédits de la République et des Hutts réunis, si c’était de vraies ordures. Quoi que l’humanité… enfin l’universalité se faisait relativement bien à l’idée de compter dans ses rangs un nombre d’ordures astronomique, c’était bien le cas de le dire. Des ordures tous pire les uns que les autres…

Falko savait bien que l’idée de l’innocence c’était la faiblesse intellectuelle de l’humaniste positiviste. Croire ou faire une place à l’innocence, ça tenait de l’utopie et personne ne devait pouvoir se vautrer dans cette illusion sans craindre d’être taxé de gentil gobe-mouche. Mais certaine personne ne pouvait-elle pas faire exception ? Ca la rendrait probablement moins… enfin bref, peut-être que c’était aussi une part de ce truc piquant chez elle, qui le titillait. Alors laissons l’innocence de côté et disons que c’était un truc qui y ressemblait, façon ingénuité.

La porte grinça, on venait de la déverrouiller et le sas s’ouvrit accompagné d’un bruit de décompression hydraulique. Falko fit mine d’être inconscient ou endormi, face contre terre. La lune perçait à peine dans la nuit, à travers les ruines élevées des gratte-ciel décapités et les ramures des arbres gigantesques. Des pas résonnèrent et Falko sentait au travers ses paupières fermées le faisceau d’une torche braquée dans sa direction.


  • - Merde, tu crois qu’il est mort ? Ca serait con… il n’a pas encore parlé et le boss et le capitaine veulent savoir ce qu’il sait.

    - Qu’est-ce que ça changera s’il a clamsé ? Il n’ira rien raconter à personne. On va déjà vérifier… mais le capitaine a dit de faire gaffe parce que c’est un solide selon lui ; du genre à avoir fait l’armée.

    - Vétéran ou pas, avec ce qu’il a pris dans la gueule ça l’aura calmé en tout cas. Par contre, on va se faire souffler dans les bronches et tu le sais ! On devait vérifier son état pour le garder vivant.


Le gros plein de soupe à qui Falko devait l’ensemble de ses douleurs avança jusqu’à lui et retourna son corps à l’aide de son pied et de la crosse de son fusil blaster. Il renchérit à l’adresse de son comparse en se penchant sur lui.

  • - Bordel ça va ! Arrête de couiner ! T’avais qu’….

Falko sembla pris de convulsions et ne plus pouvoir respirer. Son corps parcouru de spasmes s’agita frénétiquement.

  • - Mais putain, reste pas là ! Viens m’aider, il est en train de s’étouffer ! Merde, merde, merde !

Le second bondit jusqu’à eux et se mit à genoux pour l’aider à relever Falko. Après l’avoir redressé, le premier lui flanqua une grande claque dans le dos sans succès.

  • - Mais arrête pauv’con ! Tu vas le tuer une bonne fois pour toute ! Il faut l’emmener au medic et vite !

    - On ne peut pas l’emmener à l’avant-poste ! Personne ne sait qu’il est là et qu’est-ce qu’on va raconter au cap’ ? Et l’autre boss ne veut pas le voir au camp !


    - Si on le laisse là il va surtout crever ! Alors décide-toi !


L’un et l’autre se regardèrent et finalement le premier entreprit de se redresser en soulevant Falko d’un côté, tandis que l’autre l’imitait à son tour.

  • - On va déjà le sortir et l’approch…

Le visage de l’homme se figea et ses yeux s’écarquillèrent, de surprise, ou de douleur foudroyante. L’autre homme pris de stupeur ne bougea pas… pas suffisamment entraîné à ce genre de situation, pas suffisamment réactif non plus. Les secondes durent, à son tour, lui paraître une éternité, mais tout alla très vite. Falko avait à peine enfoncé la tige pointue dans le cou du premier homme, qu’il récidiva deux fois encore dans la région du cou, puis il donna un coup d’arrêt au second, du tranchant intérieur de la main dans la glotte. Ce dernier maintenant scotché pour quelques longues secondes et incapable de crier, Falko acheva de planter encore plusieurs fois sa tige métallique, cette fois-ci sous l’aisselle de sa première victime de sorte à perforer ses poumons et achever de le mettre hors d’état de nuire. Alors que le deuxième n’avait toujours pas retrouvé sa faculté de crier, Falko lui asséna un coup de pied dans le genou pour le faire chuter et attrapant le blaster au sol, le braqua sur lui dans la foulée en l’éblouissant de la torche qui se trouvait accrochée dessus. Il avait agi par-delà la douleur, plongé dans une transe conditionnée par l’adrénaline et l’expérience des situations extrêmes dans les forces spéciales. Discipliné, les gestes précis et sans fioriture.

  • - Ecoute-moi attentivement… je vais faire des phrases courtes et simples. T’as pas l’air bien futé et si je dois me répéter tu finis comme ton copain. T’auras le droit au même traitement, je te poinçonnerai pour un aller simple vers l’au-delà et j’espère que t’es pas croyant sinon le trajet sera long.

L’homme, abruti par ce qui venait de se passer hocha vivement la tête, blême.


  • - Combien de personnes ont vu mon visage ?

    - Qu…quatre…

    - T’es bien sûr de savoir compter ? Parce que dans le genre, vous me semblez un peu marin sur les bords…


Il hocha à nouveau la tête.

  • - Je… j… oui… quatre… mon… lui, fit-il en désignant le cadavre, -m… moi… le, le boss et son assistant. Et c… c’est tout…

    - J’ai vraiment une tête à ce qu’on me prenne pour un con ? Faut croire que oui... Et le capitaine, je vous ai entendu dire qu’il avait donné son avis sur moi. Alors t’es bien sûr de ton compte ou je dois t’aérer les neurones pour faciliter ta réflexion ?

    - Ah… euh… oui… oui, bien sûr, le capitaine… oui, le capitaine aussi. Cinq… cinq ! J’te l’jure ! Me bute pas !


Ce mec devait avoir un amour sacré pour son supérieur ou une sacrée frousse de lui pour jouer ainsi sa vie sur un coup de bluff. Falko ôta la sécurité de l’arme.


