Ys - Hibernia - Récit d'enfance

 
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Je vais tenir ici quelques récits tirés de mon enfance.

Je ne raconterai pas les premières années passées avec mon frère, Riri, nous vous en parlerons peut-être plus tard.

Je vais plutôt m'attacher à raconter mon apprentissage à la guilde de magie de Tir Na Nog, peu après mon 14ème anniversaire, lorsque mes parents décidèrent de m'envoyer étudier afin de devenir une personne érudite et respectée pour sa sagesse.

Tout commença un beau printemps, période encore plus verdoyante que le restant de l'année. De nombreuses pluies avaient précédé mon départ de la maison familiale, aussi mon humeur était un peu comme les nuages déversant leurs trombes d'eau : grisonnante et triste.

Je savais que je ne reverrai plus que très rarement mes parents et mon frère (même si pour ce dernier le destin fit que l'on se retrouva quelques années plus tard), non pas tant à cause de la distance géographique, de nombreux palefreniers se sont installés le long des routes les plus fréquentées, mais à cause du travail quotidien et de la discipline stricte des cercles de magiciens de Tir.

Il n'était pas possible de sortir de l'école de magie durant les 2 premières années. Aussi les murs gris de la court m'ont obnubilé durant de longues nuits blanches. Je pensais alors aux vertes vallées d'Hibernia, à mes amis Lurikeen chassant le crabe et le blaireau lors de nos parties de chasses hebdomadaires, à la douceur des petites brises caressant les rivières cristallines, au parfum des milles boutons en fleur des arbres fruitiers de mon jardin d'enfance... Certes, ces longues nuits et toute cette nostalgie furent très pénibles, mais elles firent aussi de moi un Lurikeen plus fort et plus obstiné, tant l'envie de sortir et de repartir vadrouiller le monde était forte.

2 ans de lecture quotidienne, d'études d'arcanes et d'artefacts divers, de séances d'incantation (il m'a fallu beaucoup de temps avant d'être capable d'incanter plus rapidement régulièrement, au prix de gros efforts de concentration et d'énergie magique). Mais tout ceci se révéla payant.

Mes parents étaient fiers de moi lorsque j'eus ma première permission (il était souvent chuchoté dans les dortoirs que la garde légionnaire d'Hibernia était plus clémente pour ses jeunes troupes). Malheureusement, les quelques jours en compagnie de ma famille furent de courte durée. J'en garde des souvenirs impérissables de longues conversations de ma mère toujours émerveillée par mes récits sur notre apprentissage, des yeux de mon père brillants de fierté et de bonheur devant la réussite de son rejeton. J'ai même pu croiser le dernier jour Riri, de retour après une semaine de poursuite parmi les collines de Moher aux trousses d'une créature qui avait attaqué les plus jeunes Lurikeens du village (heureusement, plus de peur que de mal pour eux, le monstre pris peur après les cris et les appels au secours, de nombreux autres enfants avaient commencé à jeter des pierres sur lui).

Je retournai alors pour les dernières années de mon apprentissage...

Je vous conterai la suite très bientôt, soyez en sûr. Le chemin des arcanes et la maîtrise des esprits est une science étrange et mystique qui demande de nombreux sacrifices au quotidien.
Me voici donc dans ma troisième année d'études, avec l'envie de retrouver les terres d'Hibernia au plus vite.

Il faut pour cela que je vous explique un peu plus le fonctionnement de l'école de magie.
Les deux premières années sont dévouées à l'étude et à l'apprentissage des premiers sorts (protection de soi, dégâts mineurs...). Environ 3/4 des apprentis abandonnent avant l'examen de fin d'année de ce cycle, souvent par manque de réelle motivation (et il en faut lorsqu'on relit pour la 10ème fois son recueil de sortilèges sous la clarté pâlissante de sa bougie), quelques cas par dépit.

Certains attendent de l'école de magie une puissance mystique hors du commun en quelques semaines. Ils ne conçoivent pas que la magie est à la fois un art (et donc certaines personnes possèdent un don, d'autres non) et un métier (ce qui nécessitent beaucoup de travail et d'acharnement).

Beaucoup de familles aisées d'Hibernia envoient leur progéniture à cette école, espérant ainsi en faire des Enseignants de la Magie, ou des mages destinés à l'administration de leur conté.

