et le coin détente? (#11)

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c'est bien de défendre tes idées, Caterina ... juste que je ne donnais pas d'opinion, c'était juste une petite taquinerie .... faut pas tout prendre au 1er degré avec moi, plutôt au 10ème

mais j'ai apprécié ton intervention
Citation :
Publié par Shanina
par contre, si tu "réédites" ta nouvelle aux moeurs actuelles, n'oublie pas de supprimer les cigarettes dans les lieux publics

sors vite avant de me faire des ennemis
Sauf que je n'écris pas pour être publié. J'écris pour moi.

En attendant une autre nouvelle (si vous en avez envie), voici quelques dessins de ma prime jeunesse que j'ai scannés ce matin avant le boulot.
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Souvenir d'Inde (ce jour).

Use dippers at night


Dans les effluves de la route Sud
Après Indira Ghandi Airport
Dans les faubourgs d'argile
Dans les klaxons et les vapeurs de carbone
Pour y voir quelque chose il faut mettre les pleins phares
La nuit. Et le jour aussi
"Use dippers at night". Et le jour aussi.


La poussière de Ring Road

Le soleil lèche le soir. Et les vaches lèchent la route.
La route de nuées, la route comme un brouillard.
Les poumons réclament. Un peu d'air.
Les bus se relâchent le ventre, et ça dégaze.
Des enfants béants tètent l'atmosphère. Sur le trottoir d'en face.

Le soleil meurt et le coeur bat la chamade.
Mister Singh s'évanouit dans le soir incandescent
De particules.
Des mendiants impubères aux membres sectionnés
Racolent pour la maffia de Delhi.
De jeunes têtes aux yeux de carbone assassins
Sous le profil tueur du Temple du Lotus
Qui vibre dans l'air opaque.

Le soleil s'en va, et aussi s'évanouissent les lumières
Qui perlent, en gouttes denses dans l'air trop sec.
La poussière se lève en vagues endémiques
Et la marée humaine râle en attendant le bus du DTC.

Mister Singh circule dans le bruit et la sueur,
Dans son taxi couleur de guêpe aux confins de la ville.
On te tend un gâteau aux épices,
On te sourit dans le soir mangé d'asphyxie.
Mais la pluie de cendres tombe encore et encore.

Comme elle tombait déjà au Sud, sur Bophal
Il y a si longtemps
Trois mille morts pour des dollars. Union Carbide.

La Défense, 24 février 2017
LOIN D’ADIAPHORIES


Dans la jungle férine
allé battre blabla,
le cœur dans la farine
et les pieds dans le plat,

J’allais sans coup férir
tomber, succomber bas
sous les griffes félines
d’une hyène en ébat,

Quand tout soudain deux yeux
se jettent par devers
mon regard de traverse,

La vision s’ouvre aux cieux
sous le soleil d’hiver.
Deux iris ont percé la neige

La Défense - 1er Mars 2017.
Citation :
Publié par Worstbobo
Les applaudissements de Nicole Kidman aux Oscars... Elle a des mains en mesh ou quoi?


ce sont les effets secondaires de la chirurgie esthétique, quand tu tires trop la peau du visage, ça tire sur les mains

Dernière modification par Aleah ; 06/03/2017 à 19h28.
Allez les aminches, j'y vais de mon petit couplet

Nouvelle de 2009



Hélas Alice

En seconde classe, elle tire sa vie fadasse
Alice est lasse
Elle danse en rêve au Palace
Dans le métro, entre ses cuisses, des yeux qui glissent
Hélas Alice, métro-police
Rimmel raté, ça cloche, les cils au fond des poches
Alice est moche

La lampe de soixante watts éclairait l’évier et les murs blancs, blancs et jaunis, de la cuisine. Sans fard. Blafard. Elle regardait sa cuisinière déglinguée qui fuyait d’un souffle surgelé. Lasagnes d’hier réchauffées dans la barquette encore givrée. Dans la pièce à côté ça sentait la télé, et là, sur ses cheveux brillantine ça sentait le métro parfumé. Elle avait une mèche noire entre les yeux rimmel rafistolés. En ce soir ordinaire. Elle remontait son sous-tif sous le pull lycra qui colle. Alice est lasse, elle danse en rêve au Palace. Mégot mort sur les pelures de pommes de terre dans le sac-poubelle au pied de l’évier. Trace de rouge à lèvres sur le filtre, comme un baiser raté trop longtemps appuyé et qui a dérapé. Dans la pièce à côté il y avait la pub à la télé. Elle, elle venait de rentrer après sa caissière de journée, par le métro comme une automate, et les types qui matent. Entre les cuisses sous les bas fumés, les jambes d’Alice sont fracturées. Hélas Alice. Elle rejette la mèche noire sur le front, geste des doigts qui remontent sur la peau trop blanche. Elle n’a plus rien au fond des yeux qu’un peu de poussière de banlieue. Sous les rides précoces, les cils au fond des poches, Alice est moche.