  • - T’es mal parti pour ça… va falloir faire mieux si tu veux toucher ta pension militaire. Où je peux les trouver ? Et ne t’avise pas de me mentir, car après ça je vais te bâillonner et te ligoter à un arbre ducon, jusqu’à ce que je revienne ou pas… alors si tu ne veux pas servir de bouffe pour la faune locale, tu ferais bien de m’éviter tes salades.

    - Oui… ils… ils sont à l’est d’ici… il y a des préfabriqués. C’est… c’est là qu’on cache les prises. Et qu’on prépare les envois et ils viennent les chercher sur place par aéro-treuillage.

    - Je ne te demande pas de me raconter ta vie ! Contente-toi de répondre à mes questions. Combien de personnels sur zone et quelles protections ?

    - Y’a pas grand-chose… je… attends ! J’veux dire… des caméras et des détecteurs thermiques. Il y a trois droïdes de défense. Quand le boss est là il est protégé par cinq hommes, des mercenaires, je crois. Et… le Capitaine… ça dépend. Il est parfois là-bas mais pour pas éveiller les soupçons il reste le plus souvent à l’avant-poste. Il nous envoie n… nous sous couvert d’une patrouille…



Falko continua l’interrogatoire jusqu’à être certain d’avoir toutes les informations qui lui paraissaient utiles de connaître pour la suite. Puis, il intima l’ordre à l’homme de se tourner vers le fond du conteneur.

  • - Tout… tout à l’heure tu… tu t’étouffais vraiment ? T…t’avais pas l’air bien du tout. Je peux t’apporter des soins !

    - Ma sœur est épileptique, connard… J’ai vu suffisamment de crises pour les reproduire mieux que les étudiants du Coruscant Actors Studio.

Dans la continuité de ses paroles il lui brisa les cervicales, sans ciller, sans hésiter. Il n’était pas question de laisser tout ça ainsi, trop de traces de son passage, il ne pouvait pas se le permettre. Sur l’un des deux il avait trouvé une grenade incendiaire qu’il dégoupilla et jeta près d’eux après être sorti. Il laissa la porte entrebâillée pour l’appel d’air. Le cambouis et le carburant dans lequel baignaient maintenant à sa place les deux soldats, servirait utilement à compromettre tout éventuel prélèvement.

Dernière modification par Malheur ; 23/01/2015 à 17h39.
Ca n’avait pas été simple mais ça y est, il était enfin sorti de ce trou à rat dans lequel il s’était fourré lui-même. Trois jours à manger chaud, ça vous donnait des envies de fraîcheur… Falko reconnaissait à la chance d’avoir méritée ses crédits et pour cela il achèterait la meilleure bouteille de whisky qu’il pourrait afin de boire à sa santé. Quoi que rien ne fût encore bien sûr et qu’il lui restait à espérer qu’il rentrerait réellement.

Il marchait depuis deux bonnes heures déjà, le terrain n’étant pas tellement étudié pour favoriser la promenade de santé des petits vieux de l’hospice du coin. Sans compter qu’il n’était pas au meilleur de sa forme. S’il avait pu emprunter un peu de matériels à ses deux hôtes, la pointure des pompes n’étaient pas vraiment à sa taille et il sentait déjà les ampoules lui éclairer les doigts de pieds.

Ca se profilait relativement mal cependant… Il n’avait aucun de ses précieux gadgets, ni son armure, ni ses propres armes, ni le sentiment d’être en bonne posture. Mais il avait appris à faire avec et à vivre ce genre de déconvenue avec un relatif détachement qui lui coûtait à chaque fois 3 semaines de sevrage de café, avec cure de thé trois fois par jour pour réguler son humeur. A-t-on idée de faire ça à un patient déjà sous le coup de l’émotion ? On ne change pas le régime viande rouge d’un bha’lir par un régime croquettes bonnes pour le poil, en vue d’apaiser le stress d’un voyage de zoo à zoo…

La maladie des solitaires c’est de regretter après coup de n’avoir pas appelé un ami ou demandé le cinquante/cinquante au grand jeu de la mort. C’était quoi la bonne réponse pour ce genre de situation ? Il n’y en avait pas et ce n’était pas la peine d’épiloguer sur le pour et le contre de l’intérêt de la sociabilisation. Ca ne réussissait pas à tout le monde… Quoi que pour le coup, il aurait bien emmené quelques gars de confiance. C’était un peu tard pour y songer, mais à cet instant précis, Falko aurait bien aimé avoir prévu cette virée touristique avec des gens de bonne compagnie, façon « road trip entre vieux amis ». Son frère d’arme Wilhelm sponsorisé par « Gomina » le cheveu qui brille plus fort qu’un speeder laqué et lustré à la chamoisine… cette tête de musée des horreurs de Thoar… et ce croulant de crooner de Chris Kline. Ca aurait eu de la gueule. Peut-être même qu’on aurait agrémenté le tout de concours de jeux de mots plus pourris les uns que les autres et de tacles bien sentis dans une franche et bonne humeur de camaraderie militaire… Ouais, ça aurait pu être sympa. On regrette toujours après coup d’avoir manqué le repas de famille qui s’est mieux déroulé qu’on ne se l’était imaginé. Enfin, pas chez Falko… d’ailleurs le dernier avait été contraint et forcé. Madame Karn n’avait rien trouvé de mieux que de convier ses parents. C’est pas de l’intrusion dans la vie privée ça ? Jouer les grandes psychanalystes de famille pour tenter de les rabibocher autour de vins millésimés ? A ce compte il aurait dû la traîner devant les prud’hommes tiens… c’est quasiment du harcèlement moral ! Un sacré bout de femme la patronne… le genre qui aura sa statue dans le Parc Central de Coronet, une fois morte. Et là encore, les badauds riches et pauvres continueront de lui reluquer son cul passé à la postérité dans un marbre immaculé. Et ce n’est pas pour enquiller les jeux de mots histoire de rattraper la petite sauterie manquée. Non, mais c’est vrai, cette femme-là, c’est le fantasme incarné et le pire c’est qu’on n’a pas grand-chose à lui reprocher pour la détester opportunément… Elle est du genre à ne pas avoir conscience qu’où qu’elle passe, c’est comme tapisser les rues d’allégories d’obsessions sexuelles les plus délurées. Fallait au moins être Jedi pour l’épouser…