Fort heureusement, l'école de Magie n'a jamais cédé sous la pression de l'argent facile, et les tests de fin d'années étaient un bon moyen d'empêcher la fraude. Un des tests consistaient à tuer seul une créature désignée par notre chef instructeur. Si le combat tournait mal, un des Maîtres Mages s'occupaient de finir le monstre et l'étudiant pouvait chercher ses bagages et rentrer chez lui.

Excusez mes méandres verbaux, je m'égares quelque peu, mon esprit à tendance à vouloir ramener à moi tous ces souvenirs en même temps.

J'en arrive donc à cette fameuse troisième année. C'est à partir de cette année que la théorie commence à laisser la place à la pratique. Une fois les bases acquises, nous allions passer une semaine sur deux sur le terrain, en compagnie de Patrouilles Mages locales afin de surveiller et protéger les petits villages.

Je garde un bon souvenir de ces patrouilles, quelques petits incidents, palpitants sur le coup, me font sourire à présent. Cette année aurait pu être merveilleuse si un incident tragique n'était pas intervenu en fin d'Hiver.

Je ne vous ai pas parler des amis que je m'étais fait, car sous la discipline sévère des Maîtres Mages, la complicité entre étudiants n'en était que plus forte. J'ai fait ainsi connaissance de nombreux Elfes (il semble qu'ils soient nettement plus enclin aux arts magiques que les Lurikeens ou les Celtes), quelques Celtes et un autre Luri, Haedan.

De part notre race commune, nous avons tissé tout naturellement des liens plus étroits. Haedan était issu d'un petit village situé non loin du mien, mais nous ne nous étions pas connu avant (il faut dire que les Lurikeens vivent quelque peu en autarcie, regroupés en familles composant le village et ne faisant que le peu de négoce nécessaire avec les cités voisines). C'était un esprit habile et doué, et ses capacités magiques étaient, je dois le reconnaître, meilleures que les miennes. Il possédait une facilité de compréhension et une soif de connaissance que je lui enviais en secret.

Durant une semaine de cours théoriques à l'école de Tir Na Nog (cours de plus en plus agités car les élèves commençaient à saturer et les sorties en patrouille et toutes les péripéties qui s'y étaient déroulées étaient au coeur de nos discussions sur les bancs), Haedan vint m'accoster en me murmurant de le rejoindre à sa chambre une fois les cours de la journée terminés.

Tout d'abord intrigué par le ton de cette conversation, Haedan n'étant d'habitude pas une personne timide et discrète, j'oubliais tout au long de la journée ce fait. La soirée tombait déjà lorsque je me souvins de sa requête et le rejoignais aussitôt dans l'aile Ouest des dortoirs.

Un des privilèges pour un étudiant à l'école de Magie, une fois les 2 premières années passées, est de disposer d'une chambre personnelle. Un privilège que je regrette un peu, les longues nuits passées à discuter entre compagnons de chambrée sont des moments appréciables: des fous rires étouffés lorsque le surveillant débarque à l'improviste, de longues dissertations sur la vie, nos études, notre avenir (ainsi que sur les jeunes femmes que nous croisions dans Tir Na Nog)...

Ainsi donc, je retrouvais Haedan dans sa chambre et le trouvait en pleine lecture d'un vieux grimoire. La bibliothèque était pleine de ces vieux livres poussiéreux, mais je reconnaissais rapidement la fine étiquette jaune signifiant qu'il traitait des charmes et invocations de créatures.

Il me semblait tout excité, ses yeux pétillaient et un large sourire lui montait jusqu'aux oreilles.

_ "J'ai trouvé un passage très intéressant concernant l'invocation de créatures !" me dit-il.

Je savais que certaines spécialités de mages permettaient de charmer une créature au prix d'une dépense d'énergie considérable, mais personne ne m'avait parlé d'invocation directe, mis à part celle des serviteurs du Voile que nos collègues enchanteurs affectionnent tout particulièrement.

"Viens, j'ai déjà réuni les ingrédients, mais seul le pentacle de la salle des enchanteurs permet d'accomplir dans de bonnes conditions le sortilège".

Je lui demandais alors de quel sortilège parlait-il, mais il me pria de me taire, sous prétexte d'une surprise. Je ne vous cache pas que l'interdiction de l'accès aux salles hors cours me faisait un peu peur, mais Haedan ne tenait pas en place et ses supplications eurent raison de mes craintes.

