(Roman forum) Shalina - Chapitre 3

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Voilà, pour une meilleure lisibilité, je vais poster mes chapitres sur des threads différents... Si un modo passe par là pour le mettre le lien dans la bibliothèque, je lui en serais reconnaissante

Voici donc le chapitre 3 complet (dont la première moitié que j'avais déjà posté) de Shalina. J'espère que ça vous plaira, n'hésitez surtout pas à commenter, les critiques font avancer

Je rapelle que le début se situe ici : https://forums.jeuxonline.info/showthread.php?t=342734



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Chapitre 3



Il faisait froid, ce matin-là, une bise glaciale lui mordait le visage alors qu’elle venait de se réveiller. Elle ouvrit les yeux pour les poser sur un ciel bas et nuageux, présageant une pluie aussi glaciale que le vent qui soufflait. Doucement, elle repoussa la cape qui lui avait fait office de couverture et se redressa.

Shalina avait passé une bonne partie de la nuit à galoper droit devant elle, sans ce soucier de la direction qu’elle prenait. Durant de nombreuses heures, elle avait tenté de mettre le plus de distance possible entre elle et Thaie, afin d’échapper à la colère de son père. Lorsque le duc apprendrait qu’elle avait disparu, qu’elle s’était enfuie à la suite de leur dernière dispute, il fulminerait de rage et ne manquerait sûrement pas d’envoyer plusieurs hommes à sa recherche. Ils écumeraient les terres de Palorn du nord au sud, de l’est à l’ouest pour la retrouver et la ramener au pied d’Edolan qui allait sans doute se faire une joie de la punir comme il se devait.

Elle frissonna rien que d’y penser. Non, elle ne les laisserait pas la récupérer aussi facilement. Elle venait de quitter Thaie, elle n’allait sûrement pas y revenir. Ce serait se jeter dans le gueule du loup. La menace de mort que son père avait proféré à son encontre était bel et bien présente, et elle se devait de ne pas l’oublier, jamais. Elle connaissait trop bien cet homme pour avoir la certitude qu’il était capable de la tuer sans autre forme de procès, il en prendrait même un certain plaisir. À quoi lui servait-elle, si elle refusait ce mariage imposé ? Elle n’était qu’une source d’ennui, le gênant plus qu’autre chose dans ses tentatives d’extension de son territoire car elle était toujours là à protester, parfois même en public. Et elle savait qu’il ne l’aimait pas, qu’il la haïssait autant qu’elle le haïssait elle-même. La frustration de ne pas avoir eu le fils qu’il désirait, sans doute, alors il se vengeait sur elle, la chair de sa chair. Qu’importe, après tout ce n’était qu’une fille, et une fille ne servait qu’à écarter les cuisses et à obéir, rien d’autre. Lorsque cette dernière refusait de faire l’un et l’autre, alors elle n’avait plus de raison d’être.

Une rafale lui cingla le visage, la sortant de ses pensées noires. Elle soupira et se releva doucement, enserrant sa cape autour d’elle. Il faisait grand jour et la luminosité, malgré le manque de soleil, lui fit plisser les yeux. Autour d’elle, il n’y avait que des plaines de verdure qui s’étendaient à perte de vue et qui disparaissaient dans le brouillard de l’horizon. Quelques bosquets d’arbres semés çà et là dansaient lentement dans le vent. Elle soupira une nouvelle fois.

— Mais où vas-tu donc aller, maintenant ? dit-elle, se parlant à elle-même.

Un léger hennissement lui répondit. Elle tourna la tête vers l’étalon bai qui la regardait avec ses grands yeux sombres. Elle sourit.

— Evidemment, tu t'en fiches, n'est-ce pas ? Tant que tu as de l'herbe bien verte à manger, qu’importe où nous pourrions aller.

Un grondement sourd se fit entendre, la faisant taire. C’était son estomac qui criait famine. Elle n’avait rien mangé la veille au soir et ce matin, elle commençait à sentir les premiers pics de la faim. Elle attrapa les rênes de son cheval et sauta prestement sur la selle qu’elle n’avait pas ôtée.

— Allons-y, dit-elle.

Puis elle ajouta, comme si le cheval pouvait comprendre :

— Nous allons nous éloigner de la route, je ne tiens pas à croiser les hommes que mon père aura lancé à ma recherche.

Sur ces mots, elle renfonça son chapeau sur sa tête et talonna les flancs de sa monture qui bondit au galop.




