Quarks, cordes, et après ? (+ question sur le boson de Higgs)

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Question qui relève probablement plus de la philosophie que de la physique, mais je suis curieux d'avoir l'avis de gens éclairés comme Railgun (si tu traînes par là) :

Si on admet que les quarks sont composés de cordes, alors on est en droit de se demander de quoi elles sont composées à leur tour ? Est-ce que la recherche des briques fondamentales n'est pas une quête infinie ? Est-ce que des physiciens se posent déjà la question de l'après-théorie des cordes ?

Autre chose qui me travaille : J'ai regardé le documentaire Particle Fever récemment, dans lequel on nous parle de deux théories qui semblent s'opposer : la supersymétrie et le multivers. Le docu se conclut en expliquant que le Higgs est grosso merdo de masse 125-126 GeV⋅c-2, ce qui ne correspond ni à l'une des théories, ni à l'autre. Est-ce qu'il y a une façon simple d'expliquer à un non-scientifique pourquoi la supersymétrie a besoin d'un Higgs autour de 115, et non pas 4842346 (chiffre random). Le docu est assez mal fait sur ce point... je me doute qu'il y a des calculs derrière, mais en tant que non-scientifique, le concept de 'GeV' est complètement abstrait, et on voit mal en quoi une différence de quelques points change du tout au tout notre conception de l'univers.

Je ne suis pas Railgun, mais je vais quand même essayer de donner quelques éléments de réponse.

Donc déjà, premier rappel élémentaire : les quarks sont des particules qui ont été observées expérimentalement, alors que les cordes sont pour l'instant seulement des objets hypothétiques issus d'une théorie qui n'a encore jamais fait de prédictions confirmées expérimentalement. Donc supposer l'existence des cordes est une grosse supposition, et qui d'ailleurs n'est pas nécessaire pour ta question.

Pour illustrer la question que tu te poses, on utilise souvent l'image d'un ognon, où à chaque découverte on enlèverait une couche de l'ognon, et la question est de savoir si il y a un nombre infini de couches.
Personne ne peut répondre scientifiquement à cette question, ça relève plus de la conviction personnel. Personnellement, j'aurais tendance à penser qu'à un moment ça s'arrêtera, même si bien sur je n'en suis pas sur et je ne sais pas où. Disons que si on regarde l'histoire de la Physique, on voit une certaine tendance à l'unification des différentes théories : ça a commencé avec la gravité universel de Newton qui explique à la fois la gravité terrestre et le mouvement des planètes, il y a eu ensuite électricité et le magnétisme, puis bien plus récemment la théorie électro-faible, et pour les autres on ne sait pas faute d'expérience mais il existe des théories qui essayent d'aller encore plus loin dans l'unification (ex : la théorie des cordes).
Ce que j'essaye de dire, c'est que même si on a découvert des nouvelles particules, on a pas non plus découvert tant de nouvelles interactions fondamentales (forte, faible, gravité, électromagnétisme) que ça. Il est donc pas idiot de penser qu'à un moment que la chaîne s'arrête, et qu'à partir de là il n'y aura plus de nouveaux phénomènes ou particules qui surgiront.

Maintenant on peut répondre un peu différemment à ta question : même si il y avait un nombre fini de couches dans l'ognon, sera t-on capable un jour de toutes les connaitre ?
Le problème est que grosso-modo, pour aller sonder des échelles spatiales de plus en plus petites, il faut des énergies de plus en plus grandes. Et c'est aussi pour ça qu'on se retrouve à construire des accélérateurs de particules de plus en plus gros. Le problème qui se pose c'est : avec les moyens dont on dispose sur Terre, jusqu'à quelle énergie va t-on pouvoir aller expérimentalement ? Si un jour on atteint une limite, on sera bloqué et quand bien même il y aurait de nouvelles particules inconnues qui existeraient, si pour les observer il faut des énergies plus importantes que cette limite, il sera difficile d'en dire autres choses que des hypothèses. Au mieux, on en observera quelques unes dans les rayons cosmiques, mais ça reste de l'observation assez passive et donc beaucoup moins contrôlée.

Sinon, pour la deuxième partie de ton message : à ma connaissance aucune théorie n'a fait de prédictions (justes) pour la masse du Higgs. Et pour ce qui est des différentes théories comme exemple la supersymétrie, bien que je sois loin d'être expert, j'ai tendance à penser que le problème est inverse : elles ne font aucunes prédictions précises. Au contraire, en général elles dépendent d'un certain nombres de paramètres libres, et en changeant la valeur de ces paramètres, on peut reproduire tout et n'importe quoi.

Edit: J'allais presque oublié, si tu n'es pas rebuté par l'anglais (apparemment non vu le documentaire dont tu parles), je te conseil une vidéo de Murray Gell-Mann (prix nobel de physique pour la découverte des quarks justement) qui aborde ce genre de sujet :

Dernière modification par Jargal ; 29/10/2014 à 21h25.
Merci ! Intéressante vidéo !

