Culture majuscule et cultures minuscules

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Sylphide, vilaine égocentrique, il ne fallait pas tout prendre pour soi !


Je me permets de revenir sur quelques points.

D'une part sur la vision après coup de la culture. C'était pour le coup une réponse à Sylphide ; dire que les artistes les plus désavoués ont été les artistes reconnus par les siècles est à mes yeux une erreur, et par illogique, j'entendais assimiler les deux derniers siècles à deux millénaires et demi d'histoire culturelle relativement relatée.


Homère : et je me permets d'avancer là une des hypothèses historiques qui sont avancées, mais je dois avouer qu'en plus de sa cohérence, elle est assez partagée. Homère est donc un auteur du IXè s., jusque là c'est à peu près avéré, mais Homère aurait pris une place si considérable dans l'histoire littéraire et culturelle grecque parce que d'une part il aurait été une des premières œuvres écrites grecques ; cela permettait donc une diffusion plus facile que par voie orale. D'autre part, dans une optique éducative, cela permettait aussi de cristalliser la langue, d'autant que la longueur du texte permettait de rompre avec les facéties des poètes et poétesses.
L'importance d'Homère aurait donc été rapide.

Virgile : Il y a quand même vingt ans entre les Bucoliques et l'Enéïde, or Virgile est quasiment dès ses Bucoliques un auteur reconnu, au centre de l'engouement pour les lettres qui traverse Rome. Or ses deux premières œuvres sont loin d'être aussi tournées que la dernière vers une idée politique.


Plaute : je veux bien qu'il y ait une certaine retombée après sa mort (en 184, rappelons-le). Or il est remis au goût du jour cent ans plus tard ; est-ce dire que comme Molière a été occulté pendant le XIXè siècle, il n'en était pas moins une figure imposante de la culture française ?
Et quoi qu'on en dise, on louait la plume de Plaute. La Plèbe adorait sa vulgarité et son manque total de bienséance, ses invraisemblances et sa polémique ; les Patriciens s'ils lui reprochaient cela, voyait aussi le poète et la jeunesse noble se régalait de ses représentations osées. L'accomplissement de ce goût des Patriciens, ce sera Térence, plus doux et nuancé dans son comique.
Et il n'y a pas de différence entre un Plaute et un Molière - on compare souvent les deux, mais c'est à juste titre. Molière a fait nombre de pièces pour plaire à son public populaire : on allait pas y chercher le vers et la finesse, mais les bonnes blagues franches. Les vers de Molière y perdent-ils ?...


Le Moyen-Âge : je ne m'y connais pas assez. Et l'ignorant préfère se taire.


Ronsard : Ronsard arrive en Espagne par le biais du Siècle d'or espagnol qui reprend ses thèmes et ses formes ; par là même le Siècle d'Or se transporte en France au XVIIè. Les Humanistes français au premier desquels Ronsard sont au fondement de la culture européenne en tant que culture s'arrachant au christianisme et au monde latin. Donc de dire que Ronsard est oublié, c'est oublier que la France se trouve en Europe.

Montaigne : Hm... Montaigne a été largement connu pour les Essais pendant sa vie ; il en a même fait deux éditions différentes, ajoutant son troisième livre dans la seconde ; ce sont de plus les Essais qui lui permettent de rencontrer Marie de Gournay, qui édita la troisième version.

Corneille : Mettre Corneille au centre de la propagande de Louis XIV, c'est surréaliste, proprement surréaliste. Corneille vante dans chacune de ses pièces l'honneur aristocratique et le goût du sublime. Bien que Don Diègue soit nouvellement l'emblème de la royauté, le père de Chimène lui donne un soufflet. La moitié de ses héros sont des conjurés au nom de l'honneur, c'est tout de même assez peu pro-absolutisme !
Il faut bien voir en Corneille un des derniers avatars de la noblesse glorieuse et aristocrate qui commence à ployer sous le joug de Richelieu.
Et c'est de fait, dans la querelle du Cid, Corneille qui l'emporte. Pour preuve, c'est lui qui joue à l'Hôtel de Bourgogne, et c'est lui qui est élu à l'Académie.


Molière : Je ne me hasarderai pas dans la psychologie d'un auteur mort il y a quatre siècles.

Pour Hugo, Dumas et Lamartine : si ma grand-mère avait des moustaches et qu'elle habitait au Pôle Nord, on l'appellerait Papi l'esquimau.