Les mains derrière le dos, les yeux au sol, Edolan faisait les cents pas dans la grande salle à manger du palais ducal. Il paraissait nerveux, ce matin, et coléreux aussi. Ce sentiment mettait Kaïden mal à l’aise. Debout à côté de la porte, le garçon ne disait rien et observait d’un ½il inquiet le manège du duc. Son brusque silence ne présageait rien de bon et pour un peu, il en aurait longuement frissonné.

— Monseigneur, je…, tenta-t-il de dire.

Mais Edolan leva fermement la main, lui signifiant le calme.

— Tu me déçois beaucoup, jeune Kaïden, dit-il soudain. Je pensais que tu aurais eu le bon sens de l’arrêter avant qu’elle ne quitte le palais.

— Je n’ai pas eu le temps de…

— Certes, c’est cela même, évidemment, coupa le duc.

Il se retourna vers le garçon dont le regard se dérobait constamment au sien.

— Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ? questionna-t-il. Pourquoi ne pas m’avoir dit que tu avais eu l’occasion d’arrêter Shalina et que tu ne l’as pas fait ? Je ne comprends pas. Tu es pourtant un garçon doué de bon sens et tu n’as pas eu le réflexe de l’empêcher de s’enfuir.

Kaïden baissa la tête et porta ses yeux au sol. La voix du seigneur de Thaie paraissait si mauvaise, si froide qu’il eut soudain peur.

— Ma fille doit épouser le fils du duc de Val d’Anor, la cérémonie est déjà prévue pour les jours à venir. Tu comprendras que ce petit contretemps me met très en colère.

— Oui, je… je comprends, Monseigneur.

Edolan sourit et reprit :

— Toi qui est son ami le plus proche, où crois-tu qu’elle puisse se cacher ?

Kaïden secoua la tête et haussa imperceptiblement les épaules. Pourquoi lui poser une telle question ? Il n’en connaissait pas la réponse. Shalina avait toujours été imprévisible et personne ne pouvait savoir à l’avance ce qu’elle ferait ou non. Allait-elle se dissimuler entre les murs d’une ville lointaine ? Allait-elle rester dans les plaines à fureter comme une vagabonde. Il n’en savait rien mais nul doute qu’elle tenterait de mettre le plus de distance entre elle et son père.

— Je… je n’en sais rien, Monseigneur, répondit-il enfin, d’une petite voix tremblante. Peut-être… peut-être va-t-elle rester dans la nature, ou bien aller dans une ville voisine. Je n’en ai aucune idée.

Ces paroles eurent pour effet de mettre le duc en colère. Il se planta furieusement devant lui et, le visage tendu, les lèvres pincées, il s’exclama, furieux :

— Tu connais Shalina bien mieux que je ne la connais moi-même ! Alors tu dois savoir où elle se trouve !

Kaïden fit un léger pas en arrière en bafouillant :

— Je… je vous jure que non, je ne sais pas où elle peut être en ce moment.

— Serais-tu en train de la protéger ? s’écria Edolan, les veines saillant de son cou tant sa ire devenait forte.

— Non… non, je ne la protège pas… je vous dis la vérité, Monseigneur ! Je ne sais pas où elle se trouve. Tout ce que je sais, c’est qu’elle était habillée en homme et… et je crois bien qu’elle avait une arme sur elle… une rapière, sans doute.

— Une rapière ? répéta le duc.

Le jeune garçon acquiesça silencieusement. Le seigneur de Thaie marqua un temps d’arrêt puis il éclata d’un rire fort.

— Une rapière ! s’esclaffa-t-il. Mais elle ne sait pas s’en servir ! Elle ne sait pas tenir une arme en main, elle ne l’a jamais appris ! Elle avait fait des pieds et des mains pour que je lui trouve un entraîneur mais je m’y suis refusé. Elle aurait été parfaitement capable de me poser l’estoc sur la gorge !

Son rire se calma aussi vite que sa colère retomba. Il soupira légèrement et au grand étonnement de Kaïden, il passa presque doucement son bras autour de ses épaules et l’entraîna avec lui dans le couloir. Son ton était presque douceureux alors qu’il disait :

— Kaïden, mon garçon, tu vas bientôt avoir dix-huit ans, n’est-ce pas ?

Il hocha une tête tremblante, puis le duc poursuivit :

— Tu es un homme, maintenant, et les hommes se doivent d’être prêts à défendre leur pays ainsi que la vie de ses proches.

Kaïden fronça les sourcils, il ne voyait pas où il voulait en venir.

— Cela te plairait-il de faire partie de la garde de Thaie ? interrogea Edolan en souriant.

