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Les Mots ou une découverte pénible et inattendue.

Par Yolinne MIP le 11/6/2002 Ă  8:23:00 (#1632623)

Comme d'accoutumée, après une journée calme et reposante, peut-être trop à son goût, Yolinne rentrait dans cette demeure qu'elle affectionnait. Après un bon moment de relaxation dans un bain brûlant et parfumé, elle s'installa à sa "petite table de travail" comme elle aimait la nommer. Le désordre régnait sur le meuble, elle n'y avait pas fait de ménage depuis son retour. Quelques parchemins inachevés de traduction, quelques mots qu'elle n'avait jamais su mettre en forme, quelque lettres qu'elle n'avait jamais voulu envoyer.. Tout un fourbis de papier vieillissant avec le temps, accumulant de fines couches de poussière brunâtre. Au coin du bureau, une petite poupée de chiffon lui rappela l'enfance avortée d'Eléah ; ce jouet n'était pourtant pas si vieux, mais la petite fille n'en était plus une désormais, une pointe de désarroi en était naquit dans le coeur de Yolinne, mais le Destin semblait avoir jeté son dévolu sur son enfant, et l'avait enlevée à son innocente jeunesse...

De nouveau cet air de nostalgie vint ronronner à son oreille, cet instant qu'elle aimait ressentir, où les mots coulaient en son âme et qu'elle retranscrivait de sa plume émoustillée. Arborant un pâle sourire, elle resta figée quelques secondes, entre deux mondes, détachée de tout ce qui l'entourait physiquement. Puis elle se saisit d'un fin parchemin, confident de ses maux et s'armant de sa plume, elle gorgea son arme de l'encre fluide. Sa main s'éleva au dessus du vélin et... quelques minutes passèrent. Quelques gouttes avaient coulé de la plume, mais aucun mot n'était venu orner le papier. Yolinne restait interdite devant cette feuille vierge souillée. Sa main trembla, les mots avaient disparus. Elle secoua la tête stupéfaite. Jamais ô grand jamais sa plume ne lui avait fait défaut, jamais encore elle n'était restée bête devant cet objet qui lui paraissait maintenant si mystique. Une nouvelle goutte s'écoula et tacha le papier immaculé. Elle entrouvrit les lèvres, alarmée, mais aucun mot ne vint fleurir au bord de sa bouche. Sa main trembla encore, lâchant l'objet bientôt asséché de substance. L'imcompréhension l'assaillit et la crainte vint voiler son regard. L'inspiration avait quitté ses pensées, voguait on ne sait où, mais bel et bien hors d'elle. La seule chose qui lui permettait depuis toujours de s'exprimer par les sentiments les plus forts n'était plus là. Les mots avaient disparus... s'étaient envolés...

Le regard vide, elle resta longtemps sans bouger, incapable de proférer un seul son, une seule parole. Puis d'un geste rageur elle renversa tout ce qui parsemait sa table, faisant rouler son encrier au sol et se répandre sur le pnacher, et voleter ses pages inscrites comme un nuage de papillons éphémères. Puis elle enfouit sa tête dans ses bras, écoeurée. Les mots l'avaient quittée, elle se sentait maintenant seule.. si seule... Aucun sanglot, aucun souffle, aucune plainte.. Le vide faisait son office dans la grande demeure devenue trop vaste. Le silence oppressant se propageait, et les images de son funeste destin entrevu réapparurent... N'avait elle pu finalement combattre cette Destinée qui la portait aux portes de la Mélancolie et de la Tristesse éternelles ? Le Néant commençait il à l'envahir pour la priver de son plus précieux trésor ? Ses Mots.... Ses Mots qu'elle aimait tant... Ses Mots qu'elle transcrivait avec tant de fierté... Ses Mots....

Le coeur lourd d'un sentiment qu'elle croyait révolu, elle resta là, statufiée, coite, à se morfondre de la perte de sa seule amie et compagne, la seule chose envers qui elle avait cédé toute sa confiance : son Inspiration...

