|
Cette édition, organisée par Nsileal/Mosimus, avait pour thème les jeux d'argent. A vous de départager le meilleur texte parmi les quatre en compétition !
Texte n°: 1
Paul est en haleine. Il vient de courir les 400 metres qui separent cette vieille bouche de metro,"la chapelle", de cette porte en chene clair ,dont la paume ne brille plus depuis longtemps.
Le message sur le repondeur resonne encore au fond de sa tete: "rdv au 72, rue de la p à 08H. URGENT. Maitre Bejard"
Paul s'est levé tot ce matin. Il ne dort plus depuis 2 mois. Depuis que son entreprise a fait faillite, il repense aux erreurs de gestion, à sa trop grande generosité, à cette maison qu'il a offerte à sa femme, à cette villa qu'il a construite et cette Ferrari qui dort maintenant à la fourriere.
C'etait le grand luxe mais Maitre béjard est passé et il a tout raflé. Maitre bejard, huissier de justice mandaté par la prefecture de paris, a flairé le gros dossier. Il sait que s'il tire le max de cette affaire, il pourra s'acheter une croisiere aux caraibes. Ca ferait tellement plaisir à Candice, sa femme. Et tant pis pour les dommages collateraux...
Paul frappe à la porte. Aucune réponse. Il cherche alors un nom sur l'interphone et, ciniquement, il choisit le plus usagé, celui qui doit servir aux basses besognes.
"Cabinet du Maitre bejard, à qui ai-je l'honneur?"
/Un cabinet pour soigner les malades, ceux atteints de la folie des grandeurs/
"Paul Verme, je suis en retard. Desolé" -Mais ca va s'arranger,n'est-ce pas! Ce couteau que tu dissimules au fond de ta poche,ca va s'arranger! C'est juste pour intimider. Juste pour reclamer un delai et tu ne veux pas le tuer, paul! Sauf si...
" Montez Mr Verme, c'est au 3eme, porte gauche".
Paul ouvre et avance d'un pas. Il voit se dresser devant lui un sompteux salon style empire que ne renierait pas Napoleon lui-meme. Des tentures de velours tapissant les murs marbrés entourent un escalier en colimacon. Au milieu trone un immense ascenseur à la cage dorée. C'est le grand luxe mon coco! Il aura fallu quelques camionnées de chomeurs et de misereux pour tapiner dans ce bordel!
Paul ouvre la cage d'or et enclenche le bouton "13". Ca porte bonheur ,il parait. A l'etage, une secretaire bien roulée lui indique le chemin et paul entre dans le bureau.
-"Entrez mon cher Paul, comment a été votre journée? Rose ou morose?"
/Un coup bien placé dans l'echine ne l'acheverait pas,Paul. Tu as trouvé mieux!/
-" Bonjour Maitre."
-Bien ,je vous ai convoqué au sujet du redressement fiscal de 6 millions d'euros que vous avez recu et comme je connais votre tragique situation financiere... J'ai appris que vous aviez vendu votre maison recemment, sans doute pour honorer une autre dette. Bien entendu, vous m'en voyez fortement contrit. Et votre femme qui veut divorcer... Je pensais que, euh, avant qu'elle...
/Et oui , prend ton souffle ma grande , balance lui la purée!/
...Enfin, votre ex-femme pourrait peut-etre vendre sa maison. Si..."
-"Aimez vous jouer Maitre?". La question a surpris son interlocuteur qui repond machinalement. Comme s'il sentait le vent tourner aigre.
-" Je condamne généralement toutes les formes d'exces. Je suis fort intruit des malheurs que le vice en général peut apporter. Aussi non, je reste sobre et ne sais pas succomber à cette luxure-là".
-"Pourtant, vous jouez quelque part avec la vie des gens. Cette "luxure-là" ne vous tord pas la concience apparement!".
-"mais c'est different! c'est mon metier"
-"Taisez-vous, vermine".
Le regard du maitre se racornit soudain à la vue du couteau dont la lame semble refleter un visage: celui de la mort. Il se crispe meme et quelques gouttes de peur commencent à jaillir et inonder son visage. Oui, ca fait ca quand on approche le joujou de la gorge deglutie.
