Pour l'amour d'une succube.

 
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(Bon voilou c'est le premier texte que je poste sur jol, et j'avais jamais pris autant de soin à développer une histoire, même si ce n'est pas mon premier essai, j'espère que ca vous plaira )

Préface

Je dédie cet ouvrage à celle qui a changé ma vie, il y a de cela bien longtemps. Le monde a hélas bien changé depuis, j'aurais souhaité ne jamais voir cette évolution, et l'eternité est un lourd fardeau, mais c'était le prix à payer pour vivre ce que j'ai vécu. Je sens que mon heure approche, et je n'aurais pas de descendance, c'est pourquoi j'écris ceci, et que j'utiliserai les quelques énergies magiques dont je dispose encore pour protéger ce livre le plus longtemps possible, dans l'espoir sans doute vain qu'un jour quelqu'un le lira, comprendra, et se souviendra que jadis des créatures merveilleuses ont pu fouler cette terre.

Chapitre I

C'est en l'an 573 que commence mon récit. J'avais alors 17 ans, et j'habitais chez mes parents, dans le petit village de Sorpigal. Nous étions une famille de paysans tout ce qu'il y a de plus ordinaire, mon père était un solide campagnard, dur au labeur, et qui comptait bien sur moi pour le remplacer le jour venu. C'est d'ailleurs à cela qu'il me préparait, depuis ma plus tendre enfance, il m'enseignait les secrets de cette bonne vieille terre. Je n'avais jamais quitté le village, et ne connaissait pas grand chose du reste du monde, mis à part ce que colportaient les marchands ambulants et autres voyageurs de passage... L'hiver avait été clément et mon père était enthousiaste, ce serait une grande année de récoltes d'après lui. Je partageais sa bonne humeur, pourtant j'étais bien loin de penser que je ne verrais jamais la couleur de ce blé, que je semais avec toute la rigueur nécessaire.
Le repas de famille avait lieu au coucher du soleil, et ne durait guère longtemps, la nourriture n'étant pas très abondante, mais j'affectionnais ce moment où nous étions tous réunis autour de la vieille table de bois noueux, qui se trouvait déjà là du temps de mes arrières grands parents. Ce soir là le repas fût interrompu par le son de la clochette de la porte. Nous n'avions que très rarement de visites, en règle générale des voisins venus annoncer des nouvelles, rarement bonnes. La porte s'ouvrit bientot et à la grande surprise de mon père, il s'agissait d'une inconnue.
-"Bonsoir étrangère, que voulez-vous donc à cette heure tardive ?"
J'étais alors surpris par le calme de mon père qui malgré sa surprise évidente ne perdit pas un instant pour s'adresser à elle.
-"Bien le bonsoir brave homme. Je tiens à m'excuser de vous déranger, mais l'affaire est de la plus haute importance. Je souhaiterai m'entretenir avec Yvan, il s'agit bien de votre fils, n'est-ce pas ?"
Je sursautais en entendant mon nom. Pour la première fois, une "affaire" me concernait ! Même si je n'avais pas la moindre idée de ce qui m'attendait, j'étais satisfait que l'on demande à me voir, et cette femme mysterieuse ne faisait qu'accroitre mon impatience.
-"C'est bien mon fils, oui, il est juste là." répondit mon père en me faisant signe de venir, ce à quoi je ne me fis pas prier.
Il retourna à table et je me trouvais désormais seul avec l'inconnue. Elle s'inclina devant moi puis prit la parole tandis que je l'observais minutieusement.
-"Je me nomme Anya. Je ne peux pour l'instant pas te dire qui je suis, ni les raisons exactes de ma venue, mais tu vas devoir me faire confiance. Il va te falloir quitter cet endroit et m'accompagner, pour une durée que j'ignore encore. J'ai mis longtemps à te trouver, 17 années pour être exacte. Depuis le jour même de ta naissance je sais que tu es là, quelquepart, et depuis ce jour là je suis à ta recherche, mais le monde est vaste. "
Tandis qu'elle me parlait elle me fit signe de la suivre et nous marchions à présent sur le petit chemin caillouteux qui bordait le champ familial. La nuit était claire et sous la lumière bienveillante de la lune nous n'avions aucun mal à voir le sol.
-"Que sais-tu du monde qui t'entoure, au delà de ces champs, de ces collines, et de ton village ?"
La question me génait un peu. J'étais en effet bien obligé de reconnaitre mon ignorance, et je la regardais sans trop savoir quoi répondre. Elle ne m'en laissa de toute facon pas le temps, comme si elle avait deviné tout de suite ce que je pensais.
-"Si tu acceptes de m'accompagner, tu découvriras des contrées dont tu n'imagines même pas l'existence et des créatures plus merveilleuses que celles des contes que l'on te racontait lorsque tu n'etais qu'un nourrisson. Tu es destiné à une autre vie que celle que tu mènes ici, de ton choix dépend l'avenir de ce monde, je sais bien que tout cela te paraît absurde mais c'est pourtant vrai. Le temps presse, c'est pourquoi je ne peux pas t'en dire plus pour le moment, de grands changements vont se produire dans les décennies à venir, et c'est à toi qu'il appartient de faire qu'ils soient positifs ou négatifs."
Elle cessa de parler un moment, comme pour me laisser réflechir à tout ce qu'elle venait de dire. Depuis le début j'avais envie de lui poser de nombreuses questions, ou tout simplement de la laisser là et de rentrer chez moi, après tout pourquoi était-elle venue me donner envie de quitter ce village où j'étais si bien, et où je devrais rester toute ma vie ? Pourtant un petit quelquechose au fond de moi me disait qu'elle ne me mentait pas, que je devais avoir confiance en elle, et remettre mon avenir entre ses mains, alors qu'il y a à peine une heure je ne la connaissais pas.
-"Euh... Et si j'acceptais, quand le départ aurait-il lieu ?" me hasardais-je à lui demander.
Elle sourit, et pour la première fois je sentis que je pouvais vraiment avoir confiance en elle, une sorte d'aura de bienveillance se degageait d'elle, malgré son allure sombre.
-"Prépares quelques provisions et une gourde, nous partirons cette nuit. Ne dis rien à tes parents, ils ne te laisseront pas t'en aller sinon. je sais que ce sera difficile mais tu ne les reverras pas avant longtemps, je laisserai une lettre pour leur expliquer brièvement la situation, mais ils ne doivent rien savoir avant demain. Je t'attendrais devant chez toi ce soir, lorsque la lune sera à son zénith. Prends garde à ne pas les réveiller en sortant. Vas donc te reposer maintenant, une longue marche nous attend, et demain tu auras de plus amples informations sur la raison de ma venue."
Je hochais la tete en guise d'approbation et suivi ses instructions, excepté qu'il m'était impossible de trouver le sommeil tant je me posais de questions.


Chapitre II

A l'heure convenue elle m'attendait dehors, et nous partîmes en silence tandis que je jetais un dernier regard vers la maison qui m'avait vu naître. Elle marchait d'un pas assez lent, si bien que je n'avais aucun mal à la suivre, et le voyage ne serait guère fatiguant si elle continuait à ce rythme. Elle était vêtue, comme en début de soirée, d'une longue robe et d'une pelerine noires qui la recouvrait entièrement, si bien que l'on ne distinguait que son visage, dont la pâleur tranchait radicalement avec la couleur de ses vêtements.
-"Nous allons quitter cette région dans un premier temps, puis nous changerons de moyen de locomotion, cette longue marche a pour principal objectif de me permettre de t'expliquer certaines choses."
-"J'ai hâte de savoir enfin la cause de tout ce mystère."
-"Avant tout, tu es chrétien, n'est-ce pas ?"
-"Euh... oui bien sur, pourquoi ?"
-"Tu verras.. Chaque chose en son temps. Pour le moment, tu dois te poser plusieurs questions à mon sujet, je vais faire de mon mieux pour éclaircir un peu la situation bien que je ne puisse pas encore tout te dire. Avant tout tu dois savoir que ce que tu vas entendre à partir de maintenant pourra te paraître absurde, fou, totalement incohérent avec le savoir que tu as reçu au cours de ton education. C'est normal, mais tu t'apercevras vite que je ne te mens pas. Tout d'abord, saches que le monde est très vaste, et est peuplé par différentes races et civilisations, les humains ne constituent qu'une infime partie des êtres vivants. Au cours de notre voyage tu pourras justement rencontrer ces autres civilisations. Je ne suis moi même pas humaine, bien que j'en ai l'apparence, il ne s'agit que d'un sortilège de transformation."
Je me rappelais à ce moment précis les histoires dont j'avais entendu parler, au sujet de sorcières malfaisantes, de magiciens, de lutins, et toutes sortes de créatures issues des contes pour enfants.
-"Vous êtes une sorcière ?" dis-je un peu bêtement, sans trop savoir quelle réponse attendre.
-"Pas vraiment... Tout dépend de ce que tu entends par "sorcière". Les utilisateurs de la magie ne sont pas forcément des sorciers. La magie est partie intégrante de ce monde, même si beaucoup l'ignorent, car elle ne se révèle qu'à ceux qui savent l'utiliser. La magie est l'essence de tout, et elle se manifeste sous plusieurs formes. L'art de manipuler la magie se dérive en plusieurs "écoles" de magie, chacune étant specialisée dans un type de magie. Il y a ainsi les 4 écoles des éléments: le feu, qui regroupe essentiellement les pratiques de magie destructrice, l'eau, une magie plus polyvalente avec divers enchantements bénéfiques mais aussi de puissants sorts de controle de l'eau, et donc de sa puissance destructrice. Les deux autres éléments sont l'air et la terre, là encore il y a de puissants sorts offensifs et d'autres plus communs. Puis il y a les écoles de magies de la vie, la magie du corps vise au controle de la magie qui est en tout être vivant, que ce soit pour guérir ou renforcer l'énergie, ou bien pour détruire de l'interieur, et la magie du spiritisme qui concerne le contrôle des esprits. La magie de la mort est la nécromancie, elle est peu pratiquée car c'est la plus dangereuse, tant pour le mage que pour ses victimes. Enfin il y a les 3 écoles interdites, dont seuls quelques initiés connaissent l'existence. L'école de la lumière, celle de l'ombre, et enfin celle du néant. La première regroupe des sorts très puissants de guérison, de résurrection, de soin, mais aussi de frappe divine. La seconde est son opposée, ce sont les arcanes sombres dont le potentiel destructeur est sans égal. Enfin la troisième est la plus rare, et ses sortilèges ne sont voués qu'à l'annihilation pure et simple de toute forme de vie existante..."
-"Mais si vous êtes au courant de tout cela, c'est que vous faites partie des initiés dont vous parliez ? Et j'en fais partie aussi à présent ?"
-"Depuis bien longtemps il existe une sortie de gardien de la magie. Sa fonction est de faire perdurer le savoir et la connaissance de cette magie même si elle venait à régresser. Les gardiens ont une vie très longue, la magie les protège, mais ils ne sont pas éternels, si bien qu'il faut qu'ils trouvent en temps voulu leur descendant, celui qui les remplacera, sous peine que la magie ne finisse par disparaitre, ou que ne s'installe le chaos. Ainsi un nouveau né, choisi au hasard parmi les êtres vivants suffisament intelligents, bénéficie d'un potentiel magique superieur aux autres, il est destiné à être le successeur du gardien. Ce gardien se doit de trouver son successeur lorsque l'heure est venue. Le premier gardien était un vieux sage, qui a accompli sa mission avec rigueur et dévotion jusqu'à la fin de sa vie. Celle qui recut ses pouvoirs, à sa mort, était humaine et se nommait Eleane, elle devint donc la seconde gardienne, et elle était bien plus active que son ancêtre. Elle se mît en quête de toutes les magies existantes et elle devint de plus en plus puissante, et ses choix de plus en plus déterminants. Elle ne se contentait plus de veiller sur la magie, elle décida d'arbitrer également les conflits terrestres, et bien sur nul ne pouvait lui resister, sa connaissance de la magie dépassant de loin les peuples existant alors."
Elle marqua un temps d'arrêt, laissa échapper un soupir puis reprit son récit.
-"Il y a 3 "plans" d'existence. Le plan des mortels, dans lequel nous sommes, le plan divin, que les mortels appelent "paradis" et dans lequel se trouvent les anges, fées, archanges et autres êtres "purs" qui sont généralement qualifiés de bienveillants, et enfin le plan de l'au délà, surnommé "enfer" où résident les démons et autres créatures "malveillantes". A la mort d'un être vivant, son âme passe dans l'un de ces deux plans. Il est impossible pour un être vivant d'entrer dans l'un de ces plans, excepté en utilisant de puissants sortilèges de teleportation. C'est précisement ce que fît Eleane. Plus le temps s'ecoulait, et plus elle sombrait dans la folie, elle entra par la suite dans le plan divin, persuadée qu'elle parviendrait à s'emparer de la cité divine et à détruire celui que vous autres mortels appelez Dieu, et qui est en réalité l'entité magique superieure, père de tous les êtres vivants dans ce plan. Son entreprise se solda par une bataille que l'on dit avoir duré plusieurs jours, nul ne sait exactement ce qui a pu se passer ni l'étendue des énergies magiques deployées à ce moment là, mais l'on dit que ce fût la plus grande bataille magique ayant jamais eu lieu. Finalement Eleane fût gravement blessée et parvint de justesse à sortir du plan divin et à transmettre ses pouvoirs pour qu'un nouveau gardien la remplace. Il s'agissait à nouveau d'une gardienne... et c'est moi."
J'étais trop abasourdi par tout ce que je venais d'entendre pour dire quoique ce soit. Elle comprit visiblement que j'avais besoin de réaliser un peu tout ce que j'avais appris, aussi tandis que le soleil se levait doucement à l'horizon, elle me laissa me reposer un moment sur une souche d'arbre, sans rien dire.
-"Je commence à mieux comprendre..." dis-je à mi voix pour me remettre un peu les idées en place.
-"J'en suis ravie, car tu es le prochain gardien !" dit-elle en me souriant.
Je mis un certain temps à réagir. Je profitais de la lueur du jour pour l'observer, comme pour m'assurer que je ne rêvais pas. Il était impossible de lui donner un âge, elle avait le visage d'une jeune fille et pourtant on pouvait sentir qu'elle avait déjà vécu bien longtemps. Elle était d'une beauté inquietante, et semblait tout savoir avant même que l'on ne dise quelque chose, enfin c'est en tout cas l'impression que j'avais depuis que j'etais en sa compagnie.
-"Allons, remettons nous en route, nous sommes bientôt arrivés."
Je n'avais jusque là pas fait attention du tout à la route que nous suivions, dans un premier temps à cause de la nuit, mais aussi car je l'écoutais attentivement et que mon esprit était de plus en plus embrumé. Le petit jour aidant, je me rendis compte que nous nous dirigions vers une grande forêt, et que nous avions parcouru plus de chemin que je ne le pensais, je ne reconnaissais en rien ce paysage, et mon village n'apparaissait même pas à l'horizon.
-"Comme je le disais donc, tu recevras mes pouvoirs lorsque mon heure sera venue. Mais ce n'est pas pour tout de suite je te rassure, je vais auparavant t'enseigner et te montrer tout ce qu'il faudra pour que tu deviennes apte à recevoir cette magie. Hélas les temps ne sont pas vraiment propices pour cela, comme je te le disais hier soir, de grands changements vont se produire. Le monde tel que nous le connaissons est menacé de disparaître dans un avenir plus ou moins proche si nous ne réagissons pas. Nous allons devoir mener une grande bataille, une bataille pour préserver la vie telle que nous la connaissons. Et l'ennemi qui nous menace est si dangereux que je ne pourrais pas l'affronter seule, c'est le but de note voyage, nous allons rencontrer un par un les chefs de toutes les civilisations et peuplades suffisament intelligentes pour nous aider le jour venu, et essayer de les convaincre d'aller combattre à nos cotés."
Un frisson parcoutu ma colonne vertebrale en entrant dans cette vaste foret, peut être à cause de l'aspect sinistre de ces arbres centenaires, ou peut être car mon imagination allait bon train en l'écoutant. Je me hasardais toutefois à demander quel était cet ennemi en question, même si je craignais la réponse.
-"Il se trouve sur une autre planète, bien loin de nous. Il a de grands pouvoirs, et une armée de créatures qui se nourrissent de destruction et s'abreuvent du desespoir de leurs victimes. Ils n'ont pour but que de détruire la vie et d'imposer la désolation, leur planète n'est que ruines depuis bien longtemps, et le jour venu ils ouvriront un portail magique pour envahir ce monde. Je ne peux pas t'en dire plus pour le moment car moi même je n'en sais pas énormement sur eux, nul n'a jamais pu se rendre dans leur monde et en revenir, mais je sais qu'ils débarqueront d'ici une trentaine d'années, c'est pourquoi il faut nous hâter de nous préparer."
-"30 ans ! ca laisse largement le temps, non ?"
-"Ca peut paraître beaucoup à l'echelle d'une vie humaine mais c'est en fait infime. Pour te donner une idée de l'ampleur, saches que cela fait plusieurs milliers d'années que je parcours ce monde, et que de nombreuses créatures vivent plusieurs centaines voir milliers d'années."
C'est à ce moment là que je pris vraiment conscience du fait que je n'étais qu'un petit grain de sable à l'échelle de la vie.
-'Nous arrivons." dît-elle en designant une petite clairière au milieu de la forêt où nous nous trouvions.
Une fois au milieu de la clairière elle fit quelques gestes tout en marmonnant des mots inconnus. Puis au bout de quelques instants une sorte de fumée multicolore apparut quelques mètres devant nous. Sans le savoir, je venais d'assister pour la première fois à une démonstration de cette magie dont elle me parlait depuis des heures.

Chapitre III

-'"Viens !" dit-elle en souriant tout en me tirant par la main en direction de la fumée.
Un nouveau frisson m'envahit lorsqu'elle me saisit, pour la première fois j'entrais en contact physique avec elle, et sa main était froide, comme si il n'y avait aucune vie en elle. Je fermais les yeux tandis que j'avancais dans la fumée à ses cotés, sans savoir ce qui allait se produire. Je ne sentais rien, et quelques secondes plus tard j'ouvrais les yeux pour m'apercevoir que le décor avait changé, nous étions dans une vaste plaine d'herbe courte, et à l'horizon je pouvais distinguer un village duquel s'echappait un peu de fumée, probablement des cheminées.
-"Nous sommes passés par un portail magique de teleportation."
-"C'est... rapide... Je ne m'attendais pas à ça..."
-"Voila notre première destination, nous allons rencontrer des centaures. Ce sont des créatures assez hostiles aux visiteurs, ils sont mi-hommes mi-chevaux et ont un modèle de societé semblable aux humains. Ca devrait bien se passer, j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer leur chef, j'irais m'entretenir avec lui, pendant ce temps tu pourras observer le village et leurs coutumes, il faut que tu apprennes à connaitre tous les peuples, tu devras peut être traiter avec eux seul, un jour..."
-"Allons-y, je suis curieux de voir ca !" dis-je avec enthousiasme.
Elle ne s'attendait visiblement pas à autant d'entrain de ma part, et nous partîmes d'un bon pas vers le village.
Il n'était guère accueillant, entouré de hautes palissades faites de troncs d'arbres, avec plusieurs tours de garde à intervalles réguliers. Les centaures étaient des créatures imposantes, et effectivement peu acceuillantes, les deux gardes à l'entrée prirent soin d'exhiber leurs longues lances avant de nous demander ce que l'on venait faire ici. Ils avaient le corps d'un cheval et le buste et la tête d'un homme, et couraient assurement plus vite qu'un humain. Tandis que je les dévisageais, Anya leur expliquait le motif de leur visite. Après une courte concertation ils ouvrirent les deux grandes portes de la palissade, laissant apparaitre à nos yeux la cité. Un garde nous emmena chez le chef de la tribu, à l'entrée de la hutte, Anya me confia à un des centaures qui serait mon guide pour visiter le village. L'architecture etait assez semblable à celle que je connaissais, excepté que les maisons étaient adaptées à la morphologie centaure. Le guide m'expliqua vaguement l'histoire du village, et surtout que les centaures étaient autrefois les esclaves des humains, d'où une certaine hostilité vis à vis de ces derniers. Nous passâmes quelques heures à flaner dans les diverses rues de la petite ville, puis finalement Anya ressortit de la hutte, visiblement satisfaite, et après avoir salué et remercié mon guide, nous reprîmes la route vers notre seconde destination.
-"Il n'était guère motivé mais j'ai pu le convaincre de se joindre à nous, les centaures seront des alliés appreciables, ce sont de bons combattants, c'est le chef de la tribu la plus importante, je pense qu'il saura rallier les autres à notre cause."
-"Et où allons-nous à présent ?"
-"Nous allons rendre visite aux Meduses."
-"Aux...quoi ?"
Elle sourit, comme à son habitude lorsque je démontrais mon ignorance.
-"Les meduses sont un peuple un peu spécial... il s'agit en fait d'humaines, qui il y a bien longtemps, ont subi une puissante malediction. Depuis ce temps là elles sont devenues aussi proches des serpents que des humains. Elles vivent en communauté réduite et évitent de se montrer, de nombreuses légendes courent à leur sujet, je sais pour ma part que la plupart sont fausses. Elles sont assez pacifiques et leur peuple est voué à l'extinction, du fait qu'elles n'ont pour tout moyen de reproduction qu'un procedé magique qu'elles ont découvert, mais qui ne peut assurer la diversité de l'espèce. Elles survivent donc autant que possible et leur sort n'est guère enviable, malgré tout elles sont très acceuillantes avec ceux qui savent les comprendre et les respecter, et ce sont d'excellentes archères."
J'etais assez impatient, le village était à environ une demie journée de route, nous y serions le lendemain. La fatigue commencait à se faire sentir et une bonne nuit de sommeil s'imposait à mon esprit troublé par toutes ces nouveautés.

Chapitre IV

Nous repartîmes à l'aube, et tandis que je finissais mon quignon de pain, je pensais soudain que je n'avais pas vu Anya manger ou boire depuis que nous étions partis, et qu'elle n'avait pas l'air fatiguée du tout. Plus le temps passait et plus je me posais de questions sur ce qu'elle était vraiment. Finalement c'est sur le coup de midi que je pus apercevoir le village. Il consistait en une quinzaine de huttes, deux petites tours de guet, et une grosse hutte centrale qui devait etre celle du Conseil des sages dont m'avait parlé Anya un peu plus tôt dans la matinée. Au fur et à mesure que nous approchions je pouvais distinguer les silhouettes des habitantes. Elles étaient bien plus étranges que les centaures. Le haut de leur corps était celui d'une femme, et se transformait en celui d'un serpent au niveau du nombril, par conséquent elles se deplacaient en rampant avec la partie reptilienne de leur corps, qui était assez longue et epaisse, tout en restant droites avec la partie "humaine". Malgré cela en m'approchant je constatais que leur peau était en fait constitué de petites ecailles lisses, ce qui leur donnait une couleur gris-vert, voir bleutée chez certaines. Mais le plus étonnant était leur chevelure, qui semblait constitué non pas de cheveux mais des corps de centaines de serpents de toutes les tailles, chaque corps étant terminé par une petite tête. La majorité d'entre eux retombaient sur leur dos, inanimés, comme des cheveux, alors que certains, sur le devant et sur les cotés se redressaient parfois, et ouvraient leur yeux, vous scrutant avec leurs petites pupilles jaunes. L'ensemble donnait une impression de mouvement permanent, d'ondulation dans cette étonnante chevelure, qui bien qu'effrayante au premier abord, était somme toute assez esthetique et se comportait comme de vrais cheveux, avec ca et là des mèches ou des longueurs différentes qui harmonisaient l'ensemble.Le mode opératoire fût le même que chez les centaures, et tandis qu'Anya s'entretenait avec les hautes autorités locales, j'arpentais le village en compagnie d'une guide.
La meduse qui m'accompagnait se nommait Melina, et semblait bien plus génée d'être en ma compagnie que l'inverse, ce qui serait pourtant logique. J'éprouvais en effet une certaine sympathie pour ces êtres malgré nos différences, et à mon grand étonnement, je trouvais même ma guide charmante. Après deux ou trois heures nous avions fait le tour complet du village et elle semblait bien embarassée, ne sachant trop quoi faire pour passer le temps. Je l'interrogeais donc sur plusieurs points qui me tracassaient depuis que j'etais entré dans le village. Elle m'expliqua ainsi que leur "chevelure" était leur seul moyen de défense naturelle. Elles ne pouvaient en effet pas courir, grimper ou même nager suffisament bien, n'avaient aucune griffe ou arme naturelle, excepté tous ces petits serpents, capables en cas de danger de tous se dresser autour de leurs visages et de paralyser par simple morsure. Nous allâmes nous promener au bord du petit lac, près du village, jusqu'à la nuit tombée. Lorsqu'enfin Anya sortit de la hutte, la lune était déjà assez haute. Elle y avait passé plusieurs heures, et devant mon inquiétude apparente, elle se contenta de rire un moment.
-"Pas la peine de t'inquieter, si j'ai été si longue, c'est tout simplement car j'ai retrouvé de vieilles amies... nous allons rester ici pour la nuit, à vrai dire je n'ai même pas commencé à leur exposer la raison de notre visite, je le ferais demain matin, nous partirons sans doute en milieu d'après midi. Profites donc de cette nuit pour te reposer dans un bon lit. Deux huttes inoccupées sont mises à notre disposition."
L'idée ne me déplaisait pas et c'est donc satisfait que j'allais rejoindre ma paillasse, toutefois, tard dans la nuit, ne trouvant plus le sommeil, je décidais d'aller faire une petite promenade nocturne près du lac. La lueur de la lune se refletait dans les eaux calmes, et je n'avais guère de mal à retrouver mon chemin vers un tronc d'arbre mort que j'avais reperé dans la journée, je m'y asseyais donc et me mis à réflechir à tout ce que j'avais vu depuis que j'étais parti. Mes réflexions nocturnes furent de courtes durées, quelques minutes plus tard un petit bruit à mes cotés me fit détourner la tête, et à ma grande surprise je trouvais là Melina.
-"Tu m'as suivi ?!"
-"J'avais du mal à dormir et j'ai entendu du bruit dans le village, je t'ai vu partir vers le lac, je suis venue voir ce que tu faisais..." répondit-elle, génée.
-"Oui je venais réfléchir un peu, au calme."
-"Désolée de t'avoir derangé, je m'en vais."
-"Non, restes, je préfère."
Elle s'installa à ma droite.
-"Si tu te poses des questions auxquelles je pourrais apporter une réponse surtout n'hésites pas à me demander." me dit-elle en souriant
-"A vrai dire, je me demande surtout qui est vraiment Anya, elle ne me l'a toujours pas dit, comme si elle me cachait quelquechose... Je lui fais confiance mais j'avoue avoir des doutes des fois, j'ai un peu peur sur ses veritables intentions, elle semble prendre tout cela très à coeur, peut être un peu trop... Enfin je dois me faire des idées, je serais bien mal placé de la juger alors que j'ignore tant de choses..."
-"Si tu veux vraiment savoir je peux te dire ce que je sais sur elle."
-"Je ne voudrais pas t'attirer d'ennuis.. Je doute qu'elle apprecie que tu m'en racontes trop."
-"Ne lui dis pas tout de suite que je te l'ai raconté. Après de toute facon, je ne craindrais plus grand chose..."
Elle soupira en disant cette dernière phrase, et je ne compris pas trop ce qu'elle voulait dire par là.
-"C'est toi qui vois."
-"En fait.. elle n'a pas de mauvaises intentions, enfin ca m'etonnerait qu'elle en est, elle a toujours fait du mieux qu'elle pouvait pour aider tout le monde, du moins à ce que j'en ai entendu dire. Elle venait souvent nous rendre visite avant. Si elle ne t'a pas dit ses origines... C'était surement pour pas te faire peur."
-"Ah..?"
Cela confirmait ce que je pensais, et j'attendais avec impatience la suite, ma curiosité prenant le pas sur mon honnêteté.
-"C'est une succube." me dit-elle à voix basse comme si le simple fait de prononcer ce mot pouvait lui attirer des ennuis.
-"Une quoi ?" lui dis-je en toute incredulité.
-"Tu as beau être curieux, je doute que tu en saches assez sur ce qui t'entoure pour te permettre d'enquêter derrière mon dos."
Je sursautais en entendant la voix qui venait de derrière moi, et en me retournant j'apercus... Anya, qui se tenait debout, passablement agacée de me trouver là. Je n'en menais alors pas large, et Melina non plus.
-"Pas la peine de me regarder comme ca, de quoi avez vous peur ? Ce qui est dit est dit, et de toute façon je comptais t'expliquer tout ca dans la journée, Yvan. Mais visiblement tu n'as pas attendu...Ce n'est pas vraiment l'heure pour se lancer dans une discussion, lis donc ce livre, tu en sauras un peu plus, je te raconterai la suite plus tard" dit-elle tout en sortant de sous sa pelerine un gros ouvrage qu'elle me tendit.
Tout en saisissant le volume je me rendis compte qu'une légère lueur jaunâtre se dégageait des pages, permettant de le lire malgé qu'il fasse encore nuit. Tandis qu'Anya repartait aussi silencieusement qu'elle était venue, je me penchais avec Melina sur la couverture où était inscrit en grosses lettres le mot DEMONOLOGIE. Il s'agissait en fait d'une sorte de dictionnaire de toutes les espèces de démons et assimilés que l'on pouvait rencontrer. Je feuilletais donc avec curiosité, pour chaque créature il y avait une illustration et un petit descriptif assez instructif. Devant ces êtres tous plus répugnants les uns que les autres j'apprehendais un peu d'arriver à la lettre S et je n'osais imaginer quelle atrocité pouvait être en réalité cette jeune femme aux traits d'ange. Après une bonne heure de lecture j'arrivais finalement à la page sur les succubes. L'illustration était celle d'une femme avec des sortes d'ailes de chauve souris dans le dos, elle était vetue de cuir et portait une barrette dans les cheveux avec un symbole dessus en forme d'etoile rouge sombre.
Je poussais toutefois un soupir de soulagement car si les succubes ressemblaient bien à ca, elles etaient plus attirantes qu'effrayantes.
J'entamais la lecture de la description.