Par Dodgee MIP le 11/6/2002 Ă  8:35:34 (#1632673)

Quelques mots jetés en l'air, des paroles, phrases en vers
Puis le silence qui tombe et nous ramène sur terre,
Quelle beauté quelle ivresse, moi je ne sais qu'écrire,
Quand je vois ces poèmes, quand je commence à les lire.

Qu'est devenue ma flamme , pourquoi ne puis je dire,
Tout ce que je ressens, cette joie ce plaisir,
Voix qui voudrait crier, et qui pourtant se tait,
Les mots meurent en ma gorge, sortiront-ils jamais?

Que ne sais je Ă©crire devant tant de richesse,
Mais je ne suis plus moi, je n'ai plus que tristesse,
Quand plus rien n'est surprise, que l'inspiration fuit,
Je préférerais mourir que vivre dans la nuit...

Ou est passée ma Flamme, est-elle morte avec toi?
Ne reste t il des braises, une flammèche un espoir?
Une lueur qui me guide, cet Ă©clat dans le noir,
Tant qu'il me reste cette vie, elle vivra avec moi.

Par Dodgee MIP le 11/6/2002 Ă  10:06:13 (#1633001)

La chambre était petite, à peine éclairée par la fenêtre entrouverte d’où provenaient les mille sons du dehors. L’ouverture sur le monde, l’invitation au voyage. Autrefois l’homme aurait passé des heures sur le rebord de la fenêtre, à contempler cette vie grouillante, cette agitation qui donnait vie à la ville. Autrefois cet homme débordait de vie, portant ses paroles et ses histoires aux oreilles de ceux qui voulaient bien les entendre. Il était difficile de croire que ce même homme était maintenant là, prostré sur ce lit. Le visage défait, le teint terne, la vie semblait s’être détournée de lui, laissant une pâle caricature, à peine une ombre de ce qu’il avait été. Le troubadour n’avait plus cette flamme qui savait transformer des écrits en récits.
Tout avait commencé il y a quelques temps, alors qu’il était revenu, blessé, hagard de la crypte des rois de Raven’s Dust. Sa convalescence avait été anormalement longue, malgré une constitution robuste, ses délires et sa fièvre ne voulant cesser malgré les soins prodigués. Enfin, après plusieurs jours passés au lit, l’homme s’était enfin remis, semblant retrouver la raison et le sommeil. Il avait pu sortit de sa chambre, retrouver les rues et la foule. Bien vite, il s’était remis à conter, chanter comme il en avait l’habitude. Mais jamais il ne parla de ce qu’il avait pu voir ou vivre dans la crypte. Le sujet demeurait un mystère qu’il préférait ne pas évoquer.
Qui aurait pu croire alors, que ces rires et ces sourires n’étaient que façade ? Qu’il ne jouait plus qu’un rôle au milieu de la foule ? La vérité était autre, enfermée dans ces murs où, enfin seul, il laissait tomber le masque. La joie de vivre, l’entrain avaient quitté son esprit. Peut être ces sentiments avaient-ils simplement été détruits, dispersés par les horreurs de la crypte, par ces esprits malins qui hantaient les halls silencieux.
Un tremblementÂ…
A nouveau le corps se recroquevilla. Des échos lui parvenaient du dehors, quelques discussions, une dispute dans la rue, et ce brouhaha qui emplissait comme à son habitude la grande salle de l’auberge, sa chambre se situant juste au-dessus, comme bon nombre des chambres bon marché. D’un geste las, il se leva pour refermer la fenêtre, masquant l’ouverture d’un rideau de fortune. Rien… Il ne voulait plus entendre, plus voir. A nouveau il se réfugia sur le lit, noircissant les pages de son esprit d’un mal intérieur. Plusieurs nuits déjà, il était resté ainsi à se morfondre, à demeurer seul, perdu dans ses pensées. Quelques fois, il trouvait la force de prendre son luth, pour jouer ces tristes mélodies emplies de tristesse et de désespoir. Des clients bien pensants avaient même tenté de lui demander ce qui pouvait ainsi l’inspirer, mais il avait une fois de plus évité les questions, affichant ce masque de bonne humeur. Personne n’était dupe. Tous avaient pu voir le changement s’opérer depuis son retour de la crypte. Au départ, il avait fait des efforts pour sortir, quitter ce refuge. Mais qui pouvait savoir quel conflit faisait rage dans sa tête, quelle peine il endurait chaque fois qu’il passait ce seuil et qu’il devait aller au devant d’une foule ? Puis petit à petit, ses apparitions avaient été plus rares, plus brèves aussi. Il n’arrivait plus à conserver ce masque qu’il s’imposait. Il ne pouvait plus. Et puis il en était arrivé à s’enfermer dans sa chambre.
Il n’avait guère de connaissances en ce royaume, les voyages incessants n’aidant guère à tisser des liens. La vie sur les routes ne laisse que peu de temps à l'amitié, même s'il espérait que certaines se révèlent sincères. Il s’était arrêté un temps ici, suite à une aventure extraordinaire, qui semblait s’être jeté sur son chemin. Comme si le Destin se jouait de lui. Fanaani. Il avait alors décidé de rester le temps de finir les traductions de l’ouvrage improbable que Yolinne, prêtresse de Selene avait trouvé. Ensemble ils avaient commencé le fastidieux et minutieux travail, lorsque celle ci du partir pour un voyage, sans plus d’explications. Il était alors parti à l’aventure, se souvenant des vieilles histoires circulant sur la crypte, et aidé de quelques aventuriers s’était mis en tête de toucher du doigts ces mythes et légendes qui trouvaient vie dans ses récits. Non, il n’avait guère de connaissance, cette chambre demeurant son seul refuge.
Il avait cru entendre que Yolinne était revenue. Il aurait pu aller la trouver, reprendre le travail de traduction. Il aurait aussi pu aller voir le clergé de Iago qui l’avait plusieurs fois contacté afin de l’encourager à exercer son art. Il aurait pu sortir, simplement, se fondre dans la nuit pour profiter de son calme. Il n’avait qu’à tourner ce loquet, franchir ce seuil. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait plus. Le troubadour était brisé.
La flamme sÂ’Ă©tait Ă©teinte.

