Je dédicace ce texte à cet inconnu, l'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux.
Abidjan, 2109
L'arnaque avait fonctionné, et Robert Guérouge rentrait maintenant chez lui. Les experts de la banque se casseront certainement les dents plusieurs jours, avant de comprendre qu'ils s'étaient fait avoir.
Robert traversa la rue principale, dominée par les nouvelles tours d'habitation, dont certaines laissaient pendre des banderoles "European: Out of Africa" par leur fenêtre. Depuis les "changements" climatique du siècle dernier, le continent était devenu un paradis terrestre. L'immigration était permanente, mais comme l'avait dit l'année précédente le jeune président de l'union africaine : "L'afrique ne peut pas accueillir toute la misère du monde !".
Les hommes du président s'étaient alors lancés dans une politique agressive pour limiter l'arrivée massive de réfugiés climatiques, arrivant principalement d'Europe.
Ce n'est pas pour cela que la vie était facile, surtout pour Robert qui était lui même immigré. Sa famille, originaire de Côte d'Ivoire, avait vécu plusieurs générations en France. Mais avec le coup qu'il venait de réaliser, ses rêves pourraient certainement se réaliser. Tout comme dans son livre de chevet, Gatsby le Magnifique, qu'il avait lu des dizaines de fois. Il avait l'habitude d'expliquer à sa fiancée, lorsqu'il l'enlaçait, comment il voyait son futur : - Imagine-toi un manoir immense, du marbre, et un magnifique jardin à l'anglaise. Ce jardin est bordé de fontaines, de statues, et au milieu coule une rivière. Imagine-toi, marchant pieds nu dans le parc de la propriété, la douceur et la fraîcheur de la pelouse te transportant, imagine-toi...
Cela la faisait rire, elle s'imaginait, mais savaient que tout cela n'était que rêves...
Il pourrait lui prouver le contraire. Ce qui lui était propriété interdite auparavant serait dorénavant sien.
L'afrique avait changé. Elle était plus moderne et plus riche que jamais. Ceux qui avaient prédit, quelques décennies auparavant, la montée en puissance de la Chine et de l'Inde avaient occulté la donne climatique. Aujourd'hui, dans n'importe quelle ville du continent, il était courant de croiser des hommes d'affaire immensément riche, cigare Havanah à la bouche, habitant des châteaux toujours plus immense. On les appelait les "Legal Eagles*", rapaces encouragé par les gouvernement à se faire toujours plus d'argent. Pour se faire accepter par la population, ils organisaient des actions, dont la plus importante, la kermess des aigles, permettaient de financer les hôpitaux et services sociaux des pays de l'union.
Le président était parvenu à son poste tel un Brubaker : alors inconnu quelques jours auparavant du grand public, ses relations qu'il entretenait au parlement avaient voté massivement pour lui, les slogans "votez Mc Ky" avaient fait le reste. Il avait juré de luter contre la corruption, instaurer un système communautaire permettant à chacun de vivre au mieux. Mais il était bien évident que les mots ne resteraient que des mots. Et le dernier château en date construit, financé par les deniers de l'état, lui était bien sur destiné.
Enfin, aujourd'hui, cela arrangeait plutôt Robert, qui pourrait profiter de son argent sans se faire inquiéter ! Ils étaient aigles, il serait condor ! Et les jours du condor étaient arrivées !
Traversant la rue menant à son logement, Robert reconnu son ami, Butch Cassidy. Celui-ci avait adopté, deux ans auparavant, "le Kid" un orphelin anglais, qui vivait dans la rue. Butch Cassidy et le kid vivaient maintenant ensemble, le premier nourrissant le second, qui lui, par de menu larcins, améliorait leur quotidien. Le kid était réellement un fils pour Butch, et avec la grande qualité d'être débrouillard.
Robert se dirigea vers Butch, qui sourie lorsqu'il le reconnue.
- Alors Butch, la forme ?
- Rien ne pourrait aller mieux Bob, il faut d'ailleurs que je t'explique, car j'ai reçu un nouveau contrat aujourd'hui même. On va boire un verre ?
Robert acquiesça, et ils se dirigèrent vers le café se situant au bas de leur immeuble.
Il s'assirent dans un coin isolé, commandèrent leur verre, et Butch se lança :
- Regarde, on m'a proposé cela il y a quelques minutes.
Il sorti de sa besace un dossier, noté "personnel et confidentiel" sur la couverture.
- C'est assez risqué, mais ce n'est pas une proposition indécente, je te le promet, et j'aimerai que tu m'accompagnes, cette fois encore.
Robert se doutait que Butch lui ferait une telle offre. Mais maintenant qu'il avait fait ce qu'il avait à faire, il comptait bien décrocher.
- Tu sais Butch, j'ai beaucoup réfléchi ces derniers temps à tout cela. Nous avons passé nos plus belles années tous les deux, à réaliser ces contrats, mais maintenant, il est temps pour moi de me retirer. Je commence à vieillir, et je ne voudrai pas mourir aujourd'hui, en ayant l'impression d'avoir eu une vie inachevée.
Butch l'observa, un petit rictus se dessinant sur le coin des lèvre.
- Je me doutais que tu me dirais cela, Bob...
Il ouvrit alors le dossier, révélant des photos de sécurités notées "Banque centrale de Côte-d'Ivoire". Dessus, bien visible, se trouvait Robert.
- Mais vois-tu, mon ami, tu n'as pas le choix. Ce contrat, tu y participera, que j'ai ton accord ou non. Seulement, cette fois-ci, c'est toi qui sera de l'autre coté de mon arme !
Robert fixa Butch. Il se savait piégé... Dans un mouvement brusque, il fit alors voltiger la table, et pris la fuite en courant.
Son ancien compagnon, chasseur de prime, pris la suite.
La poursuite impitoyable, où l'amitié n'avait plus aucune valeur, pouvait commencer.
*Legal eagles est le titre original de l'affaire shelsea deardon
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