Le garçon eut un léger soubresaut, ne s’attendant visiblement pas à une question pareille. Il ouvrit de grands yeux et sans même le vouloir, un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres. Devenir garde de la ville ? Bien sûr qu’il le voulait ! Cela avait toujours été son rêve. Tenir une arme pour protéger le peuple de l’oppression extérieur, se battre pour défendre chèrement sa ville, son pays… Depuis toujours, il avait l’impression d’être né pour cela et aujourd’hui enfin, on le mettait face à ce choix. Il n’y avait pas à hésiter une seule seconde. Sans réfléchir, il lança :

— Oui, bien sûr que oui, Monseigneur ! J’en rêve… j’en rêve depuis si longtemps !

Le duc sourit encore davantage.

— Bien ! dit-il. Alors tu le seras. Mais avant tout, tu dois faire quelque chose pour moi.

— Quelque chose ?

Edolan hocha la tête et reprit :

— Ta forte amitié qui te lie à ma fille nous servira à la retrouver et à la ramener. Je vais te donner le commandement de plusieurs hommes de ma garde personnelle, ceux en qui j’ai le plus confiance, et tu sillonneras les terres de Palorn à la recherche de Shalina. Qu’importe le temps que tu mettras, mais trouve-la et ramène-la moi. Ensuite, et seulement ensuite, tu seras un vrai soldat, un vrai garde.

— Je…

Il ne put rien dire, le duc ajouta aussitôt, la voix redevenue plus froide :

— Mais ne cherche surtout pas à me doubler et à protéger ton amie. Car si tel est le cas, mes hommes ne te manqueront pas, me suis-je bien fait comprendre ?

C’était une menace, une véritable menace, et Kaïden avait parfaitement compris. S’il cherchait à sauver Shalina, à la protéger, alors les gardes du duc prendraient un malin plaisir à lui ôter la vie sans autre forme de procès. Il frissonna rien que d’y penser. Baissant une nouvelle fois la tête, son regard se baladant sur le sol pour éviter de croiser les yeux mauvais d’Edolan, il répondit dans un souffle :

— Parfaitement, Monseigneur. Je ne vous décevrais pas, je vous le promets.

La main du seigneur de Thaie se posa amicalement sur son épaule.

— Et bien tout ceci est parfait ! fit le duc. Je vais faire préparer tes affaires, tu pars sur l’heure. Trois hommes t’accompagneront, ils t’attendront devant le corps de garde du palais.

Kaïden hocha simplement la tête sans répondre. Devant le regard satisfait d’Edolan, il se courba cérémonieusement et s’éloigna sans dire un mot.




Les hautes murailles d’une ville se dessinaient dans la pénombre de la nuit tombante. Les lueurs des torchères illuminaient ce qui semblait être les portes de la cité, et dans la douce lumière vacillantes se découpaient les silhouettes des gardes en faction. Shalina esquissa un grand sourire et poussa un soupir soulagé. Elle avait faim et devait être aussi épuisée que son cheval qu’elle avait fait galoper presque toute la journée. Une écume blanche recouvrait l’encolure de la pauvre monture qui renâclait par instants, prouvant par là qu’elle était à bout de force. Les doigts de sa cavalière se faufilèrent dans sa crinière.

— Nous y sommes presque, souffla la jeune fille, tiens bon.

L’étalon bai sembla la comprendre car il secoua la tête et continua bravement d’avancer. Lorsqu’ils arrivèrent devant les hautes portes de la ville, l’un des gardes s’avança vers elle et la contempla un instant à la lueur des torchères plantée le long des murailles. Shalina se trouva soudain mal à l’aise d’être détaillée de la sorte. Elle s’apprêta à le lui dire mais l’homme questionna :

— Vous n’êtes pas de la région, n’est-ce pas ?

Lorsqu’il tenta de se dresser vers elle pour voir son visage, elle rabattit discrètement son chapeau sur ses yeux avant de répondre, essayant de prendre un ton plus grave :

— Je… c’est exact. Je suis de passage et je recherche un endroit où passer la nuit.

Passer la nuit ou m’installer, songea-t-elle avec un léger sourire que le garde ne vit pas.

— D’où venez-vous ? interrogea ce dernier.

— Ces questions sont-elle vraiment nécessaires ?

L’homme se renfrogna en expliquant rapidement :

— Ces derniers temps, nous avons eu pas mal d’ennuis et le seigneur de la région a exigé que nous soyons beaucoup plus attentifs avec les étrangers qui entreraient en ville. Alors répondez à la question, s’il vous plait.

Elle soupira, réfléchit rapidement et rétorqua :

— Je viens de Tha… Thalona, au sud des terres de Palorn.

— Thalona ? Je ne connais aucune ville portant ce nom.