Par Yolinne MIP le 11/6/2002 Ă  18:24:42 (#1636384)

Maux cruels, Mots absents, dépitée et harcelée de questions.
Maux lancinants, Mots envolés, le coeur ne trouve plus de raison.
Maux taraudant, Mots bloqués, l'Essence se tarit lentement
Maux perfides, Mots d'antan, on reste désormais muets, mourrants

Solitude, Amertume, tels sont les sentiments qu'elle ressent
Rancune sûrement envers ce qui lui a volé son trésor
Mais elle ne peut que subir, recherchant avidemment
La Chose qui pourra dorénavant faire briller ses yeux or.

Denuée de cette essence fragile que sont les Mots et leur pouvoir
Elle s'apprĂŞte Ă  courir vers toute entrave, tout danger
Pour refermer les doigts sur cette voix qui lui sussurait
Ce liquide odorant et mielleux, ces bribes de savoir.

Va, hâte toi de trouver à nouveau un semblant de Muse
Cours après elle, ce que tu n'as jamais fait auparavant
Dépêche toi avant que tes pensées ne s'usent
Et que ta volonté ne s'en aille à son tour en s'effritant..

Par Dodgee MIP le 11/6/2002 Ă  19:40:14 (#1636797)

Douce flamme d'antan dont le souffle s'Ă©teint,
Qui Ă©clairait cette vie, Ă©clairait ce chemin,
Cette lueur du regard, qui changeait l'anodin,
Révélant un instant, la beauté de demain.

L'inspiration n'est plus, elle a fui mon esprit,
Ne laissant que ces ruines, des gloires enfouies,
Ce passé lumineux, qui déjà se terni,
Qui sombre, disparait, et tombe dans l'oubli.

Je contemple ces braises, elles rougeoyent dans la nuit,
Promesses d'une muse qui au loin s'est enfui,
Ne laissant que ce vide, ce terrible ennemi,
Qui assèche l'esprit, et nous laisse sans vie.

Et comment raviver, ce brasier qui se meurt,
Redonner cette envie et faire vibrer ce coeur,
De ces mille images, inspiration d'ailleurs,
Et retrouver enfin, ces richesses que l'on pleure.