SUCCUBE: Les succubes comptent parmi les démons les plus puissants peuplant les enfers. Elles sont les filles directes de Lilith, et ont une grande affinité naturelle pour la magie. Comme la plupart des démons ce sont des créatures de feu et elles ne craignent donc pas cet élement, les succubes sont en plus capables de voler et de combattre assez violemment au corps à corps, leur nature humanoïde leur permettant d'utiliser toutes les armes, mais elles préferent en règle générale les lames de contact. Elles ne portent pas d'armure, au mieux du cuir, mais il leur sert plus à séduire qu'à se protéger. C'est en effet ce qui les rend les plus dangereuses, les succubes sont l'incarnation même du peché de luxure, leur seul but est d'attirer et de séduire les hommes, que ce soit par leur aspect physique attirant, par leur baiser, qui peut rendre fou ou même tuer, ou par leurs chants, similaires à ceux des sirènes, qui ensorcèlent les humains. Les succubes sont les démons les plus intelligents et les plus sournois, heureusement elles sont assez peu nombreuses et nulle n'a été vue depuis fort longtemps. D'aucuns disent qu'une seule succube peut séduire une armée entière et la convaincre de détruire son propre royaume avant que les soldats ne s'entretuent eux même pour obtenir les faveurs de la démone. Quiconque goûte aux charmes d'une succube s'expose à une mort aussi soudaine qu'atroce, les succubes n'hésitant pas à aspirer l'essence de leurs victimes, et à entraîner leurs âmes dans les tréfonds des cités infernales, dont elles sont par ailleurs les gouvernantes. Contrairement aux autres démons, elles n'hesitent pas à agir en solitaire, sures de leur force. leurs pratiques les plus courantes consiste à entrer la nuit dans la chambre d'une victime et si celle ci succombe à leur charmes, de lui faire subir mille tourments jusqu'au petit matin. Il est dit que les hommes qui ont réussi à résister à une succube et à ne pas sombrer dans la folie sont épargnés car ils ont prouvé leur valeur. Les succubes sont en général très mefiantes à l'égard des femmes et n'hésitent pas à les tuer sans aucune autre forme de céremonie si elles viennent à leur faire concurrence. Leur caractère est assez complexe, elles sont capables d'etre jalouses vis à vis d'une femme ou même d'une autre succube, et il arrive même que certains succubes soient totalement pacifiques voir bienveillantes, ou décident de quitter leur enfer natal pour vivre incognito dans notre monde. Il est justement assez difficile de se débarasser d'une succube, de part leur aptitude à la transformation. Il n'y a aucun moyen fiable de se défaire d'une succube si elle a jeté son dévolu sur vous, excepté de ne jamais l'embrasser, et d'eviter autant que possible de céder à ses avances, plus vous lui resisterez et plus il y a de chances qu'elle vous juge suffisament "vertueux" pour être epargné.

Melina sembla pensive, tandis que je refermais le livre, plutôt satisfait. Tout laissait à penser qu'Anya était l'une de ces rares succubes "bienveillantes", et elle n'avait pas montré la plus petite intention de vouloir me séduire par quelconque moyen que ce soit...
-"Tu sais qui est cette Lilith dont ils parlent au début ?" lui demandais-je, toujours aussi incrédule.
-"C'est la reine des enfers, celle que certains appelent "le diable"."
-"Je vois... Ainsi Anya serait l'une de ses filles directes...ca me fait froid dans le dos rien que d'y penser..."
Le cercle rougeoyant du soleil commencait à faire son apparition au loin, et la nature s'éveillait lentement autour de nous.
-"Je dois partir à la chasse aujourd'hui, tu seras parti avant mon retour, aussi je préfère te donner ceci maintenant, tu en auras plus besoin que moi."
Elle enleva délicatement le collier qu'elle portait, et me le passa autour du cou avant même que je ne réponde. Il s'agissait d'un petit medaillon en métal argenté, orné de symboles, et il pendait au bout d'une fine chaine du même métal, qui pourtant semblait très solide.
Je ne savais trop que dire et je balbutiais un simple "merci" tant j'étais surpris, je ne savais pas à quoi servait ce collier au juste, pourtant j'étais heureux qu'elle me l'ait offert.
-"Gardes le toujours autour de ton cou, il te protègera comme il m'a protegée tout ce temps."
-"Pourquoi ne le gardes tu pas alors ? Et de quoi te protegeait-il ?"
-"Tu le verras par toi même en temps voulu."
Nous restâmes un moment à regarder le soleil s'elever sur l'eau calme du petit lac.
-"Quel dommage que nous soyons si différents." dit-elle en soupirant.
En me retournant vers elle je vis une larme couler sur sa joue. Je saisis alors ses mains entre les miennes..
-"Tu es peut être différente, mais qu'importe." lui dis-je en souriant.
Le cor de la chasse retentissait au loin, les autres l'attendaient, je la serrais une dernière fois dans mes bras avant de la regarder s'en aller, en me promettant de revenir ici dès que je le pourrais.

Chapitre V

Au milieu de l'après midi Anya me fit signe qu'elle avait terminé, et que les méduses avaient accepté de nous aider. Nous repartîmes donc, en silence, vers la destination suivante. L'atmosphère était pesante, mon regard vis à vis d'elle avait changé, plus ou moins inconsciemment. En réalité, je pensais d'avantage à Melina qu'à ce que j'allais devenir. J'avais eu l'impression qu'elle me cachait quelquechose, et cela me tracassait. J'etais ainsi plongé dans mes pensées, et je marchais sans vraiment faire attention à ce qui m'entourait, jusqu'à ce qu'Anya me ramène brusquement à la réalité en me disant que la route devenait dangereuse, et qu'il fallait rester sur nos gardes, car de nombreux bandits et maraudeurs guettaient les voyageurs. La route devenait de plus en plus agréable tandis que nous entrions dans les provinces d'Albion. J'avais déjà entendu ce nom là, il y a longtemps, dans la bouche d'un marchand. Anya, comme à son habitude, prit le temps de m'expliquer qu'il s'agissait d'un royaume d'humains autrefois très puissant, et qui malgré son déclin, principalement dû aux attaques de royaumes voisins, restait le symbole de la gloire des humains. Je me sentais plus en securité à l'idée de rejoindre une societé proche de ce que j'avais connu. A la nuit tombante, elle décida qu'il serait plus sage de s'installer un peu à l'écart de la route, je m'endormais donc paisiblement, tandis qu'elle montait la garde, le fait qu'elle n'ait pas besoin de dormir facilitant la répartition des tours de garde.
-"Reveilles-toi !" me cria Anya d'une voix ferme.
J'étais complètement perdu, il faisait encore nuit, et mes yeux fatigués ne me permettaient pas encore de distinguer ce qui m'entourait, je voyais de la lumière par à coups et des cris tout autour de moi. Après quelques secondes de brouillard total je finis par la trouver, mais en m'approchant je me rendis compte qu'il régnait une chaleur intense tout autour, si bien qu'il me fallut reculer de quelques pas sous peine de voir mes vêtements s'embraser.
En me retournant je commencais à comprendre, il devait y avoir 5 ou 6 hommes, probablement des brigands, qui couraient en tout sens en hurlant, pris dans une vértiable tempête de flammes. Le feu jaillissait du sol, l'air s'embrasait et des boules de flammes ardentes traversaient l'air en tout sens. Instinctivement j'entrepris de m'aplatir au sol en attendant que tout se calme, mais Anya semblait bien determinée à déchainer sa puissance sur ses ennemis. Le spectacle était atroce et dura de longues minutes, jusqu'à ce que plus aucun son ne se fit entendre, excepté celui de la combustion des corps et des plantes proches de ceux ci.L'obscurité reprenait peu à peu ses droits, et un silence de mort s'installa dans la plaine.
-"Tu n'as rien ?" me demanda-t-elle en posant sa main sur mon épaule.
-"Non... Mais... Que s'est-il passé ?"
-"Ils comptaient nous attaquer. Dommage pour eux."
Le ton était sarcastique et en me retournant, je n'éprouvais que de la peur. Ce n'etait plus le regard bleu azur d'Anya que je rencontrais à ce moment là, celui de la succube l'avait remplacé, un regard sombre et cruel, rouge orangé comme le feu qui l'animait, et des pupilles d'un noir si profond que l'on aurait dit une fenêtre sur le néant.
Je retournais sur ma paillasse mais sans trouver le sommeil. Les cris de terreur de ces hommes résonnaient toujours dans ma tête, et lorsque je fermais les yeux je ne voyais que ces flammes, si puissantes, et si dociles entre les mains de leur maitresse. J'accueillis le petit matin comme une délivrance, et sous les premiers rayons du soleil je pus constater que le sol était calciné à plusieurs dizaines de mètres autour de nous, les corps n'etaient plus que poussière, tant le brasier avait été intense.
-"J'imagine ce que tu peux ressentir. C'est une fin horrible pour ces pauvres hères, mais n'oublies pas qu'ils venaient pour nous depouiller, et probablement nous tuer. Il faudra te faire une raison, tu devras te battre, et vaincre tes adversaires, ou ta vie sera bien courte."
Même si cela me dégoutait de l'admettre, elle avait raison. La matinée se déroula sans encombres, et la vue d'un panneau indiquant que Camelot n'etait plus très loin me remonta le moral.
Le petit village de Cotswold était plutôt paisible, et les paysans ne firent guère attention à notre arrivée. Les remparts de Camelot était magnifiques, et je ne me lassais pas d'admirer ces hautes murailles de pierre blanche. La voix autoritaire du garde du pont me fit sursauter.
-"Halte ! Qui êtes-vous, et que venez-vous faire à Camelot ?"
Je pensais que tout irait sans encombre mais à ma grande surprise Anya n l'entendait pas de cette oreille.
-"Voila un bien piètre accueil, la grande Camelot n'est décidément plus ce qu'elle était. Annoncez Anya à votre Roi, et dites lui que je souhaite le voir le plus rapidement possible, pour une affaire importante."
Le garde interloqué hésita un moment puis éclata de rire.
-"Et bien vous ne manquez pas d'audace, étrangère ! Allez ca ira pour cette fois, filez avant que je ne vous mette au cachot, et estimez vous heureuse que mon sergent ne soit pas là."
-"Il me semble que vous n'avez pas bien compris. J'ai fait la route jusqu'ici pour m'adresser au Roi en personne, et si vous ne comptez pas m'y aider, dans ce cas j'irais moi même, mais je serais fort navrée de devoir rompre la tranquilité de ce village. Aussi je vous prierai d'aller expliquer à vos superieurs de prévenir le Roi de mon arrivée."
Le garde, surpris par le ton menacant, s'arrêta un instant pour réfléchir, puis se mit en route vers le rempart pour colporter la nouvelle.
-"Euh, vous comptiez vraiment attaquer Camelot seule ?" demandais-je timidement à Anya dont l'attitude m'inquiétait de plus en plus.
-"Bien sur. Je ne supporte pas que l'on me traite de cette façon, ces pauvres imbéciles se croient forts derrière leurs remparts, leurs armures et leurs boucliers, alors que leur précieuse forteresse n'est qu'un fétu de paille. Je n'apprecie guère le successeur d'Arthur, et les négociations risquent d'être difficiles, c'est pourquoi tu resteras avec moi cette fois-ci, et ne crains rien, j'ai pris le soin de préparer toutes les magies protectrices necessaires, rien ne pourra te toucher."
Sans trop comprendre ce qu'elle entendait par là, je lui fis confiance, je n'avais de toute facon guère le choix, et c'est donc avec anxieté que j'entrais dans la ville après que le garde se soit excusé et nous ait ouvert le passage.
Anya marchait d'un pas rapide dans les ruelles pavées, ne me laissant qure quelques minutes pour apprecier l'architecture locale, et rêver devant les vitrines des nombreuses boutiques.
Je fus surpris d'apprendre que le Roi nous accordait audience immediatement, et un capitaine de la garde royale nous accompagna jusqu'à la salle du trône. Elle correspondait à l'idée que je m'en faisais, grande, majestueuse, richement decorée, comme elle se devait de l'être. Le Roi, un vieille homme d'apparence assez robuste, sans doute un ancien chevalier, nous attendait, en compagnie d'un homme d'Eglise et de celui qui devait être son intendant.
Anya avanca sur le grand tapis rouge qui allait de l'entrée au trône, et s'arrêta à quelques mètres du Roi, en inclinant légèrement la tête pour le saluer. La coutume veut que l'on mette un genou à terre et que l'on baisse entièrement la tête, ce que je fis naturellement, mais visiblement elle ne semblait pas decidée à se soumettre à cet individu.
-"Anya... Voila bien longtemps que nous ne sommes plus vus. Quelle brise sinistre vous a donc ramenée en Albion ?"
-"Le vent de la guerre. Et cette fois les remparts de Camelot ne lui résisteront pas. Un grand péril nous guette tous, c'est pourquoi je parcours le monde pour m'entretenir avec tous les chefs de toutes les tribus et royaumes existants, afin de constituer une coalition de tout ce qui est capable de porter les armes et de se battre, car nous en auront besoin. Je viens donc demander le soutien d'Albion dans cette entreprise. Il faudra mettre de cotés les différents qui vous opposent aux autres, et combattre aux cotés de vos ennemis, dans un but commun, celui de préserver ce que vos ancêtres ont construit depuis des générations, et de faire que la vie puisse continuer dans les siècles à venir."
Le Roi caressa sa barbe quelques instants.
-"Je sais que mon prédecesseur vous faisait confiance. Mais à mes yeux il se trompait, vous n'avez su qu'amener la désolation partout où vous êtes passée, et aujourd'hui vous venez nous demander de l'aide ? Je crains que vous ne vous soyez trompée d'endroit, nous sommes les fils de Dieu, et jamais nous ne pactiserons avec un démon ! Albion n'aura nul besoin de vous pour affronter son destin, et nous mourrons si il le faut, mais dans l'honneur et la fierté du devoir accompli, et non pas aux cotés de ce que nous combattons depuis toujours. Ce serait une insulte vis à vis de nos pères que de nous unir à vous. Sortez maintenant et ne vous avisez plus jamais de revenir ici !"
Le prêtre qui se tenait à ses cotés sembla approuver.
Je m'appretais à tourner les talons sans insister devant ce refus net et non négociable, en ésperant qu'Anya en ferait autant, mais elle ne semblait pas prête à lever le camp.
-"Pauvre fou ! Tu es aveuglé par ta foi stupide et endormi par les paroles de ces prêtres plus sournois les uns que les autres ! Ouvres donc les yeux et regardes ce qu'est devenue Albion ! Il n'y a plus que des paysans incrédules dont le seul souci est de survivre au lendemain, et qui croient tout ce que l'Eglise peut leur dire, et tes chevaliers, ah ! Les paladins d'Albion, où sont-ils ? Il ont une foi inébranlable, tant que la solde que leur remet l'Eglise est suffisante, mais ils oublient bien vite leurs serments lorsqu'il s'agit de risquer leur vie ! Ce n'est pas toi qui controle Albion, tu n'es qu'une marionette entre les mains du clergé, et Albion court à sa perte. Vos routes ne sont pas sures, le peuple est malheureux, vos remparts en ruine et vos chevaliers de légende dans une taverne !"
J'etais impressionné tant par l'energie qu'elle mettait dans ce plaidoyer inattendu, que par son allure devenant de plus en plus menacante, je sentais que la succube prenait de nouveau l'ascendant sur Anya, et je me rememorais alors les scènes de la nuit precedente en souhaitant de tout mon coeur ne pas revivre cela. Hélas, le prêtre ne fit qu'aggraver l'état des choses en l'interrompant...
-"Ca suffit ! Retournes en enfer, Démon ! Gardes ! Elle blasphème votre foi et insulte votre Roi ! Montrez lui que nul ne peut défier Albion !"
J'etais étonné du ton autoritaire du prêtre, et surtout du fait que le Roi restait totalement passif. Anya avait sans doute raison, ce pauvre bougre était manipulé par son entourage à son insu. Le garde de faction à l'entrée fit raisonner son cor dans les murs de la forteresse et en quelques instants tous les gardes se précipitèrent au secours de leur Roi. Le prêtre hurlait avec frenesie des formules latines, peut être des prières, je ne savais pas trop, et à grands renforts de gesticulations semblait vouloir lancer un sort, sans grand succès apparement. Je ne m'etais pas rendu compte qu'à mes cotés, Anya était redevenue comme lors de l'attaque des bandits, et ses yeux de braises fixaient désormais le prêtre. Elle restait immobile, les bras faiblement écartés, paumes vers le ciel, comme pour faire venir à elle les énergies dont elle avait le secret. Au moment où les premiers gardes allaient abattre leurs lames sur elle, une sorte de vague circulaire prit naissance autour d'elle et se propaga dans toute la pièce. Je ne sentis absolument rien, à la différence des 6 gardes qui tombèrent inanimés.
Le Roi s'etait levé, mais ne disait rien, tandis que l'intendant avait pris la fuite et que le prêtre continuait à essayer de lancer son sort à coté.
Anya n'avait pas cessé de fixer le prêtre, et à peine les gardes mis hors d'état de nuire, elle tendit sa main droite en sa direction, la paume face à lui et les doigts ecartés. Il n'y avait rien de visible, excepté que le prêtre semblait pris de spasmes et de convulsions, il tentait de lutter, mais finit par tomber à genoux, fou de douleur, son visage était crispé et il se tenait la gorge comme si l'air venait à lui manquer. le Roi s'était precipité à ses cotés mais ne pouvait rien faire qu'assister impuissant à la souffrance de con conseiller. Ce dernier rendit l'âme quelques secondes plus tard, un silence sinistre s'installa dans la vaste salle. Le Roi était desormais retourné vers Anya, la main sur la garde de son épée, il semblait plus solennel et resigné que jamais, prêt à livrer son dernier combat, même si il n'avait aucune chance de l'emporter.
-"Vois, la gloire de ton royaume. Rengaines ton arme, il y a déjà eu assez de sang de versé inutilement. J'espère que tu auras la sagesse de tirer des leçons de ceci."
Elle tourna les talons et me fit signe de la suivre. Aucun garde ne tenta de nous barrer la route, et en quittant la ville je constatais qu'elle était redevenue calme et impassible. Je la suivais sans savoir où elle m'emmenait, comme toujours. Pourtant, ce jour là avait été différent des autres, j'avais senti une évolution en moi. Je ne pouvais pas continuer comme ca, et lorsque nous fîmes halte, à la nuit tombée, je décidais de parler ouvertement avec elle, peu importe ce qui arriverait, plutôt que de continuer dans ce silence lourd de sous-entendus qui regnait depuis déjà trop longtemps.
-"Anya ?"
-"Oui ?"
-"Je ne peux pas continuer. Je voudrais avoir les réponses à certaines questions que je me pose."
-"Ne sois pas trop curieux. Tu en sais suffisament pour le moment, l'heure des réponses viendra, ne t'inquiètes pas."
-"Et bien dans ce cas elle ne viendra pas. Je retourne chez moi, je suis parti avec vous pour vous aider à... je ne sais trop quoi en fait, mais surement pas à massacrer des pauvres gens. je rendrais ce collier à Melina, en passant, son village est sur la route du retour." dis-je d'un ton résolu en détachant le collier de mon cou.
-"Tu ne pourras pas."
-"Ah, et pourquoi donc ?"
-"Elle est morte." dit-elle d'un ton froid.
Chapitre VI

En quelques instants tout s'ecroulait autour de moi.
-"Elle etait atteinte d'une maladie incurable. Ce collier qu'elle t'a donné est très précieux. Il est magique, et garantit à son porteur la résistance aux maladies, c'est ce qui lui permettait de vivre. Sans ce medaillon, son ésperance de vie ne depassait pas quelques heures."
-"Mais.. Mais c'est de la folie ! Elle était en parfaite santé lorsque je suis parti et... elle partait chasser... mais pourquoi me l'a-t-elle donné si elle savait qu'elle en mourrait !"
Je sentais la tristesse et l'incompréhension m'envahir plus que jamais auparavant.
-"Car elle voulait que tu réussisses, elle croyait en toi, et elle a donné sa vie pour cela. Et à peine parti, te voila déjà prêt à rebrousser chemin. Si tu renonces, elle sera morte pour rien."
-"Mais c'est absurde ! Je ne suis qu'un pauvre fermier, je n'ai pas ma place ici, et rien ne justifie de m'accorder autant d'importance !"
-"Tu refuses surtout de faire face à tes responsabilités, et tu es trop lâche pour reconnaitre que j'ai raison !"
Le ton était presque méprisant, et après la tristesse, c'est la colère qui m'envahit l'espace d'un instant, si bien que je ne pus me retenir de la gifler. Le coup partit presque automatiquement, et elle laissa echapper un petit cri sous le choc, surement plus de surprise que de douleur. Je me mis aussitôt à regretter ce geste et m'attendais à une réaction vive de sa part mais au lieu de cela, elle me regarda droit dans les yeux, puis rabaissa pour la première fois la capuche de sa pelerine, laissant flotter dans la brise du soir de longs cheveux noirs dont je ne soupçonnais jusque là pas la presence. j'etais fasciné, tant elle était changeante, elle était capable des pires horreurs et pourtant à ce moment précis, si elle n'avait été toute de noir vetue, on aurait pu la prendre pour un ange, tant sa beauté était surnaturelle. Nous sommes restés ainsi quelques instants, comme dans une sorte de transe hypnotique, je ne distinguais aucun sentiment dans le bleu de ses yeux, si ce n'est une vague tristesse. Elle me tendit un parchemin roulé puis s'adressa à moi d'une voix étrangement douce.
-"Prends ce parchemin. Il te permettra de retourner chez toi si tu le souhaites. Je te laisse la nuit pour décider de ton avenir. Si tu choisis d'utiliser ce parchemin, nous ne nous reverrons plus jamais, et tu n'auras aucun moyen de revenir sur ton choix, alors réflechis bien. Dans le cas contraire, tu ne devras plus être tenté de revenir en arrière."
Je me saisis du parchemin et elle s'éloigna dans la pénombre, me laissant seul face à moi même, avec pour seul témoin de mes hésitations, ce clair de lune, qui nous accompagnait depuis le début du voyage.
Je finis par m'endormir, peu avant l'aube. A mon réveil le soleil était déjà haut, et Anya était assise à coté de moi, elle avait pris soin de ne pas me réveiller, et j'avais effectivement besoin de ce sommeil réparateur, d'autant plus que ma décision était prise. Je lui rendis donc le parchemin et après m'être excusé pour 0mon geste de la veille, lui expliquait le résultat de ma nuit de réflexion.
-"Je pense qu'au stade où j'en suis arrivé, je ne peux plus reculer. Même si j'ai souvent beaucoup de mal à vous comprendre et à vous suivre dans vos choix et votre facon de procéder, je vous fais malgré tout confiance et je m'en remets à vous."
-"Les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. Tu dis me faire confiance, dans ce cas, prouves le, embrasses moi."
Aussitôt les quelques lignes de l'ouvrage de demonologie que j'avais lu me revinrent à l'esprit, concernant le baiser mortel des succubes. Mais je n'eus aucune hésitation, et je m'efforcais d'avoir confiance en elle, c'est donc avec curiosité et dépourvu d'arrière pensée que je m'approchais d'elle. Un frisson m'envahit tandis qu'elle m'enlacait, et je fermais les yeux en ne gardant pour toute image que celle de son regard si troublant.
Il ne se passait rien dans un premier temps, et j'etais soulagé, j'avais eu raison d'accepter, puis tout d'un coup, mon esprit se trouva comme embrumé, et une succession d'images et de scènes incompréhensibles défilèrent en moi. J'etais comme dans un rêve, mais tout semblait incohérent. Je voyais des créatures étranges, des batailles, des paysages, des discussions, je ne reconnaissais rien, et tout s'enchainait à une vitesse folle, j'avais l'impression que ma tête allait exploser. je ne saurais dire combien de temps ca a duré ni ce qui s'est passé exactement, mais lorsque j'ai repris mes esprits, elle mit un doigt sur ma bouche pour me faire signe de me taire, puis me serra contre elle en posant sa tête sur mon épaule. J'étais encore un peu hagard et je retrouvais peu à peu le sens de la réalite, lorsqu'elle se chuchota dans le creux de mon oreille.
-"Tu as eu confiance en moi, et cela me fait plaisir, je tenais à ce que tu saches que c'est réciproque, et si le baiser d'une succube peut être mortel, il peut aussi permettre aux esprits d'entrer en contact. Ce que tu as pu voir était une partie de moi même, des extraits de mon passé, de ce que j'ai pu vivre ou voir, au cours de ma longue vie, même si tu n'en vois guère le sens pour l'instant, sois sûr que tu en trouveras l'utilité un jour ou l'autre."
Elle déposa un baiser sur ma joue puis commenca à rassembler nos affaires, au bout de quelques instants je me mis à en faire autant, tout en constatant d'après l'emplacement du soleil que nous étions restés ainsi environ 2 heures, qui avaient semblé durer 2 minutes.
Il devait être environ midi lorsqu'elle décida de quitter la route, en direction d'un cercle de pierres sur une colline avoisinante. Les pierres semblaient être là depuis toujours, usées par les intempéries, et pourtant elles s'élevaient encore, droites et immuables, comme un défi au ciel.
Anya m'invita à m'asseoir avec elle au milieu du cercle. Une légère brise s'était levée, et j'avais un peu froid dans l'herbe humide.
-"Il est temps pour toi de t'équiper correctement, et d'apprendre à te défendre."
Je n'avais effectivement jamais pensé à cette eventualité jusque là, tant je ne m'imaginais pas capable d'affronter qui que ce soit.
-"Comme tu as pu le lire, chaque succube gouverne une cité dans l'autre monde. Je ne déroge pas à la règle, même si je passe le plus clair de mon temps ici. C'est donc là que nous allons, j'estime que tu es prêt à ce changement d'univers. Je ferais en sorte que ta visite dans l'enceinte d'Antalys soit aussi agréable que possible, et même si ce que tu verras te semblera sorti de tes pires cauchemars, tu es sous ma protection et les habitants de la forteresse te considèreront comme l'un des leurs."
Elle prit mes mains entre les siennes et je les serrais de tout mon coeur, comme pour être sur de ne pas la perdre.
L'incantation commenca, et tandis qu'elle fermait les yeux tout en balbutiant quelques mots d'une langue qui m'était inconnue, je sentais le vent devenir de plus en plus fort, et le ciel s'assombrir de manière inquietante. Le temps semblait s'accelerer à l'interieur du cercle, et les pierres vibraient, le soleil était desormais masqué par une epaisse couche de nuages noirs qui défilaient rapidement, et une série d'eclairs vint frapper les pierres dans un grand fracas. Je fermais les yeux, en me concentrant sur les mains d'Anya, dont la présence me rassurait, je savais que si je les lachais, je n'aurais plus aucun lien avec la réalité.

Chapitre VII

Une minute plus tard environ toute l'activité cessa. plus un son, plus de vent, plus de lumière. J'ouvris donc timidement les yeux, et ne pus retenir un soupir de soulagement en voyant qu'elle était toujours en face de moi. L'environnement avait changé. L'odeur du souffre et une chaleur étouffante avaient remplacé celle de l'herbe humide. Nous étions assis dans une sorte de figure géometrique, tracée dans de la pierre, j'appris par la suite qu'il s'agissait d'un pentacle d'incantation. La salle était assez petite, sans fenêtre, comme une prison, fermée par une lourde porte en bois dont le grincement sinistre me fit sursauter. Elle s'ouvrait sur un escalier, fait de la même pierre que les murs et le plafond, je n'en avais jamais vu de telle, elle était orange, voir rouge par endroit, et semblait indestructible bien que très ancienne.
La montée dura quelques minutes, et les escaliers en colimaçon laissaient à penser que nous étions dans une tour. C'était effectivement le cas, et une fois en haut, nous arrivâmes à une petite plate-forme circulaire.
-"Bienvenue en enfer !" me dit-elle d'un ton semi ironique, tandis que se dévoilait à mes yeux un spectacle de fin du monde.
Je me trouvais au sommet de la plus haute tour de la forteresse, en plein centre, une tour plus haute que toutes celles que j'avais vue jusque là. D'immenses remparts circulaires s'élevaient en contrebas, et une dizaine de ponts les reliaient au bas de la tour. Sous ces ponts, un abîme qui semblait sans fond, La tour et les remparts semblaient flotter dans le néant. Le feu était omniprésent et ca et là sur les remparts flottaient des torches, des brasiers, des lanternes, sans doute portés par des créatures que je ne pouvais pas distinguer d'ici. Le ciel était rouge et lumineux, je n'apercevais aucun astre derrière la couche de nuages d'origine volcanique, et de l'autre coté des remparts s'étendait une plaine rocheuse sans la moindre végétation, le sol était grisâtre. Au loin une chaine de montagnes sinistres s'élevait. Je restais plusieurs minutes à contempler ce monde sans vie, ce n'est que par la suite que je me rendis compte qu'un vent puissant balayait toute la plaine et me cinglait le visage, trainant avec lui l'echo de cris inhumains et de grognements sourds, qui me touchaient dans les tréfonds de mon âme.
Je me sentais de plus en plus mal, mais en même temps je me sentais captivé par cette scène, il y avait sans aucun doute de terribles forces qui regnaient en ces lieux, et je serais probablement entré dans un état second si Anya ne s'était rapprochée de moi.
Le contact de sa main sur mon épaule me sortit de la torpeur dans laquelle je sombrais. Elle avait quelquechose de bienveillant, comme si elle comprenait la confusion qui agitait mon esprit. Oubliant alors l'endroit où nous étions, je me mis à pleurer en silence dans ses bras, repensant à mes parents, à Melina, au village de mon enfance, j'étais fatigué, et cette tristesse m'envahissait presque malgré moi. Je m'attendais à ce qu'elle n'apprecie guère ce moment de faiblesse, mais au contraire, elle se comporta presque de manière maternelle avec moi, me soutenant et me protegeant de ce vent qui glacait la moëlle de mes os.