  • - Bordel… Kline ! Maintenant que je songe à ce tombeur de ménagères dévergondées… Où se trouve sa copie mal fagotée de mécano ambulant ? Merde… lâcha-t-il en touchant par automatisme son avant-bras où il ne trouva pas son bracelet datapad. Si on ne peut même plus se fier aux machines c’est que tout va de travers ! On est sur la pente fatale là… J’imagine déjà la tronche de Fenrys si Pieuvre lui posait un lapin… il se jetterait du haut du Karn’Ton Casino, sans parachute… Que Kline joue les filles de l’air, ce n’est pas très étonnant dans un sens, ça colle au personnage, mais que son hommage métallique me fasse ce sale coup, c’est du genre à me faire penser que l’esprit malin de ce salopard s’est dupliqué en lui. Faut que je fasse gaffe à pas virer superstitieux…

Falko inspira et expira longuement. Ca faisait du bien de lâcher quelques conneries, il recouvra un peu de sérénité. Pas longtemps… des mouvements à cinq heures, il se jeta au sol, arme calée à l’épaule, prêt à faire feu.

C’est pour ça qu’il n’aimait pas les animaux… ce ne sont jamais ceux qu’on aimerait voir venir. Pourquoi ce n’était pas une gentille petite portée de squalls, hein ? La nature lui en voulait, se disait-il… elle vient corriger ses erreurs. D’accord, il en était probablement une au regard de tous ceux qui ne pouvait pas le sentir. Autant dire qu’ils étaient assez nombreux pour donner une migraine à une armée de maîtres d’hôtels chargés de faire un placement de table à un diner de con. Mais là ça tournait à l’obsession… soit elle avait le béguin pour lui, soit il l’avait vraiment froissé. Et vu qu’il se voyait mal faire le repassage et le lustrage de chaque feuille de Taris, il faudrait la jouer subtile. C’était tout de même une belle garce… la nature corrigeant ses erreurs et permettant que l’universalité soit la première à pouvoir les reproduire et même à en inventer comme cet empaffé mécanique de droïde de combat… Quoi ? Au panthéon des erreurs, certains droïdes avaient une place de choix… du genre à servir d’exemple pédagogique aux jeunes pour leur apprendre que même un raté à sa chance dans la vie. La philosophie de l’égalité des chances appliquée à l’industrie ! Ce n’est pas beau ça !? La faculté qu’on avait à créer les exemples animés de tout ce qu’on devait éviter… Mais comme on a la comprenette difficile, on était foutu de les faire par fournée… Elle avait dû oublier de nous charger le logiciel « apprendre de ses erreurs » à nous aussi…

Ce n’est pas tout de penser mais il allait falloir arrêter de respirer… et de puer aussi… parce que ces deux nexus étaient en chasse et à jauger la quantité de salive, ça fait un moment qu’ils n’avaient pas cassé la croute. A moins que ce soit un problème de régulation biologique… les clebs aussi ont ça. Même ces porcs lubriques au passage d’une fille bien roulée et moulée dans un uniforme de Karn’Ton… comme l’enseigne Krenko tiens. Elle n’avait pas dû enfiler un truc plus sexy qu’un col roulé depuis un bon moment lorsqu’elle avait mis la livrée du casino pour la première fois… Elle s’était bien acclimatée au truc cependant, parce que sa combinaison moulante de pilote de speeder avait rendue madame Karn verte de jalousie.

Etrange comme fille d’ailleurs la Edel… Joli brin avec ce truc dans le regard de ceux qui ont perdu toutes leurs illusions. Précocement ? Peut-être… en tout cas elle ne devait plus croire en grand-chose, sinon en sa bonne étoile ou dans sa capacité à zigzaguer entre les emmerdes et les connards qui semblaient très volontaires à son sujet. Elle n’avait pourtant pas une tête à attirer les mouches. Quoi que ça ne veuille pas dire grand-chose, si on regarde Sah’ra…

Ivana… Edel… un nouveau nom pour une vie nouvelle ? Meilleure ? Incertaine… changer de nom, ça ne change pas un ADN… on a beau se mettre au thé, on traînera toujours derrière soit des capsules de café.

Falko ne savait pas bien quoi penser d’elle. Une part de lui-même avait l’impression de la connaître un peu. Pas tant elle d’ailleurs que son parcours, un truc inexplicable du genre qu’on partage avec certaines personnes parce qu’on a des vies accidentées, qu’on n’a pas toujours décidé…. Et que nos choix ne furent pas forcément les plus avisés. Mais on s’en sortait à force de caractère et d’une putain d’envie de ne pas tout laisser à la destinée. Quelque chose qui poussait à nager à contre-courant et de rêver parfois se laisser porter par les vents. Un piège cruel, qu’on payait cash quand on se reposait un instant sur un confort rassurant. On n’était pas fait pour les trains trains quotidiens et les vies pantouflardes. Certains confondaient ça avec « chercher les ennuis et récolter des baffes » comme on sème aux quatre vents tout ce qu’on a de bon sens pour se sentir vivant. Sah’ra était de cette nature ; chaotique… immature… qui pensait que s’agiter c’était productif… alors que ce n’était que du vent qu’on s’échinait à brasser. Du vent et des bourrasques en retour de flammes…

Krenko… puisque c’était encore valable pour mettre un nom sur sa tête, un mot, soit c’était une traitresse de la pire espèce, capable du meilleur jeu d’actrice dans la grande comédie universelle… soit elle était réellement digne d’intérêt. Et alors Falko la plaignait…

Les deux Nexus s’avançaient à pas furtifs… leur corps délié, agile, à la souplesse hypnotisante étaient autant d’hommages à ce qui se faisait de mieux chez les prédateurs de tout temps. A ceci près qu’il ne fallait pas s’en laisser compter quand on était le futur déjeuner et ne pas oublier qu’au bout du compte, la fin était mortelle…

Falko ajusta sa visée. Tirer… et attirer peut-être l’attention du comité d’accueil qui ne devait plus être très loin d’ici. Compter sur le fait d’être tellement imbuvable comme type, que ces nexus préféreraient s’éviter l’indigestion en goûtant à un cuir pas très tendre et une humeur plutôt massacrante… un coup à les rendre malades au dernier degré. Et c’est pas avec les types à côté qu’ils trouveraient une oreille attentive et médicalisée. Enfin, pas au sens où ces bestioles seraient en droit de l’espérer. Finir charcuté, disséqué… ou pour l’usage de toute autre expérience déguisée d’un esprit pseudo-scientifique, ça n’avait rien de très engageant et puis, il pouvait en parler ; ces gars-là étaient assez lunatiques. Pour l’accueil, le service était à chier… Quoi qu’il doutait pouvoir se faire rembourser.

