Étant donné que mélenchon s'inscrit dans la pensée de mouffe, il est bel et bien un populiste de gauche.
Et cela n'est ni une maladie, ni honteux.
J'étais parti sur une petite réponse à la cool, et finalement, j'ai pondu un pavé. Désolé.
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Ce qui est peu ou prou la seule manière immédiatement efficace de "faire barrage" à la montée du FN (qui est à mon avis la seule raison vraiment
réaliste de voter Mélenchon, mais qui révèle surtout un manque d'ambition et de contenu politique).
Au demeurant, la seule manière véritablement efficace de le faire serait une authentique politique "sociale" dans ce pays.
Ce qui est terriblement compliqué, car en totale contradiction avec la dynamique actuelle de mondialisation et de métropolisation. Or, quand on regarde la base sociale des électeurs de Mélenchon (qui n'est pas une base populaire), on voit que son électorat n'est pas celui qui bénéficierait d'une telle politique. Les électeurs de Mélenchon sont dans le discours, dans la posture morale (et c'est important la morale, surtout en politique), mais pas dans la réalité de la mise en oeuvre d'une politique qui irait directement à l'encontre de leurs intérêts personnels (le plupart, notamment ici, tirant justement bénéfice de la mondialisation et de la métropolisation qu'elle implique, et vivant principalement d'une activité tertiaire. La France ouvrière, celle qui se prend la mondialisation dans la gueule et qui doit l'assumer, elle votait PCF, et elle vote principalement FN aujourd'hui, quand elle vote encore quelque chose).
Il y a eu un sondage de Tzioup (très intéressant d'ailleurs) qui a permis de voir qui votait quoi et pour quelle raison (pour ceux qui ont choisi d'y participer). Mais il faudrait désormais le compléter par un petit complément d'information : qui fait quoi dans la vie, qui habite où, qui a quel niveau d'étude, qui a quels revenus et quel patrimoine (s'il y en a un) : et là je crois qu'on aurait une seconde grosse distorsion s'ajoutant à la première (qui était justement une sur-représentation - relative - de Mélenchon).
Un telle politique ne pourrait se faire sans le retour à la souveraineté et à la frontière, qui n'est rien moins qu'un impératif structurel et préalable (la mondialisation étant par nature l'impossibilité d'un tel choix et la destruction des équilibres sociaux et de leur préservation). C'est- à- dire retrouver la maîtrise de sa destinée collective.
Or, sur ce point, et si on est sincèrement dans une démarche sociale, on ne peut que s'étonner d'un rapprochement jugé impossible entre FN et FdG.
SI ces deux forces prétendent
sincèrement et
réellement défendre ceux dont elles parlent, alors elles doivent converger (tout en gardant des différences) pour prendre le pouvoir et faire ce pour quoi elles existent. Quand j'entends Mélenchon au Havre, j'entends un tribun socialiste de la fin du XIXème siècle (qui est beaucoup plus actuel qu'on le pense, si du moins on a la capacité de s'en rendre compte), et je ne vois
rien d'incompatible
sur le fond avec le discours actuel du FN (notamment tendance Philippot) en ce qui concerne la
défense du travail en France. Au demeurant, la question de l'immigration ne serait en rien insurmontable pour un tel rapprochement, si du moins on mettait de côté les élucubrations des excités des deux camps.
Par rapport à un Macron par exemple, Mélenchon comme Le Pen sont
effectivement les défenseurs d'une France du
passé, qui doit être comprise comme une France qui n'est plus au coeur de la mondialisation et de la métropolisation, et qui a vocation à être de plus en plus exclue des richesses qu'elles produisent. Une France
vouée à disparaître dans la grande dilution globaliste, quand elle n'a pas déjà disparu. Le problème, c'est que l'une a une
cohérence entre son
discours, son
programme et sa
base électorale, et que l'autre non.
Par rapport à un Fillon, FdG ou FN, c'est de toute manière un électorat populaire ou supposé tel, que l'on doit mettre au travail ou dont il faut préserver le pouvoir d'achat pour soi- même continuer à préserver son patrimoine.