Par Lorana le 11/6/2002 Ă  20:17:08 (#1636980)

:lit: :amour:

Par Dodgee MIP le 12/6/2002 Ă  10:32:11 (#1640223)

Les coups sourds résonnèrent à la porte, brisant l’éphémère quiétude que le silence avait laissé sur la chambre. Martèlements incessants. L’homme grogna, énervé qu’il était d’être ainsi tiré du semblant de calme auquel il pouvait enfin goûter. La voix de l’aubergiste se fit entendre. D’autres mots d’autres paroles. Il ne comprenait même plus, ne cherchait plus à comprendre, seul importait qu’il se lève et qu’il ouvre cette porte, afin de faire cesser ce bruit qui résonnait encore et encore dans sa tête. Un pas, deux pas, et la main se posa sur la clé, la faisant tourner machinalement dans la serrure. La porte, simple planche de bois usée par le temps, s’ouvrit enfin pour découvrir le visage ennuyé de l’aubergiste.

C’était un brave homme. Il avait toujours apprécié le ménestrel et la manière dont il égayait les soirées à l’auberge, contant des histoires épiques ou jouant des ballades romantiques. Il s’était d’abord montré méfiant, évidemment, habitué qu’il était à recevoir tous ces soi-disant troubadours, qui se révélaient être sans le sou, parfois voleurs ou bon à rien. Mais après quelques veillées dans la salle commune, son attitude avait changé, devenant presque amicale. Et puis le troubadour avait voulu partir pour la crypte des rois. Il avait bien tenté de l’en dissuader, rappelant les nombreux récits et rumeurs qui circulaient sur l’endroit, évoquant les aventuriers qui s’y seraient risqués sans jamais revenir, parlant des mises en garde qu’une femme aux ailes sombres et au visage de cire aurait énoncé quand aux dangers pour les vivants de provoquer le courroux des morts en profanant leur repos. Mais rien n’y fit. Au contraire, pareilles perspectives n’avaient fait qu’encourager le barde à tenter l’aventure. Par bonheur il en revint. Détruit, sans flamme, sans vie. Pitoyable loque qui se tenait à présent dans l’embrasure de la porte.

Galiad essaya de sourire, un geste contrit, sans grande conviction. Cela faisait longtemps qu’il n’espérait plus donner le change, que mettre ce masque lui coûtait trop d’effort. Ridicule mascarade que ce visage souriant sur une mine défaite. Lui qui d’ordinaire n’aurait jamais négligé son apparence se tenait là, comme si une tempête s’était abattue sur ses cheveux pour veiller à leur désordre, vêtu négligemment et le regard sans lumière. Triste vision qui arracha un instant de surprise chez l’aubergiste. A vrai dire, celui qui lui faisait face inspirait la pitié, et il en était d’autant plus ennuyé de venir ainsi le trouver pour lui réclamer ce qu’il lui devait pour la chambre.

Quelques piécettes… Galiad avait du y penser, tantôt. Non qu’il eu aucune difficulté financière, les mécènes de passage s’étant montrés fort généreux, mais il n’avait pas voulu franchir ce seuil de nouveau, devoir affronter ce monde, peut être cette foule qui se presserait en bas. Devoir leur sourire, et peut être à nouveau jouer ce rôle, revêtir cette apparence pour leur conter et leur chanter ces récits. Il n’avait plus l’envie. Il n’avait plus le coeur. Oui il aurait du descendre payer l’aubergiste depuis quelques jours déjà. Maugréant quelques excuses, il se retourna pour chercher sa bourse du regard dans la chambre, avant de finalement la trouver. Quelques piécettes. Elles tintèrent dans la main de l’aubergiste, une somme suffisante pour quelques temps encore. Esquissant un sourire à la pensée de retrouver le repos, le troubadour allait refermer la porte quand l’aubergiste l’en empêcha d’un geste.

- Galiad… Je… Je sais bien que ce ne sont pas mes affaires mais… L’aubergiste était visiblement gêné et mal à l’aise. Il cherchait sans doute à l’aider, mais ne savait guère comment s’y prendre.
- Je vais bien, merci. Le ton Ă©tait sans conviction, monocorde, mais sans appel.
- Bien bien… Si tu as besoin de… Enfin n’hésites pas à descendre pour nous conter des histoires hein ?
- Oui… Dès que j’aurais retrouvé l’inspiration.
CÂ’Ă©tait une promesse, cela y ressemblait, mĂŞme si le coeur nÂ’y Ă©tait pas.