Deux gerbes de sang. C’est joli à y penser. On aurait dit deux éruptions solaires, scintillantes sous les halos de lumière. Même la mort savait se mettre en scène et paraître belle. Après tout, la vie n’avait pas le monopole de la beauté, loin s’en faut… et la poésie pouvait bien émaner de chaque chose. Sauf peut-être de… Ca n’était pas le moment de gâcher cet instant précieux. Il sembla à Falko que le sang restait en suspension dans l’air, comme un nuage de gaz et de poussières spatiales….

Il déglutit en voyant les deux créatures s’écrouler à quelques mètres de lui, disparaissant dans les herbes folles et hautes qui avaient pris le pas sur l’ancien ordre urbanisé de Taris. Ne sachant pas à quoi s’attendre, il resta allongé dans les fourrés, immobile, alerte, le regard scrutateur qui cherchait à distinguer l’origine des tirs. Il rampa prudemment pour trouver un point de vue plus favorable et…

  • - Fait chier ! Espèce de sombre erreur mécanique ! Trois jours que j’espérais voir ta gueule de robot ménager peinturluré façon Ram’Bot prêt à défriser la salade dans la jungle d’un maraîcher de Naboo ! Et toi t’arrives là, comme une fleur pour me plomber deux steaks à longue dents en droïde cuisto providentiel prêt à me les dépecer pour me faire un casse-dalle comme si c’est la faim qui avait failli avoir raison de ma putain de vie ! Tu mériterais que je te recycle en presse-patates histoire de te voir t’étouffer avec de la purée, connard à spatules !


    - Unité Kline à vos ordres, monsieur.

    - A vos ordres, à vos ordres… si t’étais capable de piger le deuxième degré je te dirai bien d’aller te faire foutre, mais tu serais capable d’aller ramasser ça dans un holo-porn pour puceaux libidineux et de le ramener en éprouvette… Je ne sais pas quel est le manchot qui t’a programmé mais il va se prendre des coups de pompes au derche jusqu’à le coller en orbite d’un astéroïde en partance pour se paumer en dehors de notre galaxie !

    - Unité Kline au rapport, monsieur. Ai surveillé la zone de votre disparition et disposé des unités de détection pour vous retrouver et consigner les allées et venues entre l’avant-poste et le repère de nos cibles.

    - Et ça a tellement bien marché que tu m’as évité une semaine complète de massage à la thalassothérapie idyllique où je me planquais pour passer du bon temps ? Tu m’as même laissé profiter du bain de sang et cambouis si bon pour ma peau pâlichonne ! Trop aimable… j’espère que t’en a profité pour t’y trouver un petit job pour récurer les chiottes avec ta tête de torche, pour faire passer le temps. T’aurais gagné à faire de la spéléo en tirant la chasse d’ailleurs…

    - Les cibles prioritaires ont été mouchardées : cible inconnue à haute valeur ajoutée présente au campement clandestin. Capitaine Havhon Gilper actuellement à l’avant-poste. L’équipement de monsieur est en possession de ce dernier. Recommandation ; action rapide avant mise en alerte de l’ennemi s’il s’aperçoit de votre évasion.


    - Sans blaguer, t’as analysé ça tout seul où c’est Fenrys qui s’est amusé à sortir des phrases bidons de série Z ? Evidemment qu’on va aller rapidement régler tout ça, tête de pioche. Je comptais pas prendre un abonnement longue durée pour leur « spa » ! Et j’ai pas la fibre vacancière. Je me fais rapidement chier à me faire dorer au grill des néons pendant les interrogatoires…

    - Je suggère une approche furtive et des éliminations ciblées. Puis une extraction rapide. Unité Kline en possession de tous les enregistrements vidéos et audios demandés par monsieur.

    - Heureusement que t’as sorti un truc intéressant dans tout ça, sinon t’étais bon pour le recyclage en panneau de signalisation pour Coronet… Une approche furtive… des éliminations ciblées… pas possible que ce ne soit pas Fenrys qui t’ait collé ces formulations à la mords moi l’nœud. Et moi qui pensais faire ça avec un spectacle son et lumière, en avançant en chantant la bouche en cœur suivi d’une fanfare militaire pour négocier une reddition en bonne et due forme… me voilà triste d’un coup ! Faudra que Kline, le vrai cette fois, me chante un truc qui redonne du baume au cœur ; genre la chanson sur le café là…

    - Monsieur subit certainement un stress traumatique. Une auscultation médicale et des soins appropriés seront recommandés après l’extraction.

    - Ta gueule…
L’élimination du troisième et quatrième gus à avoir vu sa trogne avait été relativement aisée. Disons qu’il avait hésité un instant entre faire ça lui-même après avoir reconverti Kline en tondeuse à gazon pour lui découvrir une nouvelle utilité sur Taris… ou bien lui confier le soin de viser juste et de tirer vite pour abattre les deux tâches. Le nettoyage avait déjà commencé et il fallait récurer sec et laisser la place nette pour le prochain locataire… et surtout pour les visiteurs un peu trop curieux qui rappliqueraient après tout ce grand ramdam… Et puis Falko avait la conscience militaire, la discipline chevillée au corps, le sens de la propreté et de l’hygiène. On ne laisse pas des poils traîner dans la douche après soi. C’était malvenu et peu engageant pour les suivants. D’autant que l’idée d’avoir sa tête affichée dans les affaires louches, répertoriées par le S.I.S ne lui inspirait rien de bon. Madame Karn n’aimerait pas ce genre de popularité naissante… à ce titre, la couverture du Womper lui avait suffi.