Arrivés discrètement dans la salle du pentacle, je n'en avais pas beaucoup plus appris sur ce fameux sortilège. Tout ce que je pu lui arracher fût que c'était une invocation (je m'en doutais un peu), mais que les frontières de l'appel de la créature était étendues.

_ "Que fait-on si la créature que tu désires invoquer nous attaque ?" lui demandais-je.

_ "Nous ne risquons rien, ce pentacle permet de bloquer la créature, elle ne pourra pas franchir les runes et une simple parole - "Va t'en" - la congédiera automatiquement."

Haedan n'avait pas tort, de puissantes runes protégeaient ce pentacle, et nous ne risquions absolument rien.

Après avoir réunis tous les ingrédients magiques dans une petite calebasse, Haedan commença à psalmodier les premières phrases du sortilège. Je restais bouche bée devant cette maîtrise du langage des arcanes, les sons sortant de sa bouche étant plein d'accents incompréhensibles pour quelqu'un ne possédant pas de bonnes bases arcaniques.

Ceci dura une petite minute, qui, sur le moment, me parut durer des heures. Je jetais de petits coups d'oeil vers la porte entre-ouverte donnant sur le couloir, l'oreille à l'affût au cas où nous devions déguerpir si un surveillant passait par là.

C'est alors qu'un petit panache de fumée s'éleva du centre du pentacle, suivi d'un petit sifflement d'air. Une ombre commença à se matérialiser devant nous, puis pris forme petit à petit.

D'une taille à peine plus grande que nous, un humanoïde à la peau bleu et au visage rude nous regarda. Il ne sembla pas autant décontenancé que nous, que moi devrais-je dire. En effet, Haedan semblait aux anges...

_ "C'est un Kobold" me dit-il, "un Kobold de Midgard !"

Impossible me dis-je, ces contrées sont presque inaccessibles et les seuls Kobolds dont j'avais entendu parler appartenaient aux contes pour enfant que me racontait ma mère (ils étaient dépeints comme de vil voleurs, prêts à kidnapper les enfants qui n'étaient pas sages).

Soudain, le Kobold se recula un peu, se cogna contre le mur invisible que formait les runes du pentacle, et poussa un énorme cri avant de disparaître devant nous.

"Mais que c'est-il passé ?" s'écria Haedan.
Il semblait très abattu par la disparition soudaine du Kobold.
"J'ai pourtant respecté à la lettre les instructions du manuel. Le sort aurait dû se prolonger beaucoup plus longtemps que ça".

Tremblant encore de ce cri perçant, le coeur battant la chamade, je tentais de reprendre mes esprits.

_ "Partons." dis-je. "Partons vite avant que quelqu'un alerté par son cri n'arrive et ne nous passe un savon".

Haedan ne semblait pas vouloir bouger, fixant le pentacle et murmurant quelque chose.

_ "Regarde Vyv ! Il a laissé une petite pierre brune couverte de gel".

Effectivement, un petit éclat de lumière dû à notre bougie brillait au centre du cercle magique.

"Prenons le vite comme souvenir, et partons d'ici".

Haedan ramassa la pierre, mais se releva doucement.

"Je sens son souffle Vyv, un souffle froid et lent..."

Et c'est alors que tout s'enchaîna à une vitesse folle.
Je vis apparaître le Kobold devant Haedan, à quelques centimètres à peine de lui, une hachette dans chaque main, le regardant avec un sourire dément tandis qu'il transperçait la gorge et le ventre de mon ami.

Le surveillant arriva au même instant, et comprenant rapidement ce qui avait été commis, cria "Va t-en".

Le Kobold disparu sans un bruit alors qu'Haedan s'effondrait sur le sol dans une flaque de son propre sang.

Les deux semaines suivantes furent un calvaire, je devais répéter chaque jour ce qu'il s'était passé, et j'attendais avec résignation mon expulsion de l'école.
Je pleurai chaque nuit la mort d'Haedan, culpabilisant terriblement et mes rêves furent très agités. Je revoyais sans cesse ce court instant, la lente chute, comme en apesanteur, de mon ami, et surtout ce regard assassin du Kobold. Il me souriait lorsque le surveillant l'avait congédié.

Mais l'école ne m'expulsa pas, me condamnant à divers travaux afin de me servir de leçon. Je leur en voulu à l'époque, mais je me suis accroché et décidait de mener à bien mes études en sa mémoire.

Aujourd'hui j'en rêve encore parfois, des larmes amères perlent à mes yeux et ma gorge se noue.

