La vision des soignants (et surtout réanimateurs) sur la prise en charge des vieux est un peu biaisé par ce qu'on sait 1) de la disponibilité des lits qui vont être en tension mais surtout 2) de ce qu'on sait de l'évolution naturelle de la maladie. La ventilation est extrêmement prolongée comparé à ce qui se fait pour les pneumonies graves habituelles. Du coup le coût à payer en terme de catabolisme, perte musculaire, déconditionnement fait que sur des réserves physiologiques de personnes âgées (et ce d'autant qu'ils sont comorbides), la probabilité qu'on arrive à les ramener à un état d'autonomie satisfaisant est faible. D'où une politique de non admission en réanimation ou d'arrêt des thérapeutiques actives qui peut paraitre un peu brutale.
Ce faisant je n'adhère pas vraiment aux discours un peu dramatisant de certains réanimateurs à la télé concernant le fait de devoir "choisir les malades". D'autant qu'un des principes de l'éthique médicale est la juste répartition des moyens, ce qui rend en contexte contraint ce genre de décisions tout à fait éthique.
Concernant le fait que ça ne touche que les vieux, méfiez vous de la mortalité, c'est un mauvais indicateur. Hier nous avons placé un patient de 43 ans qui a le poumon complètement détruit sous assistance circulatoire extra-corporelle pour l'oxygéner relativement correctement. S'il survit, il en a pour des semaines, va perdre tout son capital musculaire, et qui sait s'il y aura des séquelles pulmonaires (sachant qu'ils ont des images au scanner vraiment étranges qui semblent plus destructrices et avec plus de remaniements que d'autres pathologies).
Sinon en réanimation chez nous c'est plutôt calme tout d'un coup. La stratégie est de remplir cette semaine toute les structures privées avec des patients classiques, pour attaquer la semaine prochaine avec des lits les plus vides possibles. Je n'ai bien sur pas accès aux informations de première main mais clairement la vague arrive et ça fait un peu flipper...
Enfin ça fait plaisir la solidarité du 20h. Je dois dire qu'en tant que réa je sens un vrai soutien de la population en ce moment, et même s'il n'est pas toujours traduit par les actes au quotidien, je le comprends car je pense que si ma situation au travail est tendue elle reste bien plus "facile" que pour ma famille par exemple qui traverse un sentiment d'impuissance.
Bon courage à tous pour les jours à venir
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