"Mais! je..."
-"Vous osez ne pas comprendre, peut-etre. Peu importe. J'ai un jeu à vous proposer: un poker d'un nouveau genre."
Paul etait employé de bureau à la CGE. Il noicissait son quota de feuilles de declaration et repondait passivement aux jeremiades interminables des clients dont la maison etait inondée ou la facture impayée.
Puis il a grimpé les echelons jusqu au poste de directeur et de là, il a decidé d"ouvrir une boite d"export dans les produits petroliers. Le seul hic cest qu'il s'est appuyé de conseillers de la Societé des Particuliers( SdP) et plus particulierement du plan d'actionnarat proposé par un certain Kerviele Mathieu. Ca l'a ruiné en 3 jours...
Ok c'est le jeu. On parie, on perd. On perd meme tout: sa femme, sa maison,ses enfants et son entreprise. Son boulot aussi car il faut se remetttre du choc psychologique. Mais que venait faire ce fichu huissier qui reclamait encore de l'argent sur les ruines fumantes de son echec?
C'est là que Paul a craqué. C'est là qu'il decidé de ne plus jouer le jeu mais de le fabriquer et il va frapper fort!
Il sort un jeu de cartes Piatnik super luxe et l'evente devant l'huissier.
"J'ai coché 5 cartes bien precises dans le jeu et chacune d'elles correspond à un membre de votre famille. La dame de coeur sera votre femme, carole. Le roi et la reine de pique, vos parents.
Le 7 de carreau pour votre fille agee de 7 ans et de meme pour votre fils ,hector, agé de 9 ans."
Il arrive souvent que l'on s'acharne à construire sa vie en tentant de remedier aux situations les plus tragiques. La cuisiniere ne marche plus, on va chez Conforama. Le petit a une colique, on l'emmemne chez le docteur. On depense ainsi une quantité astronomique d'energie à maintenir notre affaire en place. Sauf qu'un jour, tout se deregle. Ce que l'on a construit toute une tranche de vie et de salaire peut etre annihilé l'espace d'un instant.
Certains appellent cela "un changement de cap", mais Maitre bejard ne l'a pas encore compris. IL le vit à l'instant et ne peut pas encore le visionner avec recul.
Pour l'heure, son visage exprime l'effroi et l'incomprehencsion. Il veut paniquer et hurler mais ce couteau l'en empeche. Il se rencogne et cherche uen solution à ce probleme. Mais elle n'existe pas!
"-Choisissez une carte."
Quelles sont les regles du jeu? L'huissier subit la situation. il aurait aimé soudoyer son agresseur mais ce dernier reste imperturbable. Froid et determiné...
L'huissier tend la main et prend au hazard de son tremblement nerveux une carte: l'as de coeur!
C'est une tres belle carte, ma foi. La plus forte du jeu mais elle ne correspond pas aux regles de Paul. L'as de coeur, c'est tout sauf les 5 cartes qu'il a coché. Sa femme va mourir.
Paul sort alors une telecommande de sa poche et appuie sur un bouton. C'est tout...C'est fini pour elle.
"Qu'avez -vous fait, sale ordure?" Dans un eructement de colere melé de desespoir, l'huissier aborde un ton sec et determiné. Il vit la scene avec conviction car on joue la peau de sa famille.
Il veut poser les questions qui taraudent son esprit devenu malade.Pourquoi lui? Pourquoi sa famille?
Paul a tout prévu. Il a installé une bombe dans chaque endroit ou la famille Bejard reside actuellement. IL les a testé un mois avant sur des mannequins et a reglé les derniers details du feu d'artifice. Pas de doute, ca saute comme un bouchon de champagne.
-"Une carte, maitre bejard."
L'as de pique sort du lot et se pose sur la table Noyer. Il n'est pas commun cet as, se dit Bejard. Il se penche et voit son visage!
C'est donc lui le prochain! C'est lui qui va sauter en redecorant le plafond! IL voulait valser, cest le moment. Et il voit Paul sortir un remington et BAM, une grosse claque de sa femme, candice qui le reveille instantanément.