Chapitre VIII

Je me reveillais le lendemain dans un lit confortable. Je sentis immediatement que je n'étais plus à Antalys. Je me trouvais dans une chambre d'une maison de bois, avec un pichet d'eau fraiche sur la table de nuit, et une fenêtre qui donnait sur une forêt de sapins.
Avais-je donc revé tout ca ? Pourtant tout semblait si réel... et en même temps si lointain... je ne savais que trop penser et après m'être aspergé d'eau pour être certain de ne plus rêver, je m'appretais à ouvrir la porte, lorsque j'entendis frapper à celle-ci. Il s'agissait d'Anya, elle était souriante et surtout, elle ne portait plus la même tenue. A sa robe et sa pelerine noire elle avait substitué une autre robe, au teint rouge orangé, couverte de motifs et de symboles noirs à caractères magiques sans aucun doute. Sa cape était elle aussi couverte de motifs, différents de ceux de la robe. Je pouvais distinguer des spirales, des cercles et des courbes qui semblaient s'enchevêtrer sans fin. le décolleté de sa robe laissait apparaître sa peau blanche et autour de son cou pendaient plusieurs colliers et médaillons, l'un d'entre eux était une perle dégageant une faible lumière bleutée, et semblant en suspension dans un triangle metallique. Elle portait sur son front une sorte de petite couronne faite de cristal et incrustée de pierre precieuses, elles avait pourtant l'air très solide, et contrastait avec la noirceur de ses cheveux. Elle tenait dans sa main droite un bâton, presque aussi grand qu'elle, et dont le bout superieur se terminait en trois griffes, qui maintenaient une gemme rougeoyante. Le corps du baton était de couleur noire, parcouru sur toute sa longueur par des enroulements de métal doré et par des runes gravées.
Je n'avais encore jamais vu Anya ainsi, elle était rayonnante, et sa nouvelle tenue mettait en valeur ses formes agréables, si bien que je l'admirais plus que je ne la regardais. Elle semblait amusée de me voir, assis sur mon lit, la dévisager comme si je la voyais pour la première fois.
-"A voir l'expression de ton visage, je sais au moins que tu apprécies mon changement vestimentaire, mais il n'est pas anodin. J'ai profité de notre passage à Antalys pour m'équiper, en prévision de nos prochaines escales qui seront bien plus dangereuses. Etant donné ton malaise et ton sommeil qui a duré presque 3 jours, j'ai raccourci notre passage à la forteresse, j'ai néanmoins eu le temps de me procurer quelques petites affaires..."
Tout en parlant, elle ouvrit une sorte de caisse en bois qui se trouvait sous la fenêtre, et à laquelle je n'avais jusque là pas prêté la moindre attention. Elle mit quelques minutes à extirper de la caisse tout un attirail qui serait mon armure.
-"Cette cotte de maille a été forgée à ma demande dans les entrailles d'Antalys par les meilleurs artisans de la forteresse, ceux là même qui équipent mes armées. J'ai passé la journée d'hier à délivrer de puissants enchantements dessus, elle est plus lourde que le plomb pour n'importe qui, excepté pour toi, tu ne sentiras même pas son poids. Le simple fait de la mettre te rendra plus vigoureux et plus resistant. Elle te protègera très efficacement de toute attaque physique, aucune arme commune ne peut percer ces mailles. J'ai également pris la liberté de te procurer ce bouclier, si jamais tu préfères utiliser une arme à deux mains, il est encore temps de me le dire. Sinon tu as le choix entre plusieurs armes."
Sans trop m'y connaître en combat, j'optais pour une épée longue qui me semblait plus maniable et surtout bien plus esthetique que les massues et autres fléaux qui jonchaient le sol. Anya m'indiqua que le bouclier était magique également, et qu'il stimulerait mes réflexes de facon à toujours bloquer le maximum de coups possibles. Lorsque je pris l'initiative de demander si l'épée était dotée de pouvoirs magiques aussi, elle se contenta de me sourir, et sortit de la pièce pour me laisser enfiler tout ce materiel. la cotte de maille m'allait parfaitement, et était si légère que j'avais l'impression de ne porter qu'un bout de tissu. Le bouclier était circulaire, et très léger également, il faisait corps avec mon bras gauche. Enfin, je sortis délicatement l'épée de son fourreau, curieux de voir ce qu'elle cachait. Je ne pus reprimer un petit cri de surprise en la dégainant. Elle était entièrement noire, comme le reste de l'armure, et une flamme orange courait le long de la lame, comme si l'épée se consumait indéfiniment. Pourtant elle restait froide et ne produisait aucune fumée. Par la suite Anya m'expliqua que la lame était inoffensive pour son possesseur, mais qu'elle abattrait le feu de l'enfer sur ses victimes, faisant fondre leur armure et consumant les chairs instantanément.
Quand enfin j'eus fini de me préparer, elle passa autour de mon front une petite bande du même métal qui constituait l'armure. Cette petite couronne tenait toute seule, comme la sienne. Elle m'expliqua qu'elle me protègerait aussi efficacement qu'un heaume complet, mais en étant bien plus discrète et sans géner mon champ de vision ou ma mobilité. Je ne comprenais pas comment telle chose était possible, mais qu'importe, j'avais vu tellement de bizarreries ces derniers jours, qu'après tout cela devait être vrai.
Je quittais donc l'auberge, fier de mon allure imposante et convaincu d'être devenu un combattant d'exception. Ma gloire interieure fut pourtant de courte durée, car Anya m'emmenait dans un champ pour m'entrainer au maniement des armes, et force était de constater que j'étais mediocre. L'entrainement dura toute la journée, et je me rnedis compte que son baton était une arme plus qu'efficace entre ses mains habiles, elle le faisait tournoyer en l'air à une vitesse telle que mon épée était systematiquement emportée lorsque j'essayais de la toucher. Elle evitait ou parait tous mes coups, et me desarmait regulièrement. Après une heure durant laquelle je me sentais profondément ridicule, elle mit un terme à mon calvaire, et commenca à m'apprendre quelques mouvements.
-"La première chose est de tenir fermement ton arme, tu ne dois en aucun la laisser t'échapper, elle doit être le prolongement de ton bras. Les adversaires que tu rencontreras ne te feront pas de cadeau et tu dois en permanence penser aux consequences de tes gestes plutot qu'à leur effet. En brassant l'air comme tu le fais non seulement tu ne me toucheras pas, mais en plus tu te mets dans une position de désequilibre vis à vis de moi, tu comprends ?"
Je fis une moue approbative, et elle passa le reste de la journée à décortiquer avec moi des mouvements de combat dont je ne soupconnais pas l'existence. Ainsi je decouvrais que le maniement de l'épée était un véritable art, presque une danse, et que chacun de mes coups pouvait faire bien plus que de trancher. Lorsque le soleil disparut de la ligne d'horizon, j'étais epuisé, mais satisfait de pouvoir désormais assomer, faire saigner, découper, paralyser ou désarmer l'ennemi. Ce que je prenais pour une boucherie violente était une veritable science, dont la majeure partie s'apprenait avec l'experience du combat. Quand à Anya, elle semblait aussi dangereuse avec une arme en main qu'avec sa magie, et avait réussi à me faire mordre la poussière avec tout ce qui était possible, du baton à la hallebarde en passant par les massues de guerre. Mais le plus décourageant était sans conteste le fait qu'elle ne soit jamais fatiguée ni à cours de ressources, et c'est en repensant à tout cela que je m'écroulais sur ma paillasse.

Chapitre IX

Au réveil j'appris que nous allions dans les montagnes enneigées du royaume voisin. Les habitants de Midgard n'etant guère accueillant, Anya préferait les éviter, et rejoindre par des chemins detournés la citadelle des Isalfs. Il s'agissait d'elfes exilés, vivant en autarcie au plus profond des montagnes.
Le climat se dégradait au fur et à mesure que nous approchions des montagnes, et je pus m'apercevoir avec satisfaction que l'armure protegeait aussi bien du froid que des coups. Au loin je pouvais distinguer une forteresse midgardienne, mais le chemin que nous empruntions n'était gardé que par le vent, la neige et quelques loups egarés qui n'osaient approcher. L'escalade du versant de la première montagne dura plusieurs jours, et si Anya parvenait à invoquer du feu, de l'eau et des légumes dans ce désert glacé, je commencais à regretter l'absence de viande et de pain. la tempête de neige de la nuit dernière s'était enfin calmée, et Anya ne cacha pas sa satisfaction en apercevant sur le flanc de la montagne voisine la place forte Isalf.
Seul un pont de glace épais de plusieurs mètres, et surveillé par plusieurs tours de garde permettait d'y acceder. Anya préfera se présenter seule dans un premier temps, pour ne pas éveiller d'inquietude. J'attendais donc en retrait, sa discussion avec le garde fût breve et elle me fit signe de m'engager à mon tour sur la glace. Le précipice en contrebas nous incitait à la plus grande prudence, car si l'agilité et la vivacité des elfes leur permettait de traverser sans danger, il en allait autrement pour nous. Ce pont était assurement un bon moyen de stopper n'importe quelle invasion, et après une demie heure de progression hasardeuse, la neige s'enfoncait de nouveau sous nos pieds.
La ville se trouvait en réalité dans une immense caverne, et les remparts exterieurs ne devoilaient pas sa taille réelle. Les maisons étaient faites de glace et de bois gelé, avec ca et là quelques rochers pour consolider l'ensemble, il y en avait avec plusieurs étages, d'autres creusées directement dans la roche. La caverne possedait plusieurs niveaux par endroit, et tout au fond se trouvait le palais de glace du prince des Elfes. Les roches et la glace refletaient la lumière du jour si bien que toute la grotte était eclairée comme en plein jour, alors que l'on était au coeur de la montagne. Les elfes avaient la peau d'un bleu assez clair, comme si ils etaient eux même gelés, et semblaient vivre au ralenti dans leur sanctuaire. Quelques jardins gelés témoignaient d'une epoque révolue, où le froid n'avait pas encore envahi la région, et où la vegetation etait luxuriante. Ces elfes devaient être les derniers habitants à avoir survécu au changement climatique.
Le prince nous reçut sans céremonie. Les voyageurs arrivant en vie jusqu'ici étaient plus que rares, et les elfes parlaient une langue dont ils étaient les derniers utilisateurs. Anya la connaissait également, mais ne me traduisait quasiment rien, c'est donc sans rien y comprendre que j'assistais à la rencontre. Le prince ne paraissait guère interessé, et effectivement, après seulement une demie heure de conversation, un garde nous raccompagna jusqu'à la sortie.
-"Que s'est-il donc passé ?" demandais-je, incrédule, à Anya.
-"Je m'y attendais un peu en fait. ils ne sont pas prêts à quitter ces montagnes. Voila plusieurs centaines d'années qu'aucun d'eux n'a rien connu d'autre que la neige, le froid, et la glace. Un changement de climat et de mode de vie les tuerait, à plus ou moins long terme."
-"Je comprends."
J'etais assez mécontent d'avoir fait tout ce chemin pour rien, mais je devais bien me faire une raison, d'autant plus que se présentait à nous le même pont qu'auparavant, et qu'il fallait se concentrer pour le traverser sous peine de finir au fond du gouffre.
En quittant ces montagnes, j'eus une pensée de remerciement envers Melina, sans son médaillon je serais surement ressorti avec une mauvaise grippe.
Nous avions au total passé plus de dix jours dans le froid, et je sentais qu'Anya n'en était pas sortie indemne. Elle avait probablement depsné pas mal d'energie pour nous protéger des intempéries et me procurer la nourriture essentielle à mes besoins, et elle passe la moitié de la nuit dans une sorte de méditation près du feu de camp, tandis que je montais la garde. Elle semblait être totalement ailleurs, et ne prêtait pas la moindre attention à moi, malgré que je ne cesse de bouger et de tourner en rond tant je m'ennuyais. Au cours de cette nuit je pris conscience qu'elle était vraiment patiente, car toutes les nuits, elle restait là, à attendre que je me réveille, alors que j'arrivais à peine à tenir une seule moitié de nuit de la même facon. Elle se releva vers le milieu de la nuit, visiblement ressourcée, et je pus enfin fermer l'oeil.
Le réveil fut difficile mais je me mis cependant en route, les yeux à demi clos pendant une bonne partie de la matinée.
-"Nous allons dans le territoire des damnés." me dit-elle calmement aux alentours de 10h.
Le simple fait d'entendre le mot "damné" attira mon attention et me sortit du demi-sommeil dans lequel je me trouvais. Dans les contes de mon enfance, les damnés étaient des morts vivants qui hantaient certains régions ou forêts et éprouvaient une haine immense envers tous les vivants.
-'Les damnés ?"
-"Il s'agit d'une région entière, autrefois peuplée d'humains. Leur économie était prospère, un peu trop au goût d'un sorcier, qui après avoir été banni par le seigneur de la région, passa plusieurs années à ruminer sa vengeance. Elle arriva sous forme d'une vague de peste qui frappa la région. En quelques jours tous les villages furent touchés, et tous les habitants mourraient les uns après les autres. Le sorcier tenta également de jeter une malédiction sur la région, afin que tous ceux qui étaient morts soient condamnés à errer sans fin autour de leur village sous forme de morts vivants. Malheureusement pour lui le sortilège lui coûta la vie, et depuis, plus personne n'a osé revenir, les quelques aventuriers qui ont tenté de piller les richesses laissées sur place n'en sont jamais revenus. En verité le sortilège a bien fonctionné."
-"Et qu'allons nous faire là bas alors ?"
-"Les damnés sont des morts vivants, mais ils n'en sont pas moins dépourvus de toute intelligence, et ils continuent à suivre celui qui fût autrefois leur seigneur. C'est précisement lui que nous allons voir, il erre dans son chateau sous forme d'une liche, avant de mourir, il a eu recours a un sort afin de préserver ses pouvoirs dans la mort. Les liches sont des mages très puissants, particulièrement dans l'art de la nécromancie. Je n'ai par contre pas la moindre idée de son degré de damnation, et même si de par sa nature magique, il sentira que je ne suis pas humaine, il se peut très bien qu'il ne daigne même pas m'écouter et se montre hostile."

Chapitre X

Le lendemain en milieu de journée nous étions aux portes du territoire. La région consistait en une plaine bosselée entourée de hautes falaises rocheuses, le sol était marécageux par endroits, et toutes les maisons et villages que nous traversions étaient en ruine, et aucune trace de vie, même de mort vivants ne se faisait remarquer. Le collier me protégeait de toutes les maladies qui infestaient l'air et le sol, quand à Anya elle ne semblait pas avoir de problème, d'ailleurs je me demandais bien si elle craignait une seule chose au monde. Paradoxalement, la végetation etait assez abondante, sans doute à cause du sol très humide, et le sol était à peine visible. Les saules pleureurs semblaient particulièrement bien se développer dans la région. Nous traversions le troisième village, et même si celui là était aussi delabré que les précédents, il régnait en plus une odeur de chair decomposée qui ne presageait rien de bon. Un rugissement terrible se répercuta contre les falaises et nous fit sursauter, impossible de savoir d'où ca venait, mais il y avait entre ces falaises une autre forme de vie que nous.
-"C'est probablement une wyverne."
Devant mon regard interrogateur elle prit le soin de préciser.
-"Une sorte de serpent volant peu recommandable."
Dès lors je pris le soin de scruter le ciel de temps en temps, par simple précaution.
Nous approchions d'un château, construit là où le terrain se surelevait. Il semblait en piteux état, et sur le point de s'ecrouler. Au pied du fort se trouvait un autre village en ruines, mais de loin on pouvait distinguer des mouvements désordonnés. Impossible de déterminer ce que c'était, et c'est donc prêt à degainer que j'avancais aux cotés d'Anya, qui elle ne semblait pas s'inquieter le moins du monde.
Pour la première fois je pouvais voir des morts vivants. Et le spectacle me degoutait au plus haut point. Il y avait plusieurs squelettes animés, dont les os decharnés tenaient comme par enchantement. D'autres étaient ce qu'Anya appelait des goules, des cadavres encore recouverts de chair en décomposition. Ils qe deplacaient lentement en titubant, la plupart ne possedaient pas tous leurs membres, et ils degageaient une odeur de pourriture insoutenable. Parmi ces monstres tous plus dégoutants les uns que les autres flottaient également quelques esprits, ils avaient encore l'aspect des vivants, mais étaient à moitié transparents, et pâles, ils étaient immateriels. Enfin, les plus grands d'entre eux étaient des ombres de mort, des sortes de momies très maigres avec de longues jambes et des bras très fins qui semblaient les embarasser plus que leur servir. On pouvait distinguer des petites cornes sur leur tête, et leurs yeux jaunes nous fixaient sournoisement.
Malgré leur aspect dangereux, tous nous regardaient traverser le village, sans réagir, et il me semblait entendre de longs gémissement plaintifs. Anya m'expliqua qu'ils n'attaquaient que ceux qui viennent s'emparer de leurs biens. J'éprouvais un vague sentiment de pitié pour ces pauvres diables condamnés à pourrir ici pour l'eternité
-"Ne peut-on rien faire pour les délivrer de cette malediction ?"
-"Il existe un sortilège pour rompre l'enchantement des morts vivants, et libérer leur esprit. Mais il appartient à la seule école qui m'est interdite, celle de la lumière." répondit-elle en soupirant.
Avant même que nous n'ayons fini de gravir la colline le grincement de la herse rouillée indiqua que quelqu'un la soulevait.
Le seigneur des lieux, ou du moins ce qu'il en restait, se tenait devant nous. La différence avec les autres sautait aux yeux. Ses ossements étaient mieux conservés, et il portait un semblant de cotte de mailles, dans le même état de fraicheur que lui même, ainsi qu'une cape dechirée. Une couronne aux dorures ternies par le temps recouvrait son crâne et il tenait un vieux bâton de bois flétri terminé par un globe noir. Une lumière rouge d'origine malefique brillait dans chacune de ses orbites.
-"Pour quelle raison vouliez-vous me voir, mortels ? J'espère que votre requête se montrera satisfaisante ou vous finirez comme nous !"
Sa voix était menacante et semblait venir d'outre-tombe, ce qui était somme toute bien normal.
-"Mon nom est Anya, et voici Yvan, il m'accompagne dans mon périple. Si c'est effectivement un humain, ce n'est pas mon cas, et je vous conseille de garder vos menaces pour ceux que ca impressionne, ou votre condition pourrait serieusement se degrader."
Je craignais que son sens de la repartie n'entraine une nouvelle fois une réaction violente, mais la vieille liche semblait plus sage que les prêtres de Camelot.
-"Nous sommes ici pour vous donner l'occasion de vous racheter, vous et vos sujets. Un ennemi puissant menace d'envahir ce monde, et je vais donc demander à tous les peuples de s'unir pour le repousser. Je vous considère également comme un peuple, malgré le mal qui vous frappe, et j'espère que vous saurez vous montrer digne de mon estime, c'est pour cela que je viens aujourd'hui vous demander votre soutien. Combattez à nos cotés, et peut être que les autres cesseront de vous rejeter et de vous isoler dans cette région. Vous avez suffisament souffert pour savoir que la vie est le bien le plus precieux, et nous avons besoin de vous pour la défendre."
Le discours sembla porter ses fruits, elle savait décidement trouver les mots justes pour convaincre, et ce qu'elle appelait "sa coalition" se trouva donc dotée d'une troupe de mort vivants, qui n'étaient pas de fantastiques combattants, mais qui avaient pour avantage d'être insensibles à la douleur et de se battre jusqu'au bout.
Chapitre XI

Le ciel s'assombrissait au fur et à mesure que nous approchions de la sortie du marécage, et le temps se mettrait à l'orage probablement durant la nuit. Tout à coup un cône de lumière blanche montant jusqu'au ciel apparut à quelques mètres de nous. J'ignorais ce dont il s'agissait mais Anya devait avoir sa petite idée car elle me dit de reculer rapidement et de faire attention. Le cône se faisait de plus en plus grand, puis une explosion de lumière eut lieu en son centre, m'obligeant à fermer les yeux, ébloui un instant. En les rouvrant je constatais qu'un ange se tenait devant Anya. Je n'en avais jamais vu auparavant, mais je n'avais aucun doute, il etait un peu plus grand qu'un homme adulte, et portait deux longues ailes de plumes blanches dans le dos. Une sorte d'aura de lumière émanait de lui. Il était en armure, et quelle armure ! Le heaume ne permettait pas de voir son visage, il était en métal argenté, et dans les fentes correspondant aux yeux je pouvais voir deux prunelles de lumière. Le pourpoint était fait du même métal, couvert de gravures dorées, les bottes et les gants étaient assortis au reste, mais curieusement il avait les bras et les jambes nus, dévoilant une musculature robuste. Il arborait une petite targe dorée sur son bras droit, et une longue épée en main gauche, rayonnant de lumière pure. Il volait à environ 1 mètre du sol, battant des ailes lentement mais de manière puissante.
Sa voix gutturale semblait pénetrer dans les moindres recoins du marais.
-"L'heure est venue d'affronter ton destin, démon ! Je suis l'Ange Eonel, mandaté par les forces divines pour mettre fin à tes agissements dans le monde des mortels ! Montres toi sous ton vrai visage si tu l'oses !"
Anya ne semblait pas plus inquiète que d'habitude, tandis que pour la première fois, je craignais qu'il ne lui arrive malheur. Elle se mit à incanter lentement puis un nuage de poussière, vraisemblablement du souffre d'après l'odeur, s'éleva en spirale autour d'elle. lorsque le nuage fut dissipé, environ une minute plus tard, elle se trouvait sous sa forme réelle de succube. Elle était telle que je me l'imaginais d'après l'illustration que j'avais pu voir. Elle avait ces même yeux de braise que lorsqu'elle s'enervait, et sa tenue vestimentaire était assez réduite, mais elle avait conservé ses colliers, et portait dans les cheveux la même broche que j'avais remarqué dans le livre. Elle semblait avoir un vol plus rapide et plus chaotique que l'ange, de part la nature différente de ses ailes, même si je pensais que leur vol était bien plus magique que physique. Elle avait pour toute arme le baton, ce qui semblait etonner quelque peu son adversaire. Il ne perdit toutefois pas de temps et se rua sur elle. Je m'etais abrité derrière un saule en prévision d'un déluge d'energies magiques mais au lieu de ca ils combattaient aux armes, simplement. Je me souvenais alors de ma séance d'entrainement dans le champ, et Anya procedait exactement de la même facon. L'Ange était pourtant bien plus vif et puissant que moi mais son épée ne rencontrait que le vide, ou sa trajectoire était habilement deviée d'un coup de baton bien placé. la succube se jouait de lui avec habileté et je pouvais sentir d'ici l'énervement de son ennemi. Le combat prit cependant une autre tournure, lorsqu'après un énième coup manqué, Eonel profita de la distance qui le separait de la succube pour incanter un sort. Un éclair vint la frapper en plein vol, la projetant brusquement au sol, et il comptait bien assener le coup final à cette occasion, et se jeta de tout son élan sur Anya. je sentis le sol trembler un instant sous le choc de la lame, qui une fois de plus ne trouva pas sa cible. Pire encore, il avait delivré tant de force verticale dans ce coup que son épée restait coincée dans la roche tel un pieu.
-"Tu as rompu les règles strictes du duel, Eonel. Qui sème le vent, récolte la tempête !"
Il venait enfin de parvenir à retirer son épée, mais il était trop tard. Une pluie de flamme jaillit du sol sous ses pieds en même temps que tombaient du ciel des rochers enflammés. Il essayait de résister et de se dégager du brasier mais la succube continuait de développer l'étendue de sa magie. Le sol tremblait de plus en plus et de veritables piques rocheuses apparurent dans la zone, transpercant tout ce qui s'y trouvait. Durant une minute environ une boule de feu apparut dans le ciel, grandissant au fur et à mesure, finalement le mélange de roches et de flammes tournoyantes vint s'abattre sur la victime à haute vitesse. Au bref hurlement de l'ange succeda une explosion puis un silence macabre. Il ne restait plus qu'un cratère de la taille d'une grande maison, et de la poussiere en suspension dans l'air tout autour. En sortant de derrière mon arbre, je constatais que la partie exposée à la bataille était calcinée. Sans cet abri providentiel j'aurais subi le même sort. Je cherchais Anya du regard mais ne la trouvait pas.
-"Et bien, que cherches-tu ?"
Je sursautais en entendant le son de sa voix. Elle se tenait là, derrière moi, comme si rien ne s'etait passé. Elle avait repris sa forme humaine et ne portait aucune séquelle de la bataille.
-"Vous me surprendrez toujours."
Elle se contenta de sourir et nous quittâmes avec une hâte non dissimulée cet endroit.
-"Cet éclair qui s'est abattu sur vous... Comment se fait-il que vous vous en soyez remise aussi vite ?"
-"Je ne crains que très peu de magies, ce qu'il semblait ignorer. Son sort ne m'a fait aucun mal, par contre le choc a provoqué ma chute, ce qui aurait pu me mettre en mauvaise posture. Mais il était tellement convaincu que son petit éclair allait m'assomer qu'il a pris tout son élan, ce qui m'a laissé bien assez de temps pour me dégager."
-"Je vois."
-"Tu as eu peur pour moi n'est-ce pas ? Je l'ai ressenti."
Même si j'etais un peu gené de le reconnaître, elle avait raison.
-"Ton silence en dit long. Il est bien rare que quelqu'un se fasse du souci à mon sujet. A vrai dire, beaucoup préfereraient me voir morte que vivante."
Je sentais comme une pointe de regret dans sa voix. Il est vrai que vivre en solitaire durant si longtemps devait être pesant, même pour quelqu'un comme elle.
Une route marchande importante passait non loin de là, et elle decida de passer la nuit dans une auberge de voyage plutôt qu'à la belle étoile.
L'établissement était assez frequenté et la salle principale était bruyante. Elle prefera monter directement, tandis que je m'installais à une table au milieu des joyeux fêtards, et que je savourais un bon morceau de viande devant un pichet de vin local.
Je venais à peine de terminer mon repas, et allais monter me cocuher, lorsqu'un homme, visiblement à peine plus agé que moi, vint s'asseoir à coté de moi. Je n'y portais aucune attention, mais en voyant que je m'appretais à partir, il me tira par la manche pour me faire rasseoir.
-"Attendez je vous prie. J'ai à vous parler."
Il avait l'air honnete et sain d'esprit, aussi decidais-je d'accepter.
-"Que voulez vous mon brave ?"
-"Je sais que la jeune femme qui vous accompagnait tout à l'heure se nomme Anya. Je sais également ce qu'elle est."
Si Anya avait été là, il serait passé en une seconde du stade de jeune homme plein d'avenir à celui de mort en sursis. Mais il devait le savoir, c'est pourquoi il avait choisi de m'aborder après son départ.
-"Qui êtes vous donc ?"
-"Je ne suis qu'un jeune écrivain. J'ai des sources bien informées, et voila plusieurs mois que je parcours le monde à sa recherche, dans le but de la rencontrer. En réalité j'avais perdu sa trace depuis plusieurs semaines, et c'est un pur hasard qui m'a fait croiser sa route ici, je suis persuadé que c'est un signe du destin, c'est pourquoi je tente ma chance."
-"Je ne comprends pas grand chose à tout cela, qu'attendez-vous de moi au juste ?"
-"Je compte écrire un ouvrage consacré aux succubes, et plus particulièrement à celle ci, car elle est la plus active dans notre monde. Mais il faut que vous m'aidiez à la convaincre, j'ai peur que sa réaction ne soit terrible sinon, vous semblez bien mieux la connaître que moi."
-"Vous êtes completement fou !"
-"Je vous en prie... J'ai passé tellement de temps à la rechercher... Montez la voir et expliquez lui la situation ! Si elle refuse je m'en irais."
Il me paraissait sympathique et semblait tellement le vouloir, que je ne pouvais qu'accepter. Je montais donc avec lui devant la chambre d'Anya. Elle ouvrit peu de temps après que j'ai frappé, et sembla surprise de voir l'homme qui se tenait derrière moi, et qui la regardait avec fascination.
-"J'espère que je ne vous dérange pas." lui dis-je, un peu gené de venir à cette heure.
-"Bon.. Bonsoir !" bégaya le jeune homme avec un grand sourire.
-"Tu sais bien que non. Qui est cet energumène qui ne me quitte pas du regard ?"
-"Eh bien c'est un peu compliqué..Il vaudrait mieux que l'on entre en fait."
Elle referma la porte derrière nous.
-"Alors que se passe-t-il ?"
Je m'appretais à lui expliquer mais l'autre prit l'initiative de le faire lui même. Il commenca par s'agenouiller devant elle et s'incliner bien bas pour la saluer. Anya me regardait, consternée, ne sachant si elle devait rire ou bien le mettre à la porte.
-"Bon, ca suffit, qui êtes vous donc ?"
-"Je me présente, Michel Perandon, fils de Jacques Perandon, palefrenier de Port-Libre !"
Je ne pus m'empecher de sourire, heureusement il ne le remarqua pas.
-"Mais encore ?"
-"Je ne sais trop comment vous expliquer.. Depuis mon enfance je m'interesse à l'écriture, et il y a quelques années, je suis tombé sur un ouvrage traitant des créatures fantastiques qui peuplent nos contrées... Depuis, je me suis en quelque sorte documenté sur le sujet, et j'ai appris l'existence des démons, plus particulièrement des succubes et... Je vous recherche depuis plusieurs mois maintenant... Je ne savais plus où aller, lorsque par hasard je vous ai vue entrer dans cette auberge où je me trouvais... Je profite donc de l'occasion pour vous demander si vous accepteriez d'être le sujet de mon prochain ouvrage, qui serait une étude complète des succubes..."
Anya ne répondit pas dans un premier temps. Le silence se faisait oppressant, et je sentais que l'esperance de vie de ce pauvre homme venait de diminuer drastiquement. Anya n'aimait guère que l'on sache la verité, et en règle générale ceux qui la voyaient sous son vrai jour n'y survivaient pas. Je pensais donc que pour sauver la peau de ce fou, il valait mieux qu'elle accepte sa proposition. De part ma nature plutôt pacifique, et préferant éviter toute violence, j'entrepris d'emmener Anya un peu à l'ecart et d'en discuter avec elle avant qu'elle ne commette l'irréparable.
-"Ecoutez, je me doute que cela ne vous plait guère, mais ce serait une bonne idée je pense que de le laisser nous accompagner... Il serait de bonne compagnie, et pourrait nous être utile d'une facon ou d'une autre, de plus il laisserait une trace écrite de tout ce que nous rencontrons, ce qui ne peut qu'être utile aux generations suivantes..."
Elle restait toujours silencieuse et me fixait droit dans les yeux, j'étais bien embarassé et je ne savais quoi trouver comme argument pour la convaincre.
-"Très bien. Qu'il nous accompagne, mais il sera sous ta responsabilité, et si jamais il ne file pas droit, il n'aura pas de seconde chance."
Je m'attendais à tout, sauf à une réponse aussi favorable. Elle ne perdit pas de temps et se retourna vers Michel qui attendait avec la même anxieté qu'un accusé au retour des jurés dans le tribunal.
-"Vas dormir, nous partons demain à l'aube, n'oublies pas tes sacs."
Il la remercia une bonne dizaine de fois avant de finalement partir en courant rejoindre sa chambre.
-"Et bien, tu as ce que tu voulais, non ? Vas donc dormir aussi à moins qu'il y ait quelquechose dont tu veuilles me parler ?"
-"Je ne m'attendais pas à ce que vous acceptiez. Je pensais que vous étiez insensible, froide et cruelle, mais ces derniers jours, je me suis rendu compte qu'au fond, vous avez bon coeur. Merci pour lui, je ferais de mon mieux pour que vous n'ayez pas à le regretter."
Elle me sourit et je me hâtais d'aller me coucher, la nuit serait courte.