Kline n’avait pas fait les choses à moitié… pour une fois. Il lui reconnaissait d’ailleurs un certain sens pratique. Deux tirs précis, logés correctement entre les deux oreilles, là où devait peut-être se trouver un cerveau, quoi que ce fût hypothétique. Disons, pile poil – on en revient toujours à un problème de pilosité rebelle – là où il fallait pour dégager les sinus frontaux… Après quoi, histoire de réchauffer l’ambiance et de leur épargner une récidive de rhume, il avait tiré une munition explosive dans un baril d’éléments inflammables. On était bien parti pour soigner les vilains maux…

Là, c’était son mal de crâne dont il aurait bien aimé se débarrasser mais il sentait que c’était mal parti. La discussion promettait d’être laborieuse. C’était le petit matin, tout le monde dormait encore, l’aube paressait comme un Natunda chômé… un truc qui ne lui était pas arrivé depuis une plombe. Pas de bruit… c’était sa seule préoccupation à ce moment précis, alors qu’il rampait sous une file de véhicules pour s’approcher, à couvert, du logis du capitaine. La sentinelle s’était assoupie… il aurait eu le droit à une volée de bois vert dans d’autres circonstances. Là, malheureusement, le bois lui aurait pu servir de cercueil dans le pire des cas… Il échapperait cependant à la housse mortuaire plastique cette fois-ci. Pas question de remplir tous les placards de cadavres… il en aurait manqué et pas le temps de vérifier si Taris avait le plaisir d’accueillir un nouvel Yk’Eha. Le malheur des uns fait le… et cetera…

Ca aurait certainement fait rire Arn’ ça… le dérider tenait du défi. Un peu comme demander à l’autre barrée d’Atlantia d’éviter de se balader les nichons à l’air après être sorti de la douche « touteuh mouillée » en déambulant dans les couloirs pour demander une serviette… Vrai… ce mec devait avoir raté un épisode dans sa conception. Un chromosome avait dû se faire la malle… ses parents étaient des pinces sans rire comme lui ? Ou alors il avait perdu l’humour en même temps qu’il avait perdu son sex appeal en forçant sur le bronzage de sa demi-face avec un barbecue ? Un chic type en réalité, coincé du cul et du bulbe, qui devait avoir un sérieux problème relationnel avec les femmes… du genre à pas savoir comment leur dire bonjour sans rougir d’un côté en faisant apparaître les rayures façons steak au grill qui lui zèbrent la gueule. Trois ans et des cendres… qu’ils étaient collègues et ça passait plutôt bien, il fallait le reconnaître. Un ancien rangers… respectable comme boulot. Falko savait bien qu’il lui tirerait une gueule de trois pieds de long s’il apprenait qu’il était encore parti tout seul pour s’amuser. Mais cette fois c’était différent… quoi que… l’était-ce vraiment ? Oui, un peu, car ce n’était pas seulement pour le boulot et il fallait quelqu’un pour protéger madame. D’accord, il aurait le droit à des noms d’oiseaux, mais valait encore mieux ça que d’être appelé « mon petit woorpak » par Arya… Il aurait raison en un sens et en même temps, il comprendrait. Falko l’espérait-il du moins.

Le coup qu’il prit dans la figure l’extirpa violemment de ses élucubrations, apparemment le capitaine avait été prévenu. Trop tard pour sortir, mais assez tôt pour sentir venir les ennuis et s’éviter un sommeil prolongé ad vitam aeternam… Costaud le bonhomme, un black qui avait oublié de stagner au mètre quatre-vingt comme tout le monde et de ne pas dépasser les quatre-vingt kilos tout mouillé. Lui c’était le genre à pouvoir vérifier les poussières sur les dernières étagères des rayons des grandes surfaces ou des ateliers de hangar… Sauf qu’en l’état Falko le voyait mal chercher le dernier pot de confiture planqué tout en haut pour la petite vieille qui perchait au mieux à la taille d’un Ugnaught. Là c’était plutôt pour aller chercher la perceuse ou le pistolet découpeur à plasma… Et Falko se sentait peu de servir de matériau testeur. Son assurance ne couvrait pas ce genre d’expériences hasardeuses…

Une chance, encore elle…, qu’il ait toujours affectionné les confrontations viriles et passionnées avec ou sans gants de boxe. Et malheureusement, le rôle du sparring partner ne serait pas endossé par lui, à la défaveur du capitaine Gilper. Le premier coup de Falko fut pour le plexus de ce dernier en vue couper court à toute fâcheuse velléité de donner l’alerte. Le deuxième fut pour l’intérieur du genou de son adversaire, surpris d’être mis en difficulté, qui tomba au sol et le troisième fut une rencontre fort opportune du genou de Falko pour sa mâchoire afin de le sonner franchement. Le close combat, Falko c’était son dada… une sorte d’exutoire qu’il avait longuement nourri comme une réponse à son pater qui avait tant – tout ? – gâché. Une réponse restée lettre morte, faute d’avoir été envoyée… Foutue histoire de famille ce n’était pas le moment d’y penser.

Falko mit le capitaine en joue.

  • - Tu restes bien calme… et surtout tu fermes ta gueule. Tu vois par la fenêtre sur le toit là-bas ? C’est ma carte de sortie. Il est un peu obtus, voire de mauvaise volonté parfois… mais là s’il te voit bouger l’oreille tu gagnes une vidange du palpitant. Et ne t’avise pas de vouloir y échapper, il calcule plus vite que son ombre…

    - Qu’est-ce que tu veux ? Des crédits pour la boucler et partir d’ici ? Tu ferais mieux d’accepter parce que où que tu ailles on va te retrouver et te faire la peau. T’as foutu un sacré merdier et tu sais pas dans quoi tu t’es emmêlé…

Puis, faisant rapidement le tour de la pièce il passa derrière le bureau et fouilla les tiroirs en gardant toujours son homme sous surveillance. Il passait sa main dans chacun d’eux en tâtonnant et en sortit deux pistolets blaster. Il en posa un sur la table et garda l’autre en main.

  • - Je sais surtout que ça sonne la fin de vos magouilles… ça recommencera ailleurs peut-être, mais ce n’est pas mon affaire. Je ne suis pas le grand justicier galactique… je me fous pas mal de ce genre de choses. C’est le boulot d’autres gars à qui je ne vais pas voler le pain... j’aime pas trop qu’on marche sur mes plates-bandes alors je me garde bien de le faire chez les autres.