Voilà la raison de mon choix de spécialité... J'ai décidé de vouer mes talents aux autres, à les aider, et j'ai mis de côté définitivement tout ce qui avait trait aux charmes et aux invocations.
La troisième année à l'Ecole de Magie se termina par un printemps pluvieux et un début d'été annonçant une grande canicule.

Comme je l'ai expliqué précédemment, les songes du tragique évènement survenu en cours d'année ne cessaient de me hanter chaque nuit.

J'ai fait pendant cette période plusieurs fois mon baluchon, prêt à partir et laisser derrière moi ces murs gris et toute cette magie, mais chaque fois, passant dans le couloir où se trouvait la salle du pentacle d'invocation, je m'arrêtais, en larmes, et remontais aussitôt pleurer dans ma chambre.

Mais je m'endurcis petit à petit, et la tristesse qui autrefois me tourmentait fit place à une sourde colère et une détermination de fer. J'en voulais à la terre entière de cette injustice, à cette magie qui pouvait être si destructrice, à moi même, de n'avoir pas su dire non à Haedan, à ne pas l'avoir retenu, d'être resté paralysé par la terreur lorsque le Kobold était réapparu.

Heureusement pour moi, j'ai trouvé une confidente qui me redonna confiance en moi et qui m'appris à regarder la vie tourné vers l'avenir et non en regardant en arrière.
Cette jeune femme, du nom de Eillymae, travaillait avec quelques autres comme femme de ménage. Elle était une Lurikeen, tout comme moi, vivant à Mag Mell et aidant sa famille en gagnant quelques pièces d'argent à l'Ecole de Magie.

Un matin elle me découvrit les yeux encore rougis d'une nuit où le sommeil avait été remplacé par de longs sanglots. Elle me demanda : "Pourquoi tant de tristesse ?"
Je lui racontais alors toute l'histoire...

Ce fût très difficile de garder mon calme, mais mon coeur s'en trouva beaucoup plus léger une fois libéré de ce fardeau. Je lui expliquais aussi mes sentiments de colère et cette soif de vengeance contre le peuple Kobold.

Je dois vous dire ici que je passais la plupart de mon temps libre dans la bibliothèque et en conversation avec les géographes et historiens présents à l'Ecole pour en apprendre plus sur Midgard et ses ethnies. Evidemment, mon attention était encore plus attirées vers le peuple Kobold, un peuple aussi enclin à la fourberie et l'assassinat que vers la magie barbare de ces contrées glacées.

S'en suivi de nombreuses matinées passées à discuter avec Eillymae sur le triste évènement où j'avais perdu mon ami, sur la rivalité des peuples Midgardiens et Hiberniens (sans compter les Albionnais mais je ne m'en occupais guère à l'époque), et plus généralement sur le bien et le mal.

C'était un peu comme une thérapie pour moi, je pu faire enfin le deuil de la mort d'Haedan, mais ma colère s'en trouva plus encore focalisée sur le monde de Midgard. "Un jour, j'irai là-bas, et je leur ferai payer cet acte immonde" me disais-je.

Eillymae ne partageait pas mon avis sur ce point, et elle tentait vainement de me raisonner.

_ "Ce peuple est en guerre depuis si longtemps contre nous que les nouvelles générations en ont oublié les causes. Hibernia se bat sans cesse, envoyant des troupes régulièrement sur les terres frontalières d'Hibernia et de Midgard, certains même sont encore de jeunes guerriers, plein de cette soif de sang qui n'a plus sa raison d'être".

_ "Le sang appelle le sang. Dent pour dent, oeil pour oeil. Ce proverbe correspond bien au peuple des steppes glacées de Midgard. Nous ne pourrons jamais leur faire confiance, et je ne pourrai jamais laisser ses envahisseurs faire du mal à nos familles. Sitôt mes derniers examens passés, je m'engagerai dans les troupes Hiberniennes, dans leur section Lumina Magikae."

Cette fureur tapie en moi affluait chaque fois que nous entamions ces discussions, et seul le calme et la beauté du visage d'Eillymae réussissaient à m'apaiser et à me contenir.

L'examen de troisième année se passa sans problème, même si quelques remarques acerbes sur mon comportement un peu trop fougueux virent ternir mes résultats et m'empêcher d'accéder aux premières places parmi mes camarades.