Le maitre a le front en sueur,pire qu'en plaidoirie. Il se reveille lentement et se rend compte qu'il a fait un mauvais reve!
Dieu soit loué, le cauchemar est terminé. Sa femme le sert dans ses bras. Il dejeune...part au travail.
Aucun RDV aujourd'hui. Mr Bejard a decidé qu'à partir d'aujourd'hui, il plaiderait un peu plus en faveur de ses clients en tentant de ne pas trop les achever avec ses dettes inremboursables.
Il s'est cependant refusé à renoncer à ses honoraires: un travail est un travail!
"Maitre bejard!" Carla, sa secretaire.
" Oui?"
"J'ai oublié de noter un RDV pour aujourd'hui à 9H, un certain Paul...Je suis vraiment desolée"
C'est pas grave ma belle, le destin est en marche et ce n'est pas un reve premonitoire qui l'empechera.
Texte n°: 2
C'était en 2001. J'avais déjà participé à pas mal de LANs clandestines, mais celle là était particulièrement énorme. Les organisateurs, des russes, mettaient plus de 20 000€ en cash prize, et avaient invité à Paris la crème de la crème des joueurs européens de Counter Strike .
Moi, j'étais là pour le tournoi de FIFA (2001), doté de 4000€, comme le tournoi de starcraft, mais les 12 000€ sur le tournoi de CS constituaient une sorte de record.
Bien sûr, aujourd'hui, ces sommes paraissent dérisoires, quand on voit les centaines de milliers d'euros joués sur une seule partie de PES comme l'été dernier à Eindhoven, mais à l'époque, c'était vraiment impressionnant.
Le grand prix, moi, je m'en foutais. J'avais assez longtemps traîné mes guêtres dans les LANs, des plus pourries, dans les caves, au fond de quartiers où la police ne va plus depuis des années, jusqu'aux plus luxueuses, dans des villas de milliardaires cocaïnés de pères en fils, pour savoir que le pognon, c'est pas en jouant à des petits jeux qu'on le gagne.
J'avais repéré ça depuis longtemps, les petits mutants du joypad, des gamins qui avaient 10 ans de moins que moi, je ne pouvais pas lutter contre eux. En plus, à FIFA, il y a deux écoles: les adeptes du beau jeu, dont je fais partie, et les adeptes de l'exploitation des failles, qui gagnent tout le temps.
Les failles, je les connais aussi. Mais gagner en utilisant les failles, c'est pas gratifiant. En jouant du beau jeu, j'étais monté 8-10ème meilleur français, j'étais pas le meilleur du beau jeu, mais de toutes façons, contre les pros des failles, même en jouant à leur jeu, je n'avais aucune chance.
Je m'étais habitué à perdre volontairement après 2 ou 3 tours. Je n'allais jamais plus loin que les quarts de finale. Après ça, je rôdais dans la salle à la recherche d'une proie. Un fils de bourges plein aux as et sûr de sa force. Je lui proposais une partie amicale. La première, je la gagne toujours, mais de justesse. La seconde, toujours amicale, je le laisse gagner, pas avec beaucoup de buts d'avance, mais avec une grosse domination.
Pour la belle, je propose de mettre du pognon en jeu. Avant ça, j'essaye de discuter avec le gars pour savoir un peu qui il est et d'où il vient. Généralement, je propose 50€, mais quand je vois que le gars a du répondant, je peux monter à 100 ou 200. Les premières fois, je gagnais la belle! Quel débutant!
Bien vite, je les laissais gagner la belle, et même la suivante, avant de les plumer sur la dernière. Plus je le laissais gagner de parties avant la dernière, plus je gagnais gros. Evidemment je devais faire attention et beaucoup bouger. Chaque week-end, je partais de plus en plus loin de chez moi, et je gagnais de plus en plus de pognon. Le système était bien rôdé.
