Les souvenirs d'un vagabond (I)

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Un danger fait de plumes (chapitre I)

Le cheval avançait d'un pas lourd. Son cavalier semblait épuisé et gelé par la pluie fine mais incessante. Et le roulement continu du tonnerre ne facilitait pas le repos. Ces terres portaient bien leur nom. Cela faisait maintenant deux jours que cet homme parcourrait ces plaines, et il se lassait.

- "Mais pourquoi ai-je accepté cette requête...Et tout ça pour une vieille paire de bottes ! Ah les nains..."

L'obscurité de la nuit sans étoile gênait péniblement la visibilité. Et la pluie n'arrangeait rien. Cependant, la bête décrite par le nain ne devrait pas passer inaperçue si elle était conforme aux dires de ce dernier. L'homme se redressa sur sa monture, puis l'arrêta. Il venait d'entendre un bruit étrange, comme un puissant coup de vent. Il se concentra sur les sons environnants. Maintenant, le bruit revenait régulièrement et semblait se rapprocher. L'homme plissa les yeux vers la gauche, comme pour essayer de percer les ténèbres qui le recouvraient.

Et soudain, à la lumière fugitive d'un éclair, il le vit. Ombre majestueuse qui forçait le respect, l'énorme bête se déplaçait lentement. Chacun de ses puissants battements d'ailes semblait le porter toujours plus haut. L'homme descendit rapidement de sa monture et s'approcha très doucement, suffisamment pour l'observer en détail malgré l'obscurité. Quatre puissantes pattes, un plumage aussi résistant qu'une armure de plates, et surtout un énorme bec capable de sectionner d'un coup un homme en deux, le griffon volait sans crainte. Il n'allait pas être facile de récupérer quoi que ce soit de cette créature.

L'homme se retourna précipitamment. Un cri strident avait retenti derrière lui. Un griffon, version miniature de ce qu'il venait de voir, plongeait vers lui. Il avait manqué de vigilance. Saisissant rapidement son arme, il attendit que le griffon se mette à portée. Il porta son attaque d'un coup sec. Le tranchant de sa voulge pénétra profondément dans le cou du griffon qui s'écrasa sur le côté.

- "Il faut que je me déplace rapidement. Ce bruit a dû attirer l'attention de l'autre."

L'homme s'immobilisa. Il venait de percevoir un souffle rauque et chaud dans son dos. Il fit volte-face, juste pour voir l'énorme griffon à deux mètres lui lancer un terrible cri de défi. L'homme eut à peine de temps de lever sa voulge pour parer tant bien que mal le puissant coup de patte qui suivit. Ce dernier le projeta sur la gauche à plusieurs mètres de là. Il se remettait à peine sur un genou que le griffon était déjà sur lui. L'énorme patte avant droit de la créature se leva dans l'intention de porter le coup de grâce.
Un danger fait de plumes (chapitre II)

Le griffon se cabra soudainement. De nulle part, un loup à l'aspect fantomatique avait surgi dans son dos et ses mâchoires s'enfonçaient maintenant profondément dans sa nuque. D'un puissant mouvement du dos, le griffon envoya voler le loup, qui retomba quelques mètres plus loin. Le loup se remit aussitôt sur ses pattes et couru rapidement vers l'homme. Il s'arrêta à ses pieds puis fit face au griffon, crocs visibles. L'homme se releva, sa main gauche caressant doucement la tête du loup.

- "Merci, je suis prêt maintenant, tu m'en as donné le temps."

L'homme se tourna vers le griffon, sa voulge saisie à deux mains prête à s'abattre. Le griffon avait maintenant récupéré du bref assaut du loup et fit face à l'homme. Il poussa un cri aigu puis projeta son énorme patte avant droite vers l'homme. Tout d'un coup, sa patte s'immobilisa à quelques centimètres du corps de l'homme. Ce dernier, sans hésitation, abaissa lourdement son arme. La voulge s'écrasa sur la patte du griffon surpris et pénétra chair et os. Dans un assourdissant cri de douleur, le griffon battit des ailes et recula légèrement. Les yeux remplis de rage, il abattit son redoutable bec. Et encore une fois, il fut arrêté brutalement à proximité du visage de l'homme. Leurs yeux se croisèrent comme un signe de défi silencieux. L'homme profita à nouveau de son avantage et leva son arme. La pointe de cette dernière réussit à perforer légèrement la gorge renforcée du griffon qui, de désespoir, lança de toutes ses forces sa patte gauche et envoya l'homme à plusieurs mètres de là.

Malgré cette attaque réussie, le griffon conserva ses distances. Il était intelligent et avait vécu suffisamment longtemps pour reconnaitre un adversaire dangereux. Surtout, il ne comprenait pas comment cette insignifiante créature empêchait ses puissants coups de porter. Il vit l'homme gesticuler quelques secondes puis s'entourer fugitivement de faibles lumières. Le griffon eut un moment d'appréhension, croyant avoir vu brièvement des visages autour de l'homme. C'était comme si des esprits d'un autre monde étaient venus offrir leur corps en rempart. Le griffon regagna toute sa lucidité : l'homme était capable de s'entourer d'une sorte de bouclier. Mais ce dernier ne pouvait résister qu'à deux de ses violents coups. Il cèderait au troisième. Le schéma était simple : porter deux attaques en faisant attention à la riposte, puis une attaque très puissante. Il était le seigneur de ces terres, c'est lui qui gagnerait ! Il prit un bref envol et plongea vers son adversaire.

- "Il est puissant !" se dit l'homme. "Mon bouclier a cédé en à peine trois coups". Cependant, se dit-il, la tactique à adopter était claire : riposter de toutes ses forces aux deux premières attaques du griffon, puis se défendre du mieux qu'il pouvait à la troisième. "Ce combat va être long." Il s'élança vers la bête.

Et leurs cris de rage et de douleur ne laissaient place qu'au perpétuel grondement du tonnerre.
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