Le pauvre homme s’écarta, avant de se diriger vers l’escalier. Il soupira une dernière fois avant que la porte ne se referme. Soupir qui ne fit qu’ajouter au désespoir de Galiad. Voilà que son attitude inquiétait même les autres. Il resta un instant, adossé à la porte de sa chambre. Lentement, les larmes coulèrent, roulant sur ces joues arides avant d’entamer la longue chute vers le sol. Qu’était-il devenu ? Il avait honte de ce qu’il était à présent, de mener cette parodie d’existence sans but. Il se détestait. Colère, rage. Ces sentiments restaient sourds, tapis en lui alors qu’il aurait du réagir. Où était cette volonté qui lui aurait donné la force ? Ou était cette détermination qui lui faisait défaut ? Pourquoi ne pouvait-il plus trouver l’inspiration nouvelle ? Sans elle il n’était plus rien. Plus rien qu’un homme sans vie.

Plus tard dans la nuit, la porte tourna de nouveau sur ses gongs. Le chapeau à plume hésita un instant avant de franchir le seuil. Il ne pouvait plus rester dans cette prison… Dehors. Ailleurs. Les bottes en cuir frappèrent les pavés doucement, alors que le troubadour s’enfonçait dans les rues de Silversky, à la recherche des restes de sa flamme perdue.

Par Ibuki Tribal le 12/6/2002 Ă  12:08:08 (#1640801)

up =) :amour:

Par Leylia le 12/6/2002 Ă  13:00:59 (#1641123)

:lit: Wouaa superbe :amour: *clap* *clap* :amour:

Par Dodgee MIP le 13/6/2002 Ă  10:36:01 (#1646787)

Les pavés se suivaient, meurtrissures chaotiques d’un sol forgé par l’homme. Galiad ne savait où le porteraient ses pas. Il se contentait d’avancer, dans cette nuit d’encre. De temps à autre il croisait des ombres fugitives, habitants de la nuit qui s’affairaient dans les ténèbres ou ces autres passants qui se hâtaient vers leurs demeures. Tous, pourtant n’étaient que des souvenirs fugaces qui bientôt n’auront jamais existé. Il ne pouvait plus penser, plus rêver. Ses ailes étaient brisées.

Inconsciemment il avait emprunté la rue de la chouette, le ramenant vers la place de la fontaine. Combien de soirées avait-il pu passer au bord de celle ci, cherchant l’inspiration sous le regard de la lune ? Combien de temps avait-il rêvé, allongé sur le sol à contempler les étoiles, déchirant d’un geste le voile d’une réalité trop morne. A présent en serait-il seulement capable ? Il devinait en son sein la réponse cinglante. Non. Fatalement, il n’avait plus cette envie et ce plaisir. Il n’était plus rien, qu’une de ces âmes errantes qui cherche son chemin. Ces âmes qui ne connaissaient le repos et qui hantaient encore les couloirs de la crypte…

Doucement, il s’arrêta à côté de la fontaine, contemplant cette place vide et morne. Son regard errant de bâtisse en bâtisse, il soupira longuement. Qu’était-il venu chercher ? Son inspiration avait fui, sa flamme l’avait quitté. L’image que lui renvoyait le liquide ne lui ressemblait pas. Oh ! Comme il connaissait ce chapeau à plume qu’il arborait parfois, et cette cape qu’il enroulait sur ses épaules pour voyager. Pourtant ce visage sans vie lui demeurait étranger. Il n’était plus lui-même. Alors peut-être, oui peut-être était-il temps de repartir, loin de ces terres qui avaient vu mourir son inspiration. Il ne se faisait guère d’illusion pourtant. Dépité, il s’assit avec précaution sur le rebord de la fontaine. Ce soir, il ne rêverait pas, il garderait les yeux grand ouverts sur ce monde qui avait perdu son éclat à ses yeux. Ce monde dont il n’arrivait plus à saisir la magie…

