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Je pense que vous êtes tous maintenant habitués à mon bla-bla habituel: tout commentaire est apprécié, c'est ça qui me fait avancer, ça me permet de voir quel passage est préféré, lequel est un peu faible, et ce que je dois retravailler. Donc, comme d'hab, n'hésitez pas
PS: long chapitre Introduction Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI Chapitre XII Chapitre XIII Chapitre XIV Chapitre XV ----------------------------------------------------------- La nuit était désormais complètement tombée. En contrebas de la caverne, les lumières s'éteignaient les unes après les autres dans la ville. Les échoppes fermaient, les chariots se remplissaient, et les fermiers amorçaient leur retour chez leurs femmes et leurs enfants. Le serpent humain que les jeunes gens avaient vu à leur arrivée dans la ville repartait maintenant dans l'autre sens, lentement, obstinément. Les rares torches qui brûlaient encore donnaient à la ville une aura malsaine, comme des feu follets tremblotant à la surface d'un marécage. Dans le silence soudain qui s'était abattu sur la caverne, on pouvait entendre le clapotis des vagues contre les berges du Verdoyant, quelques encâblures plus bas. Malek restait frappé de stupeur. Il observait le jeune garçon avec des yeux ronds, mais il évitait son regard, baissant les yeux avec obstination. Shareen paraissait toute aussi stupéfaite, bouche ouverte, cherchant à trouver ses mots. "Arrêtez de le regarder comme une bête curieuse, va, le pauvre" s'indigna Dani alors qu'aucun d'eux n'avait encore parlé. "J'ai déjà eu toutes les peines du monde à le faire venir. Mais il l'a fait de son plein gré. Parce que tu es un garçon courageux, n'est-ce pas Laath ?" Le jeune homme secoua la tête, un geste qui pouvait aussi bien signifier oui que non. Avec un effort manifeste, le garçon leva des yeux craintifs vers Malek et Shareen. Il n'avait pas l'air habitué à être le centre de l'attention générale et, clairement, cela le terrifiait. Tout aussi visiblement, il n'avait aucune envie d'être là. Il affichait une moue à la fois boudeuse et obstinée. "Laath ? Tu t'appelles Laath ?" fit Shareen doucement. "Enchanté. Moi, c'est Shareen. Et celui qui te regarde avec de grands yeux, là, c'est Malek. Nous étions des amis de Deria. Tu n'as pas à avoir peur" Elle se sentait étrangement attirée par le jeune homme, qui frappait son instinct maternel comme jamais personne ne l'avait fait. Elle avait envie de le faire se moucher, de lui ordonner de se tenir droit, de ne pas s'agiter nerveusement comme ça. Elle avait envie de le gifler, aussi, et de lui dire de se prendre en main. Etonnant qu'une personne puisse provoquer autant d'émotions contradictoires, rien qu'en la regardant. Par les enfers, mais il a de beaux yeux ! "Je crois que tu as beaucoup de choses à nous dire" murmura Malek, regardant le jeune garçon d'un air incrédule. Ca ne pouvait pas être possible. Deria, sa Deria, ne pouvait pas être tombée amoureuse de… de ça ! "Alors comme ça, tu étais le… l'ami de Deria ?" Laath hocha la tête de nouveau, un petit mouvement bref. Mais avant que Malek ait pu poser une nouvelle question, Dani se planta devant lui, les poings sur les hanches. "Ca y est, vous êtes convaincus qu'il n'y a pas de danger ? Alors maintenant, dites-moi où est Rekk, où je vous arrache les bras et les jambes et je les mange en ragôut ce soir avec de l'ail et du persil ! Qu'est-ce qu'il a encore fait, ce grand abruti. Il ne s'est pas mis en danger, j'espère ? Pas plus que d'habitude, je veux dire ?" "Il est…" commença Malek, alors que Shani balbutiait: "Il va…" "Pas tous en même temps, les enfants. Malek, tu m'as l'air d'être plus vif en ce moment. La petite ne peut pas s'empêcher de regarder Laath comme une abrutie qui aurait perdu ses sens. Allez, raconte-moi ce que fait Rekk" Shareen s'empourpra. Elle n'avait pas… ! Quelle vieille sorcière ! Elle cracha sur