Cette année aurait pu se finir dans une solitude quotidienne si je n'avais pas rencontré Eillymae. Je ne fréquentais plus mes compagnons de classe, et me tenais au stricte nécessaire concernant les cours de Magie.

Je m'investis beaucoup lors des patrouilles, et obtint de très bons résultats pratiques. Ces rondes m'apprirent les bases de combat et mes techniques de soutien de groupe.

Je rentrai durant l'été dans ma famille, un été marqué par une canicule exceptionnelle, où je passais mes journées à lire en compagnie de ma mère, et mes soirées à vadrouiller dans les monts voisins avec mon frère Riri.

Je reçu en fin d'été un message apporté par notre coursier local venant de Tir Na Nog.
C'était Eillymae qui m'avait écris quelques mots, parlant un peu de la pluie et du beau temps, et attendant mon retour pour de longues discussions.

Je l'avoue, je m'étais entiché d'elle, ma "thérapie" m'ayant très fortement rapproché d'elle. Nous partagions, lors des quelques semaines avant ma permission estival, des moments intimes presque tous les jours. Nous avions commencé à délaisser les discours portant sur mon traumatisme pour nous projeter dans l'avenir. Nos projets futurs étaient souvent le sujet principal de nos bavardages. Elle espérait trouver un emploi de garde-malade à Mag Mell ou à Tir Na mBeo, et ainsi pouvoir chercher un mari en possédant une situation stable.

Je riais de ses paroles un peu fleur bleue qui s'en suivait, sur son prince charmant et tous les rêves de jeune fille qu'elle nourrissait alors. Elle ne s'en offusquait pas, bien au contraire, mêlant son doux rire au mien. Son petit accent (les Lurikeens, vivant chacun dans un milieu social assez fermé, possédaient un léger accent selon les endroits, ainsi que certains variations de leur dialecte qui restait cependant compréhensible à tous) me plaisait beaucoup. C'était un accent chantant, plein de joie et de fraîcheur qui, rien qu'à l'entendre, vous mettait de bonne humeur et vous invitait à sourire.

Malgré son travail manuel, elle gardait sa grâce et ses doux gestes qui faisait d'elle le centre de maintes conversations pendant les cours et dans les bavardages surpris dans les couloirs.

Je m'étais rendu compte que ces discussions avaient le don de me mettre en rogne, et je souffris des premiers affres de la jalousie.

Tous ces souvenirs se mélangeaient et m'enivrait chaque fois que je relisais sa lettre. Bien qu'elle fut d'une banalité polie, son écriture en pattes de mouche et la discrète odeur de parfum imprégnant le papier agissaient sur moi comme un de ces alcools raffinés que l'on sert dans les tavernes hiberniennes.

Je répondis non moins poliment à sa lettre, lui promettant de revenir très bientôt.

Je mis Riri dans la confidence, lui faisant jurer de ne rien répéter aux parents.

Je trouvais les jours de plus en plus longs, et mon impatience devait être visible car mes parents me demandèrent si mes études me manquaient tant que ça, où si quelque chose d'autre se trouvait derrière tout ça.

Je répondis confusément que j'avais hâte de finir mon enseignement et de pouvoir me mettre au service d'Hibernia. Je ne suis pas sûr que cette excuse fût crédible à leurs yeux, mais ils ne me posèrent plus la question jusqu'à mon départ.

Et me voici en route pour ma quatrième et dernière année à l'Ecole de Magie, une année dédiée à la pratique et à l'indépendance qui devait marquer la transition entre l'adolescence et la vie adulte...
Et voici la "rentrée scolaire".

La dernière année a fait le ménage parmi les étudiants, et nous ne sommes qu'une petite vingtaine à assister au premier cours.

Je suis arrivé 3 jours avant, le temps de ré-emménager dans une nouvelle chambre, située non loin des chambres des Hauts Mages et de la bibliothèque. Je cherchais aussitôt Eillymae, mais personne ne l'avait vu depuis une semaine. Etonné, je demandais au chef intendant s'il elle avait pris quelques jours de congés, et il m'expliqua qu'elle était tombée malade et qu'elle serait de retour prochainement.

Je pris patience, commençant à rêver de son retour prochain. J'étais de bonne humeur ces jours là, et certains camarades revinrent discuter après moi, voyant que la rudesse qui m'avait caractérisée l'année dernière s'était envolée.