Chapitre XII

Michel était présent à l'heure dit et ne dissimulait pas sa joie de partir avec nous. Il était bavard et c'était un joyeux compagnon, de ceux qui vous rendent le voyage moins monotone, je ne regrettais pas sa présence. Quand à Anya, je ne saurais trop dire ce qu'elle pensait, elle ne parlait guère, malgré les nombreuses sollicitations du nouveau venu. Elle prit cependant la peine de nous expliquer que nous allions dans le désert, au sud, à la rencontre des groupes de nomades qui le parcourent en tous sens. Elle avait prévu de faire une halte et de prendre des provisions dans un petit village auparavant. Le sol devenait de plus en plus rocailleux et la chaine de basses montagnes escarpées qui s'elevait devant nous indiquait la limite du désert. Le trajet se déroula sans encombre et trois jours après avoir quitté le relais nous arrivions dans la petite bourgade. L'aubergiste n'avait qu'une seule chambre disponible, et d'un commun accord il fut donc decidé que Michel dormirait sur le tapis, Anya resterait assise, quand à moi je disposerais du lit. Nous étions arrivés au coucher du soleil, aussi n'avions nous pas perdu de temps pour monter nous reposer. Mon sommeil fut hélas de courte durée, Anya me reveilla peu avant minuit, et vint chuchoter à mon oreille.
-"Reveilles toi, sans faire de bruit. Il faut partir, j'ai un mauvais pressentiment."
Tandis qu'elle allait reveiller Michel de la même facon, je lui demandais à voix basse ce qui se passait.
Elle ne répondit pas et alla entrouvrir furtivement la porte. L'aubergiste était parti se coucher il n'y avait pas un bruit dans le couloir, rien d'anormal. Elle nous fit signe de venir, notre compagnon semblait aussi perdu que moi, mais nous savions qu'elle avait ses raisons. La sortie de l'auberge fut assez longue, nous marchions lentement en veillant à ne pas faire craquer le plancher ou grincer les portes. La lune était à son zénith lorsque nous étions parvenus dans la rue. En quelques secondes toute la ville s'emplit de hurlements déchirants, qui peu à peu se transformaient en grognements féroces. La porte de la maison en face de nous s'ouvrit brusquement et une silhouette inhumaine en sortit.
-"Des lycanthropes ! Courez !" cria-t-elle en nous indiquant la direction du desert.
Je ne me fis pas prier et détalais aussi vite que mes jambes me le permettaient pour quitter la ville, suivi de près par Michel qui n'en menait pas large. Anya restait derrière nous, créeant ca et là des murs de flammes pour dissuader les loups garous de nous suivre. Tout le village était maintenant dehors, à notre poursuite, hurlant à la lune telle une meute enragée. Je courais toujours et entendais la respiration de Michel derrière moi. Après plusieurs longues minutes je me retournais, et constatait que nous avions bel et bien semé nos poursuivants, mais qu'Anya était restée dans le village, comme en témoignaient les éclats de lumière qui jallissaient d'entre les maisons. Je n'aurais pas aimé être à la palce des habitants à ce moment là.
-" Attention !" hurla Michel en me tirant dans sa direction.
Une paire d'yeux jaunes avancait vers nous dans la pénombre. Je degainais mon épée, et à la lueur de sa flamme je pouvais distinguer la silhouette epaisse d'un lycanthrope. Il se tenait sur ses pattes arrières, et était plus grand que moi. Il portait encore les habits de l'humain qu'il était quelques heures plus tôt. Ses pattes se terminaient par de redoutables griffes et ses crocs ne m'inspiraient rien de bon. J'avais entendu dire autrefois que l'on devenait loup garou lorsque l'on était mordu par l'un d'eux. Je poussais donc Michel loin derrière moi, et m'apprêter à engager mon premier combat avec ce monstre, tout en priant qu'Anya revienne vite.
Il semblait aussi hésitant que moi, j'esperais que la lueur de mon épée et mon imposant bouclier le feraient renoncer, et je l'agitais devant moi comme si je tenais une torche enflammée. Il recula dans un premier temps. Une forte explosion dans le village détourna mon attention l'espace d'une seconde, suffisante au lycanthrope pour prendre son élan et me sauter dessus. J'eus juste le temps de me décaler sur la gauche pour l'eviter, il retomba lourdement à quelques centimètres de moi. Me souvenant de ce que j'avais appris, je profitais de ma position laterale pour executer l'un des mouvements d'épée auxquels je m'etais entrainé. Le coup fut plutôt réussit et le loup hurla de douleur tandis que l'épée penetrait son flanc droit. La chaleur de la lame était telle que ses poils commencèrent à prendre feu. Fou de douleur et de rage il se retourna et frappa violemment mon bouclier. Ses griffes se mirent à grincer sur le métal et sous la puissance du coup je reculais de quelques pas. Je craignais un second assaut, mais il saignait de manière abondante, et préfera s'enfuir, laissant derrière lui une odeur de sang frais et de poil carbonisé. La situation dans le village ne s'était toujours pas calmée et une nouvelle explosion encore plus puissante retentit, nous étions loin et pourtant je sentis le sol trembler un instant, je vis l'une des maisons exploser, et le toit voler sous le choc, avant de retomber quelques mètres plus loin. Ce fut la dernière manifestation sonore et visuelle de la bataille, le silence retomba lentement, et les dernières planches encore en état finissaient de se consummer. J'attendais avec anxieté le retour d'Anya. Chaque minute qui s'ecoulait me faisait redouter le pire, même si je connaissais sa force, la bataille avait été longue, et c'était mauvais signe. Je faisais part de mes craintes à un Michel encore tout tremblant, et qui ne put retenir un cri de joie en voyant la silhouette gracieuse d'Anya se profiler en contrebas.
-"Et bien, j'ai eu du mal à vous retrouver, vous êtes partis loin." s'exclama-t-elle en arrivant.
Elle était couverte de poussière et semblait blessée au front.
-"Vous allez bien ?"
-"Oui, rien de grave, ils étaient plus resistants que je ne le pensais et finalement la maison s'est ecroulée sur nous."
Elle secoua un peu ses cheveux et ses habits et partit dans un éclat de rire en voyant le nuage de poussière qui s'en dégageait. Michel riait de bon coeur et la bonne humeur me gagna à mon tour, j'etais fatigué, mais heureux d'avoir pu me défendre seul et surtout que nous soyons sortis sans encombre de cette mauvaise passe.

Chapitre XIII

Le lendemain matin commenca un long cheminement monotone dans le désert de roche. Michel prenait en permanence des notes de nos faits et gestes pour être sur de ne rien oublier de ce qu'il voyait et entendait. Anya esperait croiser la route des nomades au principal point d'eau de la région, qui se trouvait à 5 jours de marche au sud de notre position. Notre progression était assez lente sous ce soleil de plomb, et l'uniformité du paysage devenait pesante. La situation se trouvait étrangement inversée, d'ordinaire Michel et moi étions plutôt bavards, tandis qu'Anya restait peu loquace, mais sous cette chaleur aucun de nous deux n'avait le courage de se répandre en longs discours, et c'est notre guide qui s'efforcait de nous faire garder le moral. Elle trouvait en notre nouveau compagnon un auditoire attentif et passionné, tandis que j'emettais quelques réserves, preferant penser à des cascades d'eau fraiche plutôt que de connaitre l'origine des lycanthropes ou l'histoire de ce maudit désert. Je retrouvais toutefois le sourire en apercevant la silhouette de quelques palmiers au loin, indiquant la présence du point d'eau. par chance les nomades s'y trouvaient aussi, nous évitant d'autres longs jours de voyage jusqu'au point d'eau suivant.
L'hospitalité des gens du désert était légendaire, et à ma grande satisfacation, la réalite rejoignait la légende. Ils étaient impressionnés par le fait que l'on soit arrivés à pied en étant seulement trois, et organisèrent le soir même de notre arrivée une petite fête en notre honneur. Ils étaient une petite centaine, et voyageaient à dos de dromadaires, installant leurs campements en fonction des points d'eau et de la fertilité des terres. Leur chef était un petit homme rondouillard, bon vivant, et respectés par ses hommes. J'eus l'occasion de gouter aux produits du désert, tandis que les femmes du harem dansaient au son de la musique envoutante des nomades. Une fois le repas terminé, tous se mirent à les rejoindre et une bonne partie de la nuit se déroula en danse et destivités. Même Anya prit part à la fête et se révela être une excellente danseuse sous le regard etonné de tous. Je riais interieurement en pensant qu'un jour, quelqu'un lirait dans l'ouvrage de Michel, que les succubes sont de bonnes danseuses, et c'est sur ces pensées agréables que je m'endormais ce soir-là.
Anya passa la plus grande partie de la journée à convaincre le cheikh, et je profitais donc de ce répit pour goûter aux joies de la baignade et de la sieste sous les palmiers. Elle avait une fois de plus su se montrer convaincante, et les nomades nous avaient même offert 3 montures pour le retour. Nous restâmes une nuit de plus en leur compagnie et au petit matin, après les avoir une nouvelle fois remerciés de leur accueil, nos montures se mirent en route vers l'ouest.
-"Vu le regard interessé de leur chef je crois qu'il aurait donné cher pour que vous rejoigniez son harem." sortit Michel d'un ton blagueur.
-"Et vu le tien je crois que tu ne penses pas mieux que lui." répondit Anya d'un ton sec qui me surprit sur le coup.
Je savais qu'elle n'avait pas tort car notre compagnon n'avait cessé de la dévorer du regard lors de la fête, et elle semblait assez mal le prendre. C'est la première fois que je la voyais être vexée qu'on la regarde, elle avait d'ordinaire plutôt tendance à jouer de ses charmes et à considérer les réactions avec humour.

Chapitre XIV

Nous allions rejoindre la petite ville portuaire au nom évocateur de Port-Libre. Michel était enthousiaste à l'idée de revoir son père, et je trépignais d'impatience d'embarquer sur l'un de ces navires pour traverser l'océan.
Port-Libre était une importante ville de transit, et de nombreuses marchandises circulaient chaque jour. Il était assez facile de trouver une embarcation, et après négociation avec le capitaine, nous prendrions le départ dans 3 jours. La traversée devrait durer un peu plus d'une semaine si tout se passait bien, pour débarquer à Connla, village portuaire du royaume d'Hibernia.
Malgré les protestations d'Anya, les parents de Michel nous offrirent l'hopitalité jusqu'à l'embarquement. C'était un couple sympathique, le père s'occupait des écuries de la ville et n'avait pas à se plaindre du nombre de clients, dont certains furent d'ailleurs étonnés de trouver 3 chameaux dans l'étable.
Le capitaine était un vieux loup de mer qui avait passé l'essentiel de sa vie sur l'eau. Le bateau transportait quelques marchandises en plus des rares passagers, et si il n'était guère confortable, avait l'avantage d'être plutôt rapide. Le vent soufflait bien et nous avancions à vive allure sur les eaux calmes. Les marins appreciaient la présence d'une femme à bord, d'autant plus qu'Anya passait le plus clair de son temps à tourner en rond dans le navire. Michel en revanche était malade depuis le début et ne sortait de sa cabine que pour rendre à la mer son repas par dessus le rebord du pont. Au troisième jour de notre traversée, le vent commenca à diminuer nettement, et le 4ème jour, nous n'avancions presque plus. Les marins se mirent à actionner les quelques rames dont était equipé le navire, et si le mode de propulsion était bien plus lent, il avait pour avantage de contribuer à l'amélioration de l'état de notre compagnon, dont le repas de midi n'était toujours pas ressorti.
Le capitaine ne cacha pas son inquiétude, la région était frequentée par des pirates, et si avec le vent son bateau était trop rapide pour être abordé, le manque de rames garantissait aux navires ennemis une proie facile. Au second jour de l'absence de vent, l'un des marins signala la présence d'un autre navire sur la ligne d'horizon. Le lendemain, il avait orienté son cap vers nous, et se rapprochait rapidement.Il s'agissait d'une trirème dont la voile noire ne laissait aucun doute sur les intentions. Au fur et à mesure qu'elle se rapprochait, on pouvait distinguer ce qui devait être une catapulte à l'avant du bateau.
Anya ordonna au capitaine de maintenir son cap, et expliqua aux marins de ne se soucier de rien. Il n'y avait de toute facon aucun moyen de fuir si le vent ne se manifestait pas rapidement, et ils obéirent en désespoir de cause.
Le jour suivant, la trirème n'etait plus qu'à quelques brasses de notre embarcation. Les pirates tirèrent un coup de semonce et une grosse pierre vint s'ecraser dans l'eau à quelques mètres de nous. Celui qui devait être leur capitaine hurla de stopper notre progression. Les marins affolés attendaient un ordre de leur capitaine, qui avec l'approbation d'Anya, leur intima l'ordre de stopper.
Elle attendit patiemment que la trirème se rapproche suffisament, puis commenca une incantation assez longue. Les marins la regardaient sans comprendre, quand à moi j'attendais avec impatience de voir le résultat, jusque là j'avais pu constater que plus elle mettait de temps à lancer un sort, plus celui ci était puissant, or celui là était bien plus long que les autres...
Une sorte de grondement sourd se fit entendre sous l'eau durant quelques minutes. Les pirates l'entendaient aussi visiblement et s'étaient immobilisés par prudence, tous attendaient de voir ce qui allait se produire. L'eau s'agitait de plus en plus aux abords de la trirème et ils décidèrent de rebrousser chein, mais il était trop tard. En quelques secondes ils furent emportés dans un tourbillon aussi puissant que bref et localisé, leur navire fut aspiré comme un simple bout de bois dans les entrailles de l'océan. Tout s'était deroulé en moins d'une minute, et il ne restait plus de la trirème que quelques fragments de bois qui remontaient lentement en surface.
Anya fit signe à l'equipage stupéfait de se remettre en route, et sous les bonnes grâces d'un vent clément, le reste du voyage se déroula sans incident notable.

Chapitre XV

Connla était un petit village où il devait faire bon vivre. Situé à l'extrême Sud du royaume, il était bordé de longues plages de sable fin sur lesquelles venaient s'échouer les vagues dans une rengaine perpetuelle. Les habitants étaient de toutes races et origines, comme si ils avait été mélangés dans un pot et jetés là. Ils étaient bien différents des peuples de l'est, d'où nous venions. Ainsi de petits lutins, appelés Lurikeens, cotoyaient avec espièglerie les placides firbolgs, sorte de petits géants bienveillants. Les celtes étaient quand à eux des humains aux coutumes différentes de ce que j'avais pu connaître. Ils vouaient culte à la Nature, dont les plus admirables representants, appelés Sylvains, quittaient parfois leur île pour commercer sur le continent. Si les elfes et leurs cousins lurikeens éprouvaient quelques réserves à notre venue, les firbolgs et les celtes nous firent bon accueil, et un couple de firbolgs nous offrit le gîte et le couvert pour la soirée. Le mobilier de leur maison était adapté à leur taille, et donc sensiblement trop grand pour nous, ce qui provoqua quelques situations amusantes au moment de passer à table ou de monter les escaliers. Le repas était à la mesure des occupants, si bien que je dus refuser un troisième bol de soupe au potiron. Les firbolgs, etonnés de nous voir manger si peu à leur yeux, ne se firent pas prier pour vider le contenu de la marmite tandis que nous allions, repus, nous écrouler sur les lits.
A la demande d'Anya, le palefrenier avait preparé 3 robustes montures, et en milieu de matinée, après avoir pris congès de nos hôtes, dont l'etreinte me faisait encore mal au dos, nous étions en route pour Innis Carthaig. Le palefrenier nous avaient mis en garde de ne pas faire route de nuit, car des maraudeurs sanguinaires arpentaient les routes dès la nuit tombée. Innis Carthaig était l'un des endroits les plus reculés d'Hibernia, l'un des derniers villages protegés, à la frontière du marais hanté de Cullen, de la plaine du Lough Gur infestée de bêtes sauvages, et des collines de Sheeroe dont la simple évocation semblait un sujet tabou chez les habitants. Le programme s'annoncait donc chargé et même si Anya refusait de nous dire ce que nous allions y faire, le fait qu'elle ait passé des heures à demander aux habitants des informations sur le marais et les collines me laisser supposer que nous allions droit dans les ennuis. Michel ne partageait pas mon inquiétude, trop occupé à observer ce qui l'entourait et à réflechir à ce qu'il pourrait citer dans son livre.
La région d'Innis Carthaig était plutôt lugubre, la nuit tombait assez rapidement, recouvrant la ville d'un épais brouillard. Du marais proche émanaient les sons des crapauds, des grognements sourds et parfois des cris inhumains dont je me refusais à imaginer l'origine. Innis se trouvait au bord d'un lac circulaire de taille moyenne, au milieu duquel se trouvait une petite île, qui semblait un havre de paix et de douceur dans ce territoire hostile. Elle était baignée d'une sorte de lumière surnaturelle et semblait bénie des Dieux. Anya me confia que l'île était peuplée par des licornes, et considerée comme sacrée par les hiberniens, nul n'était autorisé à s'en approcher, sous peine de croupir dans un cachot durant de longues années.
A la tombée de la nuit nous nous mirent en route pour le marais. Michel n'était guère en état de nous suivre, et il préfera rester en ville le temps de soigner son allergie aux plantes de la région. J'aurais aimé partir en plein jour, mais Anya tenait à y aller sous le couvert de la nuit. Je la suivais de près, redoutant à chaque instant de me perdre dans l'obscurité et de me retrouver face à un crapaud géant, un spectre, un loup enragé ou bien de rencontrer une patrouille Siabra. Les Siabras étaient un peuple d'elfes renégats, disseminés dans tout Hibernia. Ils vivaient de pillages et de violence, et leur reine avait élu domicile dans ce marais. Les escarmouches entre les siabras et les gardes d'Innis étaient courantes. Notre objectif était d'établir un contact avec les siabras, et de parvenir jusqu'à leur reine, mais Anya me confia qu'elle n'avait guère d'espoir, ces elfes étant de ceux qui ne discutent qu'après avoir criblé de flèches leur interlocuteur. Notre avancée dans le marais ne dura pas bien longtemps. L'idée d'y aller de nuit était en réalité relativement mauvaise, car si nous avancions en aveugles en ne voyant pas à trois mètres devant nous, les elfes, bien plus habitués à cet environnement, connaissaient le territoire sur le bout des doigts et ne mirent guère de temps à nous repérer.
La flèche fendit l'air et vint s'enfoncer aux pieds d'Anya. Elle ne perdit pas de temps et incanta une boule de feu au hasard vers l'endroit d'où semblait venir la flèche. Le projectile enflammé nous donna l'occasion de voir ce qu'il y avait autour de nous, et me fit regretter qu'elle l'ait lancé. Durant les quelques secondes que durèrent la luminosité, je remarquais une tour où se trouvait un archer, probablement l'auteur du tir. La boule de feu était effectivement partie dans la bonne direction, mais manqua quand même sa cible d'une bonne dizaine de mètres. La seconde flèche vint se figer en l'air juste avant de toucher Anya, puis retomba sur place. Je decouvrais ce jour là l'efficacité de l'aura de déflection dont je ne soupconnais pas jusque là l'existence. L'obscurité était retombée et la seconde boule de feu fut tirée en aveugle, mais maintenant elle connaissait la position de la tour, et l'elfe eut le sage réflexe de se baisser pour eviter le rocher ardent, qui passa à quelques centimètres au dessus de lui. Il finit sa course dans un arbre un peu plus loin, provoquant un incendie immédiat. Un hennissement puissant retentit dans le marais suivi d'un hurlement de rage qui dura plusieurs longues secondes, et d'un grand vacarme en provenance de l'arbre enflammé. D'un commun accord nous sommes repartis aussi vite que nos jambes nous le permettaient en sens inverse, à vrai dire peu importe où nous allions, l'important était de s'éloigner, il valait mieux ne pas savoir ce que la boule de feu avait touché. Nous n'étions pas suivis, et au petit matin nous étions sortis du marais, mais pas au bon endroit, si bien que nous étions complètement perdus. Depuis le début de notre périple, je n'avais jamais remis en cause le sens d'orientation de la succube, mais cette fois-ci il lui faisait rigoureusement défaut. Je me souvenais qu'en regardant l'ile aux licornes depuis la plage d'Innis la veille, le soleil couchant était droit devant moi. Il se couche à l'ouest, et nous étions partis du coté opposé, donc vers l'est. Le soleil se levant à l'est, il suffisait donc d'avancer en lui tournant le dos pour esperer retrouver la civilisation. C'est sur ces considerations hasardeuses que je me mis en route, satisfait que ce soit enfin moi le guide.
Après avoir marchés toute la matinée, nous étions bel et bien sortis du marais, mais je ne reconnaissais pas les environs, et aucune trace du lac. Nous étions à l'entrée d'une étroite vallée dont on ne voyait pas la fin. Anya attira mon attention sur un panneau de bois vermoulu qui gisait sur le sol non loin de nous. En le retournant, je vis qu'il portait l'inscription: Territoire de Sheeroe. Après concertation, il fallait se rendre à l'evidence, nous avions le choix entre le marais ou les collines, et si Anya se laissait tenter par l'idée de retourner incendier tout le marais, j'optais pour nous aventurer dans les collines, il devait bien y avoir quelques habitants pour nous aider. Etant donné que j'étais le "chef" pour la journée, elle respecta mon choix, et bien decidé à lui montrer que j'étais capable de nous sortir de là, je passais devant et m'engageais dans la petite vallée verdoyante.
Plus nous avancions et plus je commencais à comprendre, la région n'était qu'une succession de vallées et de petits defilés étroits, un véritable labyrinthe, je m'efforcais donc de me souvenir d'où nous étions entrés, pour pouvoir nous en retourner facilement le cas échéant.
Aux alentours de midi, dans la troisième vallée, nous arrivâmes enfin à une sorte de village. Les habitants étaient des firbolgs, mais bien plus grands que ceux que j'avais pu rencontrer jusque là. Chose étrange, ils portaient tous une toge de couleur brune, étaient coiffés de la même facon, et avaient la même couleur de cheveux. Ils travaillaient dans un champ à coté du village et répetaient inexorablement le même geste. Dans le village d'autres habitants rangaient des sacs et vaquaient à leurs occupations. Ils semblaient ne pas faire attention à nous. Je pris l'un d'entre eux à partie et la comunication s'avera plus difficile que prévue. Ils refusaient de parler, et à grands renfort de gestes nous firent comprendre que nous devions nous taire aussi. Je preferais respecter cette curieuse coutume et c'est donc par des gestes que je m'efforcais de leur demander comment rejoindre Innis. Tout ce que je parvins à comprendre est qu'ils veneraient quelquechose, et étaient terrorisés par une autre chose dans le ciel. Le firbolg continuait de s'acharner frénetiquement en montrant le ciel et le soleil comme pour nous dire quelquechose.
-"Cuuldurach." dit Anya froidement, brisant le silence quasiment cérémonial dans le village.
Le firbolg ouvrit de grands yeux en sa direction et se mit à gesticuler sur place, comme possedé, avant de lacher ce qu'il transportait et de courir se barricader dans sa maison.
Anya ne put s'empêcher de rire en voyant ma réaction.
-"C'est malin. Et ca veut dire quoi Cuuldurach ?'" lui demandais-je, un peu enervé par son attitude. Elle savait très bien où nous étions, j'en étais certain maintenant, et elle me laissait me démener inutilement depuis le début.
Elle se mit à faire des gestes en imitant le firbolg et en montrant le ciel du doigt.
J'etais sur le point de m'enerver lorsqu'un grondement terrible secoua toute la vallée. Les autres firbolgs se precipitèrent dans leurs huttes, abandonnant sans perdre une seconde tout ce qu'ils faisaient, en un instant il ne restait plus que nous dans le village.
-"Voila ta réponse."
-"Vous croyez vraiment que c'est le moment de jouer aux devinettes ? Quittons cet endroit plutôt, je prefererai ne pas croiser l'auteur de ce bruit !"
-"Ah, et pourquoi donc ? Je suis sure qu'il est très aimable et très accueillant ! Allons le voir justement, pour vérifier !"
Je preferais ne rien répondre à son ironie douteuse, et me contentait de la suivre, je n'avais pas d'autres choix de toute facon. Elle alla se mettre en plein milieu du champ, puis me dit de rester là et d'attendre.
Chapitre XVI

Quelques minutes plus tard, une zone d'ombre recouvrit le champ et le village. Je levais alors les yeux et si je n'avais été assis à ce moment là, j'en serais tombé à la renverse. Au dessus de nous se tenait une grosse créature volante dont je ne voyais que le ventre et le dessous des ailes. Cette horreur volante nous avait vu, et descendait doucement pour venir se poser près de nous. Nous étions en face de l'un des derniers dragons encore vivants, à vrai dire je ne pensais même pas qu'il en existait encore, tant les légendes étaient nombreuses et anciennes à leur sujet. Il était énorme et aurait pu nous écraser sans problème sous l'une de ses pattes. Son corps était recouvert de grosses ecailles vertes brillantes, qui à défaut de lui donner une allure discrète, devait le protéger plus efficacement que n'importe quelle armure. Ses griffes étaient presque aussi grande que moi, et ses courtes pattes à 5 doigts ne semblaient pas lui être d'un grand secours lorsqu'il fallait se déplacer au sol. Il amena sa grosse tête à notre hauteur et je pouvais sentir son souffle me frapper le visage. Il respirait lentement, calmement, et malgré son air menacant et son regard inquisiteur, n'était pas aggressif.
Anya se mit à lui parler, dans une langue étrange, surement très ancienne. Le dragon grognait de temps à autre en l'écoutant, et je me frottais les yeux devant cette scène improbable, comme pour être sur que je ne revais pas. Si seulement Michel avait été là, il aurait eu matière à écrire. Non seulement Cuuldurach comprenait ce qu'elle lui disait, mais en plus il lui répondit. Il parlait lentement, d'une voix puissante et grave, accordant une importance à chacun de ses mots, nous laissant bien le temps d'en percevoir le sens et la valeur, ou tout du moins Anya, car je ne comprenais absolument rien. Je devinais cependant que j'etais le sujet de la conversation, Anya me désignait du doigt et le dragon approcha son museau de moi, me fixant de ses deux gros yeux avec insistance. Je ne souhaitais qu'une chose à ce moment là, me transformer en un minuscule petit inscete et m'abriter sous un caillou. Ce fut toutefois une leçon d'humilité. Je n'etais somme toute que si peu de chose, sous ma cuirasse et derrière mon bouclier, et bien loin du sentiment de puissance que j'avais eprouvé en mettant en fuite un lycanthrope, je me rendais compte qu'il existait des créatures dans ce monde dont la sagesse et l'ancienneté n'avaient d'egal que leur formidable puissance Et pourtant aujourd'hui je me trouvais là, moi le petit humain de Sorpigal, à l'autre bout du monde, aux cotés d'une succube et d'un dragon, qui à travers ce langage dont eux seuls connaissant la provenance, semblaient discuter de l'avenir du monde qu'ils parcouraient déjà alors même que le plus lointain de mes ancêtres n'était qu'un nourrisson.
Je n'étais pourtant pas au bout de mes surprises, car le retour allait se faire avec le vieux Cuuldurach. Il nous prit délicatement dans ses pattes avant et cette experience aerienne restera gravée dans ma mémoire à jamais. Tout semblait si petit et si insignifiant, je distinguais à peine les arbres et les huttes des firbolgs, et le retour fut bien plus rapide que l'aller. Il nous déposa doucement dans la plaine, non loin d'innis. Il ne pouvait pas s'aventurer plus près sous peine d'affoler la population et de faire venir toutes les forces armées d'hibernia à sa poursuite. C'est avec quelques regrets que je le voyais s'éloigner dans le ciel, je savais bien que je ne revivrais sûrement jamais un tel moment.
Innis n'était qu'à une heure de marche, et une fois de plus Anya anticipa mes questions et me fournit suffisament d'explications pour satisfaire ma curiosité.
-"Tu ne devrais pas avoir peur de tout ce qui a une apparence étrange. Cuuldurach a beau être un dragon, il est bien plus intelligent, sage et instruit que bon nombre d'humains. Il est l'un des derniers témoins de l'âge d'or des dragons. Jadis, ils étaient nombreux, et pacifiques. Ils respectaient les autres créatures et vivaient en harmonie avec les hommes. Puis il y a eu les grandes batailles. Les hommes, persuadés de la suprematie de leur civilisation, ont peu à peu agrandi leur territoire, repoussant les frontières de leurs royaumes. Les autres créatures ont preferé reculer, et durant des années les populations autres que celle des hommes ont diminuées. Puis un jour, ils arrivèrent aux frontières de la terre des dragons. Mais ceux-ci refusèrent de reculer et firent front pour défendre leur territoire ancestral. Les combats furent terrible et durant près d'un millénaire opposèrent les hommes et les dragons. Mais si les hommes sont capables de venir de plus en plus nombreux, et de se multipilier rapidement, il n'en va pas de même pour les dragons, dont le cycle de reproduction est à l'echelle de leur vie, très long. Leur population a donc diminué de manière inquietante, ils furent exterminés avec une hargne et une cruauté sans pareil. Leurs cavernes étaient plongées sous un déluge de flèches et de projectiles, et même si un seul dragon peut détruire plusieurs centaines d'hommes, cela n'a pas suffit. Ils finirent par succomber sous le nombre, et une poignée d'entre eux décida de fuir afin d'empêcher une extinction totale et définitive de l'espèce. Depuis ce temps là ils attendent des jours meilleurs, isolés dans les régions les plus reculées du monde, loin de la folie destructrice des hommes."
Elle semblait triste en evoquant ces souvenirs et je m'imaginais qu'elle avait perdu nombre de ses amis au cours de cette période.