_____________

Cela faisait cinq ans – depuis le CAP – qu’elle fourguait sa vie à coups de radio réveil, pour aller turbiner comme caissière à l’hypermarché de Créteil Soleil. Et ce matin-là, comme tous les matins, le réveil avait vibré jusqu’au creux du matelas, stridence habituelle qui lui plaquait l’oreille au fond du traversin. Station silence dans la chambre sombre, encore allongée, puis sortant du lit à chaton-tâtons pour aller défroisser son corps de vingt ans sous la douche, immobile, avec la peau qui dormait encore sous la flotte javellisée. Sèche-cheveux agité en souffle tiède comme un avant-goût de vent du métro, elle regardait ses petits seins blancs dans le miroir au-dessus du lavabo. Mini-jupe noire, coton Tati, pin-up de zone urbaine, elle bâclait un maquillage bon marché en écoutant passer le goutte-à-goutte du café.

Ses talons claquaient dans l’escalier intérieur vers les étages inférieurs. Elle ne prenait plus l’ascenseur, il y avait trop d’odeurs.

Il était tôt. Dehors sur la pelouse dévastée devant l’immeuble, un type en pyjama et robe de chambre usée faisait pisser son berger allemand. Un Africain passait dans la diagonale du parking dans un manteau gris de nuit, entre les peintures taggués sur les murs d’un relais EDF et l’esplanade vers le RER. Elle marchait sur l’allée qui longeait les HLM. Il y avait des poubelles oubliées, quelques autoradios brisés, des caddies renversés, des crottes de chien séchées et des chiures de pigeon sur les marches écaillées des portes d’entrée. Dans le passage entre le Leader Price et le Planning Familial, un adolescent avait crié à la « bombe » les signes de son désespoir – Fatima je t’aime mais ton père est un enculé. Elle passait sous les réverbères des marches qui montaient vers le panneau bleu et blanc de la gare RER. Le kiosque à journaux venait juste d’ouvrir.

C’était l’heure incertaine entre la nuit et la journée où la ville défèque ses poubelles dans le gyrophare des camion-bennes, purge ses caniveaux à coups de lavements de jets d’eau et aspire ses comédons dans le potin des motocrottes.

Station debout devant le kiosque à journaux, elle feuilletait un truc glamour-photo-glacées en face du type à l’intérieur qui dénouait les paquets de la presse quotidienne. Un regard, télé-star. Et une plaquette de chewing-gum. Deux euros cinquante. Le premier chewing-gum mâchonné dans l’urgence. C’est ça, l’effet « kiss cool ». Elle était sur le quai et tournait les pages du magazine télé, Les yeux scrutant les révélations en quadrichromie – Tiffany se bat pour son amour perdu – Katy Holmes a touché cinq millions de dollars pour son dernier téléfilm – Charlie Sheen vient de s’acheter une nouvelle villa à Beverly Hills – Astralement vôtre. Ca grinçait au bout du quai, la rame arrivait, pointant les grands yeux blancs de ses phares dans la grisaille. Soupir d’air comprimé, les portes s’ouvrirent sur l’odeur du revêtement de caoutchouc bleu marine. Elle monta sans lever le nez de son magazine télé. Chuintement d’air pulsé, les portes se refermaient.

Elle était assise au bord de l’allée, dans une voiture à-demi vide, balancée en roulis sur le siège quand la rame craquait entre les aiguillages. Des visages fermés lui faisaient face dans le wagon – une femme en imper clair, pas très âgée, mais la peau déjà ridée au bas du cou, et qui ne devait plus se regarder le matin dans le miroir, sauf pour étaler dans une plainte muette un fond de teint insistant sur les premiers plis de sa vie inexpliquée – un homme les yeux fermés dans sa nuit pas finie, cravate kaki pipi sous le pull de laine torsadée et le parka chiffonné.

Rien que des gens seuls. On voyage toujours seul dans les métros du matin blême. Elle feuilletait toujours ses « stars-à-la-télé » - Mardi 18h40, Ashley apprend que Tracy est enceinte et s’inquiète de la réaction de Brad – Mercredi 19h05, Los Angeles Police Judiciaire, le premier suspect est Robert Forester l’ex-mari de la victime – Jeudi 13h25, Ghost Whisperer, Melinda donne naissance à un petit garçon.

Et ce matin-là – 7h15, RER A – un type monte à une station et s’assoit face à Alice qui reste plongée dans son Télé-Star. La rame repart.

_____________

(à suivre...)
J'apprécie toujours de lire tes nouvelles ! En plus, cet environnement me parle, ça me rappelle mes 3 ans passés dans le 94 quand j'étais djeun !

Créteil Soleil...j'étais allée chercher mon papier rose à la préfecture, toute proche..que de souvenirs !

J'aime beaucoup le soin que tu prends à faire prendre vie tes personnages, qui permet au lecteur de se glisser dans leur peau et d'éprouver leurs sensations.

Merci d'être revenu !

caterina
Merci caterina

Citation :
Publié par caterina
J'aime beaucoup le soin que tu prends à faire prendre vie tes personnages, qui permet au lecteur de se glisser dans leur peau et d'éprouver leurs sensations.
J'ai toujours un petit calepin dans la poche, dont je me sers pour noter le comportement des gens, que ce soit au boulot, dans la rue, dans le métro, quand nous allons faire les courses ma compagne et moi, etc.

La suite ce soir, en principe.
Citation :
Publié par caterina
Ah oui, c'est donc pour ça que le rendu "sonne" très authentique. C'est une bonne idée de faire ça quand on écrit.

caterina
Ah... ça je n'en sais rien, c'est possible. C'est au lecteur/acteur de juger.
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