Pour la soirée aux 20 000$, je voulais aller assez loin dans la compétition, parce que je voulais faire un gros coup. Je me suis retrouvé en quarts de finale, parfait. Ca avait failli se corser parce que mon adversaire était tellement minable que j'ai du me mettre un but contre mon camp à 3 minutes de la fin pour lui permettre de me battre en prolongations. Personne ne misera un kopeck contre un demi-finaliste du plus gros tournoi de l'année... Déjà en quarts, je prenais de gros risques, mais je voulais un gros poisson, et j'en avais repéré un.
Un fils d'émir de je ne sais quel pays du golfe que j'avais remarqué quelques mois plus tôt sur un tournoi à Deauville. Blindé comme c'est pas permis, j'avais décidé de me le faire, ce soir là. J'espérais repartir avec beaucoup plus de flouze que le gagnant du tournoi, c'était pas possible autrement.
Je l'ai ferré à la méthode fine. Sur la première partie, je l'ai laissé mener jusqu'à la 75ème minute. Après, j'ai utilisé une petite faille pour égaliser. j'ai même lâché un petit "sorry" qui devait avoir l'air très sincère. Ensuite j'ai poussé un peu le beau jeu, et j'ai gagné. Il était vert.
La revanche, comme d'habitude, est pour lui. Il gagne, 3-1 en me mettant un but surprise pendant les arrêts de jeu. Pour la belle, je lui propose un enjeu, sans proposer de somme, il accepte, évidemment. Il demande "How much?", et là, je réfléchis vraiment, et je lâche les chevaux, je dis 500€. Il me regarde et dit "ok for 1000?". J'ai eu un peu de mal à garder mon calme, parce que je sautais de joie à l'intérieur, mais j'ai répondu "Ok", comme si ça ne me posait aucun problème.
La règle de base pour les paris en LAN, je pense que tout le monde le sait, c'est qu'il faut allonger l'oseille avant de jouer. Le crédit à des petits boutonneux imbéciles, c'est pas un bon placement. J'avais prévu le coup et j'avais 2000€ sur moi. J'en pose 1000 sur la table, et le gars me sort une liasse de billets de 500€ et en pose 2 sur le clavier.
La liasse m'avait légèrement fait changer le plan d'attaque, et j'ai gagné la belle, et empoché les 2000€. Il fulminait. J'ai fait semblant de partir, il m'a retenu en me proposant de jouer 2000€, je n'en attendais pas moins. Les 4000€ posés devant nous, ça commençait à faire un gros tas de billets, et on voyait bien qu'on commençait à nous regarder un peu de travers.
J'ai pas mal hésité. Je pouvais rentrer chez moi avec un gain de 3000€ en le battant, mais j'étais obnubilé par sa liasse de billets. Je l'ai laissé gagner, honteusement, il était vraiment trop nul. A la fin du match, je jetais ma manette par terre, l'air vraiment énervé, lui bien sûr, il souriait de toutes ses dents.
Il venait d'empocher 4000€, mais en réalité, il m'en avait pris que 1000 depuis le début. C'était le moment de porter le coup de grâce.J'ai pris une feuille de papier, j'ai tracé une ligne au milieu, écrit mon nom d'un côté, et en dessous, le chiffre 6000. J'ai signé en bas. Il a pris la feuille, a écrit 6000 et a signé en bas.
Je ne voulais pas le laminer. Il allait perdre 6000€, et je ne voulais pas en rajouter, et me griller en plus. Il fallait que ça soit serré. J'avais décidé de le battre en prolongations. Je le laisse mener 1-0 à la mi-temps. La seconde période débute, et il me colle un but complètement naze exploitant un bug du gardien. Je ne m'affole pas, je commence à jouer sérieusement. A 15 minutes de la fin, je réduis le score, et je commence à pousser un peu plus pour égaliser.
Il n'a quasiment plus touché le ballon jusqu'à la fin du match. J'ai tiré, tiré, et tiré, mais rien n'est rentré. Dans les arrêts de jeu, j'obtiens un pénalty, le truc impossible à rater. Evidemment, je le loupe, je perds le match.