Chapitre XVII

Il régnait une certaine effervescence dans le village à notre arrivée, et de nombreux gardes armés patrouillaient en tous sens.
-"Les voila ! Les voila !" hurla l'aubergiste à sa fenêtre en nous voyant arriver. Il ferma ensuite ses volets et la porte de son etablissement, et tous les habitants qui étaient dans la rue se mirent en fuite.
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire un régiment de gardes s'empara de nous et nous jeta sans autre forme de procès dans le cachot humide de la prison de la ville, qui était en fait une cave creusée sous le batîment de la milice.
Michel gisait là, assez mal en point, couché sur le dos sur une paillasse de fortune. Il portait la trace d'un coup de poing au visage et je devinais à son haleine qu'il avait vidé la réserve de vin de l'auberge.
Il était dans un état semi comateux et au bout d'un quart d'heure j'avais réussi à tirer de lui suffisament d'informations pour reconstituer ce qui s'était passé en notre absence. J'expliquais donc à Anya qu'il avait trop bu, et était parti dans des divagations au bar. Les gardes l'ont conduit ici pour le calmer puis ont fouillé ses affaires et trouvé ses notes à notre sujet.
-"Je me demande encore pourquoi j'ai accepté que cette loque nous accompagne."
-"Ce n'est pas de sa faute.. il était malade.."
-"Et maintenant nous voila coincés. Si on s'évade, notre tete sera mise à prix dans tout le royaume et on aura une meute de chasseurs de primes et de mercenaires à notre poursuite pour le restant de nos jours. Et si on reste là, c'est le bûcher qui nous attend. Les succubes ne sont guère appreciées et je te laisse imaginer ce que pensent les villageois, si j'étais seule, ca ne me poserait aucun problème, au contraire ce serait amusant de les voir s'escrimer à essayer de me détruire. Mais pour vous je doute que l'experience soit si plaisante..."
L'idée de finir sur un bûcher ne m'enchantait guère en effet, et celle de passer ma vie à fuir non plus. La seule solution que j'entrevoyais était de convaincre les habitants qu'Anya n'était pas malfaisante. Mais vu son mauvais caractère et son mépris vis à vis de ce qu'elle appelait "les mortels" la chose ne serait pas facile. Je decidais toutefois de lui faire part de mon plan.
-"Si vous arrivez à les convaincre que nous ne sommes pas là pour faire le mal, et que vous avez bon coeur, il reviseront peut être leur jugement... Qu'en dites-vous ?"
Elle ne répondit rien.
-"Faites un effort.. ca simplifierait la suite de notre voyage.. Imaginez si nous devons craindre en permanence que l'on nous retrouve..."
-"Je vais faire de mon mieux."
Le ton sur lequel elle prononca ses mots me laissait craindre que son "mieux" ne soit en fait une véritable catastrophe, et je m'apprêtais d'or et déjà à fuir en portant Michel avant que le batîment n'explose comme je l'avais déjà vu faire tant de fois.
A ma grande surprise, elle allait dévoiler un talent auquel je n'avais même pas songé, et dont je doutais d'ailleurs de l'existence chez Anya, celui de la gentillesse et du charme Autant depuis le début du voyage elle ne prêtait que peu d'attention à son apparence et n'avait jamais tiré profit de ses attouts, autant elle prit la peine de passer plusieurs minutes à se recoiffer, à arranger ses bijoux, et après m'avoir confié sa precieuse cape, me demanda d'une voix suave comment je la trouvais.
-"Très... convaincante !"
En réalité j'étais sous le charme, et je doute qu'aucun homme n'ait pu rester insensible. Il y avait surement un petit sortilège derrière, car je sentais une sorte d'odeur agréable dans le cachot humide. Même Michel s'etait reveillé et se demandait si il était au paradis.
Elle alla frapper doucement à la porte massive de la cellule, et il se passa près d'une minute avant que je n'entendis la clef rouillée grincer dans la serrure.
-"Quoi ?" grogna le garde, un vieux celte balafré aussi peu aimable qu'un ours affamé.
-"Je souhaiterai parler au chef de la garnison, accepteriez-vous de m'accompagner, brave homme ?"
Avec ou sans magie, le fait est que le test se révela probant, et le garde lui fit signe de le suivre. Le batîment de la garde se trouvait juste au dessus, si bien qu'en prêtant l'oreille, je pouvais deviner ce qui se disait. Mais Michel s'était endormi, et je fus obligé de mettre ma main sur sa bouche pour etouffer ses ronflements.
-"Pourquoi tu la ramènes ici ? Tu es complètement fou, elle va nous jeter un sort, redescends la immediatement ou je te colle en cellule avec !" hurla celui qui devait être le superieur du garde.
C'était assez mal engagé, et je craignais de la voir revenir aussi vite qu'elle était sortie.
-"Accordez moi un peu de votre précieux temps.. Je vous en prie... J'ai besoin de m'entretenir avec vous... Un brave guerrier comme vous ne saurait avoir peur d'une frêle jeune femme comme moi, n'est-ce pas ?"
Je pouffais de rire en entendant le gardien bégayer puis accepter, qui plus est en congediant le garde. La flatterie était grossière mais semblait bien fonctionner.
-"Quel triste sort me reservez-vous, capitaine ?" ajouta-t-elle d'une voix triste et plaintive.
-"Et bien.. J'ai depeché un messager pour Tir Na nog. J'attends la réponse des hautes autorités, mais nous ne saurions tolérer la présence d'un démon dans notre royaume !"
-"Un démon ! Quel vilain mot ! Je suis une succube... Ai-je donc l'air d'une créature hideuse ?!"
-"Assurément non, mais les apparences sont trompeuses, et je vous ai à l'oeil ! Un démon reste un démon, et vos congénères nous causent suffisament de soucis comme ca pour que l'on en tolère un de plus !"
-"Mes congenères dites vous ? J'ignorais que des démons attaquaient Hibernia ! Vous devez faire erreur."
-"Vous mentez, une fois de plus. Tout le monde sait bien que les abysses sont infestées de diablotins, de behemoths, de toute une foule de créatues si immondes que je n'ose les nommer, et de nombreuses succubes ont été vues, toutes à la solde de Légion."
-"Légion !"
-"Oui. Quoi, oseriez-vous prétendre que vous n'êtes pas de son coté ?"
-"Si vous connaissiez un peu plus la hierarchie infernale vous sauriez que Légion a été banni de l'autre monde dans des temps si reculés qu'Hibernia n'existait pas encore."
Le garde ne répondit rien.
-"Je vous donne ma parole que c'est vrai ! C'est absurde ! Je suis venue ici pour rencontrer un vieil ami, et non pour attaquer votre royaume !"
Heureusement le garde ne se doutait pas que le vieil ami en question était Cuuldurach.
-"La parole d'un démon... Si vous dites la verité, alors apportez moi la preuve que vous n'êtes pas comme les autres !"
-"Et quelle preuve voulez-vous ?"
-"La tête de Légion à mes pieds !"
Je ne savais pas qui était ce Légion mais le silence qui suivit laisser à penser qu'Anya ne pourrait accepter ce marché.
Elle fut de retour quelques minutes plus tard, visiblement contrariée de l'entêtement du garde.
-"J'ai tout entendu à travers le plafond. Qui est ce Légion dont vous parliez ?"
-"Un démon superieur qui a tenté de prendre la place de ma mère Lilith à la tête de l'outremonde, il y a bien longtemps. Il fut vaincu et banni dans une prison soutterraine d'où il ne peut sortir, dans les profondeurs de la terre du monde des mortels."
-"Mais alors pourquoi le garde affirme qu'il est toujours là ?"
-"C'est sans doute vrai. Depuis le temps, Légion a pu parvenir à corrompre des créatures souterraines et à fonder son propre royaume. Même si il ne peut sortir, son influence suffit à commander les créatures."
-"Et vous pensez avoir une chance de pouvoir le vaincre ?"
Elle me regarda comme si je venais de dire une bêtise aussi grosse que moi.
-"Je n'ai aucune idée de sa puissance, il fut banni bien avant que je ne vois le jour, mais surtout, les combats entre démon superieurs sont très rares, et je n'ai pas le droit de prendre le risque de déclencher une nouvelle guerre de l'outremonde juste pour satisfaire à l'ambition professionelle d'un vieux grincheux."
-"Qu'allons nous faire alors ?"
-"Je n'en sais rien. D'après ce que j'ai compris, il attend la réponse de ses superieurs pour décider de notre sort, cela nous laisse plusieurs jours pour réflechir."

Chapitre XVIII

Les trois jours suivants furent longs et ennuyeux. Michel allait mieux et se répandait en excuses et lamentations sur ses propres erreurs, quand à moi je restais allongé et me torturait l'esprit pour avoir une idée. Anya restait assise, le regard vite, je ne savais trop si elle reflechissait ou bien si elle attendait tout simplement.
Le quatrième jour, elle se leva et d'un air résolu s'adressa à nous.
-"Bien. Je vois que ni l'un ni l'autre n'avez pu trouver un moyen de nous sortir de là. Je vais donc faire ce que j'ai à faire."
-"C'est à dire ?" lui demandais-je timidement, craignant le pire.
-"Je vais dire au garde que j'accepte son offre. J'irais trouver ma mère et lui expliquerait la situation. Si elle refuse, je reviendrais et on s'évadera, nous n'aurons plus d'autre choix. Si elle accepte, j'irais affronter Légion."
Elle executa son plan avant même que nous n'ayons répondu, et alla trouver le garde. Le lendemain nous étions transférés à cheval vers la prison d'Ardee, le village le plus proche de l'entrée des abysses. Anya avait incanté son sortilège de teleportation et avait promis de nous rejoindre à Ardee dès qu'elle aurait la réponse de Lilith.
Notre arrivée dans le petit village attira l'attention des habitants. La région était agréable et je regrettais d'y venir dans ces circonstances. La majorité des habitants étaient firbolgs ou celtes, et la capitale, Tir na Nog, était toute proche. Le soir même, Anya était de retour. Elle arriva de nullepart, et avait profité de son séjour pour changer son équipement. Elle semblait plus prête au combat que jamais, et confirma au garde qu'elle était prête à entrer dans les abysses. Elle decida de n'y aller que le lendemain matin, et passa donc la nuit au cachot, avec nous. J'etais heureux de la revoir, mais son air grave coupa court à toutes effusions de joie.
-"Vous allez donc affronter Légion ?"
La question était stupide et j'en connaissais déjà la réponse mais je ne savais quoi dire d'autre.
-"En effet. Au cours de ma discussion avec Lilith j'ai pu recueillir quelques informations à son sujet. En réalité elle n'a cessé de le surveiller depuis son exil, et était au courant de son rapprochement avec le monde mortel. Elle prevoyait de l'attaquer dans un avenir plus ou moins proche, finalement je n'ai fait qu'accelerer le processus."
-"C'est fantastique alors, elle vous aidera ?"
-"Non, c'est mon affaire. Une fois dans les abysses, je créerais un portail avec Antalys, et une partie de mon armée viendra m'aider. Les serviteurs de Légion sont nombreux et certains sont presque aussi dangereux que lui même."
Il était convenu qu'elle parte sans nous, et si au bout de deux semaines elle ne revenait pas, nous serions executés. D'après elle les deux semaines seraient suffisantes, mais je n'en étais pas moins inquiet.
Je dormis assez peu cette nuit-là. Les gardes viendraient nous chercher à l'aube, et descendraient avec nous à l'entrée des abysses, pour assister à son départ. Quelques minutes avant de sortir, elle vint me voir à l'ecart de Michel.
-"Je vais être honnête, je ne sais pas si je reviendrais de ce combat là. Mais tu ne dois pas pour autant perdre de vue ce pourquoi tu es ici. J'ai glissé dans ton sac un parchemin. Si, une fois le délai expiré, je ne suis pas de retour, prononces la formule qui est inscrite dessus, en tenant Michel par la main. Vous deviendrez invisibles pour 24 heures, et pourrez ainsi échapper à vos bourreaux. Je t'ai laissé des instructions sur un autre parchemin, afin que tu trouves une personne capable de finir ton entrainement et t'enseigner les rudiments de la magie."
-"Vous êtes sure de vouloir faire comme ca ? Je préfererais une évasion et que les gardes nous poursuivent pour l'eternité si il le faut que vous ne risquiez votre vie pour une histoire si stupide."
-"Il faut savoir affronter le danger l'heure venue."
Le fait d'imaginer qu'elle puisse ne pas revenir me mettait dans un état lamentable. Je me rendais alors compte à quel point elle comptait pour moi, et qu'à travers tout ce que nous avions vécu, je la suivais plus par attachement que par soif d'apprendre et de découvrir. Sans elle, je ne serais jamais capable de continuer.
Les gardes vinrent nous emmener à l'heure dite, et durant tout le trajet jusqu'aux abysses, je m'efforcais de croire qu'elle réussirait et que nous pourrions continuer notre aventure.
L'entrée se dessinait à l'horizon, creusée dans une pierre grisâtre. Elle se trouvait sur un plateau rocailleux dépourvu de toute végétation, et le campement fût installé là. Et tandis que je la regardais s'enfoncer dans la pénombre, je ne pus retenir une grosse larme qui coula sur ma joue et vint s'ecraser dans la poussière.
Commencèrent de longs jours, avec une crainte allant croissante au fur et à mesure que le soleil se levait et se couchait sans qu'aucun signe n'indique un possible retour. Les nouvelles de la frontière nord du royaume parvenaient regulièrement, et des hordes de barbare tenaient en échec les armées d'Hibernia près de l'une de leurs forteresses. Je craignais que les gardes ne décident d'abandonner et de partir vers le nord, après tout, nos vies ne valaient décidément pas grand chose en ces temps de guerre. L'expiration du délai n'était plus que dans trois soirs, et maintenant résolu au pire, j'avais preparé le parchemin d'invisibilité. Au 14ème jour, en pleine nuit, une vive lumière rouge apparut subitement dans la grotte. Puis un grondement sourd semblait se rapprocher. Le plateau entier vibrait de plus en plus, et le grondement allait en s'amplifiant. Pris de panique, les gardes nous emmenèrent en courant en direction de la rivière, abandonnant tout le campement sur place. Deux longs hurlements sinistres en provenance de la grotte nous glacèrent le sang. L'un était très grave, l'autre était plutôt aigu. Je pensais immediatement à Anya, et me debarassant du garde qui me tirait par le poignet, me precipitait vers l'entrée de la grotte. J'avais à peine fait quelques pas en direction du plateau rocheux que celui ci s'effondra, comme aspiré dans un trou, toute la roche et la poussière semblait aspirée en même temps que l'entrée s'ecroulait. Il ne resta bientôt plus des abysses qu'un immense cratère poussiereux. Il s'en eût fallu de peu pour que je sois aspiré également, et je devais la vie au garde qui m'avait tiré en arrière alors que le sol commencait à se dérober sous mes pieds.
Je passais le reste de la nuit, et la dernière journée assis au bord du cratère, en attendant un quelconque signe de vie, en vain.
Les soldats avaient informé leurs superieurs de ce qui avait eu lieu, et estimaient que le danger que representait Légion n'était plus, en conséquence nous étions de nouveau libres. Mais j'accueillais la nouvelle sans enthousiasme.

Chapitre XIX

La culpabilité et le remords rongeaient Michel depuis plusieurs jours déjà. Il décida finalement de retourner chez son père et de mettre un terme à sa courte carrière d'auteur. Il me confia ses notes avant de partir, me disant qu'il aurait souhaité ne jamais les avoir écrites.
C'est donc désesperement seul que je retournais à Ardee à la tombée du jour, et que j'entrepris de lire le contenu du parchemin dans une chambre de l'auberge. L'écriture était fine et gracieuse.

Si tu lis ces lignes, c'est que j'ai echoué. Fais route vers l'est d'hibernia, au delà de Mag Mell, suis la route jusqu'à la vallée de bri leith. Lorsque tu arriveras à Caille, un village d'empyréens, diriges toi vers le Lac de la Lune. Tu trouveras sur sa rive nord une cabane abandonnée pour te reposer si tu le désires. Vas ensuite vers l'est, et lorsque les premiers arbres de la Forêt Maudite se dessineront au loin, tu devrais apercevoir vers le nord la hutte d'un ermite à flanc de colline. Je l'ai mis au courant de la situation et il t'enseignera ce qu'il peut. Sois indulgent avec lui et apprends à le supporter, et à lui accorder ta confiance, comme tu l'as fait avec moi.
Aies foi en ton coeur et en ta force, mais ne sous-estimes jamais ton ennemi. Apprends de ses erreurs, comme des tiennes, et ne te laisses pas les autres te détourner de ton but. Adieu.

Anya

Je serrais le parchemin contre moi et passais une bonne partie de la nuit à sangloter, avant de finalement m'endormir peu avant l'aube. Le ciel s'était assombri et c'est sous une pluie battante que je quittais Ardee à cheval, en direction de l'Est. L'averse dura jusqu'au soir, mais heureusement les indications étaient exactes, et je n'eus aucun mal à trouver la cabane. Je n'avais preté nulle attention à la beauté des régions que je traversais, et j'étais trempé jusqu'à la moëlle des os lorsque je penetrais dans l'étroite bâtisse en bois. C'était rudimentaire mais suffisant, et comme je ne me sentais pas prêt à rencontrer l'ermite en question, je prévoyais d'y rester quelques jours. Cette solitude me faisait du bien, j'avais besoin de faire le vide en moi.

Chapitre XX

Je m'appretais à passer ma troisième nuit dans la cabane, lorsque j'entendis frapper faiblement à la porte. Etant loin de tout, je ne m'attendais absolument pas à recevoir la visite de qui que ce soit. J'eus un véritable choc en ouvrant la porte. Anya se tenait là, appuyée contre les montants de la porte. J'étais fou de joie et m'appretais à la serrer dans mes bras, mais elle tomba inanimée à mes pieds après avoir marmonné quelquechose d'incompréhensible. Je réalisais à peine et me depêchais de la porter sur le lit. Elle était sous sa forme originelle de succube, mais semblait épuisée, et blessée à plusieurs endroits. La fine membrane de ses ailes était dechirée, et ses habits portaient encore les traces du combat, mais étrangement malgré des entailles à plusieurs endroits elle ne saignait pas. Je ne savais trop que faire, et me contentait d'humidifier son front brûlant regulièrement. Elle reprit conscience vers le milieu de la nuit et m'expliqua brièvement qu'elle allait guérir seule mais qu'il lui fallait juste du repos, plusieurs jours.
Elle était si fragile, si vulnérable, que je passais les deux jours suivants à la surveiller, à son chevet, sans dormir, ne sortant que pour aller chercher un peu d'eau ou de nourriture. J'étais trop heureux pour dormir. Sa guérison allait doucement, mais surement, et sa peau se reconstituait peu à peu,
Le troisième jour, j'avais fini par m'endormir sur ma chaise à coté du lit où elle reposait. Bien que toujours un peu faible, elle allait mieux et pouvait s'asseoir et se déplacer. Lorsqu'elle me réveilla elle était assise sur son lit, souriante. Je ne savais que dire, je serrais simplement ses mains dans les miennes, comme pour être sur qu'elle était bien là, que ce n'etait pas le fruit de mon imagination.
Elle se leva, et je l'accompagnais sur le pas de la porte, pour prendre l'air frais du matin. Elle se tourna vers moi, puis mit ses bras autour de mon cou.
-"Merci." me dit-elle simplement en me regardant dans les yeux.
Puis elle me sera contre elle durant plusieurs minutes. Je fermais les yeux pour apprecier ce moment, ce simple mot avait provoqué en moi un vrai séïsme, et tandis que je sentais ses ailes se refermer sur moi comme un cocon, j'étais le plus heureux des hommes.
Elle alla ensuite s'asseoir au bord du lac, et je la rejoignis.
-"Je suis heureuse que tu aies réussi à venir jusqu'ici. Une chance que tu sois resté plusieurs jours, je n'aurais pas eu la force d'aller plus loin."
-"Mais comment avez-vous fait pour ressortir ?. Tout s'est effondré et j'avais perdu tout espoir de vous revoir vivante un jour..."
-"La descente avait été une réussite. Je suis arrivée jusqu'à la salle où était retenu Légion, avec une bonne partie de mon armée encore en état de combattre. Mais il était plus fort que prévu, et le combat a duré plusieurs jours. Tous mes serviteurs et les siens avaient péri et il ne restait plus que nous. J'ai finalement réussi à prendre le dessus, et avant d'être emporté dans un déluge de magie, Légion utilisa ses dernières forces pour briser les piliers de la caverne. Tout s'est ecroulé sur nous, et dans un dernier effort je suis parvenue à rétablir mon aura de protection. Je me suis donc retrouvée en vie, mais coincée profondément sous terre, et trop faible pour m'en extirper. J'ai mis plusieurs jours pour recuperer suffisament d'energie pour une faible teleportation, je voulais arriver directement ici, car je savais que tu y serais, mais je n'avais plus assez de forces et j'ai atterri trop à l'ouest. La suite, tu la connais, je suis venue comme je pouvais, et par chance tu étais encore là. A ton tour maintenant, comment se fait-il que tu n'aies pas utilisé le parchemin d'invisibilité ? Et où est passé l'ecrivain ?"
-"Et bien... Quand le sol s'est effondré, les gardes ont jugé que Légion n'etait plus une menace, et nous ont liberé. Michel est retourné chez lui, en me laissant toutes ses notes de voyage. Il culpabilisait pour tout ce qui est arrivé.."
-"Nous n'avons plus rien à craindre alors, je suis passée pour morte, et tu es libre comme l'air."
-"Je suis vraiment heureux que vous soyez en vie. En votre absence je me suis rendu compte que ce qui me poussait à parcourir le monde, ce n'etait que le simple fait d'être à vos cotés."
Elle poussa un long soupir.
-"Hélas je crains de n'être faite ni pour aimer, ni pour être aimée..."
Je sentais une certaine tristesse en elle, mais ce qu'elle disait m'enervait.
-"Vous savez très bien que c'est faux. Au fond de vous, vous êtes différente. Si vous étiez un être insensible comme vous voulez bien le laisser paraître, je doute que vous ayez agit de la même facon, et que vous soyez en ce moment précis au bord de ce lac avec moi. Je vous connais suffisament maintenant pour ne plus me laisser abuser par votre masque de froideur et de mechanceté. De quoi avez vous donc peur en étant vous même ? Vous êtes bien au-dessus de l'opinion des autres il me semble."
-"C'est sans doute vrai..."
-"Vous ne voulez pas le reconnaître, mais je sais très bien que vous tenez à moi. Si je n'avais été qu'un simple "élève", vous auriez agit différemment depuis le début. Rien ne vous empêchait de m'abandonner, mais vous avez preferé risquer votre vie ! Quand à moi je me moque de ce que vous êtes et de toutes les barrières qui nous séparent."
J'avais décidement l'art de me compliquer la vie. Je pouvais rester tranquillement chez moi, épouser une jeune femme du village, et m'occuper de la ferme familiale, mais au lieu de ca je me retrouve à l'autre bout du monde, épris d'une créature dont le seul point commun avec moi est d'être assise au bord de ce lac au milieu de nullepart. Et si je me demandais encore comment j'en étais arrivé là, j'avais au moins la satisfaction que mon discours ait porté ses fruits.
Elle incanta rapidement un sortilège que je commencais à reconnaitre, et une fois que le nuage de souffre fut dissipée, elle était de nouveau assise à coté de moi, mais sous forme humaine. Elle se rapprocha un peu de moi, et m'embrassa tendrement. Je me laissais aller à cet instant de bonheur et nous restâmes enlacés dans l'herbe fraîche jusqu'au coucher du soleil. Je savourais avec délectation ces quelques heures de détente, dans ce paysage enchanteur, à l'abri de tout. Le temps semblait s'être suspendu autour de nous. Nous étions ensemble, heureux, le monde aurait pu s'écrouler sans que nous ne bougions. Et si le lendemain je pouvais me targuer d'être le seul homme à avoir pu passer la nuit dans les bras d'une succube sans être retrouvé mort au petit matin, ma plus grande satisfaction venait du fait qu'elle semblait de plus en plus "humaine". Elle parlait de tout et de rien, se confiait parfois à moi, et avait fait abstraction de nos différences. Je la tutoyais désormais, dans les prunelles de ses deux yeus bleus je ne voyais plus que douceur et amour. Mais les meilleures choses ont une fin, et une semaine plus tard, la pluie vint nous rappeler que nous devions reprendre la route.
Chapitre XXI

Etant donné ce que nous avions vécu auparavant, d'un commun accord nous quittâmes Hibernia aussi vite que possible. Le plus rapide étant de sortir du royaume par la citadelle de Druim Cain, au nord, c'est dans cette direction que nous allions. Les routes étaient sures et la garde de la citadelle ne vit aucune objection à notre passage.
La zone frontalière était en revanche livrée aux barbares et aux brigands, et à l'exception des quelques forteresses hiberniennes servant d'avant-poste, la securité était assez relative. Il nous fallait parcourir les monts Collory, puis entrer dans Breifine et les plaines d'Emain macha avant de pouvoir rejoindre le désert de l'ouest, qui était notre objectif. Il fallait compter environ 2 jours pour traverser chaque région. Les monts étaient peuplés de petits animaux inoffensifs, et c'est donc en compagnie des sangliers, blaireaux et autres insectes géants que nous cheminions. La faune devenait plus hostile à Breifine, et il fallait éviter avec precautions les sous-bois où se baladaient divers scorpions géants et autres fauves dont l'aggressivité ne laissait planer aucun doute. La plaine portait encore les traces d'une féroce bataille qui avait eu lieu quelques jours auparavant, et les cadavres jonchaient le sol un peu partout, aux cotés d'armes et de flèches égarées dans le tumulte. Je reconaissais les couleurs des Hiberniens à terre, ils avaient visiblement affronté une armée aussi hétéroclite que la leur. Des nains et des petits lutins bleus gisaient à coté de géants de pierre, plus grand encore que les firbolgs. Anya m'expliqua qu'ils étaient des trolls. Les humains de cette armée étaient des vikings, peuple nordique reputé pour ses raids de pillages. Emain Macha n'etait qu'une vaste plaine herbeuse, s'étendant à perte de vue. Dans les hautes herbes grouillaient des petits animaux de toute sorte et chacun de nos pas provoquait des mouvements discrets de fuite autour de nous. Je restais toutefois intrigué en croisant une sorte de chenille géante dotée de nombreuses pattes. Elle ne dépassait pas la hauteur de mon genou mais sa longueur dépassait celle d'un homme adulte, et était de couleur rouge sur le dos et bleue sous le ventre.. Elle rampait dans les herbes, semblant perdue, à la recherche de petites proies isolées et suffisament lentes pour ne pas lui échapper. Anya m'indiqua qu'il s'agissait d'un Busalb, un animal assez stupide que l'on trouve principalement à Emain Macha, mais qui peut des fois s'égarer dans les régions avoisinantes. Plus vers le Nord j'eus l'occasion de m'interesser de nouveau à la faune locale, en croisant une autre curiosité d'Emain Macha. Le Busmid était une espèce proche du Busalb, mais plus rapide et surtout prédateur de ce dernier. Le Busmid possedait moins de pattes et était de couleur bleue, avec une bande blanche au milieu du dos. Il possedait deux puissantes mandibules en forme de marteau dont il se servait pour broyer la carapace du Busalb. Il ne mesurait pourtant que la moitié de la taille de ce dernier.
Au petit matin Anya jugea qu'il était temps d'obliquer vers l'ouest, et nous sentions que nous approchions du désert au fur et à mesure que l'herbe se rarefiait.
-"Voila le désert de la Stygie." me dit-elle en désignant la première dune de sable à l'horizon.
-"Tu ne m'as toujours pas dit pourquoi nous y allons... "
-"Tu le sauras en temps voulu, c'est une surprise !"
Je passais le reste de la journée à essayer de la faire céder, mais en vain. La progression dans le sable était assez lente, et bien que la chaleur fut supportable, je n'appreciais pas les déserts plus que ca, et me demandais quelle sorte de surprise pouvait necessiter un tel voyage.
Deux jours plus tard je vis emerger une structure en pierre dans cet océan de sable.
-"Voila, nous y serons demain, c'est une pyramide."
J'avais déjà entendu ce mot. D'après ce que je savais, les pyramides étaient des tombeaux d'une antique civilisation, et renfermaient quantité de trésors et de pièges mortels. C'est surtout la partie "pièges" qui avait retenu mon attention en réalité, alors que la partie "trésor" constituait ma surprise.