Mais les jours passèrent, et Eillymae n'était toujours pas revenue. Je commençais à sérieusement m'inquiéter lorsque je la vis un beau matin à ma porte, me regardant avec ses yeux pétillants et son large sourire.

"Alors Vyv, comment vas-tu ? Je suis désolée de t'avoir fait attendre, mais je suis tombée malade et j'ai dû rester au lit pendant tout ce temps là. Mon état de fatigue m'empêchait de me lever et de pouvoir te faire parvenir un mot. J'étais si impatiente de te revoir... Vyv..."

Ces derniers mots avaient été tout juste chuchotés, et ils eurent sur moi un effet terrible que je découvrais alors ce matin. Les mains moites et tremblantes, la gorge serrée, j'étais incapable de lui répondre. Nos regards se croisèrent. Yeux dans les yeux, nous nous regardâmes pendant un moment qui me parut durer des siècles.

C'est elle qui fit le premier pas, s'approchant de moi, approchant sa bouche de la mienne. Je sentis son souffle sur mes lèvres, son parfum m'enivrer. Je fermais les yeux...

Notre histoire d'amour commença dans ce beau matin automnal, les oiseaux chantant pour nous. Je repense aux jours suivants comme à un rêve merveilleux dont on se réveille le sourire aux lèvres, débordant d'optimisme et de bonheur.

Le plus dur fût de se séparer si rapidement. En effet, comme je l'ai déjà expliqué auparavant, la dernière année consistait en formations pratiques sur le terrain, et nous allions être mutés dans un petit village situé dans l'Estuaire de Shannon, Connla. Je n'allais pouvoir rentrer sur Tir Na Nog qu'environ une fois par mois, pour quelques jours seulement, et cela me déchirait le coeur.

Nous nous promirent de tenir bon et de s'écrire souvent, promesse tenue puisque chaque soir je sortais ma plume et mon encrier pour lui écrire quelques mots. Je lui envoyais tous les 2 jours mes lettres grâce au coursier qui faisait les navettes depuis Connla jusqu'à Druim Ligen.

Ainsi s'écoula l'année. J'apprenais beaucoup de choses en compagnie des Maitres Mages qui s'occupaient de nous. Certains raids n'étaient qu'une simple promenade. Nous en profitions alors pour étudier la faune et la flore, découvrant de multiples ingrédients pour des onguents magiques et des plantes médicinales. Mais d'autres raids étaient plus risqués, notamment dans les environs du hameau marchand de Cennaie et du camp d'Innis Carthaig.

Les moments passés avec Eillymae à Tir Na Nog et à Mag Mell étaient chaque fois intenses, et nous commencions à faire des projets d'avenir.

L'année se finit par le Sacrement de Magie décerné à toute ma promotion (personne n'avait échoué aux quelques derniers tests théoriques et tous s'étaient révélés très doués lors des travaux pratiques).

J'étais enfin Empathe, branche de la magie dédiée aux forces de l'Esprit. Je revis mes parents à la cérémonie, ainsi que Riri qui les avait accompagné et dont les yeux étaient plein de fierté pour moi. Je garde un très bon souvenir de cette journée qui marquait le début de ma carrière et mes premiers pas dans la vie adulte.

Une grande fête était organisée au palais de Tir Na Nog en notre honneur, et les convives étaient venus nombreux trinquer et rire avec nous. C'est ce moment que choisi Eillymae pour m'annoncer une nouvelle qui me précipita encore plus dans le monde des adultes.

Elle m'amena dans un des couloirs du palais en dansant, et m'embrassa doucement. Elle était souriante, mais ses yeux trahissaient une légère inquiétude.

_ "Vyv... Cela fait déjà presque un an que nous nous fréquentons."

J'acquiescais.

_ "C'est la plus belle année de ma vie, et j'espère pouvoir en remplir ainsi toutes celle à venir."

_ "J'ai quelque chose d'important à te dire. J'attends un heureux évènement. Vyv, tu vas être père."

Je restais cois. Elle me regarda, la mine un peu triste et réservée.

"Veux-tu t'occuper de notre enfant, et te marier avec moi ? Je comprendrai si tu refuses, c'est une annonce un peu brutale et nous n'en avions pas parlé ensemble."

Retrouvant mes esprits, je lui dis aussitôt :

_ "Mais bien sûr que je m'occuperai de notre enfant et de toi ! Je t'aime Eillymae, et je suis prêt à prendre mes responsabilités. Ce jour est un jour béni !"