— Ce n’est pas une ville ! reprit précipitamment la jeune fille. C’est un village… un village semé dans les plaines désertiques du sud. Peu de personnes peuvent se vanter de le connaître.

Le garde la considéra un court instant avant de demander :

— Et que faites-vous ici, à Malbourg ?

Ainsi suis-je devant la ville de Malbourg, pensa Shalina, contente d’avoir pu se situer.

— Je vous l’ai dit, je recherche un endroit où passer la nuit, simplement.

L’homme hocha la tête.

— Bon, très bien, dit-il. Avancez. À l’est des portes de la cité, vous trouverez une petite auberge sympathique.

— Vous êtes bien affable, messire, répondit-elle avec un signe respectueux.

Il s’effaça pour la laisser passer et la regarda s’éloigner sans mot dire. Les rues de Malbourg étaient étroites et sinistres dans cette nuit glaciale. De hautes habitations à colombages se dressaient jusqu’aux cieux obscurcis. Cette cité ne ressemblait pas réellement à Thaie qui était claire et accueillante. De Malbourg se dégageait une impression de désertion et d’inquiétude, surtout dans cette pénombre épaisse qui tombait doucement sur elle. Cette atmosphère lourde et angoissante fit frissonner la jeune fille qui s’arrêta devant une petite écurie coincée entre deux bâtiments sombres. Elle mit pied à terre et alla attacher son cheval à l’intérieur avant de lui ôter la selle.

— Passe une bonne nuit, mon beau, dit-elle en lui flattant l’encolure.

L’étalon renâcla presque joyeusement alors que sa cavalière venait de sortir dans les rues. Il n’y avait aucun bruit, aucune rumeur, un silence pesant s’abattait sur ses épaules, ce qui était loin de la rassurer. Elle détailla la ruelle des yeux, cherchant un enseigne qui aurait pu indiquer l’auberge dont le garde lui avait parlé, lorsqu’un mouvement attira son attention. Elle se tourna presque d’un bloc, la main portée à la poignée de sa rapière. À l’angle d’une rue, elle crut percevoir une ombre qui se déplaçait à la lueur d’une torchère.

Shalina sentit son c½ur s’accélérer alors qu’elle s’avançait doucement, tous ses sens aux aguets. Le silence fut brisé par un léger frottement métallique, semblable à celui que faisait une épée lorsqu’elle sortait du fourreau. Son corps se mit à trembler et elle poussa un hurlement de surprise lorsqu’elle vit une silhouette massive se dresser brutalement devant elle. Elle n’eut pas le temps de réagir, un coup l’envoya valser sur le sol dans un gémissement sourd. Elle sentit qu’une main tirait sur le lien de sa bourse mais le temps qu’elle lève les yeux, l’individu avait déjà pris la fuite, ses pas résonnant dans la petite rue.

— Pitié, non…, gémit-elle, les paupières brûlantes.

Elle était à peine arrivée à Malbourg qu’elle venait déjà de se faire voler sa bourse. Son périple ne débutait pas aussi bien qu’elle l’aurait espéré. Seule, dans une ville inconnue, sans argent, comment allait-elle faire pour survivre ? Une petite larme de rage roula doucement le long de sa joue alors qu’elle se redressait pour s’asseoir contre un mur sale. Elle replia ses genoux contre sa poitrine et soupira, toujours tremblante de cette mésaventure.

Que lui avait-il donc pris de quitter Thaie sur un coup de tête ? Après tout, ce mariage n’était peut-être pas si mal que cela. Seresh avait beau être le digne fils du duc de Val d’Anor, il n’était peut-être pas aussi méchant que son père. Elle haussa les épaules. De toutes façons, c’était trop tard, elle ne pouvait plus revenir en arrière. Que se passerait-il si elle se présentait devant Edolan, en s’excusant bêtement d’avoir fui ? Il lui en voudrait, et probablement à mort.

Un bruit de pas lui fit relever brutalement la tête. Son c½ur reprit sa cadence affolée alors qu’elle se relevait silencieusement. Elle dégaina sa rapière, bien piètre protection puisqu’elle ne savait pas réellement s’en servir, mais peut-être que la laisser au vu de tous suffirait à éloigner l’importun. Les pas se rapprochèrent, elle frissonna en gémissant :

— Ça ne va pas recommencer… pitié…

Une main se posa soudain sur son épaule. Elle sursauta en criant de surprise et de peur. Se retournant d’un bloc, elle jeta son estoc en avant mais son poignet fut aussitôt bloqué par une poigne forte.

— Doucement, doucement ! fit la voix d’un homme.

