Le bois se fendit sous l’impact du poing ganté de maille de Doywan quand le gigantesque Thane l’abattit sur la table du Stor Gothi Anark. Impassible, le Gothi leva les yeux sur le Thane dont la colère sourde rendait son visage et sa voix peu engageant :
_J’ai eu vent de certaines nouvelles particulièrement désagréables Gothi, et je suis devant vous maintenant pour avoir des réponses !
_Si tu fais allusion aux Gothis tués par votre Assassin, ce Nosroth Delving, tout ce que je peux te dire, c’est que nous menons une enquête pour comprendre ce qui l’a poussé à faire ça.
Doywan fulminait :
_A ce que j’ai compris, il avait de très bonnes raisons pour agir ainsi, Gothi.
_Et d’après toi, cela justifie de tuer des Gothis de Midgard ? Attention à tes paroles, Thane ! Toute puissante que soit ta guilde et ton alliance, souviens-toi toujours de ta place dans l’ordre des choses.
Le regard froid du Stor Gothi ne cillèrent pas quand celui de Doywan le fixa à moins de dix centimètres de distance :
_Ne jouez pas avec nous, Gothi, c’est un conseil. Craignez la colère de la Garde Noire et Thor vous garde si vous m’avez trahi !
Sur quoi Doywan sortit de la maison pour se retrouver dans les rues de Jordheim, à côté d’un nain posé paresseusement sur son marteau qui lui demanda d’une voix bourrue :
_Alors Doy, le vieux a craché le morceau ?
Faisant l’impossible pour calmer sa colère, le vieux Thane regarda le nain avec un sourire forcé :
_Non Heine, pas encore, mais je te jure que j’apprendrai ce qui s’est passé ici.
_Ouais ouais, sans doute, mais en attendant, allons donc à la taverne. La bière de Jordheim me manque !
_Si Goldim entendait ça…
Le village de Humberton, Albion.
L’Erudit retint son souffle en entrant dans la maison, un seul mot suffisait à qualifier la scène qu’il avait devant les yeux en cet instant : boucherie. A ses côtés, Aratorn observait la scène avec des yeux habitués et tristes. Azim, quant à lui, avait déjà commencé à chercher d’éventuelles traces et indices parmi le carnage.
Devant eux se trouvaient les corps mutilés du Paladin et de son épouse baignant tous deux dans une marre de sang quasi totalement coagulé.
L’Erudit se pencha sur le corps du Paladin dont les yeux ouverts et vitreux fixaient un point incertain au plafond. Le Highlandeur avait été égorgé puis poignardé à de multiples reprises, comme en témoignaient les nombreuses marques de lacération sur son torse, bras et jambes. A ses côtés, sa femme avait subi le même sort, ses blessures étant à priori identiques aux siennes.
L’Erudit secoua la tête tristement devant le spectacle de la beauté et de la force fânées avant l’heure et regarda Aratorn qui hocha la tête. Un Paladin devait mourir honorablement au combat, pas égorgé dans sa propre maison. Dans la chambre, Azim observait le sol ainsi que les murs d’un œil averti, l’air sombre. Aratorn s’approcha de lui en faisant attention de ne pas marcher dans la flaque de sang recouvrant le plancher :
_As-tu trouvé quelque chose ?
Tout en fixant les lettres gravées dans le bois du lit, son nom, Azim prit la parole pour la première fois depuis leur entrée dans la maison :
_Quelqu’un était couché sur le lit, et ce n’était ni le Paladin, ni sa femme. En dehors de cela rien, pas une trace…
_Des sicaires ?
Azim se renfrogna encore plus :
_Cela paraît évident mais…
Derrière eux se fit entendre la voix de l’Erudit :
_Trop évident mes amis, trop évident. De plus, quelque chose de colle pas.
Le sicaire et le maître d’armes firent face au vieil homme qui leva vers eux un regard indéchiffrable :
_Dites-moi Azim, combien de coup vous faudrait-il pour tuer ce Paladin, sans armure ni bouclier ?
_Un seul coup bien sûr.
_Et où viseriez-vous ?
_Le cœur.
_Et pourquoi donc ?
_Car trancher la gorge provoque beaucoup trop de bruit et libère trop de sang. De plus, la cible met trop longtemps à mourir.
L’Erudit se pencha de nouveau sur les cadavres :
_Donc il suffisait d’un seul coup au cœur pour tuer net ces deux pauvres gens.
_C’est certain.
Aratorn vit où le vieil homme voulait en venir :
_Ils ont reçu beaucoup plus de coups que nécessaire.
L’Erudit sourit au maître d’armes :
_En effet.
_Ce que vous êtes en train de nous dire, c’est que ces meurtres ont été commis par quelqu’un voulant se faire passer pour un sicaire, n’est-ce pas ?
Les yeux brillants d’Azim trahissaient son intellect, et c’est le sourire de la compréhension qu’il fixait l’Erudit quand celui-ci leur donna son opinion :
_Mes amis, je vois ceci ici une information capitale. Nous avons un double meurtre perpetré par quelqu’un voulant brouiller les pistes, mais incapable de se contrôler suffisamment pour mener sa tâche à bien.
_Comment expliquez-vous cela ?
_Je ne possède que des hypothèses, mais je dirais que le ou les meurtriers ont laissé parler leur nature.
C’est alors qu’Azim se figea. Délicatement, il écarta les bras de l’Highlander que la rigidité cadavérique rendait déjà dur comme du bois, passa sa main dans sa chemise, et en ressortit une enveloppe tâchée de sang.
Devant lui, l’Erudit et le maître d’arme le regardèrent intensément quand il l’observa à la lumière du jour avant de l’ouvrir et de la lire, et c’est avec une certaine inquiétude qu’il s’expliqua à ses deux amis :
_Cette lettre m’était adressée. L’homme qui était couché sur ce lit est un de mes lieutenants et d’après la description qu’en a fait Sir Callaghan, je pense reconnaître Azoul même si je dois me tromper. Ce sicaire ne pouvait pas se trouver dans cette région la nuit dernière, c’est impossible !
Sentant venir une révélation importante, l’Erudit fixa le sicaire :
_Pourquoi donc Azim ?
_Je dois me tromper car j’ai envoyé ce sicaire en espionnage sur les terres Midgardiennes, il devait me faire un rapport sur l’activité des Trolls dans la région de la forêt de Myrkwood…
|