Il me regardait en rigolant. "I stop for tonight" dit-il en poussant la feuille devant moi. J'ai tenté un "A last one?", mais évidemment, il a secoué la tête en tapotant la feuille avec son doigt. Je lui ai dit que c'était dans ma voiture, en espérant trouver une solution sur le chemin. Nous sommes sortis de la salle, et le type qui nous a accompagné, son garde du corps, j'imagine, n'avait vraiment pas l'air commode.
Sur le chemin du parking, je me suis mis à courir comme un malade, tournant dans les petites rues, escaladant des barrières, j'ai couru autant que je pouvais. Quand je me suis senti épuisé, je me suis jeté dans une grande poubelle collective derrière un immeuble, et j'ai attendu sans bouger... Pendant au moins deux heures.
J'en suis ressorti un peu avant l'aube, je me suis faufilé jusqu'à ma voiture et je suis rentré chez moi. Inutile de vous dire que depuis, je ne fréquente plus trop les LANs. Par contre, je me suis ouvert un compte sur pokerstars, et ça se passe plutôt bien. Il n'y a pas de raison de changer une méthode qui marche!
Texte n°: 3
Il était dans le noir.
Depuis combien de temps... il ne saurait le dire. Le concept de «Temps» ne le touchait pas.
Il n'était pas seul, ils étaient quelques autres comme lui.
Pour eux non plus le temps n'avait pas d'importance.
On aurait pu croire d'eux qu'ils attendaient.... mais ils n'attendaient rien. Ils étaient là c'est tout.
Rien de plus.
Rien de moins.
Comme lui.
Soudain la lumière se fit au dessus d'eux. Une lumière vive. De tout là haut un homme les observait. Ce dernier les regarda un à un, bien qu'ils soient tous les mêmes, comme s'il était important de ne pas se tromper.... Puis finalement il le choisit... LUI.
L'homme le prit délicatement... comme pour ne pas l'écorcher.
Il lui susurra des mots doux. Il le caressa du bout de ses doigts... Il s'adressa à lui religieusement.... presque mystiquement.... des mots d'encouragement...
Puis tout aussi doucement il le dirigea vers le début du parcours.
Allez... vas-y mon beau...
L'homme l'introduisit délicatement entre les deux parois de la gorge et le laissa là quelques instants.
Devant lui des profondeurs obscures. Derrière lui la lumière intense et chaude... le bruit....
Puis l'homme le poussa.
Il dévala la légère pente et, en déséquilibre, laissant derrière lui le jour, il s'enfonça dans les ténèbres. Les parois le guidaient... il n'y avait qu'un chemin possible. Il l'aurait su s'il avait eu de la mémoire, ce n'était en effet pas son premier passage en ces lieux.
Il n'avait pas beaucoup à parcourir avant le premier test. Un léger décrochement au sol... il s'en sortit... puis quelque chose l'accrocha légèrement.... il passa aussi.
S'il avait été trop grand, trop petit, trop épais ou pas assez, il aurait été à cette étape redirigé sur un autre chemin.... mais il avait les bonnes mensurations.
Il arriva donc à l'endroit du second test. La pesée.
Heureusement, il n'avait pas grossi. Comment aurait-il pu ??
Il fut donc décrété conforme. Un déclic métallique... Quelque chose se libéra... un mécanisme... Et son parcours se poursuivit.... Jusqu'à la chute....
…. et soudainement il surgit du noir et sa chute s'arrêta.
Il baignait dans une lumière diffuse. Il se trouvait dans une espèce de compartiment aux parois diaphanes qui l'enserraient au plus près.... aucune latitude sur les côtés... Au dessus de lui le compartiment montait très haut et impossible de savoir jusqu'où il descendait «sous ses pieds». En effet.... point de sol.... il y avait en fait sous lui un de ses semblables, et sous celui-ci un autre... et ainsi de suite. Combien pouvaient-ils être ??
Accolés au sien se trouvaient deux autres compartiments identiques, de part et d'autre.
Et le temps passa. Mais pour lui le temps ne comptait pas.
Des bruits assourdis parvenaient allez savoir d'où. Des mécanismes semblaient en branle partout autour. Des vibrations... des cliquetis... des engrenages....