    - Tu crois vraiment pouvoir sortir d’ici vivant ? J’ai prévenu mon lieutenant et il va rappliquer d’une seconde à l’autre avec nos gars. Tu vas finir ta route ici, alors épargne toi des problèmes supplémentaires. Casse-toi vite pendant qu’il en est encore temps.

Falko continua son inspection et passa sa main derrière un meuble qu’il tira d’un coup sec pour l’éloigner du mur, découvrant la porte d’un coffre-fort.

  • - Qui a bavé ? Qui a cafardé comme un lâche !?

    - Je ne vais pas me répéter… mets-la en sourdine. Où est mon équipement ?

    - Tu ne pourras pas le faire sauter, crevure, si tu tentes de l’ouvrir de n’importe quelle manière, il cramera tout ce qui se trouve dedans.

    - Apparemment vous êtes durs de la feuille dans le coin. J’essaie pourtant de m’adapter au niveau du patelin et d’avoir un langage clair et concis. Je ne vous faisais pas le procès de la simplicité d’esprit, mais vous cherchez tout de même à être recalé pour le test d’intelligence minimale à avoir pour parler sans passer par des communiqués tout préparés. Dernière chance de viser la mention « passable »… où est mon équipement ?

Le regard du capitaine glissa vers une armoire, sans rien ajouter de plus. Falko opina du chef et se dirigea vers celle-ci. Prudemment, il vérifia les bordures pour éviter d’ajouter à sa mauvaise humeur, la contrariété d’un piège indésirable. Il en avait sa claque pour un moment d’avoir servi de cible et de proie, il était temps de repasser au menu « prédateur » et la faim commençait effectivement à lui faire des appels de l’estomac.

Lorsqu’il fut sûr de ne rien risquer il ouvrit le meuble et s’équipa en conséquence de tout ce dont il avait été dépouillé. Une grande inspiration en dit long sur son soulagement de n’avoir rien perdu. A première vue du moins. Il chercha son datapad en vain.

  • - T’as dû te servir au passage… je n’aime pas qu’on m’emprunte des outils sans me demander la permission. J’en fais une affaire de principe, c’est personnel ces choses-là et c’est une question de politesse. Où sont mon datapad et mon comlink ?

    - Va te faire foutre !

Ne répondant pas à la provocation, Falko chercha rapidement dans les rangements à portée et finit par les trouver dans la table de chevet de l’officier. Allumant le datapad il constata qu’il était bloqué du fait d’erreurs de manipulations ou d’une tentative éhontée de forçage.

  • - T’es mal tombé… mon informaticien est un bon et en plus je n’ai pas à le payer. Tu me diras, c’est une chance parce que rien que pour changer un écran cassé ils te prennent la peau du cul alors pour un vrai système de sécurité crypté, il faut quasiment hypothéquer sa dignité…

Le capitaine ne répondit rien, plongé dans un mutisme temporaire alors que Falko débloqua son bijou électronique. Il s’approcha ensuite du coffre-fort et activa des touches ; il semblait alors que l’outil commençait à trimer dur. Quelques secondes après, la porte du coffre-fort s’ouvrit.

  • - Trop facile pour mon sorcier des transistors… faudra corser l’affaire la prochaine fois. Il va s’empâter sinon… un coup à ce qu’il se repose sur ses lauriers et qu’il demande que toutes les canettes portent sa gueule de puceau pour célébrer sa gloire trop précoce. Non, là capitaine tu me casses un peu la baraque… moi qui espérais un truc un peu costaud pour éprouver la bête. Faut bien avouer que sur Taris on ne peut pas exiger des miracles. C’en est déjà un que des peignes-culs aient fait le rêve de venir dans cette décharge planétaire pour y vivre… alors s’attendre à y croiser de la technologie de pointe… sauf pour tes amis du labo. Mais eux ne prennent pas le risque de laisser tout ça rouiller ici.

Falko n’avait pas fini de parler qu’il vérifiait déjà ce qu’il avait trouvé. L’autre troufion de soldat n’avait pas menti quand il disait avoir vu le capitaine planquer des choses derrière sa bibliothèque un jour qu’il l’avait fait appeler. Le diable se cache dans les détails… et les bonnes nouvelles en dépendent aussi.

  • - Debout ! Tu vas gentiment t’installer à ton bureau. Je commence à avoir sérieusement la gerbe de l’odeur de cette planète et il ne faut vraiment pas que je m’attarde si je ne veux pas développer une allergie supplémentaire. J’ai peur de devenir un vrai cas clinique pour la médecine… mais je ne crois pas être fait pour ça. Il faut de la patience et un amour immodéré pour la lecture et la lobotomie par voie de surconsommation d’holonet et de télé-réalité. Grouille-toi !

Le capitaine lâcha un grommellement rageur et obéit malgré lui. Difficile de trouver une ouverture de négociation quand on a trois calibres dirigés sur soi qui promettaient de lâcher une salve façon dernier salut mortuaire. Il alla s’enfoncer dans son fauteuil de bureau, le visage contrarié.

  • - Combien tu veux pour tout oublier et rester en vie ?, tenta une nouvelle fois le capitaine.

    - Je ne suis pas ici pour négocier… j’ai tout ce que je voulais.

    - Mais qu’est-ce que tu cherches bordel !?

    - Bonne question… j’en sais trop rien. La vengeance… ? Mais ce n’est pas la mienne. La justice ? Non… non, ça serait la dévoyer. J’ai trop de respect à l’égard de cette vierge-là pour la bafouer. Et puis ce n’est pas mon genre de violer… contrairement à toi et à tes hommes.

    - Et qu’est-ce que ça peut bien te foutre ? hein !?

    - Le mot est bien choisi, je vois que monsieur a le vocabulaire qui s’accorde de manière thématique. C’est la richesse des hommes d’esprit de savoir accorder leur champ lexical au contexte et de se permettre même des traits dans ce genre…

    - Mais qu’est-ce que tu radotes ? T’es pas net comme gars toi !

    - Je donne dans la rhétorique connard… respecte au moins ça ! Et mouftes pas, ça a le don de m’irriter et ma patience a déjà sérieusement gangrenée depuis que j’ai tenté de m’acclimater au coin… je suis à deux doigts de l’amputer. J’ai le bistouri qui démange et le professionnalisme médical hésitant... ça pourrait riper sans s’annoncer.