Cela dit, je trouve l'analogie avec l'oignon peu parlante. Une fois arrivé à la dernière couche, le "noyau", on peut quand même se demander de quoi il est fait.

À moins qu'on admette qu'il "existe" en tant que tel, et qu'il est fait de rien ? C'est difficilement concevable pour moi, mais bon, je sais que la physique à cette échelle est souvent contre-intuitive).

Citation :
Si un jour on atteint une limite, on sera bloqué et quand bien même il y aurait de nouvelles particules inconnues qui existeraient, si pour les observer il faut des énergies plus importantes que cette limite, il sera difficile d'en dire autres choses que des hypothèses.
C'est... frustrant. J'imagine même pas les physiciens qui passent leur vie à émettre des théories tout en se disant qu'à un moment on pourra pas aller plus loin.
Citation :
Publié par Lazaris
Merci ! Intéressante vidéo !

Cela dit, je trouve l'analogie avec l'oignon peu parlante. Une fois arrivé à la dernière couche, le "noyau", on peut quand même se demander de quoi il est fait.
Bien sûr ce n'est qu'une analogie, donc elle a certaines limites, mais l'idée est quand même là je trouve, se demander à chaque fois qu'on enlève une couche (= découvre de nouvelles particules, par exemple), si c'est la dernière ou si il y en a une autres derrière, c'est à dire si le schéma se répète encore (= il y a encore de nouvelles particules). Après bien sûr, tu peux essayer de prendre d'autres objets pour l'analogie (ex: poupées russes) mais de toutes façon tous auront forcément à un moment donné un niveau élémentaire.

Citation :
C'est... frustrant. J'imagine même pas les physiciens qui passent leur vie à émettre des théories tout en se disant qu'à un moment on pourra pas aller plus loin.
Mouais, ça dépend des physiciens. Il y en a un certain nombre de théoriciens qui vivent très bien sans jamais vouloir comparer leur travaux à l'expérience. Au contraire même, je pense que certains sont bien contents de n'avoir pas d'expérience sous la main, parce que ça leur permet de continuer à travailler sur leurs théories sans s'inquiéter de se faire démentir par l'expérimentation. Pour la plupart ce sont des gens intelligents et avec une grande capacité d'abstraction, mais ils ont un peu oublié ce qu'était vraiment la physique.
Citation :
Publié par Jargal
Pour la plupart ce sont des gens intelligents et avec une grande capacité d'abstraction, mais ils ont un peu oublié ce qu'était vraiment la physique.
Ils sont comparables aux rolistes, en particulier aux GMs ambitieux : ils aiment creer des mondes imaginaires avec des regles elegantes.
Citation :
Est-ce que des physiciens se posent déjà la question de l'après-théorie des cordes ?
Je pense que certains devraient se refocaliser sur l'avant theorie des cordes, en fait. Le modele standard est une malediction - il marche tres tres bien et ses grandes lignes sont presques inebranlables - mais il y a encore des tas de choses interessantes a faire avec certains gros details de ces theories. Par exemple, on comprend encore mal tout un tas de mecanismes de l'interaction forte. Comme le confinement, par exemple, qui fait que l'on ne peut jamais directement observer un quark, parce qu'un quark isole n'existe pas.
Citation :
tant de nouvelles interactions fondamentales (forte, faible, gravité, électromagnétisme) que ça.
J'ai tendance a rajouter le champs de Higgs la-dedans, parce que meme si il n'est pas range dans les "interactions fondamentales", je trouve cela un peu arbitraire. C'est un champs de bosons, sans sous-structure connue (donc fondamentaux), qui se couple a d'autres champs, ca ressemble bigrement a une interaction fondamentale.

Quand aux particules, on en decouvre tres peu. De particules fondamentales, ces 30 dernieres annees, on n'a decouvert que le quark top dans les annees 90 et le Higgs recemment (et peut-etre des indices de l'existence d'un machin qui rend caduque mes recherches, les axions). On decouvre encore quelques "etats lies" (composes de plusieurs particules) mais a un rhythme reduit.

La physique des particules est un peu au point mort faute de pouvoir construire des collisioneurs adequats (on atteint un peu les limites du concept), donc comme le dit Jargal il va falloir bosser sur des observations astronomiques.

Citation :
on peut quand même se demander de quoi il est fait
Possiblement de rien. Pour les particules elementaires, on parle de particules "ponctuelles", sans dimension (c'est plus complique que ca mais bon).

En fait, a ce niveau, on ne considere pas vraiment les particules comme des objets : l'objet que l'on considere veritablement est le champ (champ d'electron, champ de photons, etc.) dont ces particules sont des excitations. Ca ne resout pas le probleme, mais ca le deplace.
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