Chapitre XXII

L'entrée se trouvait en haut, et un imposant escalier y menait. Les marches étaient presque aussi grandes que nous et il nous fallu une journée de plus pour escalader.
-"Nous voici à l'entrée du tombeau de Toutansekhmesedsubasmetet."
-"A tes souhaits."
-"Merci..."
Je préferais ne pas savoir qui était ce mort au nom barbare, et m'enfoncait donc avec prudence dans l'étroit passage. Anya me devancait, brisant l'obscurité à l'aide de son baton duquel émanait une aura jaunâtre. Notre progression était prudente, malgré que les pièges aient été desamorcé par nos predecesseurs. Les désamorceurs gisaient d'ailleurs tout le long du couloir, transpercés de javelots, ecrasés par des éboulis, ensevelis sous le sable ou bien encore découpés par des haches sortant des murs. Après quelques virages où l'etendue du sadisme des constructeurs s'offrait à nous, le couloir debouchait dans une vaste sallé éclairée de torches. Une allée de dalles en pierre se trouvait en face de nous, menant à l'autre bout de la salle. De chaque coté de l'allée de vastes bassins d'un liquide verdâtre à la surface duquel venaient crever lentement quelques bulles, laissant échapper une odeur me rappelant celle des goules.
L'allée était assurément piegée, ce qu'Anya s'empressa de vérifier en faisant une rouler une pierre ronde d'un bout à l'autre. Elle l'avait lancé assez vite pour declencher tous les pièges de l'allée d'un seul coup.
Ainsi la première dalle bascula à la verticale, de la seconde jaillirent une série de piques, des javelots vinrent se planter dans la troisième. La quatrième fut balayée par une volée de flèches, un bloc de pierre pulverisa la cinqième, quand à la sixième, elle se reduit en poussière au simple passage du projectile. La pierre arriva finalement de l'autre coté, et à peine sa course arretée, une dizaine des boules de feu sorties des murs vinrent exploser sur elle. Anya lanca un autre petit caillou dans le bassin de gauche, il fut dissout presque instantanément au contact du liquide.
-"Tu as une idée pour passer ?" lui demandais-je, perplexe.
-"Il va nous falloir un petit coup de main. Regardes, les pièges mettent suffisament de temps pour se réarmer."
Elle se mit à incanter durant plusieurs minutes. Finalement une étrange créature de pierre apparut à ses pieds. Il avait la taille d'un homme mais son corps n'etait qu'un assemblage grossier de roches. Il fixait Anya avec sa petite tête ronde munie de deux fentes pour la vue.
-"C'est un golem."
-"Je n'en avais jamais vu auparavant. Il sait parler ?"
-"Non. Mais il obéit à ma volonté, il ne craint pas la douleur et continuera à m'obéir jusqu'à ce qu'il soit détruit ou bien que je le libère. Je vais l'envoyer sur les dalles et on n'aura qu'à le suivre, en faisant attention à l'endroit où l'on marche."
Le golem s'executa donc. Il marchait lentement et avanca sur la première dalle, qui bascula. Bien sur le golem perdit l'equilibre et tomba avec force éclaboussures dans le bassin de droite. Il se hissa péniblement sur le bord, apparement sans avoir subi de dommages, et repartit, passant sur la transversale de la dalle, suivi d'Anya et de moi même. Les piques de la seconde dalle ne firent que soulever un peu le golem. Les javelots de la troisième ricochèrent sur lui, et les flèches resterent plantés dans son corps rocheux. Je me demandais ce qui pouvait bien arrêter cette force de la nature. Il continuait d'avancer inexorablement, portant sur sa tête le bloc de pierre de la cinqième. Il tomba de nouveau dans le bassin lorsque la dernière dalle s'effrita sous lui. Et tandis qu'il se hissait sur le bord, encaissant par la même occasion les boules de feu, nous sautions par dessus le trou, arrivant sans encombre de l'autre coté.
Anya libéra alors le golem qui retourna à la poussière aussi soudainement qu'il était apparu. J'eus un peu de peine pour cette drôle de créature qui n'etait invoquée que pour les mauvais moments.
Anya monta tranquillement les escaliers qui étaient devant nous.
-"Tu ne crains pas les pièges ?"
-"Si, mais je les sens, ne t'inquiètes pas."
Nous avions à présent le choix entre 3 couloirs descendants dans les profondeurs de la pyramide. Anya restait fidèle à son instinct et s'engagea, confiante, dans celui du milieu. La pente était lisse et nous risquions de glisser à tout moment. L'air stagnant rendait la respiration de plus en plus difficile. Le couloir continuait à l'horizontale, et débouchait sur une petite salle, qui était en fait une fosse, de quelques mètres de profondeurs, où grouillaient plusieurs dizaines de gros serpents
-"Des cobras... Et il n'y a rien pour traverser..'"
-"Tues les avec tes boules de feu, puis on traverse !"
-"La solution de simplicité n'est jamais la bonne. Sens l'air que tu respires. Il est chargé de gaz, une seule étincelle ferait exploser toute la pyramide."
-"Si seulement je savais comment tu fais pour ne jamais te laisser surprendre par quoique ce soit, et te sortir de toutes les situations possibles..."
-"L'experience." me dit-elle en souriant.
J'etais effectivement loin de rivaliser avec ses centaines d'années d'existence, moi qui n'était sorti de ma ferme que depuis quelques semaines.
-"Je vais créer une courte distorsion temporelle dans la fosse, le temps sera figé pendant que nous traverserons, et les cobras ne nous verront même pas passer."
Je trouvais l'idée originale même si je ne comprenais pas comment cela était possible. C'est donc en toute impunité que nous traversâmes la fosse.
-"En principe, la salle que nous cherchons est au bout de ce couloir."
-"Tant mieux... vas-tu enfin me dire de quoi il s'agit ?"
-"Patience..."
La patience n'était en effet pas l'une de mes qualités premières.
Au milieu de la salle se trouvait une colonne sculptée, qui soutenait un plafond bas. Devant les murs étaient alignés des coffres, une vingtaine au total. Sur l'un des murs se trouvait ce que j'ai tout d'abord pris pour des dessins grossiers, et qui était en réalité une écriture. Anya passa quelques minutes à dépoussierer et à décrypter ce message.
-"La mort ou le pouvoir, choisissez votre destin."
Je soupirais en me demandant comment j'avais bien pu croire que nous étions à la fin de nos peines. Anya fit plusieurs fois le tour de la salla, inspectant minutieusement chaque coffre, en prenant garde de ne pas les toucher.
-"Alors, l'experte, quel est le verdict ?" dis-je ironiquement en voyant son air embarassé.
-"Je ne percois aucun coffre qui soit différent des autres..."
-"Il faut peut être chercher ailleurs. Quel est le mot qui correspond à "pouvoir" dans le texte ?"
Elle désigna une partie du mur, et je me mis à examiner les pierres poussiereuses. Je constatais rapidement que le mur n'était guère solide et qu'il sonnait creux, et après une heure d'effort, je réussis à retirer la grosse pierre qui manqua de peu de m'ecraser le pied. Elle couvrait l'entrée d'une petite niche, dans laquelle se trouvait un bout de tissu. A peine le morceau d'etoffe était-il sorti de la niche qu'un grincement sinistre retentit au dessus de nous. Nous allions nous precipiter vers la sortie, mais il était trop tard et un gros bloc de pierre vint obstruer le couloir avec fracas.
-"Nous voila coincés comme des rats... Si ta magie peut nous sortir de là, c'est le moment."
En guise de réponse elle me tira vers elle, et me tenant la main, commenca à incanter. Je vis peu à peu une sorte de fumée envahier la petite salle et tandis que les murs s'estompaient, la main d'Anya devenait de plus en plus chaude. L'écran de fumée devint total et je ne distinguais plus rien. Il se dissipa comme par enchantements en quelques secondes, dévoilant à mes yeux une forêt de haut conifères.
-"Tu me surprendras toujours. Où m'as-tu emmené cette fois ?"
-"Très loin de la chaleur et du désert. Voila la forêt de Campacorentin, au sud du royaume d'Albion. Mais regardes plutôt ce que tu tiens à la main comme un vulgaire chiffon, c'était ca, ta surprise. Après tout le mal que nous avons eu pour la trouver, tu pourrais au moins l'essayer !" me dit-elle en souriant.
Je m'exectuais donc et une fois les toiles d'araignées et la poussière enlevées, je découvrais une étrange cape noire. Elle n'avait pas de capuche, et le bord inferieur portait une série de triangles rouges allongés vers le haut. Deux yeux rougés apparaissaient au milieu de la cape, avec une pupille noire dessinée à l'interieur. Ils étaient fait de telle sorte qu'ils donnaient l'impression qu'une créature féroce habitait la cape.
Anya me la passa sur les épaules et je sentis aussitôt une étrange impression, comme si la cape était vivante.
-"Tu es sure que ce n'est pas dangereux ? On dirait qu'elle vit à travers moi..."
-"Normal, c'est un artefact. Elle est unique, et possède de grands pouvoirs. Elle te donnera la capacité de ressentir et de pouvoir faire face à des attaques par derrière, comme si les yeux de la cape étaient les tiens."
-"Je ne ressens rien..."
-"Ca viendra, il faut que la cape s'habitue à ton corps et ton esprit. Ne l'enlèves jamais, et tu oublieras bientôt sa présence car elle sera en symbiose avec toi. Mieux encore, elle te donnera le pouvoir de sentir lorsque l'on te ment. Tu ne pourras plus ignorer la verité désormais, mais méfies toi, car si cette cape peut te rendre service, elle peut aussi causer ta perte. Elle ne doit pas tomber dans les mains de n'importe qui, car il est preferable que certaines verités soient cachées à jamais. Mais j'estime que tu es suffisament sage pour faire la part des choses et ne pas te laisser déborder par son pouvoir."
Je ne voyais pas trop ce qu'elle voulait dire, mais gardais quand même la cape, je la trouvais jolie et je me sentais bien avec.

Chapitre XXIII

-"Nous avons bientôt fini la première partie de notre tâche. Je pense que nous avons pu réunir suffisament de troupes pour nous battre le jour venu. Je n'ai pas choisi mes interlocuteurs au hasard, et tous ont une grande influence sur leur région, j'espère qu'ils sauront convaincre leurs semblables. Il est maintenant temps de commencer véritablement ton entraînement et ton apprentissage."
-"Je ferais de mon mieux."
-"J'en suis convaincue. Mais auparavant je dois consulter l'Oracle, c'est pour cela que nous sommes ici."
-"Qui est-ce ?"
-"Qui... ou quoi... nul ne le sait vraiment. C'est une entité très ancienne, bien plus que moi, et il possède de grands pouvoirs. Je te raconterai à mon retour. Je devrais y aller seule, il n'accorde audience qu'à une seule personne à la fois, et uniquement lorsque la situation le rend indispensable."
-"Tu en auras pour combien de temps ?"
Je n'appreciais pas trop l'idée de me retrouver de nouveau seul, en territoire inconnu.
-"Une journée, peut être plus, ou moins, tout dépend de ce que j'apprendrais. Il y a vers le nord une route. Suis là jusqu'à arriver à une auberge, et attends moi là. Je te rejoindrais dès que la reocntre sera terminée."
Elle partit donc dans les profondeurs de la forêt, après m'avoir embrassé, me laissant seul avec moi même, et cette cape dont je sentais la présence, silencieuse, mais attentive, dans mon dos.
-"Hola ! bienvenue voyageur ! Vous semblez venir de loin, prenez donc une chambre pour la nuit !"
L'aubergiste était un homme de taille moyenne à l'air jovial, et il n'y avait pas grand monde à cette époque de l'année. Après avoir gouté au vin de pommes, specialité devenue régionale mais dont les inventeurs étaient les avaloniens, je montais m'enfermer dans la petite chambre jusqu'au retour d'Anya. Je goutais avec délice à ce repos bien merité et en profitait pour faire le point sur tout ce que j'avais vu depuis mon départ. J'esperais avoir le temps de revoir mes parents avant que l'entrainement dont elle m'avait parlé ne commence.
Le lendemain soir, elle me rejoignit dans la chambre, sans prendre la peine de frapper. Elle entra en silence, et vint s'asseoir à coté de moi, sur le lit, sans rien dire. Son air grave ne présageait rien de bon.
-"Que s'est-li passé ?" lui demandais-je, inquiet.
-"J'ai vu beaucoup de choses, trop peut être. Et les nouvelles sont plutôt mauvaises, même si je m'y attendais en partie. Il va falloir que nous ayions une longue discussion."
-"Je suis prêt, dis moi de quoi il s'agit, je ne pourrais de toute facon pas dormir en te voyant comme ca."
-"Hier, lorsque tu enfilais cette cape, je t'ai dit que certains verités valaient mieux être cachées."
-"Oui.."
-"Et bien c'est également vrai pour moi."
-"Que veux-tu dire par là ?"
-"Je t'ai menti à mon sujet, pour ne pas compliquer ce qui l'était déjà suffisament."
Elle tenait ma main tout en parlant.
-"Ma mère n'est pas Lilith. Je ne suis pas née succube. En réalité je le suis devenue. Il y a de cela bien longtemps, j'étais humaine, comme toi. Je ne me souviens pas de tout, mais j'étais la fille d'un riche seigneur, qui possedait une forteresse et plusieurs villages de poaysans aux alentour. Lorsque j'atteins la majorité, je fus mariée au fils du seigneur de la région voisine. Les mariages de ce type sont parfois forcés, mais ce n'était pas le cas, et nous nous aimions. J'étais donc destinée à une vie agréable et calme, et tombait enceinte quelques mois après le mariage. Mais en même temps, bien loin de nous, Eleane était vaincue par les archanges. Elle arriva donc dans le monde des mortels, et faute de temps et de force pour rechercher celui qui devait être son successeur, elle libéra ses pouvoirs au hasard sur une personne qui semblait bien d'esprit et de corps. Le destin voulut que ce soit moi. Un matin, je me reveillais, en sueur, persuadée d'avoir fait un cauchemar. Mon mari était alors absent, et ne remarqua rien à son retour. A vrai dire je ne sentais rien, n'étais au courant de rien, et ma grossesse se déroula tout à fait normalement. C'est au coeur de l'hiver que mon fils choisit de se manifester; et c'est l'accouchement qui fut l'évènement déclencheur de tout. Il n'était en aucun cas prévu que celui qui recoit les pouvoirs du gardien ne soit une femme enceinte, et le résultat s'avera dévastateur. En vérité je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé. Je sombrais dans un profond sommeil, et à mon réveil, non seulement je ne savais pas ce qu'était devenu mon enfant, mais en plus j'étais devenue.. une succube. Lorsque j'ouvrais les yeux, j'étais aux cotés de Lilith en personne. Par la suite j'appris qu'une véritable tempête magique avait eu lieu, et que j'avais traversé la frontière entre le plan des mortels et celui de l'outremonde. L'arrivée fut ressentie par Lilith, qui me recueillit et me considera comme l'une de ses filles, ce que j'étais de toute facon devenue, physiquement parlant. Mon esprit était dans une confusion totale et je mis longtemps à me remettre de ce choc. Les créatures de l'outremonde me reconnurent pourtant comme l'une des leurs, et je n'avais de toute facon pas le choix, c'est donc difficilement que commenca mon éducation de succube, qui consistait en fait à apprendre la magie, l'art du combat et surtout ce qu'était vraiment le monde. Je n'ai plus jamais revu mes parents ni ma famille et tous ceux qui avaient peuplé ma vie jusque là. J'ai toujours tout fait pour oublier mes sentiments et ma nature humaine, et j'ai passé la plus grande partie de ma vie à apprendre et à découvrir l'étendue de mes pouvoirs, qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Lilith sentait ma puissance grandir de plus en plus, et me confia Antalys, l'une des plus grandes forteresses de l'outremonde. Je sais qu'elle m'a toujours caché plusieurs choses, notamment ce qui s'était réellement produit le jour de l'accouchement, et surtout ce qu'était devenu mon fils. Je sais qu'il n'est pas mort, et j'ai toujours senti au fond de moi qu'il était quelquepart, mais je n'ai jamais pu en savoir plus. J'ai fini par ne plus m'en soucier, et cesser de me tourner vers le passé. Et même si j'avais tiré un trait sur mon existence en tant qu'humaine, je n'en gardais pas moins des traces indelebiles en moi, dont je sous-estimais la force jusqu'à ce que je te rencontre. C'est ce "bon coeur" dont tu m'as parlé une fois, et contrairement aux véritables succubes, je suis capable d'éprouver de la gentillesse, de la pitié, de l'attention, de respecter quelqu'un, et même d'aimer. J'ai mis un certain temps à reconnaître que ces sentiments étaient toujours présents chez moi, et à parvenir à les exprimer plus ouvertement comme c'est le cas aujourd'hui."
Je l'ecoutais attentivement sans savoir que dire, tout cela me dépassait de toute facon, et lorsqu'elle s'arrêta un moment, je la vis pour la première fois pleurer. J'etais très touché de la facon dont elle me racontait ce qu'elle avait sur le coeur, et ne sachant trouver les mots, me contentais de la tenir contre moi, pour lui montrer que j'étais bien là et qu'elle pouvait compter sur moi.
-"L'Oracle a su apporter la réponse à mes questions. La grande bataille se déroulera plus tôt que prévu, car l'ennemi sera bientôt prêt. Rien n'est certain, mais il y a de grandes chances que nous remportions la bataille, au prix de lourde pertes. Mais selon l'Oracle, tu y survivras, et sera l'instigateur d'un ordre nouveau, d'un nouveau monde de paix et d'harmonie entre les créatures survivantes."
Elle marqua un temps d'arrêt, et reprit d'une voix grave.
-"Je sais également que je n'y survivrai sans doute pas."
Un nouveau silence se fit. J'étais effondré par cette nouvelle, mais m'efforcais de ne pas le montrer tout de suite.
-"L'ennemi est puissant. Il se nomme Vincius, et j'ai appris aujourd'hui... que c'était mon propre fils."
-"C'est.. C'est insensé !"
-"Mais hélas véridique. Il était en moi lorsque j'ai reçu ces pouvoirs, et en a donc herité d'une partie également. Lorsque j'ai été transportée en outremonde, la tempête d'energie l'a deposé ailleurs, et il a grandit, profitant de ses pouvoirs, et devenant mon opposé, vouant une haine sans égal à tout ce qui existait. J'ai vu chez l'Oracle que son armée était constituée de tout ce qu'il y a de plus repoussant, et qu'ils sont aussi nombreux que ce que nous pourrons réunir comme combattants."
La nuit était déjà bien avancée, et mon esprit avait grand besoin de repos. Je m'endormais donc à ses cotés, et à l'aube, elle semblait avoir mis de coté sa tristesse et ses ressentiments.
-"Nous reparlerons de tout ca un jour, mais en attendant, il faut commencer ton apprentissage. Nous allons retourner à Antalys. Tu apprendras l'art du combat auprès des minotaures et celui de la magie auprès des effrits. Je resterais à tes cotés mais il te faut de véritables professeurs."
Je n'avais jamais vu de minotaure et rien qu'en entendant le nom je ne me sentais pas de taille. J'ignorais également ce qu'était un effrit, mais il fallait bien que j'y aille de toute facon. C'est donc avec une motivation toute relative que je tendis la main à Anya pour une cérémonie de teleportation désormais habituelle.

Chapitre XXIV

L'arrivée à Antalys se fit dans la même petite pièce que la première fois, mais cette fois-ci je n'eus pas de malaise, et Anya m'emmena dans les profondeurs de la forteresse. La pièce qui me servait de chambre n'était pas bien grande, mais qu'importe, elle était adjacente à ce qu'Anya appelait sa "salle de concentration" et je pouvais donc la voir à tout moment. La salle en question était une vaste pièce, servant à la fois de bibliothèque, de chambre, et de laboratoire de magie. Au centre se trouvait un pentacle semblable à ceux que j'avais déjà vus.
Je n'eus guère le temps d'inspecter les lieux et fut conduit directement à la salle d'armes. Il s'agissait d'une sorte d'arène circulaire, sur les murs étaient accrochés des dizaines d'armes et de boucliers tous plus impressionant les uns que les autres. Quatre gros piliers soutenaient un toit en forme de dôme, et le minotaure m'attendait au centre. Le bas de son corps était celui d'un taureau. Il se tenait debout sur ses pattes arrières terminées par des sabots. Son torse et ses bras étaient ceux d'un humain, enfin si l'on peut dire, car il était bien plus musclé et imposant que tout ce que j'avais pu voir jusque là. Sa tête était également celle d'un taureau. Ses yeux rouges sombres me fixaient méchemment et un anneau nasal doré pendouillait au bout de son museau, s'agitant au rythme de sa respiration lente et puissante. Il mesurait au moins deux mètres de haut. Anya lui laissa ce que je pris pour des consignes, dans la langue locale, puis me laissa seul avec lui.
La communication s'avera être des plus sommaires, et il me fit signe de ne pas bouger, tandis qu'il allait chercher une hache à la démesure de sa force. La hache était plus grande que moi, et était à double tranchant. Ses lames étaient longues, et une pointe au bout du manche completait le caractère mortel de l'outil. Le minotaure semblait la soulever aussi légèrement qu'une brindille.
Anya revint à ce moment là, tirant avec elle un petit chariot d'où émanait un bruit de feraille. Elle en sortit un trépid sur lequel se trouvait une armure en metal solide, et le fixa dans le sol dans des trous prévus à cet effet. Elle me fit signe de reculer pour assister à la demonstration de combat de mon professeur. Je m'attendais à des mouvements de combats complexes comme Anya m'avait déjà montré. Au lieu de ca le minotaure se contenta de soulever sa hache, et après avoir pris un court élan l'abattit en mugissant sur ce qui symbolisait son adversaire. La simplicité du geste n'avait d'égal que sa violence et l'armure, pourtant solide, fut tranchée en deux dans toute sa longueur. La hache termina sa course dans la pierre, y faisant une entaille de plusieurs centimètres de profondeur.
Le minotaure, satisfait de sa démonstration, retourna accrocher la hache là où il l'avait prise, et en décrocha une autre, plus petite, qu'il me tendit.
Elle était lourde et je peinais à la soulever, et tandis qu'Anya replacait une armure sous l'oeil hilare du minotaure, je m'appretais à faire le même geste.
Je pris un peu d'élan et lancait la hache de toute mes forces sur l'armure. A ma grande surprise non seulement elle ne fit pas une ecorchure à l'armure, mais en plus rebondit contre la cuirasse et m'echappa des mains, retombant derrière moi.
-"Et bien, tu as encore pas mal de travail en perspective." constata Anya, l'air pensif, tandis que le minotaure poussait de petits grognements en s'agitant derrière moi.
-"Que fait-il ?" demandais-je à Anya, perplexe.
-"Je crois qu'il a trouvé ta demonstration très.. amusante..." me dit-elle en souriant.
Si les minotaures étaient de véritables brutes, je pus constater lors de mon séjour à Antalys qu'ils avaient un sens de l'humour relativement développé, et je m'énervais parfois de faire autant rire mon maître.
Je passais ainsi plusieurs longs moi d'entrainement intensif. Le minotaure me fit manier toutes les armes, dans un premier temps pour que je sache les utiliser si jamais je n'avais pas le choix, mais aussi pour que je connaisse les techniques de combat de mes adversaires. Les méthodes d'entrainement étaient relativement simple, et si ma cadence de destruction des armures était relativement réduite, celle du minotaure necessitait plusieurs chariots par jour. Il était habile avec toutes les armes, mais avait une nette préference pour le marteau à deux mains. La salle entière résonnait lorsqu'il l'abattait sur le sol avec une énergie inépuisable, et mes oreilles souffraient autant que mes muscles. Chaque semaine était consacré à l'apprentissage d'une seule arme, et à la fin de la semaine Anya venait faire un duel avec moi pour juger de mes progrès. Et si elle me mit une véritable correction lorsque j'utilisais la hache, le marteau, la hallebarde, la pique de guerre, le bâton, le fléau ou le fouet, elle me reconnut un certain talent à l'épée, et encore plus à la claymore. Je me specialisais donc dans son utilisation, et les mouvements me convenaient bien, ils n'étaient pas basés sur la force brute uniquement mais aussi sur l'agilité et la fluidité de mouvement. Le minotaure, si il connaissait bien les mouvements, n'était guère à l'aise avec une épée, et en brisa plusieurs en frappant trop fort. Je sentais un réel progrès, et parvenait à résister de plus en plus longtemps avant qu'Anya ne me désarme ou ne me mette en difficulté.
Au fil des semaines, je parvenais même à briser des armures, non pas grace à mon unique force brute, mais en frappant à des endroits bien précis de faiblesse. Le minotaure appreciait, et j'augmentais dans son estime lorsqu'il constatait que comme lui je réduisais en miettes mes ennemis. Le temps passait rapidement, et voila plusieurs mois que je n'étais pas sorti d'Antalys. Je montais parfois sur la haute tour, et contemplait ce paysage d'apocalypse, ou bien descendait sur les remparts. Je m'étais habitué à cette ambiance, et ne craignait plus de m'aventurer sur les ponts suspendus au dessus du vide.

Chapitre XXV

Anya semblait fière de moi, et je n'en étais que plus motivé à me surpasser. Un jour elle vint me voir au cours de l'entrainement, et me dit qu'il était temps que j'apprenne la magie. Mon emploi du temps se trouva modifié, et je passais donc 5 jours par semaine à étudier les arcanes, un jour d'entrainement avec le minotaure, et un jour de test avec Anya.
La salle de magie était plus petite que celle de combat. Elle était vide de tout meubles, et sur les murs étaient gravées des runes et dessins dont j'ignorais les pouvoirs. Au centre, sur le sol, se trouvait un pentacle, dont j'ignorais toujours le rôle exact mais que je savais être important pour certains sorts puissants.
Mon nouveau maître était une créature volante, un peu plus petite que moi. En réalité il planait à quelques centimètres du sol. Il avait la peau rouge comme le feu, et un torse d'humain. Sa tête ovale était orné d'un petit turban et il avait des yeux jaunes brillants. Il portait une petite barbiche noire, quand à la partie inferieure de son corps, ce n'était qu'un tourbillon de flammes. Il se deplacait en levitation, les bras croisés, et semblait imperturbable. Il était patient, ce qui tombait bien car j'avais bien plus de mal pour la magie que pour l'épée.
Je passais près de deux mois à apprendre les bases de la magie, et tout ce qui touchait aux arcanes. Au bout du deuxième mois j'appris enfin mon premier sort, une petite boule de feu dont j'avais bien du mal à maitriser la trajectoire. J'arrivais à canaliser en moi les énergies du feu, et à créer un projectile, mais il ne partait jamais du bon coté. Anya compris bien vite qu'elle ne ferait jamais de moi un magicien grandiose, aussi elle decida de revoir l'emploi du temps et de remplacer un jour de magie par un jour de combat. Elle se definissait comme une magicienne capable de combattre au corps à corps, alors que j'étais un combattant capable de lancer des sorts, toute la nuance était là.
Un matin, je trouvais Anya assise à coté de mon lit.
-"Depuis combien de temps es-tu là ?" demandais-je tout en me réveillant.
'"Depuis quelques heures. J'ai quelquechose de nouveau pour toi."
-"Ah bon ?"
-"Il y a des savoirs oubliés de tous, que personne ne saura t'apprendre, excepté moi. Malheureusement nous n'avons guère le temps et tu as déjà bien assez à faire comme ca, aussi j'ai decidé d'avoir recours à une méthode spéciale, généralement interdite, car dangereuse. Mais ne t'inquiètes pas tout se passera bien."
-"Quelle est cette méthode ? Et de quels savoir parles-tu, je n'y comprends rien..."
-"Les langues anciennes et disparues, comme celle des dragons, ou bien encore les hyeroglyphes dans la pyramide où nous sommes allés, tu te souviens ?"
-"Bien sur."
-"Tu verras par toi même l'etendue de ton nouveau savoir. La méthode est simple, en réalité tu l'as déjà testée une fois..."
Elle me sourit, et vint se coucher contre moi. Elle glissa doucement ses mains autour de moi et m'embrassa. Comme la première fois, je ressentis une vague d'énergie se répendre en moi, et mon esprit se trouva submergé sous un flot d'images. Je voyais des paysages et le temps défiler, et j'entendais la voix d'Anya. Elle me parlait dans une langue que je ne comprenais pas dans un premier temps. Puis peu à peu, je commencais à saisir le sens des mots, des phrases, puis de l'histoire tout entière, et ceci se repeta pour plusieurs langues, en même temps défilaient des écritures et des textes, et d'un coup tout s'embruma, puis le trou noir. Je me reveillais quelques jours plus tard, en ayant très mal au crane.
Anya se tenait toujours à mes cotés.
-"Tu as acquis la connaissance à présent... Reposes toi encore, tu en as besoin."
Elle déposa un baiser sur mon front et sortit de la pièce.
Je sentais que quelquechose avait changé en moi, sans trop savoir quoi.
Ce n'est que le lendemain, en retournant avec l'effrit, que je sentis la différence. Je comprenais tout ce qui était inscrit sur les murs de la salle ! Mon apprentissage de la magie s'en trouva grandement facilité. Mieux encore, je comprenais la langue du minotaure et lui répondais comme si j'avais toujours parlé ainsi.
Chapitre XXVI

A l'occasion de mon 20ème anniversaire, Anya m'annonca que la plus grosse partie de mon entrainement était terminée.
-"Tu en sais désormais suffisament pour passer à la pratique. Nous allons donc retourner dans ton monde, et tu auras l'occasion de te mesurer à de vrais adversaires. C'est aussi le moment pour toi d'avoir ta propre monture, une nouvelle arme et une armure plus adaptée."
Elle ne m'avait jusque là rien laissait entendre à ce sujet et la surprise me ravissait.
-"Tu seras désormais chevalier d'Antalys !"
Elle sourit et fit entrer mon maître de combat. Il apportait ma nouvelle armure. Je restais sans voix devant cet attirail, qui était sans nulle doute la plus belle armure que j'aies pu rencontrer jusque là.
Le pourpoint était noir et or, sur le devant était gravé une tête de dragon vue de face, dont les yeux étaient deux gros rubis d'où émanait un aura lumineux. Sur les épaules se dressaient des piques acerées, et le dos était recouvert de sortes de plaques destinées à renforcer encore plus l'armure. Il s'agissait d'une cuirasse et non plus d'une cotte de mailles, elle était plus rigide et offrait une protection accrue.
Sur les manches étaient gravées en signe d'or des runes de feu, et sur la partie exterieure et les coudes se trouvaient de courtes piques destinées à blesser sans géner ma mobilité. Sur les jambières étaient dessinés des serpents entrelacés, les gants quand à eux étaient fait entièrement de métal doré, et portaient de petites pointes noires au niveau des phalanges. Les bottes étaient noires tout comme le reste de l'armure, et de petites runes d'agilités étaient inscrites au niveau des chevilles. Enfin le heaume recouvrait toute ma tête, et étrangement la visière percée de trous me semblait invisible lorsque je le portais, si bien que je voyais aussi bien que si je n'avais rien eu. Une pointe longue d'une vingtaine de centimètres partait de mon front et s'élevait obliquement devant moi, ce qui me donnait l'impression d'être une licorne.
Lorsque j'eus fini de revêtir toute l'armure, et la cape par dessus, je me sentais bien plus fort qu'avant, et prêt à affronter n'importe quoi. L'enchantement était vraiment puissant, et même la hache du minotaure me semblait bien plus légère.
Toutefois, je n'étais pas au bout de mes surprises. Anya apporta ma nouvelle arme, et quelle arme !
La lame de cette épée était aussi grande que moi. Elle était de couleur argentée, et ondulait faiblement sur toute sa longueur, pour se terminer en une pointe trés faiblement recourbée vers le bas. Elle était bien plus large et epaisse que tout ce que j'avais rencontré. La garde était faite du même métal noir que l'armure, et était en fait une série de pointes et de piques tournées vers l'exterieur. Une sorte d'ovale noir bordé d'or se trouvait au centre de la lame, à la jointure avec la garde.
-"Cette épée est unique et probablement l'un des plus formidables exemples de mélange de puissance et de magie. Ce n'est pas une simple épée, elle a appartenu à un ancien démon qui fût vaincu au cours d'une bataille précédent la naissance du monde tel que nous le connaissons. Cet épée a un esprit propre, dont certains disent que c'est son ancien porteur lui même qui l'habite. Lorsque tu combattras avec, tu ne seras plus seul, elle sera ton plus fidèle allié. Prends la en main, et juges par toi même."
Je m'executais, avec une certaine inquietude. A peine je l'eus soulevée que je ressentis une sorte de vie en elle. L'ovale noire à la base de la lame était en réalité son oeil, un oeil unique dont la pupille noire me scrutait au milieu d'un rouge profond. Deux paupières rugueuses apparrurent, et se fermèrent à demi, donnant l'impression qu'elle cherchait à me connaître. Elle semblait fusionner avec moi au niveau de ma main, empêchant ainsi que je ne la lache si je ne le souhaitais pas. Cela s'avera être un avantage vu sa taille, il aurait été assez facile de me désarmer en combat. Malgré qu'elle paraisse lourde, elle ne pesait rien entre mes mains. Elle s'avera bien plus maniable que ses dimensions uniques ne le laissaient imaginer au premier abord, et je me mis à enchainer les mouvements, faisant siffler l'air sur la lame, imaginant déjà de nouveaux mouvements que cette lame seule me permettrait d'executer.
J'étais ravi, et demandais au minotaure emerveillé de m'apporter une armure d'entrainement pour tester. Le résultat depassait toutes mes attentes. j'executais un coup latéral et l'armure vola en éclats au simple contact de la lame, sans même que je sente quoique ce soit, si bien que je faillis tomber, surpris que la lame ne soit pas ralentie au contact de la cible.
-"Fais quand même attention à ne pas surestimer tes capacités..." me dit Anya, un peu inquiète, mais je ne pretais guère d'attention à son conseil.
Elle m'emmena découvrir ma monture. Il s'agissait d'un pookha, sorte de cheval spectral. Il était entièrement noir, et ses yeux d'un blanc vitreux, sans vie. Son hennissement avait quelquechose de surnaturel et de saisissant.
-"C'est une sorte de mort-vivant, il est rapide, infatigable, ne craint pas la douleur et ne connait pas la peur. Il n'a aucun besoin vital et se laissera monter sans problème."
Elle me montra aussi l'armure du cheval, qui le rendait presque aussi bien carapaconné que moi. Son armure portait tout comme la mienne des points à plusieurs endroit, notamment au niveau des épaules de ses pattes anterieures, sur sa tête, et sur ses cuisses arrières.
Je n'aurais jamais rêvé de monture aussi impressionante.
Je sentais également que la cape que je portais écoulait son pouvoir en moi. Mon équipement faisait quasi partie intégrante de mon corps, comme si je possedais de nouveaux membre, et ne me génait en aucune facon. Même le pookha semblait deviner mes intentions et s'executait avec une telle anticipation que je n'avais presque pas besoin de donner d'ordres, il suffisait que je pense à aller à droite et il allait à droite tout seul.

