[Seigneur-Fou]

Le récit qui va suivre est une ébauche. Un travail de recherche qui découle du scénario que j'ai construit pour le troisième acte du Défi de Missiz Frizz, le concours de forgemagie. Peut-être servira-t-il un jour.


Introduction

La Guerre. Les contes pour enfants narrent les récits de chevaliers héroïques offrant leurs vies pour faire valoir un idéal, pour faire triompher le bien. Mais aucun mot, aucune formulation glorieuse ne saurait relater la réalité des événements. Les hommes et les femmes meurent pour un conflit qui les dépasse, emportant dans le néant les souvenirs et les regrets de ceux dont l'heure n'est pas encore venue.


19 Septange 646. La mort, la peur et rien d'autre.

Je ne suis qu'un anonyme, une âme parmi tant d'autres et mon nom importe peu. Je suis l'un des quatre membres d'un groupe de survivants qui a été détaché du reste de l'armée lorsque les voix se sont tues pour faire parler le métal. Une fin peu glorieuse, à peine plus que celles de ceux qui ont fait le choix de s'enfuir. Mais qui suis-je pour me porter en juge ? Qui aurait pu être en mesure de prédire la gravité des événements ?

Je me souviens d'une femme qui se prénomme Vanessa. Une stratège et une chef de guerre comme le monde en a rarement porté auparavant. Elle est d'une élégance et d'une beauté à faire pâlir les étoiles, Vanessa régnera un jour sur une large portion de la région d'Amakna. C'est pour elle que nous avons tous accepté de nous lever, sans trop savoir ce que cela impliquait réellement. Elle a trouvé les bonnes paroles pour éveiller l'espoir dans le cœur de ceux qui n'y croyaient plus. Mais la Baronne n'est qu'une femme, un être de chair et de sang. Elle n'a pas pu tous nous protéger contre l'enfer qui s'est présenté face à nous.

Mon bras me lance, la blessure n'est pas profonde mais la douleur est suffisamment présente pour accaparer l'esprit. Il serait toutefois malvenu de me plaindre, Hans qui se tient à ma droite a perdu le sien sur le champ de bataille avant que nous n'ayons eu le temps de nous mettre à l'abri. Le pauvre homme est forgeron, mais c'est surtout un père de famille qui a trois enfants à charge. Nous avons pu arrêter l’hémorragie avec les moyens du bord mais il commence à être pris de fièvre et d'hallucinations, il ne sera sans doute pas capable de reprendre la route. Les regards échangés avec les autres personnes en présence trahissent une inquiétude commune : fallait-il l'abandonner demain ? À quel point exactement son état doit-il se dégrader pour que l'un d'entre nous considère qu'il est acceptable de le livrer à son sort ? Je me surprends à penser que le mieux serait encore qu'il s'éteigne pendant la nuit pour nous éviter un tel dilemme. Mais nous sommes en guerre et notre survie à tous les trois est en jeu, les codes de la bravoure et autres considérations semblables devront malheureusement attendre...

Pour le moment il nous est impossible de savoir quel camp va l'emporter, notre meilleure chance de survie serait d'atteindre le Village Enseveli pour trouver de l'aide auprès des habitants. Nous estimons actuellement nous trouver non-loin des Crocs de verre, ce qui signifie que plusieurs lieux nous séparent de notre destination. Il nous faudra trouver des vivres car nous en manquons cruellement, mais la terre est très pauvre et rien ne semble pousser. Les anciennes légendes racontent que cette île a été autrefois la proie d'un destin tragique, elle semble en porter les séquelles aujourd'hui encore. Chasser sera l'option qui se présentera en dernier recours, les créatures sont dangereuses et tuent pour vivre. Nous pourrions toutefois récupérer des peaux car les armures que nous portons n'offrent qu'une protection superficielle contre le froid. Elles ne servent qu'à maintenir l'hôte en vie le plus longtemps possible au combat, et risquent fort de nous ralentir lors de notre progression.