Falko s’assit alors sur le lit du capitaine, le visage fatigué et marquée d’une mélancolie qui ne l’avait pas visité depuis un bon moment déjà. Jamais là quand il fallait celle-là. C’est comme un vieux morceau de blues qui vient titiller les tripes l’air de rien… qui remue un peu les intestins après avoir apprivoisé les souvenirs chagrins. Un blues et un bon whisky, c’était le cocktail des vieux baroudeurs, des espèces en voie de disparition qui comptent les heures et se remémorent leurs erreurs. Il y a un truc qui tient de la mystique musicale dans le blues – dans le whisky aussi cela dit, mais c’est plus dans un contexte d’alpinisme éthylique ; l’ascension intérieure, l’introspection des buveurs -, quelque chose qui appelle le passé dans une incantation ensorcelante.

Fallait-il vraiment tous les tuer ? La liste commençait à être longue. Pas qu’il avait l’âme collectionneur du meurtrier… au contraire, ça avait plutôt tendance à rajouter une balafre supplémentaire sur la trame de ses nuits éveillées. Pas tous, évidemment… Falko n’était pas le genre d’homme à pleurer sur son sort et encore moins à ne pas assumer ses actes et les sillons qu’il avait tracé, durablement… parfois ensanglantés. Ce n’étaient pas tant les morts que les raisons : cela le méritait-il vraiment ? Combien de branquignoles à la gâchette facile se sentent pousser des ailes et de l’assurance, voire même de l’importance, juste à porter un flingue chargé. Et combien d’autres, un peu plus cons et tarés, se rengorgent d’avoir déjà refroidi quelqu’un et de se croire pour ça être un véritable dur à cuire ? Il n’y a jamais rien eu de difficile à appuyer sur la détente ; le moindre écervelé cousin d’un worrt fini à la pisse, au cerveau ravagé par les épices, pouvait le faire. Même un droïde programmé avec les doigts de pieds en était capable… bon, les concernant ce n’est pas difficile ; facile pour un programmateur de se dédouaner de sa responsabilité pour vivre le grand frisson par procuration. Bref… tirer et espérer avoir visé juste c’était à la porter du moindre trouillard capable de tenir un flingue entre ses mains moites. Ca vous donne de l’allure d’avoir un calibre à la ceinture.

Les vrais combattants savent ce que ça veut dire, porter une arme. Ils en mesurent la portée philosophique. Même s’ils ne savent pas épeler le mot et qu’ils ont du mal à percuter sa signification. Mais dans leur esprit tout est très clair même s’ils sont incapables de l’exprimer. Ceux-là savent que la vie c’est un morceau de papier trop proche des flammes d'une quantité de choses incontrôlées… démesurées… l’égo, la fierté, le désespoir, la témérité, l’amour, la liberté, la malchance, la vérité, l’ambition, les erreurs, les rêves contrariés, les destins refoulés, la mort qui rôde, prête à tout prendre sans faire de difficulté. C’est fragile une vie… fragile comme l’innocence qu’on perd trop vite à mourir enfant de n’avoir pas saisi qu’un jour, à son tour on serait grand. Sauf à se foutre en l’air, alors qu’on ne devrait même pas encore avoir à gagner de l’argent. Il y a des petites filles qui meurent trop tôt d’être salies alors qu’elles n’ont même pas perdu leur premier sang. Il y a des petits garçons qui tombent trop vite à porter des fusils bien trop grands… Il y a aussi tous ceux entre l’un et l’autre, qui n’ont pas vécu le pire mais qui sont pourtant déjà terriblement ravagés en dedans. Le pire pour qui d’ailleurs ? Sur l’échelle des malheurs il y a toujours la surenchère de la médiocrité des psychologues de comptoirs, appliquée à leur incapacité à se rappeler qu’ils étaient les premiers à distribuer des torgnoles par caisse de 10 à la maison… souffre en silence, il y a pire à côté mon grand.

On s’éloigne du sujet, remarqua Falko. Ses idées allaient trop vite et dépassaient de loin ce que la situation exigeait de lui. Un peu de professionnalisme, que diable ! On ne s’évite pas des séances de sofa à 100 crédits de l’heure, pour regarder connement et le regard hagard une pourriture qui s’était compromis, et ses hommes avec lui, dans des magouilles pas très reluisantes en salissant le drapeau de l’armée et en insultant la mémoire des véritables héros. Falko se serait bien mis deux baffes, mais l’autre l’aurait définitivement pris pour un de ces psychopathes qui défrayent régulièrement la chronique dans les pages de faits divers quand ils n’ont pas gagné le droit à la première page par leur compétition des horreurs…

  • - Putain mais tu m’écoutes ! Tu vas répondre espèce de malade ! Tu te fous de ma gueule ou quoi !?

Il fallait en finir vite, Falko en convint après avoir compris qu’il ne s’était pas rendu compte que le capitaine l’interrogeait depuis deux bonnes minutes alors qu’il divaguait intérieurement pour sa part. Il était plus crevé qu’il ne se l’était imaginé, plus mal en point surtout…

  • - Tu veux venger qui ?

    - J’aurais l’embarras du choix si je devais juste me baser sur tous ceux que t’as fait crever ici pour avoir commis la seule faute de ne pas te suivre dans tes petites combines…. Jusque-là tu menais ton trafic pépère. Tu as fait ton trou comme quantité de crapules qui peuplent l’univers. Je n’ai pas l’intention de me lancer à leur poursuite dans une croisade naïve et inutile ; je n’ai pas la faiblesse de croire qu’on peut éradiquer le mal ou la crasse. Je suis un chien de garde, bête et méchant… et quand on franchit la limite, je mords. Je chope au cou… et je ne lâche rien… je ne lâche jamais. Tu aurais dû me tuer plutôt que de chercher à savoir… De toute manière, ça n’a pas d’importance, tu vas mourir parce que tu m’as vu. Ca n’aurait pas dû se passer ainsi, mais les choses se passent rarement comme on les avait prévues.