Tout à coup un de ses semblables tomba au-dessus de lui... il avait emprunté le même parcours.
De nouveau des bruits.. des vibrations... du temps... puis un autre de ses congénères... et un autre encore... et ainsi de suite.
Et puis un bruit différent. Plus fort bien qu'étouffé. Plus long. Une stridulation intense.
Et la chute, soudainement....
Sous lui ses semblables se dérobaient et avec eux il se sentit aspiré vers le bas suivi par tous ceux qui se trouvaient au-dessus.... Il laissa donc derrière lui la lumière tamisée et fut de nouveau plongé dans le noir mais pour un court laps de temps. En effet le puits dans lequel il chutait s'incurva légèrement jusqu'à prendre des allures de tunnel pentu et, au bout de celui-ci, une vraie lumière chaude apparut accompagnée par un brouhaha déjà assourdissant et gagnant en intensité au fur et à mesure qu'il s'approchait de la sortie....
Il émergea alors du conduit et tomba dans une sorte d'enclos profond et immense, aux parois métalliques dorées, où l'attendaient déjà des centaines, des milliers peut-être, de ses semblables, et où continuaient à tomber tous ceux qui étaient au-dessus de lui mais aussi ceux qui se trouvaient dans les deux autres compartiments attenants. Autour de lui tout n'était que bruit et fureur... lumières et néons... cris et exclamations... et à tout ça s'ajoutait le vacarme irréel que faisaient ceux qui, comme lui, continuaient à tomber.
Il en sortait tellement... !! Puis bientôt il y en eut moins, puis presque plus, puis plus que deux ou trois, puis plus du tout. Ils avaient fini leur parcours. Enfin presque...
L'homme, qui attendait que tous enfin soient arrivés, se pencha alors vers eux et, avec beaucoup moins de ménagements mais avec beaucoup plus d'excitation s'en empara. Non pas un par un et avec douceur, comme lorsqu'ils étaient peu nombreux et qu'il les choisissait avant le parcours, mais avec avidité et empressement. Ne se souciant pas de les ménager, n'ayant pas de scrupules à les écorcher, il les poussait à pleines mains.... faisant même tomber quelques uns d'entre eux.
Puis, quand ils furent tous rassemblés et sous les hourras de la foule qui l'entourait, l'homme les emmena avec lui.
Il se dirigea vers le comptoir derrière lequel se trouvait une femme.
Ils parlèrent.
La femme alors les introduisit dans une espèce de grand enclos circulaire, au sol en pente vers son centre, où un trou se trouvait, comme seule et unique issue.
Une vibration sourde et régulière anima alors le sol sous eux et, entraînés vers le bas de la pente ils commencèrent à tomber rapidement, déclenchant à chaque passage de l'un d'eux un petit bip.
Mais là il n'y avait pas de chute. Au sortir du trou ils étaient alignés, soigneusement, dans un nouveau compartiment, aux parois de velours rouge. A chaque fois que cinquante d'entre eux étaient passés une sorte de barrière se déplaçait pour diriger les cinquante suivants vers le compartiment voisin, là encore gainé de rouge, et ainsi de suite.... jusqu'au dernier.
Ensuite elle paya l'homme et celui-ci, satisfait, s'en fut.
Tout là haut, au-dessus de lui, la femme se pencha vers eux et le noir se fit.
Pour combien de temps... il ne saurait le dire. Le concept de «Temps» ne le touchait pas.
Il n'était pas seul, ils étaient beaucoup comme lui.
Pour eux non plus le temps n'avait pas d'importance.
On pourrait croire d'eux qu'ils attendaient.... mais ils n'attendaient rien.
Ils étaient là, c'est tout, dans une boîte à jetons de machine à sous.
Texte n°: 4
Tant que tournent les cylindres …
Tous les jours, le même scénario, la même histoire répétée calmement. Première pièce qui tombe dans l’appareil, un cling sonore qui tranche sur le silence des autres appareils. Il abaisse le levier de l’appareil et les cylindres s’animent. Il ne les regarde même pas.