le sol pour montrer ce qu'elle en pensait, et détourna ostensiblement les yeux du jeune garçon. Laath recula comme si elle l'avait giflé. Malek prit une grande inspiration, et entreprit de raconter ce qu'il s'était passé à l'Académie. Dani hochait la tête par moments, amusée ou choquée par certains détails. Quand il en vint à la mort de Semos, elle applaudit soudain. "Je reconnais bien là Rekk. Ah, par les Dieux inférieurs, j'aurais aimé être là !" "Il a quand même tué quelqu'un de sang froid. Je ne suis pas sûr que se réjouir soit approprié" protesta Malek. "Ca, on ne peut pas dire qu'il pardonne facilement, notre cher Rekk. Un sacré tempérament, c'est sûr. Mais après tout, ce n'est pas non plus sa faute si on lui a envoyé des tueurs aux fesses." Elle baissa la voix. "C'était déjà comme ça il y a vingt ans, vous savez. Si il avait décidé, pour une raison ou pour une autre, que quelqu'un était coupable, il n'hésitait pas à se salir les mains pour sa propre conception de la justice. Le résultat était parfois assez… perturbant. Mais il faut le prendre comme il est, Rekk, avec ses qualités comme avec ses défauts" Malek la regarda, incrédule. Elle parlait des meurtres qu'il avait commis comme s'il s'agissait d'un détail mineur, qui ne valait pas la peine qu'on s'étende dessus. Et Shareen avait l'air approbatrice, également. Approbatrice ! Etait-il le seul ici à se rendre compte que tout cela ne menait à rien ? "On ne peut pas vaincre le mal par le mal" protesta-t-il faiblement. "Qui te parle de bien et de mal ? C'est une simple histoire de justice" fit Dari. "Alors oui, on peut évidemment discuter ses méthodes. Mais nous pourrons discuter de tout ça plus tard, quand tu auras terminé ton histoire. Alors, il a tué ce chacal de Demos, et ensuite, qu'est-ce qu'il s'est passé ?" Shareen regarda Laath du coin de l'œil alors que Malek expliquait la capture de Rekk, la lettre de l'Empereur et les différents détails dont il pouvait se souvenir. Le jeune garçon s'était accroupi dans un coin et serrait ses genoux contre lui, l'air complètement perdu. De nouveau, un élan de compassion l'envahit, ainsi que l'envie de lui donner un coup de pied pour le faire réagir. Dani n'en avait pas l'air ainsi, mais elle était plus fine qu'on pouvait le croire, et ses questions étaient pertinentes. Lorsqu'elle eut terminé de l'interroger, elle hocha la tête. "Bon. Il avait l'air confiant, donc. Ca ne veut pas dire grand chose, remarquez. Il est toujours confiant, cette tête de mule. Mais si l'Empereur lui fait confiance au point de lui donner une lettre pareille, alors il devrait pouvoir s'en sortir sans problèmes. Et même s'il y a quelques soucis, je fais confiance à Rekk pour s'en sortir. La déesse de la chance veille sur celui-là, je vous le dis. Ce n'est pas un petit empereur de rien du tout qui pourra lui faire du mal" Elle disait cela, mais elle avait les sourcils froncés. Son regard était inquiet, même si son ton restait léger. "Quoi qu'il en soit, ça explique pourquoi vous êtes ici ce soir, mes mignons. Je dois vous dire que, quand je vous ai vus pour la première fois, je me demandais ce qu'il faisait avec vous. Mais vous avez du caractère, c'est bien." Malek haussa les épaules. " Maintenant que vous êtes au courant des derniers événements, peut-être pourriez-vous nous donner quelques explications sur ce que vous avez fait de votre côté." Il se tourna vers Laath. "Ou peut-être que lui, là, finira par se rappeler qu'il a une langue !" Le jeune homme recula d'un pas. Dani soupira et croisa ses gros bras sur sa poitrine. "Du calme, Malek, du calme. Il va parler, ne le bouscule pas" Elle se pencha, difficilement en raison de sa corpulence, et posa sa main sur l'épaule du garçon. "Ne t'inquiètes pas, petit. Ce sont des amis de Deria, des grands amis. Ils ont beaucoup voyagé pour elle." Elle eut un sourire amusé. "Comprends leur réaction, ils ne savaient même pas que tu existais. Je pense que tu as