Provient du message de Ligeia Zenox
En quoi une loi sévère ouvrirait la porte aux abus?
(désolée, j'ai du mal à comprendre la "logique" de la justice)
J'ai du mal à expliquer ça mais c'est pourtant une des choses essentielles que j'ai cru retenir de l'ensemble de l'enseignement de droit que j'ai pu avoir.
Pour être hors-sujet, cette question rejoint le sentiment souvent général d'injustice qui peut ressortir de nombreuses dispositions de la loi. Ce sentiment est souvent une impression que le coupable n'a pas été assez puni. Il peut s'expliquer par 2 choses :
> La punition du coupable et son traitement sont en effet souvent limités.
Mais ce qu'il est primordial de comprendre, c'est que, chaque fois que l'on pose une règle, il faut envisager que toute personne pourra s'en prévaloir à l'encontre d'une autre.
Or, il ne faut pas se placer que du point de vue de la répression des coupables, mais aussi du point de vue de la personne qui est accusée.
Pourquoi ? Parce qu'un accusé, ça n'est pas un coupable. N'importe qui peut dénoncer n'importe qui d'autre, et faire déclencher contre lui les mécanismes de la justice, ça peut concerner tout le monde.
D'où certains points du droit qui paraissent, à première vue, honteusement favorables aux coupables. Par exemple, la prescription de 10 ans pour les crimes m'avait beaucoup choquée.
Le droit est un éternel problème d'équilibre entre la peine et la tolérance pour les défauts mineurs, supportables, que chaque être humain porte en lui. C'est extrêmement délicat et il faut une faire preuve d'une très grande prudence, car les réponses données par les juges ont un impact essentiel : elles vont décider de la liberté de la personne, et par là, d'apporter un changement radical à toute sa vie. On ne se rend pas tout à fait compte de ce que cela signifie, d'aller en prison, dans la vie d'un homme.
Ainsi, il n'y a pas de solution parfaite, idéale. On n'est obligé de sacrifier une valeur à l'autre. D'où souvent le sentiment d'injustice, d'insatisfaction que provoquent ce genre de décisions.
Pour comprendre mieux pourquoi la justice doit aussi se préoccuper de ceux qu'elle punit, j'invite qui veut à lire l'Etranger de Camus ou les Derniers jours d'un condamné à mort de Victor Hugo, enfin, tout livre qui se situe du point de vue du coupable.
> Il y a une grosse part de subjectivité dans notre appréciation du comportement coupable.
C'est la part de l'opinion, de la sensibilité. Il ressort très bien sur les problèmes comme celui évoqué dans le thread, des animaux. Selon la sensibilité de chacun et son opinion sur l'existence d'une capacité à souffrir chez les animaux, on aura une vision très différente des choses.
Or le droit ne peut pas se permettre d'être soumis à la subjectivité des juges, car cela mènerait à l'arbitraire et une grande insécurité juridique. On doit pouvoir être au courant, par avance, de ce qui est punissable ou non. Les règles doivent figurer dans des textes, objectifs, parfois très froids par rapport à nos convictions, et les juges ne doivent juger qu'en fonction de ces textes.
D'où, encore une fois, une certaine frustration au vu de certaines décisions qui sont prises.
Après, je peux me tromper. Je n'ai pas encore une énorme expérience du droit, étant seulement étudiante
Mayfly, qui commence à se spécialiser dans le hors-sujet