Mon tour de garde approche, je ne vais pas pouvoir prendre la plume encore très longtemps. Est-il bien raisonnable que de tenir un journal dans un moment comme celui-ci ? Probablement pas. Mais si les créatures de la forgemage de Frigost nous trouvent, nous ne serons en mesure que d'opposer un acte de résistance purement symbolique. Ceux pour qui nous nous battons doivent pouvoir retracer les événements, et ces mémoires devront être transmise aux générations qui nous suivront pour qu'elles ne commettent pas les mêmes erreurs. C'est important.

[Seigneur-Fou]

Chapitre I : la traque

20 Septange 646. La nuit fut longue, il n'est pas aisé de trouver sommeil lorsque son corps porte encore le contrecoup d'une épreuve physique et mentale aussi intense. Les images se superposent et beaucoup d'interrogations restent sans réponse.

Hans était un homme robuste et fier, mais il n'a pas survécu à sa blessure. Pourtant il était assurément de nous quatre celui qui avait la meilleure condition physique, cette prise de conscience soudaine nous rappelle que le temps est compté et qu'il va falloir faire preuve de ressources et d'habileté si nous voulons rentrer. Nous prîmes le temps de réunir nos affaires et de lui offrir un lieu de repos décent, puissent les dieux qui règnent en ce monde l'aider à trouver la paix.

Cette nouvelle situation ne bouleverse pas nos plans outre-mesure, nous devons faire cap vers le Village Enseveli. Mais avant cela, il nous faudra trouver de quoi nous restaurer. N'importe quel militaire est habitué à se rationner et peut se permettre de faire quelques concessions sur les prises de repas si la nourriture fait défaut. Mais ici les choses sont un peu différentes : il fait trop froid. Maintenir l'organisme au chaud pour lutter contre les températures glaciales exige une certaine quantité d'énergie, nous ne tiendrons probablement pas plus de deux jours sans nouvel apport.

Les animaux qui peuplent les Crocs de verre possèdent tous des griffes et des dents acérées. Tenter d'en attraper un sans préparer de plan au préalable présente un risque, heureusement nous avons un atout dans notre manche. Amella est une disciple de Crâ issue d'une grande famille de chasseurs, elle possède des notions et des réflexes qui pourraient faire la différence.

Prédateurs et proies doivent cohabiter avec harmonie pour assurer la viabilité d'un écosystème. Le prédateur traque les proies les plus fragiles, et contribue ainsi à réguler le nombre d'individus et d'espèces qui peuvent cohabiter dans un même espace. Une zone sans chasseurs impliquerait irrémédiablement une disparition des ressources naturelles disponibles, et suivant le même principe, une faune uniquement constituée de prédateurs a peu de chance d'exister car les individus finiraient par s’entretuer à une vitesse bien supérieure au rythme des naissances. La région des Crocs de verre en l’occurrence ne montre aucun signe de déséquilibre. Les deux profils doivent cohabiter.

C'est une information doublement intéressante. Le prédateur possède forcément une force, une agilité ou une intelligence supérieure qui lui permet de prendre régulièrement l'avantage. La première possibilité est généralement la plus courante, et on sait également par expérience que leur viande est moins intéressante. Moins riche en graisse. Nous n'avons donc aucune raison de nous attaquer à une espèce qui se trouve trop au sommet de la chaîne alimentaire. Un Fleuro constituerait probablement la cible idéale, il est chétif en apparence et évolue au sein d'un groupe individus ce qui laisse à penser que c'est sa manière de se défendre face à des créatures plus fortes que lui.

En attraper un représente tout de même un challenge de taille. Nous ne pouvons pas nous permettre d'utiliser nos pouvoirs au delà d'une certaine mesure pour ne pas éveiller l'attention. Si Missiz Frizz l'a emporté contre les forces de Vanessa, elle enverra ses créatures sans âme traquer tous les survivants pour faire disparaître le reliquat de cette rébellion.


Amella me fait signe, il est temps de lever le camp. Quel dommage, l'écriture était un prétexte tout trouvé pour m'occuper l'esprit et prendre un peu de recul sur les événements. Mais nous avons beaucoup à faire et je dois mériter ma place, c'est une nouvelle étape qui commence.

To be continued...