beaucoup de choses à leur dire, tu ne penses pas ?" Laath resta un instant silencieux. "Vous avez raison" finit-il par dire. C'était les premiers mots qu'il disait. Il avait une voix profonde et grave, qui ne correspondait absolument pas à son physique. C'était une voix de barde, de chanteur, de conteur, une voix habituée à captiver les gens. "Deria ne vous a pas parlé de moi, alors ?" Il y avait une expression de douleur, sur son visage. "Pas du tout" fit Shareen, pleine de sympathie. "Parfois, elle faisait le mur de l'Académie, mais elle prétendait qu'elle avait besoin de respirer un peu, de se promener en dehors de ces murs. Elle n'a jamais eu un grand respect pour l'autorité, et elle ne s'en cachait pas. Je n'aurais jamais imaginé, par contre… elle était très secrète" finit-elle misérablement. Shareen se sentait furieuse et humiliée. Durant plus d'une année, elle s'était convaincue qu'elle était la meilleure, voire la seule, amie de Deria, et que celle-ci lui faisait des confidences qu'elle ne faisait à personne d'autre. La jeune fille semblait rechercher sa compagnie et être heureuse avec elle, pourtant elle ne s'était absolument pas ouverte à Shareen de ses escapades nocturnes, et de l'existence même de ce garçon. C'était frustrant. C'était même presque insupportable; Deria lui mentait ? Deria lui cachait des choses ? L'image parfaite qu'elle s'en était faite vacilla imperceptiblement. "Je peux comprendre ça" murmura Laath. "Je ne suis pas sûr qu'elle ait été très fière de moi, en fait" Malek gronda sourdement. Lui aussi sentait la colère l'envahir devant cette lavette, mais pas pour les mêmes raisons. Durant près d'un an, il avait tenté de courtiser Deria. Il s'était montré sous son meilleur jour. Il avait combattu avec elle de nombreuses fois. Il avait rêvé d'elle la nuit, pensé à elle en se levant. Il n'avait jamais éprouvé cela pour aucune autre fille. Et le fait qu'elle le repousse n'était mitigé que par le fait qu'elle se comportait de manière pire encore pour tout autre personne qui tentait de l'approcher. Il lui suffisait de fermer les yeux pour se remémorer comme s'il y était les rebuffades qu'avaient essuyées quelques-uns des séducteurs de l'académie, des grandes gueules pleines d'assurances que Deria avait renvoyé avec un coup de pied au derrière. Et que dire de celui qui avait tenté de lui rendre visite, la nuit, et dont elle avait déboîté l'épaule ? Apprendre que toute cette façade de… de pureté n'était qu'une image, apprendre qu'elle avait un amant, était quelque chose qui lui faisait perdre pied. Et pourquoi quelqu'un comme ça ? Pourquoi avait-elle refusé ses avances, si c'était pour s'enticher d'une telle loque ? "Il y a de quoi" cracha-t-il. "Regarde-toi ! Tu ne méritais pas une fille comme Deria ! Personne ne la méritait, mais certainement pas quelqu'un comme toi ! Alors prends-toi en main, et décide-toi à nous dire ce que nous voulons savoir. Plus tôt tu auras fini de tout nous expliquer, plus tôt tu pourras décamper dans je ne sais quelle fange d'où Dani est venue te chercher" Il surprit le regard hautement désapprobateur de la grosse dame, mais il ne se laissa pas démonter. "Quoi ? Vous vous attendiez à quoi en nous amenant ce… ce garçon ici ? A ce qu'on lui fasse un grand sourire ? Pour ce qui me concerne, je ne comprends pas Deria, et je ne sais pas ce que…" "Malek, ça suffit maintenant" fit Shareen, posant la main sur son épaule. "Je sais que tu es énervé, moi aussi. Mais ce n'est pas sa faute, à lui. Il n'y est pour rien !" "Comment ça ?" "Il n'y est pour rien". Les mots étaient fermes alors qu'elle pressait son bras. Lentement, il se détendit. "Tu as raison. Je suis désolé. Je suis désolé, Laath. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. La fatigue, probablement. Ne fais pas attention à tout ce que j'ai dit. Ce n'est pas contre toi que j'en ai." Laath essaya un sourire timide. Il avait l'air d'un enfant, caché derrière les jupes de Dani. Pourtant, il se redressa et avança vers les deux jeunes gens. Le mouvement semblait lui coûter, mais il le fit quand même. "Non. Vous avez raison. Elle me le disait, elle aussi. Elle me disait de me prendre en main" Il haussa les épaules, un mouvement timide. "Elle disait qu'il y avait du fer en moi, et que cela deviendrait de l'acier un jour. Que cela viendrait avec le temps. Mais elle se trompait. Je suis un lâche" Malek ne voyait certainement pas d'acier dans le garçon en face d'eux. A vrai dire, il n'y voyait pas de fer non plus. Il y avait beaucoup plus de courage et d'énergie dans Shareen, bien que ce fût une fille, que dans celui qui leur faisait face. Et il n'avait pas besoin de regarder Dani pour savoir qui, parmi eux, avait une âme d'acier. "'Ne te dévalorise pas ainsi, gamin" grommela la grosse dame. "Vas-y, parle. Répète-leur ce que tu m'as dit" Laath prit une grande inspiration. Il leva les yeux, regardant tour à tour Shareen et Malek. Il semblait rassembler son courage. "J'étais présent lorsque Deria est morte" murmura-t-il. "J'ai vu beaucoup de choses. Ce qui s'est passé…" "Minute, minute" interrompit Malek. "Explique-moi d'abord comment vous vous êtes connus, et depuis combien de temps ?" "Ca n'a pas d'importance pour l'instant, Malek" protesta Shareen. "Ca en a pour moi. Ca m'aidera à comprendre" "Je peux faire court, si vous voulez" proposa Laath. Il se troubla de nouveau quand les deux le regardèrent. "Très bien. L'histoire complète, alors ? Bon. J'ai rencontré Deria il y a quatre mois environ, alors qu'elle cherchait à… à cambrioler une maison" Malek hoqueta. Shareen ouvrit des yeux ronds. "Cambr… Cambrioler quoi ?" "Oh, vous ne saviez pas non plus ?" Il eut un sourire nostalgique. "Elle disait qu'elle s'ennuyait dans cette ville. Elle trouvait qu'il n'y avait rien à faire, aucun danger, aucun ennui. Elle affirmait qu'elle avait vécu son enfance dans un monde de violence et de guerre, et que ça lui manquait. Elle était étrange, mais ça la rendait si belle…" Il eut un sourire rêveur. "La suite" gronda Malek. Ses mains s'ouvraient et se refermaient nerveusement. "La suite" Le sourire de Laath s'évapora. Il déglutit bruyamment. "Oui. Oui, bien sûr. La suite. Elle était en train d'escalader cette maison, dans le quartier des bijoutiers. Et le hasard voulait que je sois sur le toit de la même maison. Pour… affaires, également" "Tu peux parler franchement, Laath" fit Dani. "Que tu sois un voleur ou non, je pense que ce n'est pas ça qui risque de les choquer" "Pas un voleur. Un cambrioleur" protesta Laath. "Je ne suis pas comme ces tire-laines qui cherchent à couper les bourses dans la foule. Je choisis mes cibles avec attention. C'est beaucoup plus difficile d'être un bon cambrioleur qu'un vide-gousset, vous savez ?" "Je m'en fiche" cracha Malek. "La suite !" "Du calme" fit Shareen de nouveau. Elle eut un gentil sourire pour le garçon, comme si elle parlait à un enfant. "Ne lui en veux pas, il est très tendu en ce moment, il en oublie ses bonnes manières. Mais ne fais pas attention à lui, continue ton histoire" Laath détourna les yeux alors que Malek tentait de foudroyer du regard simultanément Shareen et lui. "Toujours est-il que… nous nous sommes croisés sur ce toit. Il pleuvait à verse, et elle n'avait pas prévu ça, je pense. Elle n'était pas très bien équipée, elle glissait sur les tuiles. Elle allait faire beaucoup de bruit et attirer la garde si elle tombait, alors je l'ai aidée à se rétablir" "Tu l'aurais laissée tomber si ce n'avait pas été pour le bruit ?" fit Shareen, choquée "Bien sûr. Je ne la connaissais pas, après tout" Il eut un sourire bref. "Mais je suis content de ne pas l'avoir fait" Il cligna des yeux, cherchant à éclaircir sa vision alors que la pluie tombait à verse. Le manteau qu'il avait emporté ne se révélait pas une protection suffisante; les gouttes coulaient à l'intérieur du capuchon, glissant dans ses cheveux puis sur son