J'ai fait ce que j'ai pu...

Par Fyrh Afira Fahr le 30/9/2002 à 16:43:28 (#2260040)

L’arch-séraphe se tenait au front du navire, bras croisés, campé sur ses jambes, le visage fermé aux vertus vivifiantes de l’air du large. Il aurait pu faire office de figure de proue si son rictus ne lui avait pas donné ce terrifiant air de gargouille. Sa silhouette immense, déformée par ses deux puissantes ailes, mettait au défi quiconque aurait osé couper la route du vaisseau, et surtout, quiconque aurait osé chercher à atteindre son protégé. Il tourna la tête pour l’apercevoir et put constater sans surprise qu’il n’avait toujours pas quitté son banc, depuis des heures.

Il n’était même plus l’ombre d’un zombie. Il avait maigri d’un quintal, il avait rapetissé de dix lieues, il avait vieilli de cent mille ans. Il était sorti de l’enfer pour se consumer dans quelque chose de pire et ce qui lui restait à brûler tenait sur une tête d’épingle. L’homme suait le néant de tous ses pores. N’importe qui d’humain l’eût achevé pour se soulager d’une pitié tellement intolérable qu’elle refusait d’exprimer ne serait-ce qu’une larme. L’arch-séraphe chercha ses yeux pour lui pleurer sa honte, mais ce qu’il avait sous le front ne pouvait plus être regardé.

Il avait demandé à mourir en Goldmoon, et Fyrh, qui pourtant avait tout fait pour qu’il ait la vie sauve, avait accepté. C’était un vœu comme on ne peut le refuser, la dernière volonté du moribond, trop définitif pour être discutable. Ce n’était pas l’idée du voyage qui dérangeait Fyrh : n’importe où eût été mieux que l’Angélus. Non… Il refusait que ce royaume soit son tombeau, bien qu’il sût cela inévitable.

Fyrh Afira Fahr, arch-séraphe du Très saint Ordre Dignité et Lumière, héritier-régent de la province angélusienne du Qisan, tourna son regard et ses pensées vers l’horizon. Dans deux aubes, ils atteindraient les quais de la capitale, Silversky, et l’homme irait y rencontrer son destin. Il ne connaissait pas même son nom, et ne le connaîtrait jamais. Pour lui, il était le stigmate douloureux de l’inhumanité des hommes, la séquelle vivante de la cruauté que son Ordre s’était juré de combattre et surtout une victime anonyme abandonnée à l’agonie. Deux aubes encore de cette insupportable attente, à ruminer les mêmes noires pensées, avant d’avoir enfin le droit de sombrer dans le bien-être doucereux des remords.

Par Aina HarLeaQuin le 30/9/2002 à 16:48:14 (#2260079)

Très intéressant tout ça et joliment écrit. :chut:

Par Ehr Treïn Lhin le 30/9/2002 à 18:19:26 (#2260711)

:lit:

Par Cendre le 30/9/2002 à 22:51:57 (#2262247)

quelques larmes

Par Fyrh Afira Fahr le 3/10/2002 à 19:49:09 (#2277300)

Le navire s'éloignait déjà des côtes de Raven's Dust, accroissant chaque seconde la distance entre l'arch-séraphe et l'homme qu'il avait laissé derrière lui. Il se remémorait la séparation. Fyrh avait une nouvelle fois tenté de connaître son nom, et l'homme avait répondu :
- Je me nomme Fyrh Afira Fahr. Si vous permettez cet emprunt.

Il n'avait pas su que répondre. Puis, l'autre s'était éloigné, son visage torturé dissimulé sous un étrange masque blanc aux traits désagréablement fixes. Soit, il porterait son nom, si tel était son désir. Quelle importance après tout ? En regardant la silhouette courbée du nouveau Fyrh, l'arch-séraphe se fascina une dernière fois du mystère qui planait autour de l'homme, et qui sans doute, pour lui, planerait toujours. Sa destinée était désormais en Goldmoon, et il suiverait sa propre voie.

- J'ai fait ce que j'ai pu, murmura Afira Fahr de Qisan. Et son ton portait de nettes traces d'amertume.

Par Alanis Lyn le 4/10/2002 à 2:09:10 (#2278981)

Un autre bateau dans le lointain... Son regard s'attarde sur la danse des vagues, et la ligne fixe de l'horizon, si lointaine et si proche...
Puis elle se tire de sa reverie, tournant les talons pour retourner vers la ville.

Il y a encore trop a faire pour laisser filer les journees inutilement sur une plage. Non, l'heure n'est plus a regarder les navires...




(original et intriguant)

Par Syndrael le 9/10/2002 à 12:05:17 (#2303237)

Le port de Windhowl, agitation permanente, chargement de cales, entre les rumeurs de l'auberge et le vacarme discontinu de la tour des mages à deux rues de là.

Elle se tient face aux flot, frêle silhouette de nuit, "vacillant bougie" ornée d'une flamme noire, portée par le vent salé du large.

Il y a quelques mois, un bateau a quitté ce port.. pour ne jamais revenir ? Il est revenu pourtant, mais elle n'y était pas. Est-ce pour cela que ce retour ne lui a jamais semblé vraiment réel ?
Comme le départ, il appartient à une autre vie, dans laquelle elle ne replongera pas.. elle s'y noierait, encore.

Syndrael