Nous pleurèrent l'un contre l'autre de bonheur et finirent la soirée à discuter le long des couloirs du palais et des allées des somptueux jardins.

Quand je repense à ce moment poignant, des larmes de joie percent un chemin depuis mes yeux qui regardent au loin en voyant le visage d'Eillymae dans le ciel...

Pourquoi le destin est-il si tragique et si mesquin ? Pourquoi s'acharne-t-il sur les gens alors même qu'ils vivent enfin heureux ? Je maudis souvent les dieux, sans savoir si mes vives paroles seront un jour entendues.

A peine 2 semaines s'étaient écoulées que trois messagers arrivèrent à Tir Na Nog avec comme mission de recruter toutes les personnes valides pour mener une attaque décisive contre les troupes Midgardiennes stationnées à Dun Bolg. Deux de nos forts étaient déjà aux mains de l'ennemi, Dun Bolg n'en ayant plus pour très longtemps avant de tomber aussi à leurs mains.

Moi qui désirait tant partir guerroyer contre les forces de Midgard auparavant, je désirais alors encore plus rester à Mag Mell auprès de mon épouse. Nous étions fiancés et le mariage était prévu pour la fin de l'Hiver.

Je demandais d'être exempté pour cause familiale, mais elle fut refusée et je dû me soumettre à leur recrutement.

Il est rare de voir autant de monde partir en guerre, et cela me causa un sacré choc. Il y avait des gens de toutes les classes, de toutes les races, de tous les âges.
Je comptais parmi les plus jeunes, et nous avions été répartis dans les groupes de soutien situé en arrière des troupes.

Nous nous quittèrent Eillymae et moi, non sans quelques larmes. Je lui promis de faire attention à moi et de revenir dès que les forces ennemies seraient mises en déroute.

Si j'avais su ce qui allait arriver, jamais je ne serai parti. Les premiers camps Midgardiens rencontrés n'étaient destinés qu'à nous appâter et à nous faire venir plus loin dans les terres. Là, de gros renforts arrivèrent en face de nous, et les combats furent sanglants et titanesques.

Chaque jour comptait ses raids, ses escarmouches, ses réveils en pleine nuit au son des cornes annonçant le Vahallha pour tous les fiers guerriers Midgardiens chargeant sur nos camps.

Nous nous en serions sûrement tirés pour quelques semaines de combat sans l'invasion des Albionnais, venus attirés par tous ces affrontements et ayant comme objectif d'agrandir un peu plus leurs domaines.

Ce fût Midgard qui pâtit le plus de ce troisième challenger. Les vertes plaines d'Hibernia n'étaient que sang et métal brisé. De nouvelles troupes Hiberniennes arrivaient en renfort, et je constatais avec effroi que leurs membres étaient de plus en plus jeunes. Je reconnu même plusieurs étudiants qui se trouvaient encore à l'Ecole de Magie lorsque je l'avais quitté.

Je dois remercier mon ange gardien de m'avoir épargné durant toutes ces tueries, car nombre de mes compatriotes trouvèrent la mort sur les champs de bataille avant que nous pûmes repousser enfin nos adversaires amoindris.

Nous étions déjà en plein Hiver et j'espérais pouvoir revoir bientôt ma tendre moitié. La venue de notre enfant ne devait plus tarder, et je ne voulais pour rien au monde manquer sa naissance. Mais le sort continua de se jouer de moi...

Nos chefs décidèrent de profiter de nos récentes victoires pour étendre notre emprise sur les territoires ennemis en attaquant Bledmeer Faste, leur fort marchand, afin d'approvisionner plus facilement nos troupes et continuer notre incursion dans les paysages blancs et glacés.

J'avais pu envoyer quelques lettres à Eillymae grâce aux rares messagers nous apportant les nouvelles du Haut Commandement, mais aucune réponse ne me parvint. Ceux-ci ne pouvant remettre en main propre le courrier, ils ne pouvaient pas plus récupérer une éventuelle réponse.

Je retournais enfin au tout début du Printemps à Hibernia, las et écoeuré de toute cette violence. Les quelques nuits où je ne rêvais pas des combats de la journée étaient bercées par mes rêves de retrouvailles avec Eillymae et j'imaginais notre enfant dans ces bras me tendant ses petites mimines. Et j'avais hâte que ces rêves deviennent réalité.

Mais...
 

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