visage. C'était un sale temps, donc un très bon temps pour les cambrioleurs. Les toits étaient plus glissants, mais les gardes étaient moins regardants. Ils se serraient autour des braseros, sous les poternes, à l'abri de la pluie. Lorsqu'ils patrouillaient, ils essayaient de boucler leur parcours le plus rapidement possible, et ils levaient rarement les yeux au ciel. Non, ils avaient la tête baissée pour se protéger de la pluie. Avançant ainsi, ils auraient aussi bien pu ne pas être présent, pour ce que cela concernait Laath. Le jeune homme était confiant. S'il y avait bien une chose en laquelle il mettait sa foi, c'était ses talents de cambrioleur. Cela faisait deux jours qu'il observait la boutique, et le trafic qui s'y déroulait. Les gemmes étaient gardées ailleurs, et même lui n'était pas assez fou pour tenter de les subtiliser. Mais, pierres ou non, la maison devait regorger de richesses et de trésor. Si jamais tout se passait comme prévu, Laath serait enfin riche. Il pourrait enfin quitter l'impasse boueuse dans laquelle il dormait, et manger à sa fin. Il montrerait aux autres voleurs, qui l'avaient refusé dans la Guilde des Voleurs, de quel bois il était fait. Et il avait fallu que cette fille débarque. Pourquoi cette nuit ? Pourquoi maintenant ? Plaqué contre les tuiles, il l'avait regardée monter, appréciant malgré lui l'habileté et la souplesse dont elle faisait preuve. Elle était loin d'être aussi douée que lui, bien sûr – mais personne ne l'était. Pour une amateure, elle se débrouillait plutôt bien. Ses mains trouvaient instinctivement les failles dans la pierre, et sa progression, bien que lente, n'en était pas moins sûre. Lorsqu'elle avait enfin mis le pied sur le toit, les tuiles glissantes l'avaient prises par surprise. Elle agita les bras, dérapa, et sa jambe partit dans le vide. Instinctivement, Laath s'était jeté en avant. Et voilà ce que ça lui avait rapporté. Les muscles tendus par l'effort, il tenait la jeune fille par le bras. Elle se balançait doucement dans le vide. Elle n'avait pas crié, en tombant. Les gardes ne penseraient pas à lever les yeux. "Merci" fit-elle d'une voix tranquille. On aurait pu croire qu'elle était tranquillement en train de siroter son thé dans un palais pour toute l'émotion qu'elle laissait transparaître. Elle leva les yeux, accrochant fermement son regard. "La pluie a rendu le toit glissant" "Je ne pourrai pas te tenir longtemps" grogna Laath, les dents serrées. "Je glisse" "Tu peux me hisser ?" "Je n'ai pas assez de force !" "Je vois" murmura la jeune fille. Elle commença à se balancer. "Arrête ! Tu vas me faire lâcher ma prise !" "Tout ira bien, ne t'inquiète pas. Et cesse de crier, tu vas attirer les gardes" Laath faillit la lâcher de stupéfaction. Elle avait raison. Il venait de hurler. Comment avait-il pu faire une telle erreur ? Malgré l'orage, si jamais une patrouille était à proximité… Un nouveau cri lui monta aux lèvres alors qu'elle se tordait dans son étreinte, cherchant à retrouver une prise contre le mur. "Je vais lâcher !" siffla-t-il. "Parfait, j'y suis !" Ses doigts glissèrent, mais la jeune fille s'était déjà assurée une position stable. En quelques instants, elle remonta sur le toit. Cette fois, son regard était clairement méfiant alors qu'elle regardait les tuiles. "Saleté" murmura-t-elle. "Tu peux le dire" fit Laath. Il bougea ses doigts nerveusement. Sa main lui faisait mal. "Tu es ici pour cambrioler la maison ?" fit-elle. "On peut le dire". Il hésita. "Toi aussi ?" "Oui. Mais je vois que tu étais là le premier. Je vais te laisser à ton travail" Elle lui sourit, et lui planta un baiser sur la joue. "C'était gentil, ce que tu as fait. Beaucoup de voleurs m'auraient laissé tomber" "Je n'ai pas réfléchi" avoua-t-il. "C'est comme ça que l'on devient un héros" |
24/04/2003, 17h40 |
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Grenouillebleue |
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