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Apporter quelque chose de neuf pour traverser les âges... Je me demande si cela est vrai. Surtout quand on voit des exemples comme ceux des néo-classiques en peinture (début du XIX) que j'aime particulièrement, et qui sont loin d'être particulièrement innovants.
Entre le beau et le sublime (être beau en dehors des règles), il y a une différence.
Des vers de Baudelaire sont de simples et éculés sonnets, et pourtant ils sont beaux. Qu'apporte Beaudelaire de plus à ce qui a déjà été fait ?... Des thèmes ? Le romantisme allemand et français les a déjà pas mal utilisés. Des formes ? Assurément non. Non, je ne vois qu'un génie dans des formes courantes - cela n'enlève rien au génie.


Sur l'art comme marchandise.
L'art n'est que depuis peu une marchandise. L'art est chez les Grecs une pratique religieuse puisqu'il est dédié aux lieux sacrés ou aux cérémonies comme les grandes dionysies ; mais aussi par son origine même, puisque l'art découle de l'inspiration qui découle des Dieux. L'art a ensuite une large connotation publique ; ce sont les institutions qui servent l'art, il ne viendrait à l'idée d'aucun artiste de vivre de ses œuvres sans le secours d'un mécène. Virgile a besoin de Mécène. Shakespeare se fait sponsoriser par le Roi. Corneille a besoin de l'Hôtel de Bourgogne. Etc.
Or une marchandise, c'est quelque chose dans lequel on investit et qui rapporte.

A présent, on donne de la valeur à l'art. Un disque vaut tant ; une œuvre d'art se fait vendre tant dans une salle d'enchères ; des droits d'auteur rapportent tant. Ce n'est pas le cas auparavant : c'est la Polis qui fait vivre ses poètes ; ce n'est pas pour l'argent qu'écrit Montaigne ; Marivaux, quand son succès passe est surrendetté.

Et ce qui donne de la valeur, une plus-value à l'art, ce sont aujourd'hui les institutions. C'est-à-dire la presse, la critique, la télévision, les Académies, les musées. Mais c'est aussi ma foi une industrie : d'où la nécessité de ne pas faire bouger le goût des gens pour pouvoir l'exploiter.
Parce que l'économie a investi tant bien que mal même les arts, elle tente de cristalliser les goûts, c'est ainsi ; et ainsi réagit avec dix ans de retard (et encore...) pour considérer un courant, se rendant compte une fois que celui-ci a fait ses preuves, qu'il est viable.
Message supprimé par son auteur.
Citation :
Publié par Khyok
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Des vers de Baudelaire sont de simples et éculés sonnets, et pourtant ils sont beaux. Qu'apporte Beaudelaire de plus à ce qui a déjà été fait ?... Des thèmes ? Le romantisme allemand et français les a déjà pas mal utilisés. Des formes ? Assurément non. Non, je ne vois qu'un génie dans des formes courantes - cela n'enlève rien au génie.
C'est un peu facile de se fonder sur une notion aussi vague que le "génie" pour expliquer ce qui fait de Baudelaire un artiste. Qu'y a-t-il dans ses vers de plus que dans ceux du premier rimailleur venu? Pourquoi Les Fleurs du Mal c'est de l'Art Majeur, mais pas les chansons de Lorie? Est-ce que le génie de Baudelaire, c'est de nous faire entrevoir le Beau, à la mode platonicienne? Ou est-ce que l'on se pâme devant ses vers parce qu'on nous a appris à le faire, et seulement si on nous a appris à le faire...

Il me semble que c'est là l'objet de ce débat, non?
Citation :
Publié par Boy of Destiny
C'est un peu facile de se fonder sur une notion aussi vague que le "génie" pour expliquer ce qui fait de Baudelaire un artiste. Qu'y a-t-il dans ses vers de plus que dans ceux du premier rimailleur venu? Pourquoi Les Fleurs du Mal c'est de l'Art Majeur, mais pas les chansons de Lorie?
On ne compte plus les analyses et les thèses sur les oeuvres de Baudelaire.
Lorie, à part les gosses tout le monde s'en fout.

Elle est peut être un peu là la différence, la richesse d'une oeuvre qui fait que dans un cas on en fait difficilement le tour alors que dans l'autre une simple lecture suffit à comprendre et le sens premier du texte et le fait qu'il n'y a rien d'autre à en tirer.
Et ça c'est valable pour tout les autres genres artistiques bien sur.
Voila un premier exemple de critère objectif pour juger d'une oeuvre, la profondeur de celle-ci.
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