Le capitaine ne sembla pas comprendre un traitre mot de ce qu’exposait Falko. Son regard était peut-être trop attiré par le pistolet blaster que ce dernier avait laissé volontairement sur le bureau. Combien de fois avait-il eu ce frisson intérieur qui se déclenche juste avant qu’on passe à l’action, finalement ravisé lorsqu’il se rappelait que sur le toit de l’autre côté de la fenêtre il y avait son arrêt de mort s’il faisait même mine de tousser… Mais doucement, les mots avaient dû trouver un chemin dans l’obscur bordel qui devait remplir sa tête depuis de trop longues minutes à son goût surement. Un éclair traversa son regard, de compréhension… ça se lisait sur son visage, il venait de piger que c’était la fin pour lui.

  • - Alors quoi ? Tu vas me buter et tu vas y gagner quoi ?

    - Ma tranquillité… sinon rien, précisément… rien. Je ne suis pas comme toi, je ne cherche pas toujours à gagner quelque chose. Mais d’une certaine manière tu as de la chance que les choses se passent ainsi…

    - Comment ça ?

    - C’est pourtant clair… va falloir faire un effort parce que je n’ai pas non plus d’inclinaison particulière pour la pédagogie et les explications de textes. Et mon traducteur à cinq doigts est fatigué. J’ai tout ce qu’il faut pour te faire tomber toi… tes larbins… l’autre zoologue averti et sa clique. Parti comme c’est, tu te retrouves devant la cour martiale et tu prends vingt ans incompressibles après avoir été dégradé et ramené au rang de première pompe. Dans le pire, tes anciens copains te feront passer par la case accident… mais ça risque d’être long et douloureux.

    Le grand black en aurait blêmi s’il avait pu. Il savait pertinemment que c’en était fini de sa carrière et que toutes les excuses que pouvaient lui fournir Taris ne lui suffirait pas à justifier toutes les saloperies auxquelles il avait concédé sa réputation chancelante. Ses yeux glissèrent une nouvelle fois sur l’arme qui dormait sur le bureau.

    - T’as bien compris. Je te donne ta chance… tu ne la mérites pas. Mais je ne suis pas la Force ou un dieu quelconque. Je devrai te faire payer… J’ai d’ailleurs bien une quantité d’idées longue comme une liste de course de ménagère de retour de vacances avec sa ribambelle de chiards, mais je suis assez pressé et je ne peux pas prendre mon temps. Alors fais ton choix… soit il te reste un sursaut de… de quelque chose qui pourrait ressembler de loin à de la dignité et à de l’honneur même si tu peux te brosser pour pouvoir encore te les épingler sur la poitrine. Soit je me charge de finir le boulot. Mais il parait qu’avant de devenir un crevard fini t’avais été un bon soldat… un mec bien même, selon les rapports que j’ai lu sur toi.
Falko et le capitaine se regardèrent encore un long moment, immobiles. Une atmosphère étrange flottait, comme une sorte de gelée épaisse qui les enveloppait et ne donnait ni à l’un, ni à l’autre, le désir de bouger. Le temps comme suspendu, les muscles chauds et crispés juste ce qu’il faut pour se maintenir comme deux statues de cire, flanquées là pour l’éternité.

A quoi pouvait-il bien penser à cet instant-là, s’interrogeait Falko ? Lui, savait à peu près ce qui lui passerait par la tête. Il penserait d’abord à tout ce qu’il aurait voulu être différent… il aurait pensé à ce gamin du hangar 28 et ce vertige qui l’avait pris quand il s’était imaginé ce qui mourrait avec les vieux, le vide aussi quand les barrières tombaient et qu’on se rendait compte que c’était finalement confortable la captivité. Rassurante aussi, l’obscurité… il y a des cales de navire plus noires que des nuages sortant des usines de Quesh, dans lesquels on finit par se sentir réellement chez soi ; espace de liberté insoupçonné où cacher ses sanglots et sa rage enchaînés.

Il pourrait aussi penser à cette fille qu’il avait vraiment aimé et qui l’avait trompé tant de fois que c’eut probablement été sa seule chance d’avoir un jour sa tronche dans le Guin’Hess Book. Au vide sentimental qu’elle avait de nouveau imposé à sa vie... comme une fatalité à laquelle il ne réchapperait jamais.

Falko se disait qu’il se remémorerait aussi certaines missions qu’il avait dû accomplir dans les forces spéciales, où la moralité avait été reléguée au rang de dame pipi dans le grand astroport des destins en transit… et tous les problèmes intestinaux que ça supposait pour les uns et les autres. Lui ne faisait que peu de cas de ces affaires de conscience, parce qu’il savait qu’en s’engageant là-dedans ce ne serait pas pour deviser de l’incidence des poils drus des brosse à dents sur des gencives et postures un peu trop blanches… il y avait des choses à faire parce qu’à ces moments-là il eut été pire de se taire. Les armes ont besoin de parler… et parfois de gueuler.

Enfin il s’interrogerait sur la pertinence de sa reconversion… de ce qu’il aurait pu faire sinon. Mais rien ne lui vint, parce que tout s’était imposé naturellement, comme une évidence. Il avait saisi des opportunités qu’il était fin prêt à assumer. Il y en a qui meurent pour des idées… lui le ferait pour une famille à protéger. Pas la sienne… mais quelle importance quand on l’avait adoptée ?

  • - Avant de… dis-moi la vérité. Pourquoi es-tu là ? C’était vraiment nos affaires ? J’y crois pas… Dis-moi juste ça, tu me le dois.

    - Aryalha…

Le capitaine opina du chef, en expirant sèchement sous le contrecoup…

L’univers était né dans un éclat fulgurant, un éclair de lumière qui ne s’estompa jamais. La mort, arrivait parfois de la sorte ; dans un éclat fulgurant mais tout s’éteint sur ses pas… La tête de l’homme tomba lourdement sur le bureau.

Un nom, une seule raison… ? Peut-être. Falko ne savait pas si elle justifiait tout ça. Elle y participait en tout cas. Un nom… peut-être pas le sien, mais celui apposé en haut d’un contrat ; Karn. A moins qu’il ne soit résolument pas décidé à faire une croix pour échapper lui aussi à sa destinée…

Un « aria » conclurait bien cette petite virée…

Dernière modification par Malheur ; 23/01/2015 à 18h04.
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