Chapitre XXVII

Le lendemain, Anya nous téléporta dans une péninsule isolée portant le nom évocateur de Baie des bandits. C'était un territoire sans aucune loi où régnait le chaos. La seule forme d'autorité était celle de la force, et c'était le repaire de plusieurs bandes de pirates et de hors-la-loi sont la principale activité était le pillage sur les royaumes voisins. Toutes les tentatives de rétablir l'ordre avaient echoué car les bandits connaissaient bien le terrain et parvenaient toujours à s'enfuir.
Le but de la visite était simple, avancer, et éradiquer toute forme de vie hostile des environs. Non seulement l'entrainement serait bon, mais en plus cela rendrait service aux petits ports de commerce des environs qui étaient regulièrement la cible des pillages organisés. Anya me suivrait de près, sans rien faire, et je devais la proteger comme si elle était sans défense.
J'ordonnais à ma monture d'avancer au pas et c'est donc tranquillement que nous arrivâmes devant le premier campement. Il y avait une douzaine de huttes, et les occupants semblaient dormir. Je mis pied à terre à l'entrée du village et, après avoir avancé de quelques pas, me mit à crier en direction du centre du village.
-"Hola, marauds ! Venez donc vous mesurer à moi si vous l'osez !"
J'entendis Anya rire doucement derrière moi, et je suis bien forcé d'avouer que j'avais toujours rêvé de ce moment là. Désormais, j'étais le chevalier, le héros, au même titre que ceux que j'admirais lors des contes ou des chants au coin du feu dans mon enfance.
Les bandits mirent quelques minutes à réagir et à s'organiser, ils étaient en haillons, tenant de vieux cimeterres rouillées et des épées d'un autre temps. Je me tenais debout, face à eux, tenant en arrière, de la main droite, ma longue épée qui reposait sur le sol, comme si son poids était trop important pour moi, alors qu'il n'en était rien.
Les autres ricanaient et avancaient doucement en direction, se disant que le combat ne serait pas bien dur.
-"Hardi les gars taillons en pièce ce morveux qui ose nous réveiller !" cria l'un d'eux.
Les deux premiers se mirent à courir en ma direction en brandissant leurs armes, suivis de près par le reste de la bande dans un désordre assez grotesque. Je me retournais alors vivement, donnant une impulsion d'élan à mon arme qui décrivit un large cercle, tranchant en deux le premier bandit. Le second eut lé réflexe de se jeter au sol pour éviter l'arme, à laquelle je fis décrire un second tour rapidement, profitant de mon élan et de sa légereté. Deux corps mutilés tombèrent cette fois, tandis que les autres s'eparpillaient en catastrophe. Je continuais le cercle, puis arrivé à un demi tour je donnais une impulsion verticale. Je tournais alors le dos aux bandits et l'épée pointait à l'opposé de la zone de combat, l'un d'entre eux fut surpris par l'arc de cercle vertical et la lame le fendit en deux sur presque toute sa hauteur. Le spectacle était immonde et les viscères se répandaient des corps éventrés, mais qu'importe. L'oeil de l'épée brillait d'une lueur sinistre et elle semblait se repaître de chaque mort. L'un de mes adversaires vint m'attaquer par le coté. Son cimeterre ricocha sur mon armure, sans même que je sente quoique ce soit. Je lui mis un coup de coude, lui transpercant l'epaule, et tandis qu'il hurlait de douleur, de l'autre main j'enfoncais la lame dans le corps d'un autre. Il n'en restait plus que cinq, qui semblaient peu motivés et reculaient lentement en brandissant vers moi leurs armes inutiles. Je declenchais un nouveau coup vertical, l'un d'eux eut le réflexe de parer avec le plat de son cimeterre, mais la lame le trancha en deux en même temps que le bras du malheureux qui hurla à la mort. Les deux autres partirent en courant, mais je ne comptais pas les laisser s'enfuir, et mon pookha accourut sans même que je n'ai besoin de l'appeler. En quelques instants j'étais en selle lancé à leur poursuite, pietinant au passage les quelques survivants. Ma monture encorna le premier, et avec l'impact de la vitesse, son corps transperca retomba un peu plus loin. Le pookha hennissait, il eprouvait la même satisfaction que mon épée et la même hargne au combat. Je decapitais le second fuyard sans même m'arreter, et laissait ma monture s'occuper des deux derniers de la même facon que l'autre.
Je retournais alors auprès d'Anya, satisfait de moi, mais elle ne l'entendait pas de cette oreille.
-"Tu as echoué à ton premier exercice."
Je la regardais avec le plus grand étonnement.
-"Tu devais me proteger, l'as-tu déjà oublié ? Et partir seul au triple galop à la poursuite des fuyards en me laissant ici sans défense n'est pas ce que j'appelle de la protection, j'aurais eu le temps de me faire tuer dix fois sans que tu ne t'en rendes compte."
J'etais forcé de constater mon erreur.
-"Je suis vraiment desolé...J'étais emporté par le combat et.. j'ai complètement oublié..."
-"Le combat était techniquement irréprochable, mais si les ennemis avaient été plus dangereux, tu aurais été en mauvaise posture. La prochaine fois utilises plutôt ta magie pour les ralentir ou les paralyser, tu ne pourras pas toujours tenir tête à plusieurs ennemis à la fois, et plutôt que de poursuivre ceux qui s'enfuient, utilises des sorts d'attaque à distance."
Une fois l'ardeur du combat passée, je me rendais compte qu'en effet j'avais été médiocre. Et lorsque je me retournais pour constater le massacre, j'avais du mal à croire que j'étais l'auteur de ce déluge de sang et de membres dechiquetés.
Mon second exercice consistait à affronter le capitaine de l'un des navires pirates de la région. Son équipage était au port et il passait quelques jours dans un vieux phare, seul, l'occasion idéale de le provoquer en duel. D'après Anya c'était un bon combattant mais qui ne devrait pas me poser de problème étant donné la superiorité de mon equipement, et je l'espère, de mon talent de combattant.
J'allais donc frapper à la porte de mon futur adversaire afin de le défier dans un duel à mort, ce qu'il ne pouvait refuser. Il semblait en très bonne forme pour son age et partit revêtir une armure de cuir clouté. Il maniait le sabre et semblait un combattant agile.
Pour l'occasion, son équipage assistait au duel, qui se déroula dans une plaine un peu à l'écart du port. Ils étaient persuadé de la victoire de leur capitaine et le soutenaient à grands renforts de cris et jurons à mon égard.
Le début du combat fut assez laborieux et énervant, l'autre ne cessait de tourner autour de moi, d'avancer, de reculer, il gardait ses distances et ma lame ne rencontrait que l'air. Je decidais donc de me concentrer un peu plus et de le laisser faire le premier pas. Il passa près de 5 minutes à attendre, en vain, que je vienne le chercher. Forcé de reconnaître qu'il devait à son tour s'exposer, il se mit à executer des manoeuvres plus ou moins detournées pour se rapprocher. Il était à environ un mètre de moi et s'apprêtait à frapper lorsque je lancais mon épée sur lui. La lame passa à quelques centimètres de sa tête, il avait réussi à s'accroupir juste à temps. Profitant que j'étais emportée par mon élan il donna un coup de sabre vertical, que je parais à l'aide de l'une des piques de mon avant-bras. Il était trop près pour que je me serve du tranchant de ma lame aussi j'utilisais mon épée comme une masse et lui mit un coup à la tête à l'aide du manche. Il gisait au sol, à demi assomé, se tenant le front entre les mains. J'eus un instant de flottement avant d'abattre ma lame sur lui. Il mit à profit mon hésitation pour me pousser en arrière à l'aide de ses deux pieds. Surpris, et destabilisé, je reculais de quelques pas avant de tomber sur le dos dans la poussière. Il se mit à courir vers moi, brandissant son sabre au dessus de sa tête, en hurlant de rage et de haine. Je me souvenais alors de la magie, et me mis à incanter une boule de feu qui vola en sa direction en quelques instants. Il ne s'attendait pas à cette riposte et ne put éviter le projectile, qui bien que n'ayant rien de comparable avec ceux d'Anya, projeta le capitaine plusieurès mètres en arrière du point d'impact. Il gisait, mort, ses vêtemens finissant de se consumer lentement tandis que je me relevais.
Le reste de l'equipage, surpris, eut un instant de flottement. Mais voyant leur capitaine à terre, ils n'eurent plus qu'une idée en tête: le venger. Ils étaient une petite dizaine, et semblaient mieux entrainés que les premiers que j'avais affrontés. Ils avaient observés le combat, et savaient que j'avais une allonge bien superieure à celle de leurs courtes dagues et épées, aussi ils restaient avec prudence hors de mon rayon d'action. Je profitais qu'ils étaient assez rassemblés pour utiliser un sort d'immobilisation mineure. Ce sort pouvait paralyser pour quelques secondes un groupe de personnes, et il s'avera tellement efficace que seulement 2 pirates restaient en vie à la fin du sort. J'avais eu suffisament de temps pour faire voler deux fois ma lame à travers leurs rangs, et ils ne pouvaient rien faire qu'attendre leur mort, figés comme des statues. Voyant leurs compagnons gisant à leurs pieds ils choisirent la fuite. Cette fois j'avais retenu la leçon, et je commencais par incanter un sort de fatigue sur le premier, puis une boule de feu sur le second qui s'eloignait un peu trop. Tandis que le corps carbonisé tombait lourdement au sol, je laissais le pookha encorner le dernier survivant, qui rampait à bout de souffle vers le port.
J'eus alors la sensation qu'un danger me guettait. Je me jettais sur le coté, par réflexe, sans trop savoir pourquoi, et une flèche vint se planter dans le sol juste à l'endroit où j'étais une seconde lus tôt. je me retournais et je vis un archer au pied d'un arbre, à bonne distance. Il encochait une seconde flèche tandis que je m'elancais vers lui. Mon épée était suffisament large pour que je m'en serve comme d'un bouclier, et la seconde flèche vint ricocher contre la lame. Voyant que ses flèches ne servaient à rien, et que toute fuite était inutile, il sortit une grosse lance à la pointe rouillée et se mit à charger à ma rencontre en hurlant. Juste avant l'impact je decidais de me jetter sur le coté, évitant ainsi la pointe de sa lance, et profitait de mon élan pour lancer ma lame contre lui tout en chutant. Je retombais lourdement sur le flanc, et en me relevant constatais que je l'avais touché en plein dans le ventre.
J'étais fatigué, mais content de moi. Je me tournais vers Anya, pour voir ce qu'elle en pensait, elle ne dit rien et se contenta d'applaudir un court instant en me souriant.
-"Tu avais raison, la magie est bien pratique."
-"Tu as su utiliser les bons sorts aux bons moments, et j'ai été agréablement surprise."
-"En tout cas je comprends maintenant l'utilité de cette cape. J'ai eu le pressentiment que la flèche allait arriver et j'ai eu le réflexe de me décaler juste avant l'impact."
-"Ca suffira pour aujourd'hui."
-"Pourrions-nous retourner à Sorpigal ? Je souhaiterai savoir ce que mes parents sont devenus, et donner de mes nouvelles aux gens du village, ainsi que te présenter à eux."
-"Je vais y reflechir, pour l'instant, trouvons une auberge pour la nuit."
Nous quittâmes donc la baie des bandits, notre monture filait à vive allure, et au bout de deux heures nous avions trouvé une sympathique petite auberge en lisière de forêt. Je pris le soin de retirer mon heaume pour ne pas effrayer les clients, et donnais des consignes au palefrenier etonné pour qu'il ne donne rien à manger au pookha. Tous les clients se retournèrent à notre entrée. La venue d'un chevalier avec pareille armure accompagné d'une ravissante jeune femme à la robe multicolore tenant un étrange bâton n'avait rien de discret. Après avoir rassuré l'aubergiste sur nos intentions pacifiques il nous conduisit à une chambre, plus spacieuse qu'à l'ordinaire.
-"Il est temps de trouver un nom pour ton épée." me dit-elle une fois que nous étions installés.
-"Un nom ?"
-"Oui. Elle mérite d'en avoir un, ce n'est pas n'importe quelle épée."
-"Je regardais l'arme, qui me fixait de son unique oeil, cherchant l'inspiration pour lui trouver un nom adapté."
Je passais un petit moment à réfléchir, et finalement je fis part de mon choix à Anya.
-"Que penses-tu de l'appeler la Batailleuse ?"
-"C'est peu élégant, mais je ne pourrais pas te reprocher de choisir un nom inadapté !"
Et c'est en riant qu'elle vint se coucher près de moi, tandis que je soufflais la bougie, sous l'oeil vivisblement satisfait de ma Batailleuse fraîchement nommée.

Chapitre XXVIII

Le lendemain, elle consentit à ce que nous allions faire une brève visite à Sorpigal. Son sort de téléportation nous amena dans la forêt où elle l'avait pratiqué la première fois. Le trajet fut bien plus rapide à cheval qu'il ne l'avait été à pied. Et tandis que je redecouvrais la région de mon enfance, cherchant ce qui avait changé, et ce qui était resté, Anya, qui n'avait dit mot depuis le matin, se mit enfin à me parler, d'une voix triste mais resolue.
-"Je pense qu'il serait temps que tu trouves une femme, que tu te maries et que tu aies des enfants."
Je faillis tomber du cheval sur le coup, non seulement je trouvais l'idée ridicule, mais en plus ca ne m'avait jamais seulement effleuré l'esprit.
-"Tu es folle !"
-"J'y ai longuement réfléchi, depuis que j'ai vu l'Oracle. Je ne veux pas que ma présence ne te gène. Lorsque je ne serais plus là..."
L'entendre dire ca me mettait hors de moi,et je la coupais avant même qu'elle ait fini sa phrase.
-"Ca suffit ! Tu as peut être un instinct ou je ne sais quoi qui te donne souvent raison, mais là c'est trop, tu n'as pas le droit de choisir les sentiments que je dois avoir, et encore moins de me demander de m'éloigner de toi !"
-"Ca ne sert plus à rien, tu as déjà appris quasiment tout ce que tu devais apprendre, à quoi bon rester ensemble tout le temps, tu dois fonder ta propre famille, que je ne pourrais de toute facon pas te donner, et prendre tes propres décisions, suivre ton propre chemin. Tu ne peux pas construire ton avenir avec moi, je n'en ai aucun"
-"Si il y en a un. Nous avons encore le temps, et toi même tu as dit que l'Oracle n'était pas totalement certain de ses previsions ! Donnes moi une seule bonne raison de ne pas nous battre pour ca !"
-"Parce que je ne suis pas humaine... ou bien que je ne peux plus avoir d'enfant.... ou encore que je ne serais plus de ce monde dans un avenir de plus en plus proche... Ca te laisse le choix.. Tu n'aurais jamais dû t'attacher à moi comme cela, et j'aurais dû retenir mes sentiments. J'ai fait une erreur et je le reconnais, et je ne veux pas te faire payer le prix d'un avenir brisé."
-"Si écouter son coeur est une erreur, alors j'ai fait la plus grosse erreur de ma vie en acceptant de t'accompagner, pourtant jusque là je ne m'en suis pas rendu compte. J'ai ecouté mon coeur en te suivant, si j'avais ecouté ma raison je serais resté dans le champ de mon père à cultiver du blé. Alors si aujourd'hui tu veux écouter ta raison, j'ecouterai la mienne aussi et je te rendrais cette armure et tout ce qui va avec pour retourner aider mon vieux père dans ses récoltes, nous y serons dans une heure, ca tombe bien, alors si tu as un choix à faire, c'est le moment Anya.
Elle resta sans rien dire. Au bout d'une dizaine de minutes je décidais d'arrêter le cheval et de descendre, et elle en fit autant.
-"Tu as dit qu'il était temps que je prenne mes propres décisions et que je suive ma route. Et bien je l'ai choisie, et je resterai à tes cotés jusqu'au bout. Peu importe que tu n'aies plus rien à m'apprendre ou que cela ne me serve à rien. Et si jamais un jour je dois avoir un regret, ce sera celui de ne pas t'avoir connue plus tôt."
Une larme coulait sur sa joue, mais elle ne répondit rien. Je la serrais contre moi et nous restâmes ainsi un long moment
Après nous être remis en selle, nous arrivâmes à Sorpigal en début d'après-midi. Le village n'avait guère changé, malgré que le poids des années se fasse un peu plus sentir sur les habitants et les maisons.
J'apprehendais la réaction de mes parents au fur et à mesure que j'approchais de leur maison. Que penseraient-ils de moi, en me voyant ainsi arnaché, comment allaient-ils réagir en revoyant celle qui leur a enlevé leur fils quelques années plus tôt ?
Je frappais à la porte avec anxieté. Anya se tenait derrière moi.
Mon père ouvrit la porte lentement. Il s'appuyait sur une canne en bois noueux et paraissait vieux et fatigué. Il ne dit rien dans un premier temps, ne semblant pas me reconnaitre.
-"C'est moi Yvan !! Papa !!"
Il resta bouche bée un moment, m'examinant, comme pour voir si il ne rêvait pas, puis se jeta dans mes bras en pleurant.
Ma mère avait entendu ce qu'il se passait et était venue aussi, criant mon nom et me tirant par le bras à l'interieur de la maison. Anya patienta dehors le temps que les premières effusions de joie se terminent. Cela me rechauffait le coeur de voir le bonheur de mes parents. Ils avaient maigri et semblaient vivre assez mal, mais le simple fait de me revoir avait redonné un peu de soleil à leur vie monotone. Ils ne cessaient de me poser question sur question, et j'étais assez embarassé, je n'avais pas réflechi à ce que j'allais leur dire pour expliquer mon absence. En fait, je ne savais même pas ce qu'Anya avait écrit dans la fameuse lettre qu'elle avait laissé lors de ma fuite nocturne. Je jugeais donc le moment opportun de leur rappeler sa présence.
-"Venez, je dois vous présenter quelqu'un... Vous vous en souvenez peut-être... papa...maman... voici Anya..."
L'évocation de son nom sembla provoquer un déclic chez mon père, qui retrouva une nouvelle vigueur, et me bouscula en foncant vers Anya.
-"Vous !!Je vous reconnais ! Vous nous avez volé notre fils et vous osez revenir ici sale petite pourriture de sorcière !! Ne remettez jamais les pieds dans cette maison ou je vous ferais brûler sur un bûcher !! Et ne touchez plus à mon fils !! Allez au diable avec vos sales manières !"
Je réussis à le maitriser avant qu'il ne se mette à frapper Anya avec sa canne. Je n'insistais pas et le ramenais à l'interieur, faisant signe à Anya que je la rejoindrais à l'auberge, tandis que mon père vociferait toutes sortes d'insultes à son égard.
Le calme revenu, je passais une bonne partie de l'après midi à trouver des explications à mon départ et à cette longue absence, éludant une bonne partie des faits et essayant de les convaincre que j'étais parti de mon plein gré, en vain.
Le soir venu, j'eus beaucoup de mal à m'en aller, et c'est en leur promettant que je reviendrais le lendemain que je partis pour l'auberge, peu avant minuit. Anya m'attendait comme prévu, mais la réaction de mon père n'avait pas contribué à lui remonter le moral.
Nous n'avions hélas pas la possibilité de rester trop longtemps à Sorpigal, et le lendemain soir je pris congès de mes parents, non sans un pincement au coeur.

Chapitre XXIX

Le grand tournoi annuel regroupant les meilleurs combattants allait avoir lieu dans la province voisine, et d'après Anya ce serait une bonne mise à l'épreuve pour moi. Le premier prix était un anneau magique, et la joute consistait en une série de duels, à cheval. La rencontre durerait deux jours et des tentes étaient mise à la disposition des participants et de leurs invités. Les combats se déroulaient sans mise à mort et l'esprit de la compétition était plutôt festif. Toute la population de la région avait fait le déplacement, et une sorte d'arène avait été construite spécialement pour le tournoi. La cotisation, de cent pièces d'or, représentait une somme non négligeable et seuls les combattants de bonnes familles pouvaient se le permettre. Tous portaient les emblèmes de leur famille, et leurs armures rivalisaient d'éclat et de raffinement. Les autres concurrents voyaient d'un sale oeil ma présence, l'aspect menacant de mon cheval et de mes couleurs étant en désaccord avec l'atmosphère réjouissante de l'évènement.
J'étais un peu embarassé et craignait que ma Batailleuse ne blesse trop gravement les concurrents, aussi je pris l'initiative de frapper avec le plat de la lame, à la facon d'une masse. Sa largeur me le permettait, et éviterait ainsi que je sois disqualifié. Les combats se déroulaient en deux temps, dans un long rectangle bien délimité. Nous nous élancions face à face, donnant à nos montures la plus grande vitesse possible, et le but était de faire chuter l'adversaire lorsque nous nous croisions. La suite du combat avait lieu au sol et se terminait lorsque l'un des deux protagonistes était assomé ou desarmé.
Je faisais partie de la première vague de duels. J'étais opposé à un jeune homme à l'armure chatoyante, monté sur un cheval robuste dont la robe marron avait été lustrée pour l'occasion. Le signal fût donné, et mon pookha partit au galop. Au fur et à mesure que la distance se réduisait, je reflechissais à la meilleure facon de me positionner sur la selle. J'avais une allonge bien supérieure à celle de son épée à une main, et le désarçonnais sans trop de peine au premier passage. Tandis qu'il se relevait péniblement, passablement étourdi par le choc, je mis pied à terre. Etant le vainqueur de la partie montée du duel, j'aurais pu rester à cheval pour la suite du combat, mais je préferais un duel à arme plus ou moins égales, au sol. Le malheureux n'était pas très experimenté, et je ne mis pas longtemps à lui faire mordre la poussière, après avoir toutefois tranché en deux son gros bouclier, sous les cris d'etonnement de la foule.
Mes autres combats furent à peu près similaires, et je ne rencontrais aucun adversaire qui ne me posa de problèmes. Mais le dernier combat s'annoncait plus compliqué, et le jour suivant j'affronterais le favori du tournoi.
La nuit fut paisible, et au petit matin, fort des conseils d'Anya, qui avait observé le style de mon adversaire au cours de la journée, je prenais place en selle sous les bravos de la foule, ravie du spectale qui s'offrait à elle. Jamais encore un inconnu n'avait pu prétendre arriver en finale, et encore moins aussi facilement.
L'autre était un homme des lointains highlands, comme en témoignait son kilt et son style sans égal. Il était d'une carrure impressionante, et portait une hache à deux mains dans le dos. Pour la joute à cheval il preferait une lance, bien plus efficace. Son style me rappelait un peu celui du minotaure, dépourvu de toute finesse, et ses combats n'étaient que démonstration de force brute. Il portait une armure robuste mais qui semblait avoir déjà bien vécu. Il basait de toute facon ses combats sur une victoire aussi rapide que violente et peu nombreux étaient ceux qui avaient pu ne serait-ce que l'attaquer.
C'est sous la cacophonie des trompettes que mon pookha s'elanca, avec toute la puissance et la vitesse qu'il pouvait développer. L'autre allait plus lentement, sa monture souffrant quelques peu sous le poids de son cavalier, et le choc de la rencontre nous désarçonna tous les deux. Sa lance me toucha en pleine poitrine, mais se brisa sur mon armure. J'avais toutefois réussi à le toucher du plat de mon épée et il laissa échapper un grognement en retombant dans la boue, ce qui ne lui était pas encore arrivé de tout le tournoi.
Il se releva rapidement, brandissant sa grosse hache avec la ferme intention de me faire payer cette affront. Nous tournions l'un autour de l'autre, guettant une opportunité d'attaque. Il était moins patient que moi et attaqua le premier. Je le vis prendre son élan pour un coup vertical, aussi j'entrepris de me décaler sur le coté en temps voulu. Au dernier moment il changea la direction de sa hache et fit un tour rapide sur lui même, délivrant un large cercle avec son arme. Surpris, je ne pus éviter le coup et subit de plein fouet l'assaut. Il me toucha au flanc et la puissance du coup me propulsa sur près de deux mètres. Il ne cacha pas sa surprise en voyant qu'il n'avait même pas egratigné mon armure, mais profita que je reprenais mes esprits pour charger en ma direction. Je réussis à esquiver le coup au dernier moment et entendis la hache se planter à coté de moi. Le temps qu'il se retourne, j'avais pu me relever et me remettre en position de combat. Si mon armure eût été moins solide, je serais mort, et je compris que le highlander n'avait nulle intention d'attenuer la puissance de ses coups. Il était fermement décidé à me faire passer de vie à trépas, et s'élanca de nouveau, balayant l'air environnant avec sa grosse hache. Mais cette fois j'interposais la Batailleuse entre lui et moi et parais son attaque. Profitant de son étonnement j'attaquais à mon tour et executais un mouvement vertical. Il eut le réflexe d'interposer le manche de sa hache entre ma lame et lui, mais je frappais avec le tranchant de mon épée cette fois-ci, et le manche fut coupé net en son milieu. La pointe de la lame passa à quelques centimètres de lui et finit sa course dans le sol, mais il était maintenant en mauvaise posture. N'étant pas homme à s'avouer vaincu, il prit ce qu'il restait de sa hache à une main et s'élanca en ma direction. Aveuglé par sa fureur, il n'essaya même pas d'eviter mon coup, et si je n'avais pris le soin de frapper avec le plat de la lame, il serait mort. Au lieu de ca il gisait assomé dans la boue, et sous les hourras de la foule je vins me présenter devant l'organisateur du tournoi. Il fut surpris de constater que sous l'épaisse armure ne se cachait qu'un jeune homme, et il me remit une prime ainsi qu'un anneau magique.
Les festivités continuèrent jusque tard dans la nuit, et je forcais Anya à y prendre part bien qu'elle s'y refusait dans un premier temps.
Tandis que les derniers convives s'éparpillaient et que le son des instruments retombait peu à peu, je reconduisais Anya jusqu'à sa tente.
-"Anya, je... J'ai quelquechose d'important à te demander."
Elle se tenait devant moi, et me regardait, etonnée.
-"Je voulais savoir... Si tu accepterais de m'épouser ?"
Je lui tendis en même temps l'anneau que j'avais remporté au tournoi. Je n'avais aucune idée de ses pouvoirs, mais il était en or, incrusté de pierres précieuses. Elle entrouvrit la bouche, cherchant ses mots, et je ne l'avais jamais vu aussi émue.
-"Nous pourrions célebrer le mariage dans la chapelle de Sorpigal... Mes parents seraient heureux, et ils ne t'en veulent plus. Tu disais il y a quelques jours que tu voulais que je trouve une femme et que je fonde une famille... Tu es la seule femme que je désire, et la seule famille que je souhaite avoir."
Je craignais qu'elle ne refuse, suite à ce qu'elle m'avait dit lorsque nous allions chez mes parents.
-"Tu sais ce que j'en pense... Mais je sais aussi que je ne pourrais jamais te raisonner, alors j'accepte, et si cela me comble de bonheur, je suis aussi inquiète sur ce que tu deviendras une fois que je ne serais plus de ce monde..."
-"Je ne veux plus que tu parles de ca, et tu devrais inviter Lilith, je suis sur qu'elle fera un excellent témoin et qu'elle sera ravie pour toi !"
Elle me sourit et m'embrassa tandis que j'enfilais à son doigt l'anneau.

Chapitre XXX

La cérémonie aurait lieu dans trois semaines, et j'avais invité tout le village. Nous passâmes donc ce temps libre à Sorpigal, et mes parents avaient fini par considérer Anya comme un membre de la famille à part entière. Les gens de la région étant assez curieux nous avions dû lui inventer une vie, et je la présentais donc comme la fille exilée du seigneur d'un lointain royaume, ce qui n'étonna personne car son physique n'avait rien de comparable à celui des habitants du pays, qui ont plutôt le teint foncé et les yeux noirs. Anya détestait les prêtres en règle générales, mais fit un effort notable pour être aimable avec le clerc local. Il était de toute façon bien loin du fanatisme albionnais et s'avéra très sympathique et peu regardant au respect strict du catholicisme. La chapelle fut même nettoyée et remise en ordre pour l'occasion. Le mariage d'un fils du village et d'une prétendue princesse de l'occident attira tous les villageois en état de se déplacer. Je m'étais fait fabriquer une tenue sur mesure par un tailleur ami de mes parents, et Anya gardait le secret sur sa robe de mariée, qu'elle avait été chercher à Antalys la veille de la cérémonie.
Le jour venu, j'avais un trac fou, mais aucun incident ne vint troubler l'après-midi. La robe d'Anya était un véritable chef d'oeuvre, et j'appris par la suite qu'elle avait été confectionnée par les diablotins d'Antalys, mais ce qui me frappa le plus, c'est qu'elle était entièrement blanche, comme le veut la coutume. D'ordinaire Anya ne portait jamais de blanc, et je pensais qu'elle ne ferait pas d'exception même pour son mariage, car le blanc est le symbole de la pureté et de la paix, ce qui ne lui correspond pas vraiment. Je fus touché par cet effort de sa part.
La nuit de noces eut lieu sur un navire confortable affrêté specialement pour nous, en partance pour le petit royaume insulaire et paradisiaque de Tah'Ytti.
La réputation de l'île n'était pas surfaite et les habitants nous firent un excellent accueil. Il était prévu d'y rester une semaine, durant laquelle Anya se laissa aller à l'insouciance et à l'amusement, ce qui était suffisament rare pour être signalé. Finalement notre séjour dura deux semaines, et à son terme, nous étions de retour à Antalys.
Cinq années s'ecoulèrent, durant lesquelles j'affinais ma connaissance de la magie et des arts de combat. La vie à Antalys étaient assez monotone mais les jours défilaient rapidement, rythmés par le tambourinnement des armes du minotaure sur les pièces d'armures qu'Anya nous fournissait inlassablement. Notre union nous avait encore plus rapprochés et il ne se passait pas une journée sans que nous restions tous les deux à converser tranquillement. Le haut de la tour était un endroit que j'appreciais particulièrement car il était propice à la réflexion et à la tendresse. Plus le jour fatidique de la grande bataille approchait, et plus je consacrais de temps à rester en compagnie d'Anya. Le minotaure me jugeait prêt au combat, et si le maître effrit me qualifiait de mage de seconde zone, il reconaissait néanmois qu'il ne pouvait me faire progresser davantage.
Un matin, Anya me fit savoir que Lilith en personne désirait s'entretenir avec moi. La nouvelle provoqua un véritable tremblement de terre en moi. Je réalisais pour une fois que j'avais peut être une importance aux yeux des forces surnaturelles qui régissaient l'univers. Lilith, la seule évocation de son nom provoquait crainte et respect de tous. Le simple fait de parler d'elle ou de reconnaître son existence était sujet de bannissement pour le haut clergé, et lui vouer une quelconque forme de culte conduisait directement au bûcher. La rencontre aurait lieu dans deux jours, et je passais ce temps à questionner Anya à son sujet. Elle resta très vague, se contentant de me dire que Lilith ne se bornait pas aux formalités et qu'elle lirait en moi comme un livre ouvert, qu'il était impossible de lui mentir ou de masquer une partie de la verité.
Le jour convenu, Anya procéda à la teleportation, plus longue que d'ordinaire. Je devais m'y rendre seul, ce qui ne m'enchantait pas plus que ca.