Donc, si la défense des classes populaires (qui forment tout de même la majorité de la population, surtout si l'on comprend bien la dynamique de destruction et d'appauvrissement de la classe moyenne, qui devient majoritairement la nouvelle classe populaire tandis que sa partie supérieure rejoint la classe dominante et patrimoniale) était
sincèrement le projet, alors le FN et le FdG
devraient s'unir (même si ça n'était que le temps d'une élection et que pour former des coalitions de circonstances). La division du vote populaire, et le maintien de l'impuissance politique des classes populaires et de politiques allant dans le sens de leur écrasement, c'est le résultat concret de l'existence du FN et du FdG.
Je ne peux que le déplorer.
Ce qui fait que le vote Mélehchon (du moins tel qu'il s'exprime sur un espace comme l'Agora, mais pas seulement) correspond assez clairement à ce que Michel Sapin appelait ce matin sur BFM (chez Bourdin) une "gauche d'imprécations" (jolie formule au passage). Là encore, il y a une énorme distorsion entre la réalité et les discours.
Dans sa carrière, Mélenchon a plus fait élire ceux qu'ils fustigeaient sans pour autant faire baisser l'influence de ceux qu'il prétendait combattre qu'autre chose (en 2012, il a appelé à voter pour Hollande, et depuis, il n'a pas endigué la montée du FN). Surtout, il n'a jamais véritablement exercé la responsabilité du pouvoir (il l'a fait sous le gouvernement Jospin a un poste subalterne, et avec une politique finalement assez libérale). S'il y accédait, ça serait plus par un hasard du contexte qu'autre chose. Qu'en ferait- il ? Et sur qui s'appuierait- il pour avoir un gouvernement ?
Après, sur la forme, il a un énorme talent. Talent renforcé par l'absolu nullité de la plupart de ses rivaux. Nous vivons un effondrement de la vie politique, et ça se voit aussi dans la qualité des candidats qui se présentent. Mélenchon, c'est un des derniers "mecs à l'ancienne" de la scène politique : il a du contenu, une vraie et profonde culture politique, un tour de main de vieux briscard, bref, c'est un gars comme on n'en voit plus car il appartient à une génération qui est en train de tirer sa révérence. D'ailleurs, c'est un choc de comparer une génération de gauche formée dans les années 70-80 comme la sienne et la génération suivante... C'est assez général comme situation d'ailleurs.
En définitive, ça revient à voter selon son humeur ou pour de jolies illusions (qui est contre les jolies illusions ?). C'est comme dire des "je t'aime" à une fille d'un soir" : ça n'engage à rien fondamentalement. Et on vote en général avec d'autant plus de conviction et de hardiesse qu'on sait très bien au fond de son âme qu'on n'aura pas à assumer concrètement son choix et à en rendre compte. Les convictions, on les mesure à ce qu'elles coûtent et à ce qu'on est prêt à leur sacrifier. Tant qu'on n'est pas à ce stade, ça n'est que des mots (c'est comme la fidélité ou la loyauté : ça doit se mettre à l'épreuve). Or, avec Mélenchon, même s'il est au plus haut de son histoire dans les sondages, on sait très bien que ça ne coûtera rien. Parce qu'il monte haut, non seulement il aura un plancher de verre qu'il ne pourra pas franchir (du fait de ses contradictions internes, dont j'ai évoqué certaines) mais il aura aussi à faire face au renforcement de ses rivaux.
Il n'y a pas d'espace
réel pour Mélenchon tel qu'il se présente aujourd'hui, et même si la campagne actuelle lui est favorable : il y a un espace de confort et de carrière, un espace de contestation, mais pas un espace politique qui se traduirait par des
politiques réellement mises en oeuvre. Il y aurait un espace réel en cas de rapprochement FdG / FN. Là, oui, il y aurait
la possibilité de mise en pratique de la plupart des thèmes de Mélenchon, qui,
sur le fond, sont proches de ceux du FN, ou qui pourraient se concilier sans difficulté majeure. Tout simplement parce qu'il y aurait la possibilité d'une prise du pouvoir avec un fort soutien populaire, tout en conciliant une partie des élites (mais pas forcément les plus puissantes). Et si ça arrivait, ça serait de toute manière la tempête, car ça impliquerait une rupture réelle avec des équilibres puissants, ce qui ne pourrait pas se faire sans des résistances. Car le vote populiste n'a de sens que s'il est un vote
de rupture, destiné à être mis en oeuvre, mais en sachant que rien ne lui sera épargné.