Par Dodgee MIP le 14/6/2002 Ă  0:10:18 (#1651720)

Il savait ce qu’il lui restait à faire. Il n’avait guère le choix, il ne l’avait plus eu le moment où ses pas avaient franchi le seuil de la crypte des rois. Dès lors, sa destinée avait pris un chemin dont il ne semblait pouvoir se dépêtrer. Ce chemin qui le conduisait inexorablement vers sa perte… Sans sa flamme, il n’avait plus goût à rien. Il n’était plus rien en fait. Pouvait-on se contenter de voir le monde en gris quand on en saisissait chaque nuance de couleur ? Pouvait-on imaginer de vivre dans les ténèbres quand une flamme éclairait notre existence ? En un sens, son existence n’était plus que cette torture perpétuelle. Son inspiration avait fui. Non, au fond de lui il savait ce qui avait causé sa perte.

La crypte des rois. Il se revoyait encore en descendre l’escalier, et se retrouver au milieu des ténèbres. Tout avait basculé alors. Il avait d’abord avancé prudemment, avant de ressentir cette peur. Depuis qu’il sillonnait les routes, il avait appris à côtoyer la peur. Ce fut d’abord ces premières veillées dans la nature, où le moindre bruit suspect le faisait sursauter. Puis les brigands, les animaux sauvages… Et enfin ces aventures, modestes certes, au regard des récits héroïques qu’il pouvait conter lors des veillées, mais des aventures tout de même qui pour lui ressemblaient à des montagnes… Toujours, sa joie de vivre et sa soif de découverte l’avait prémuni de cette peur. Jusqu’à ce jour. Jusqu’à ce que ces esprits le hantent, pour ne plus le quitter.

A présent il entendait encore leur voix. Chaque murmure lui rappelait ces paroles qui s’immisçaient dans son esprit. La peur l’avait submergé. Elle n’avait pas glissé sur lui comme d’ordinaire, elle était restée, élisant domicile en lui, pour finalement chasser toute autre sensation. La peur. L’inspiration s’était tue, meurtrie. Le brasier était mort, doucement, ne laissant un temps qu’une sensation de chaleur qui disparut peu à peu. A présent, elle avait complètement quitté son esprit, les dernières braises rougeoyantes ayant cédé devant les ténèbres, et le froid s’empara de lui. Glace. Lentement, ses pensées se figeaient, incapable de penser à autre chose qu’à cette peur insidieuse et omniprésente. Comment dès lors sourire et plaire, conter ces histoires et ces légendes et faire sourire les uns avec une pointe d’humour ? Comment vivre, à présent ?

Il savait ce qu’il lui restait à faire. Ce n’était pas du courage. Ce n’était pas une décision prise sans réfléchir… C’était une sourde détermination, qui ne connaissait plus le doute. Là bas se trouvait la clé de son existence. Là bas, il raviverait cette flamme, il trouverait ces braises cachées sous les cendres pour faire renaître son inspiration. Il ferait taire cette peur, cette terreur. Ou il y laisserait sa vie. Qu’importe après tout, puisque la vie ne valait la peine d’être vécue sans flamme. Lentement, il se leva, contemplant une dernière fois le reflet que lui renvoyait la fontaine. Un regard vers ces bâtiments qui surplombaient la place, avant de se diriger vers les portes de la cité. Le guet ne ferait guère de difficulté, les gardes étaient habitués à voir des aventuriers entrer et sortir à toute heure de la nuit. Bientôt il serait en route vers son destin. Là bas, la pierre froide vibrait doucement, comme en attendant sa nouvelle victime. Une âme torturée qui viendrait rejoindre les cohortes de ceux qui ne connaissaient le repos. Dans la crypte des rois de Raven’s Dust, le vent soufflait doucement une longue complainte mortuaire…

L’aubergiste, à contre cœur finit par ranger les quelques affaires de ce troubadour de passage. Galiad, un ménestrel qui avait voulu goûter à l’aventure. Galiad de Loos. Un nom parmi tant d’autres. Combien d’aventuriers avaient disparu, ne laissant nulle trace ? La porte se referma sur la chambre, libre à présent…

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