Chapitre XXXI

Je debarquais dans une petite pièce, un minotaure vêtu d'une lourde armure m'attendait. Il me fit signe de le suire, et me conduisit à travers un dédale de petits couloirs. Je passais ainsi devant de nombreuses portes, de la lumière filtrait parfois, j'entendais toute sorte de grognement, hurlements et sons étranges en provenance de l'autre coté des portes, et je preferais ne pas en imaginer les causes. Le minotaure désigna une large entrée, au bout du couloir. Il s'agissait d'une double porte ornementée, et de chaque coté, une gueule de dragon sculptée déversait de la lave dans un creuset. La châleur était étouffante, et si mon armure l'attenuait sensiblement, je craignais qu'elle ne fonde sous peu.
Les deux portes s'ouvrirent à mon approche, sans même que je les touche, dévoilant à mes yeux le coeur même de l'enfer, la salle du trône de Lilith. Le sol était plat et uniforme, fait de larges dalles noires. Les murs étaient faits de roche, et je devinais que la pièce était une caverne amenagée, au coeur d'un volcan. Une cascade de lave d'une hauteur impressionante alimentait un lac bouillonant, parsemé de geysers puissants et brefs. La salle donnait directement sur le lac de lave, et le trône de Lilith se trouvait juste au bord. Je fus surpris, m'attendant à une créature gigantesques et effrayante, au lieu de ca elle était assez proche des succubes. Elle devait avoir la même taille que moi, et avait un corps de femme. Sa peau était rosée, presque violacée, et elle avait de longs cheveux qui retombaient sur ses epaules et son dos, mais ils étaient embrasés, et toute sa chevelure n'était que flammes. Une couronne dorée reposait sur sa tête, incrustée de gemmes et autres pierreries, mais n'avait rien d'extravagant. Ce qui frappait au premier abord, c'est sa longue cape rouge, noir et or qui trainait sur le sol derrière elle, et surtout la présence de nombreux filaments de ce qui devait être de l'énergie pure. Il semblaient tous partir du milieu de son dos, et se déployaient dans tous les sens comme une auréole de tentacules, remuant au gré de ses gestes. Impossible de dire leurs dimensions exactes tant ils semblaient irréguliers, mais cela devait être de l'ordre d'une dizaine de mètres de longs pour une dizaine de centimètres de diamètre. On aurait dit des algues, dansant au gré des courants marins, et ils semblaient baignés d'un aura surnaturel. Elle portait le même genre de tenue que les succubes, même un peu plus dénudée. A mon entrée dans la pièce, elle se leva et s'avanca vers moi, se déplacant lentement, d'une démarche gracieuse et sensuelle. Elle s'arrêta à environ un mètre de moi; et je faillis avoir un malaise comme lors de ma première venue à Antalys. Il n'y avait aucun bruit, excepté le grondement de la lave au fond de la pièce, pourtant je sentais quelquechose d'indéfinissable, comme si des milliers de voix m'appelaient. Je sentais un formidable aura d'énergie qui émanait d'elle, dépassant tout ce que j'avais pu voir. Elle me scrutait de ses deux prunelles noires mais je n'osais lever les yeux pour soutenir son regard.
-"Regardes moi, petit humain... Regardes ce que nul autre n'a vu..."
Sa voix était douce, envoûtante, sans aucune aggressivité ni menace, on l'aurait dit venue de l'infini.
Je relevais alors un peu la tête pour l'observer. Elle approcha sa main droite et la placa sous mon menton, comme pour soutenir ma tête et m'empêcher de la baisser de nouveau.
-"Tu relèves la tête, mais tu n'oses pas me regarder dans les yeux. N'aies pas peur de moi... Je ne t'ai pas fait venir ici pour te faire du mal."
A l'instant même où je croisais son regard mon esprit fut comme aspiré dans un vide absolu. J'oubliais tout autour de moi et ne voyait plus que le vide. Ses yeux étaient deux fentes sur le néant le plus total, et il me captivait, m'enivrait, s'insinuant en moi peu à peu. J'étais incapable de m'en dégager, son voile me recouvrait peu à peu. Je ne respirais plus, je sentais la vie s'éteindre en moi, pourtant je n'avais pas mal, je ne sentais rien. Rien, c'était le mot, un rien oppressant, envahissant.
Elle relacha mon menton et cligna des yeux, mettant fin à son emprise. Je reprenais d'un coup ma respiration, essouflé, et je mis plusieurs minutes à me recadrer avec la réalité.
-"Tu as vu et ressenti comme le néant était redoutable. Tu ne peux lutter contre lui. Il est tout et rien à la fois. Il recouvre la vie inexorablement. Ce que tu as vu est le péril qui guette ton monde. Si tu perds la bataille, le néant se répandra sur votre monde, lentement, emportant peu à peu chaque être, chaque objet, chaque petit bout de l'univers, jusqu'à le recouvrir tout entier de son emprise, et il sera alors impossible de freiner son avancée. Les serviteurs du néant sont dangereux, et nombreux, mais il vous faudra faire face. Si tu échoues, tout disparaîtra. La chute du plan mortel entraînera celle du plan divin et de l'outremonde. Nos existences dépendent entièrement du plan des mortels. Sans les âmes liberées qui traversent par milliers à chaque instant la frontière entre nos mondes, nous mourrons également, et cet univers s'effritera peu à peu sous l'avancée du néant."
-"Vous voulez dire... que le sort de tout ce qui existe... dépend de ce qui se passera ce jour là ?"
-"Exactement."
-"Mais Anya ne m'a rien dit de tout ca !"
-"Il est des choses qu'elle ignore. Nul n'est éternel et indestructible. L'entité superieure divine, celui que vous appelez Dieu, le grand oracle du monde mortel et moi même sommes dépendants de ce qui a lieu dans ton monde. Nous n'existons qu'à travers vous. Rien n'est fait au hasard, et même si nous détruisons souvent la vie, c'est dans un but bien précis, car sa destruction totale n'aurait pour résultat que notre propre fin."
-"Mais alors si ce néant est votre ennemi aussi, pourquoi ne pas nous aider à le combattre ?"
-"Car je ne peux entrer dans votre monde sans provoquer un désequilibre, qui à terme entrainerait le chaos et une destruction de la magie dans son état actuel. Les énergies magiques ne sont pas laissées au hasard, et de trop grandes surcharges de pouvoir ou un accroissement trop rapide de leur densité peut entrainer leur disparition. C'est pour cette raison qu'il ne peut y avoir qu'un seul gardien de la magie à la fois, et que j'envoies mes filles lorsque je dois agir dans votre monde, il en va de même pour les archanges, qui ne sont que les pions de l'entité superieure. C'est Anya qui doit se charger de ce combat à ma place."
-"Mais elle n'est pas votre fille !"
Elle ne sembla pas apprécier cette remarque.
-"Elle l'est devenue"
-"Comment est-ce possible ?"
-"Tu es bien curieux, jeune homme, mais tu as raison, je t'ai fait venir pour que tu aies les réponses à tes questions, et que tu saches pourquoi tu dois te battre. En réalité, son corps fût détruit lors de la division de l'energie magique, au cours de son accouchement. Cela causa un trouble important au niveau de la magie du monde des mortels. Les pouvoirs du gardien, au lieu de se diviser et de se répartir entre Anya et son fils, furent dédoublés. L'âme d'Anya et celle de son fils, au lieu de s'élever vers le plan divin, ou retomber dans l'outremonde, restèrent, gorgés de leur énergie magique, dans le monde mortel. Il fallait agir vite sous peine de la destruction de la magie. J'ai donc utilisé mes pouvoirs pour faire passer l'âme d'Anya ici. Celle de son fils disparut. J'ai par la suite en quelque sorte réssuscité Anya dans sa nouvelle enveloppe charnelle, celle d'une succube, la sauvant ainsi d'une errance éternelle qui aurait conduit à une véritable catastrophe. Désormais nous savons que l'âme de son fils est passé au service du néant, et qu'il l'incarnera, le jour venu."
-"Mais si elle meurt au cours du combat que deviendra-t-elle ?"
-"Son âme repassera en outremonde, après s'être debarassé de son surplus de magie, et elle rejoindra celle des grands démons dans une sorte de "paradis" comme vous dites."
-"Et il serait impossible de la ressusciter une nouvelle fois ?"
-"Impossible non, rien n'est impossible, mais ce serait enfreindre des lois universelles établies depuis la nuit des temps entre le plan divin et l'outremonde, ce qui aboutirait probablement à une guerre entre nous, comme il fut le cas il y a de cela très longtemps."
Elle marqua un temps d'arrêt, me laissant réflechir à tout ca. Elle vint se placer derrière moi, puis je la sentis s'approcher doucement de moi. Son aura d'énergie devenait de plus en plus fort, mais je m'y habituais peu à peu. Elle se colla contre mon dos, passa ses bras par dessus mes epaules et posa ses mains sur ma poitrine. Elle approcha sa tête contre moi, appuyant son menton sur mon épaule droite, et se remit à parler doucement. J'eprouvais une étrange sensation de bien-être en moi, j'étais plus détendu, et je ne fis pas attention à ses tentacules de lumière qui se rapprochaient de moi et enlacaient mes jambes et mes bras.
-"Lorsque tout sera terminé... si tu réussis, tu recevras les pouvoirs d'Anya. Un important choix s'offrira alors à toi."
-"Lequel ?"
J'avais un peu de mal à parler, je sentais son etreinte de plus en plus forte, pourtant quelquechose au fond de moi me disait que je n'étais pas en danger, et je la laissais faire, je n'avais de toute facon pas d'autre alternative.
-"Et bien... Tu pourras soit rester dans le monde des mortels... et survivre de ton mieux, en tirant à jamais un trait sur l'outremonde dans lequel tu ne pourras plus venir... ou alors..."
Elle cessa de parler, approchant son visage du mien, posant son oreille contre le mienne, comme pour écouter en moi.
-"Je sens que tu es curieux, mais que tu as peur, il ne faut pas... tu dois être courageux..."
-"Vous me parliez... d'un choix ?"
-"Je pourrais faire de toi le maître de ces lieux, à mes cotés. Nous partagerions nos pouvoirs, mes démons t'obéiraient, ce monde serait ton fief... J'ai fait d'Anya ma fille, je pourrais faire de toi non pas mon fils, mais mon homme... Et nous regnerions sur la plus formidable armée qui eût jamais existée... L'Union de nos pouvoirs nous mettrait à l'abri de tout; même du néant... Tu serais uni à moi pour une eternité de bonheur..."
Je compris alors où elle voulait en venir, et lorsque je sentais ses mains glisser vers le bas de ma taille et qu'elle commencait à m'embrasser dans le cou, je me retournais vivement et m'ecartait d'elle en criant un "non" qui résonna dans la caverne.
Elle resta sans rien dire un moment, je sentais que j'avais mis à mal son amour propre, et je craignais une réaction peu agréable pour moi, mais elle esquissa en sourire, ce genre de sourire un peu surfait qui en disait long sur ses veritables pensées.
-"Très bien, petit humain, tu as une volonté de fer... Mais nous en reparlerons, n'aies crainte, tu as le temps de réflechir à ma proposition... Oublies le présent, et penses à l'avenir.. Lorsque tu seras le gardien, tu vivras une eternité... Et crois moi, une éternité de solitude, c'est un bien lourd tribut à payer même pour moi."
J'imaginais en effet qu'elle ne devait guère s'amuser en restant seule ici avec pour toute compagnie celle de ses gardes.
-"Ne m'en veuillez pas, je n'ai absolument rien contre vous, mais... J'aime Anya, et vous ne pourrez le changer, quand bien même elle devrait mourir, je resterai fidèle à sa mémoire."
-"Tu es bien presomptueux de me mettre au défi. Mais l'amour est ce qu'il y a de plus beau... et je respecterai le tien. Tu imagines que je cherches à détourner ton esprit et à faire de toi mon pantin... Mais détrompes toi, j'ai bien assez d'esclaves, et j'en suis lasse, j'ai besoin d'une vraie présence à mes cotés, quelqu'un qui n'ait pas d'arrières pensées et qui ne se rapproche pas de moi uniquement par ambition ou par jalousie comme tous les autres démons. Mais toi, tu es différent.. Tu es entier, et sincère. Tu as osé me repousser lorsque tu as jugé que j'outrepassais mes limites, et voila bien longtemps que personne n'en avait fait autant."
Elle retourna s'asseoir sur le trône, sans se presser. Je sentais avec satisfaction son énergie s'éloigner et l'atmosphère redevenir plus sain autour de moi.
-"Retournes à Antalys maintenant, et prépares toi à défendre ton monde. Bonne chance, humain !"
-"Merci pour tout."
Je m'appretais à me retourner et à m'en aller, lorsqu'elle tendit le bras vers moi, paume ouverte, projetant sur moi une petite boule d'energie noire. En un instant, sans comprendre, j'étais de retour à Antalys.
-"Alors ?"
-"Impressionant. J'ai besoin de quelques jours de repos pour me remettre les idées en place, Anya, ca a vraiment depassé tout ce que j'imaginais."
-"Je comprends. N'hésites pas à m'en parler si quelquechose te tracasse, mais il n'appartient qu'à toi de me réveler ou non ce qu'elle a pu te dire."
-"Je crois qu'il vaut mieux que je garde tout ca pour moi."

Chapitre XXXII

Deux semaines avant le solstice d'été, date prévue par l'Oracle pour l'ouverture de la passerelle entre les deux mondes, et donc du début des hostilités, je quittais Antalys en compagnie d'Anya pour rejoindre la coalition qui commencait à se rassembler. C'est avec un peu de tristesse que je jettais un dernier regard sur les plaines desolées de l'outremonde, où j'avais passé l'essentiel de mon temps durant les dernières années.
Le futur théâtre de l'affrontement était la région des plaines de Salisbury, une vaste étendue d'herbe à perte de vue. Il n'était nulle question de stratégie compliquée ou de plans d'attaque, le téléporteur s'ouvrirait au milieu de la plaine et vomirait son flot de créatures, qu'il nous faudrait repousser. En arrivant sur place je constatais avec emerveillement que nombreuses étaient les créatures à avoir répondu à l'appel. Je repris confiance en notre victoire, nos troupes étaient belles à voir. Il y avait un grand nombre de centaures, répartis en plusieurs contingents d'archers et de lanciers. Les méduses, peu nombreuses, avaient toutefois ramené un grand stock de flèches et construit des tours pour les archers. Le Roi d'Albion était l'invité surprise, accompagné par presque toute son armée, et avait apporté plusieurs armes de siège de fabrication humaine. Les impressionants trébuchets et balistes se déployaient lentement sous nos yeux, prêts à envoyer une pluie de pierres et de feu sur l'ennemi. Les nomades avaient construit leurs tentes et preparé leurs dromadaires, équipés de cimeterres et d'arcs courts ils formaient la cavalerie légère. Si les elfes des hautes montagnes de midgard n'avaient pu venir, ils avaient toutefois fait circuler l'information et une quantité de petits lutins venus du froid couraient en tout sens. Ils portaient des frondes et de petites dagues. Je notais également la présence de mages hiberniens, elfes pour la plupart, ainsi que de diverses créatures issures de tous les royaumes et venues sans alignement précis, simplement pour aider. Les plus étonnants étaient les cyclopes, sortes de géants dotés d'un seul oeil sur le front. Ils étaient extraordinairement fort et portaient de gros gourdins pour se défendre. ils avaient amené également quantité de gros rochers ronds destinés à être lancés sur l'ennemi. Un flot incessant de nouveaux arrivants, de munitions et de victuailles arriva pendant une dizaine de jours, offrant à mes yeux un large panel de tout ce que la vie présentait comme diversité. J'étais emerveillé par tant de mobilisation et de fraternité. Même le vieux Cuuldurach avait fait le déplacement, ainsi qu'un groupe de siabras, et les morts vivant, sous le commandement de la liche que nous avions rencontré, avaient tenu parole. Les plaines grouillaient de vie et d'activité, tous avaient répondu à l'appel, au delà de leurs différents, pour défendre leur bien le plus précieux: la vie.
Je passais les deux derniers jours à l'écart des autres, en compagnie d'Anya. Nous parlions peu, mais le simple fait de sentir la présence de l'autre à coté nous réconfortait.
Le jour du solstice, à midi, le sol trembla un court instant. Nul ne parlait, nous attendions en silence, de voir enfin notre ennemi au grand jour. Une sorte de structure en pierre emergea lentement du sol à l'autre bout de la pleine, presque à la limite de notre champ de vision. Puis une lumiète violette se fit de plus en plus importante au centre de l'arche. En quelques instants l'herbe de la plaine se recouvrit d'une multitude de monstres de toute sorte, ils étaient trop loin pour distinguer leurs formes, mais de là où nous étions, il était possible d'estimer qu'ils étaient au moins aussi nombreux que nous. Un éclair déchira le ciel et vint frapper l'arche de plein fouet, puis elle disparut dans les entrailles de la terre. Les deux armées se tenaient face à face, hors de portée de toute attaque pour le moment. Une clameur se fit entendre dans les rangs ennemis et de la masse difforme et grouillante sortit une silhouette vaguement humaine. Il fit quelques pas dans notre direction, je ne voyais pas exactement ce que c'était, mais il semblait fait de lumière et d'énergie pure. Une voix sinistre se mit à gronder dans toute la plaine.
-"Anya ! L'heure est venue de savoir lequel de nous deux sera le gardien de ce monde ! Tu sais tout aussi bien que moi que toute magie serait inutile alors je te propose un duel en combat rapproché ! Si tu acceptes avances vers moi !"
-"C'est quoi cette histoire ?" m'ecriais-je à l'intention d'Anya. J'avais toujours pensé qu'il s'agirait d'une grande bataille entre nous tous, et non pas d'un duel entre eux seulement. Je perdais du coup toute possibilité de protéger Anya, ce que je comptais bien faire dans le cadre d'une mélée generalisée.
-"Ce sont les règles antiques de duel. Ce sont les même qui régissent les combats entre créatures de l'outremonde, du plan divin, ou dans ce cas présent du néant. La magie ne servirait à rien, à part à détruire tout ce qu'il y a autour de nous. Lorsque nous aurons fini, c'est toi qui devras mener la charge. Même si j'echoue, j'espère suffisament l'affaiblir pour que vous puissiez l'achever dès l'entrée du combat, mais si il parvient à utiliser sa magie contre vous, vous serez perdus. N'oublies pas tous mes conseils, Yvan."
Elle m'embrassa un long moment puis s'envola vers le milieu de la plaine. Je n'imaginais pas que cela aurait lieu ainsi, et je restais bêtement à la regarder partir. L'autre s'etait rapproché, et je constatais que son corps n'était constitué que de magie pure. Il tenait dans ce qui semblait être ses mains deux épées longues, et se déplacait dans l'air avec fluidité, sans pour autant posseder d'ailes comme Anya.
Le combat commenca, et sembla assez equilibré. Anya utilisait son arme de prédilection, le bâton, et esquivait ou parait tous les coups comme elle seule savait le faire. Sa maitrise de l'esquive m'emerveillait d'autant plus que l'autres frappait avec deux armes, et était donc deux fois plus difficile à gérer. Ils tournoyaient ainsi dans l'air, revenant parfois au sol, semblant en apesanteur, et seuls au monde. Aucun ne parlait ni ne criait, ils étaient concentrés comme jamais.
La situation tourna brutalement à l'avantage d'Anya. Son adversaire rata son coup une fois de plus, mais n'eut pas le temps d'esquiver la riposte, et Anya enchaîne une série de coups rapides qui envoyèrent Vincius heurter le sol de la plaine. Anya amorcait sa descente pour reprendre le combat, mais une puissante décharge d'énergie la heurta de plein fouet, suivie d'une série d'éclairs et je poussais un cri en voyant la tempêtre multicolore qui s'abattait sur elle. Elle retomba inerte dans l'herbe à bonne distance de Vincius, qui s'élevait maintenant dans le ciel et, savourant sa victoire, ordonna à son armée de charger. J'en fis autant, et la mort dans l'âme, m'élancait pour venger Anya. Je lancais mon pookha à pleine vitesse, et allais bien plus vite que les centaures qui menaient la charge derrière moi. Je ne pensais à rien d'autre qu'à planter ma Batailleuse dans le corps de ce traître qui avait trompé les règles du duel. Il leva les bras au ciel et une pluie de meteores s'abattit derrière moi, j'entendais les explosions et les cris des créatures qui m'accompagnaient, mais ne me retournais pas. L'oeil de mon épée brillait plus fort que jamais et j'avais couvert la moitié de la distance qui nous separait. Je distinguais les formes et les yeux assoifés de sang des créatures d'en face. Vincius me faisait face, ricanant et sûr de sa superiorité. Soudain mon esprit s'embruma, et j'entendis une voix qui me parlait. Une voix de femme, douce, calme, qui m'appelait par mon nom. Mais ce n'était pas celle d'Anya, non, cette voix... C'était celle de Lilith.
-"Yvan...Yvan... Vincius a rompu les règles sacrées... Alors je les brise aussi et je te soutiendrais... Il est trop tard pour que je vienne... Mais chacun de tes coups déchainera ma puissance sur ceux qui te barreront la route... Vas maintenant et écoutes ton coeur..."
Je sentis une nouvelle énergie en moi et mon pookha redoubla de puissance. Il galopait plus vite qu'il ne l'avait jamais fait, et la lame de mon épée s'entoura d'un aura rougeoyant.
Vincius n'était plus qu'à quelques mètres de moi, il ne bougeait pas, persuadé qu'il mettrait fin à ma charge vaine d'un simple coup. Au fur et à mesure que j'approchais je voyais en lui ce même néant qui m'avait gagné lorsque je croisais le regard de Lilith. mais je lui resistais, et fort de mon élan acquis lors de ma course, j'abattis sur lui la Batailleuseen hurlant le nom d'Anya. Le pookha fonca tête baissée, pointant la corne de son armure vers lui, et ne ralentit même pas en le heurtant. Au moment où la lame entra en contact avec son corps une vive lumière blanche recouvrit toute la plaine et m'éblouit. Je fus désarçonné et projeté au sol en même temps que ma monture par l'explosion qui se produisit à coté de moi. Lorsque je recouvrais la vue, quelques secondes plus tard, Vincius se tordait de douleur, il hurlait, et sa silhouette disparaissait lentement, morceau par morceau, en commencant par le bas. Il tentait de resister mais semblait devoré par une force invisible.
J'entendis de nouveau Lilith qui me parlait.
-"Ce n'est pas fini... Continues le combat Yvan !"
Je repris mes esprits et me depechais de ramasser mon arme, et de remonter en selle. Le pookha ne semblait pas avoir souffert de la chute et se cabra lorsque je fus en selle. D'un coté mes alliés, dont une bonne partie n'avait pas survécu aux météores, de l'autre l'armée de Vincius, qui malgré la disparition de son chef continuait à avancer avec la même ardeur. Je reculais un peu pour preceder la charge des centaures mais sans être trop esseulé, et m'élancait dans la masse sombre, balayant de chaque coté de mon pookha à grands coups de lame. Ma monture se démenait tout aussi bien et nombre de gobelins et autres morts vivants périrent sur ses piques. Leurs armes ricochaient sur sa cuirasse et sur la mienne. Chaque coup d'épée que je délivrais provoquait tantôt des pluies de flammes, tantôt des éclairs sur les malheureuses victimes. Les quelques archers et cyclopes survivants arrosaient de flèches et de pierres les rangs ennemis, et malgré le nombre toujours croissant d'ennemis abattus, la masse ne désemplissait pas. Lilith continuait à me parler, elle suivait le combat à travers moi, et lorsque la fatigue se faisait sentir, une sorte de cône de lumière rouge venant du sol me baignait d'energie et me redonnait de la force. Le fait de la savoir avec moi me redonnait un peu de confiance et d'entrain.
L'issue du combat resta hasardeuse durant plus d'une heure, puis la masse sombre commenca à diminuer, et au fur et à mesure que les rangs ennemis s'eclaircissaient, cela redonnait plus de moral et d'ardeur au combat à mes troupes. Ils voyaient le terme de la bataille, et surtout la victoire, et abattaient leurs armes avec une vigueur toute retrouvée.
Je profitais de la relative accalmie pour quitter le combat et galoper vers le corps d'Anya, laissant aux autres le soin d'achever les derniers ennemis.

Chapitre XXXIII

Elle gisait étendue sur le dos, et à mon arrivée je constatais qu'elle était toujours consciente. Mais elle était différente, comme si elle était en train de disparaître peu à peu. Elle inclina lentement la tête vers moi et me parla doucement.
-"Yvan... L'Oracle avait raison... Je me meurs...Je dois te remettre mes pouvoirs, ensuite je disparaîtrais. Je sens que tu as réussi, là où j'ai echoué.."
-"Je n'ai réussi que grace à l'aide de Lilith !"
-"Qu'importe... Tu es le gardien à présent... Approches toi mon amour..."
-"Anya..."
J'approchais d'elle et elle m'embrassa une dernière fois. Je ressentis un déferlement d'énergie en moi, encore plus important que ce que j'avais déjà pu connaître. J'avais de plus en plus mal à la tête, puis je m'evanouis.
Je repris conscience quelques minutes plus tard. Elle avait disparu. Les fracas de la guerre avaient pris fin. Je restais là, assis dans l'herbe, regardant la plaine redevenue presque vide, dont le sol était jonché par des milliers de cadavres. Je pleurais, de tout mon corps, de toute mon âme. J'avais réussi, mais la victoire m'avait couté cher. Le soleil se couchait, et lorsqu'il apparaitrait de nouveau, le monde serait différent. Les dernières méduses avaient disparues. Le vieux Cuuldurach avait péri aussi, et les albionnais n'avaient plus de Roi. Les centaures, qui avaient combattu courageusement en première ligne, n'étaient plus que souvenirs. Nul ne reverrait plus de lutins ou de cyclopes fouler le sol des montagnes, et je remontais en selle, ne sachant où aller. J'ignorais encore que cette nouvelle ère marquerait l'avènement des humains, et que la magie sombrerait peu à peu dans l'oubli. Tout ne serait plus que légendes et histoires fantastiques, avec leur lot de verité, et une grande partie d'imaginaire, car il existera toujours, quelquepart sur terre, des gens pour rêver, et croire en l'impossible.






-"Julien ! Lâches ce vieux bouquin poussiereux et descends !"
-"Ouais j'arrive, il se passe quoi ?"
-"Tu l'as trouvé où ce truc poussiereux d'abord ? Je t'ai déjà repeté millllllllllle fois de pas ramener d'ordures à la maison, tu me feras le plaisir de le jeter à la poubelle avant qu'il ne moisisse dans ta chambre, enfin peu importe, y'a un type à la porte qui veut te parler, il me dit que tu le reconnaitras. Il parle bizarrement et porte un costume de carnaval genre moyen-âge, il paraît qu'il a quelquechose d'important à te donner. Me ramènes pas de cochonneries encore c'est déjà assez le bordel comme ca là haut !"
-"Ouais m'man j'y vais..."
-"Ah j'oubliais. Il dit s'appeler Yvan..."
[hrp] on

Je l'ai commencé hier sur le PC, ayant un peu mal aux yeux pendant ma lecture, je me suis dit que je continuerais aujourd'hui et demain encore. Il est vrai que lorsqu'on commence à lire cette histoire, impossible de s'en décrocher.
Je ne l'ai pas encore fini donc je mettrais un autre petit post pour donner mon avis sur tout le récit. Mais à mon avis, il n y a rien a reprocher a cette histoire qui nous emmène aux royaume dont je rêve tant.


[hrp] off

<remet ces lunettes et continue ça lecture>

----------
Eno ..
Thumbs up
Trop du bonheur
Waahou c que du bonheur, les personnages sont convaincants, attachants, le scénario est bon, puis l'histoire est belle, et m'a beaucoup touché; seule petit bémol perso j'aurais préféré une happy end sans que Anya meurt ( ouai je suis très fleur bleue comme mec , puis une histoire d'amour si belle devrait même pouvoir surmonter la mort)

Enfin j'ai adoré, comme tant d'autres je pense, a quand une prochaine histoire? ou une suite?

P_S_ si tu pouvais me contacter sur nightangellevrai@hotmail.com merci c assez space
(

Très belle histoire, j'ai eu du mal à décrocher avant la fin malgré mon taff.
On a vraiment envie de suivre les personnages dans leur périple jusqu'au bout.

Je ne sais pas si tu as fait une suite entre la victoire d'Yvan et le début de l'initiation du nouveau gardien mais j'espère que dans celle-ci, Yvan a transgressé les lois universelles .

Je conseille à tout le monde lire ce très beau texte.


Bisous Bisous Bisous27.gif )
( Jolie histoire, je n'ai pas su en décoller avant la derniere ligne.
Je vais rester attentif à tes futurs posts en esperant rencontrer autant de plaisir à te lire.
La suite serait bien sur la bienvenue.

Mon regard sur les succubes à changer depuis ton texte

Donc un grand coup de chapeau pour ta composition, le realisme, la stucture bref rien à redire. )

( J'ai tout simplement adoré cette histoire. Impossible de s'en détacher un seul instant.
La fin est tout simplement spectaculaire ! Avec quelques touches d'humour par ci par là ce fut vraiment la meilleure histoire RP sur daoc que j'ai lue jusqu'à présent. Ca à dû te prendre du temps c'est un superbe travail ! Bravo ! )
( Merci pour tous vos commentaires
Ces dernières semaines je me suis consacrée à la construction et rédaction du BG de mon futur perso sur wow, le texte est posté dans la bibliothèque de la section wow de ce forum et s'intitule "Refugiée..." pour ceux que ca interesse, vous y trouverez d'ailleurs certains points communs, volontaires... Pas de suite prévue à ce texte pour le moment (j'ai commencé à en écrire une il y a environ deux semaines mais j'arrivais pas à quelquechose de satisfaisant donc j'ai stoppé), mais l'inspiration commence à se pointer depuis deux jours pour un autre texte, que je ne manquerai pas de poster ici si il voit le jour )
( ton texte était un régal et je v desuite lire le nouveau que tu a écris )

(Ulina > Je te prierai d'utiliser les parenthèses pour différencier le RP du HRP et de ne pas afficher ta signature)
( bon texte, bon rythme, personnages attachants, ce recit a tout pour seduire et plaire, merci a toi de nous l'avoir fait partager

j'espere que tu nous feras profiter d'une autre de tes oeuvres )
(Vraiment une histoire fabuleuse, j'adore. On sent qu'il y a du travail et de la créativité derrière. Bravo, sincèrement, je guetterais aussi avec impatience tes autres textes !!

Si je peux me permettre une petite remarque culturelle, j'ai été assez surprise que dans le chapitre XIV soient ravis d'avoir une femme à bord, parce qu'il est dans leurs traditions de considérer que d'avoir une femme sur un navire porte malheur, mais bon c'est un parti pris, et c'est du détail, je ne me permets pas de remettre en cause ton oeuvre)

Citation :
Publié par Celidya
Ces dernières semaines je me suis consacrée à la construction et rédaction du BG de mon futur perso sur wow, le texte est posté dans la bibliothèque de la section wow de ce forum et s'intitule "Refugiée..." pour ceux que ca interesse, vous y trouverez d'ailleurs certains points communs, volontaires...
(Apres avoir lu ton premier ouvrage j'ai hate de lire ton prochain sur WoW
ps: continu comme ca)
 

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