Les symboles bougent très rapidement puis en ralentissant de plus en plus.
Deuxième pièce. Le son est moins sonore cette fois. Levier et tournement. Tant que tournent les cylindres, il se sent vivant, rien n’est joué, il peut encore gagner. Souvenirs de la seule partie qu’il aurait absolument du gagner et qu’il a pourtant perdu. C’était dans une autre vie, c’était il y a trop longtemps. Les cylindres de la machine tournent encore.
Il était jeune, il avait de l’argent et il avait de la chance. Mais il était joueur et il aimait jouer. Plus grosse était la mise, plus excitante était la partie. Il avait la Chance avec lui, elle ne l’avait jamais trompée. Même les plus fidèles compagnes se lassent parfois.
Les cartes étaient distribuées. Comme à son habitude, il ne les regarda qu’une fois qu’elles furent toutes distribuées. Une main ne peut s’apprécier si elle est incomplète. Petit sourire de satisfaction comme à son habitude. Augmentation de la mise. Il avait confiance.
Il jouait là sa maison, sa réputation, une somme qu’il avait prévu de consacrer à un voyage à deux avec sa douce. Il avait gagné jusque là. Mais il n’avait pu refuser de jouer la dernière partie de la soirée. Après tout, la Chance ne l’avait jamais quitté. Jamais. Jamais sonne parfois comme « pas encore », comme une annonce ténue de choses qu’on pense ne jamais vivre jusqu’à ce qu’effectivement elles sonnent à la porte.
Il était confiant. Il se savait joueur, il lui restait à se découvrir pire que joueur. Cette fameuse nuit, il était devenu perdant.
Les cylindres s’arrêtent sur des motifs disjoints. Dernière pièce.Ca prend un peu plus longtemps de l’insérer. Il se souvient de chaque carte de la main qu’il avait. Un full aux dames par les 3. Dame de Pique, Dame de Carreau, Dame de Cœur. Seule la Dame de Trèfle était absente.
Il utilise le levier pour la dernière fois de la journée. 3 pièces, pas plus, pas moins. Toujours trois pièces. Il reviendra demain avec trois autres pièces.
Les souvenirs se mélangent un peu quand les cylindres entament leur dernière course. Grosse mise. Trop grosse mise. Il se savait déjà endetté mais il avait dépassé tous ses plafonds cette fameuse soirée. Trois dames et deux 3. Mais la Dame de Trèfle manquait. La Dame de Trèfle n’était plus là.
Cette nuit là, son sourire confiant s’était transformé en un rictus quand il avait tout perdu. Plus de maison, plus d’aisance financière, plus d’argent et une série de malchances, les malchances n’arrivant qu’en série de toute façon. La Chance l’avait quittée. Son amie aussi. Jouer avec les rêves des autres peut s’avérer dangereux quand on souhaite bâtir avec eux quelque chose. Elle ne l’avait d’ailleurs même pas attendue pour qu’il s’explique honteusement. Juste un petit papier sur la table. Il se savait joueur, il était désormais perdant.
Il avait survécu, évidemment. Sans rien retrouver de tout ce qu’il avait perdu. Quelque chose avait du se casser, avait du se perdre ce fameux soir. Les ambitions étaient parties avec le reste. Il fallait rembourser. Il avait remboursé. Longtemps. Il lui restait de quoi jouer les trois pièces le soir, avant de rentrer. Trois pièces pour trois dames et deux 3. Trois pièces, le temps de se sentir encore vivant tant que tournent les cylindres, de revivre encore et toujours cette fameuse nuit, le temps de quelques battements de cœur jusqu’à ce que le jeu s’arrête. Sur une défaite.
Les cylindres tournent encore. Il est déjà ailleurs, déjà parti. Reparti vers ce qu’il n’a pas encore perdu. Il ne se retourne même pas quand les pièces tombent de la machine avec une musique de Jackpot. Quand les 3 s’alignent et qu’un autre joueur ramasse les gains qu’il a laissés, il est déjà loin.
Une dame de trèfle était encore coincée sous la machine à sous.
|