Elle tenta de se débattre mais l’étreinte de l’individu était trop forte pour elle.

— Arrête ! reprit-il. Arrête, gamin, je ne te veux aucun mal !

La pression sur son poignet se fit si forte qu’elle dût en lâcher sa rapière qui tomba sur le sol, à ses pieds.

— Lâchez-moi ! s’exclama-t-elle d’une voix percée de douleur tant la main lui broyait les os. Lâchez-moi, bon sang !

Elle gesticula dans tous les sens, cherchant à s’arracher à cette emprise, mais en vain. Plus elle bougeait, plus l’homme resserrait son étreinte autour de son bras.

— Je vais te lâcher mais calme-toi ! fit l’individu. Je ne veux aucun mal, doucement.

En désespoir de cause, elle s’arrêta de bouger. Elle était à la limite du malaise tant son c½ur cognait fort dans sa poitrine. Ses forces commencèrent à la quitter et ses jambes tremblantes étaient sur le point de la lâcher. Un bras fort enserra soudain sa taille alors qu’elle venait de basculer, hébétée par ce qui lui arrivait.

— Holà, attention ! fit l’homme. Tu vas finir par t’évanouir. Viens avec moi, il y a une auberge pas loin. Tu devrais manger un morceau, sinon tu vas t’écrouler sur le sol.

Elle n’eut pas la force de protester et se laissa entraîner jusqu’à un haut bâtiment qui faisait l’angle de cette maudite rue dans laquelle on lui avait volé son argent. L’ambiance était plutôt calme, à l’intérieur de cette auberge, en dépit de la vingtaine de consommateurs qui se massaient dans la grande salle. Ils avaient tous le regard agressif et le visage rougi par l’alcool. Ils ne quittaient pas Shalina des yeux, si bien qu’elle baissa la tête et rabattit davantage son chapeau pour masquer ses traits inquiets.

— N’ai pas peur, souffla l’homme qui l’accompagnait. Ils ont l’air méchants mais ils ne mordent pas. Ils n’ont pas l’habitude de voir un étranger ici, c’est tout.

La jeune fille resta silencieuse. Il la conduisit jusqu’à une petite pièce au centre de laquelle trônait une unique table entourée de deux chaises un peu bancales.

— Assieds-toi, ordonna gentiment l’individu.

Elle s’installa sans un mot et le regarda prendre place devant elle. Il était assez grand et fin, presque maigre. Son visage carré était sillonné des première rides qui trahissait sa quarantaine, ou sa cinquantaine d’année. L’un de ses yeux était fermé et barré d’une mauvaise cicatrice rougeâtre qui lui boursouflait la paupière. L’autre, noir comme la nuit, pétillait de vivacité et de malice. Ses cheveux poivre et sel et ses tempes grisonnantes lui donnaient un air sage et mature, presque confiant.

Lorsqu’il la vit le détailler, il sourit et lança :

— J’espère que je ne te fais pas peur, petit.

Elle détourna rapidement la tête, prise sur le fait, alors que l’homme éclatait d’un rire bruyant.

— Je m’appelle Owald, se présenta-t-il enfin. Et toi ? Tu as un nom, à défaut d’avoir une langue ?

Elle se trouva profondément vexée par cette simple petite phrase. Elle réfléchit un court instant avant de répondre d’une voix qu’elle voulait plus masculine :

— Sharlan… Je m’appelle Sharlan.

Du coin de l’½il, elle le vit froncer les sourcils et secouer la tête. Il bondit si rapidement qu’elle n’eut pas le temps de réagir. Sa main arracha son chapeau presque violemment, libérant ainsi une cascade de cheveux cuivrés et découvrant un doux minois de jeune fille. Un grand sourire se dessina au coin des lèvres d’Owald alors que les joues de Shalina se teintaient de rouge.

— Je réitère ma question, fit-il. Comment tu t’appelles… petite ?

— Je… Shalina…

— Tu en es certaine, cette fois-ci ?

Ce fut sans s’en rendre compte qu’elle s’exclama soudain :

— Bien sûr que j’en suis certaine ! Je m’appelle Shalina, c’est mon nom !

Un ricanement agaçant s’échappa de la gorge de l’homme qui répliqua :

— Doucement, cela ne sert à rien de t’énerver. Il n’est pas coutume de rencontrer une si jolie jeune fille déguisée en homme dans cette bonne ville de Malbourg… ni même dans toutes les terres de Palorn.

L’arrivée de la serveuse le fit taire. Shalina baissa la tête pour ne pas croiser le regard interrogateur de cette femme dont la taille était ceinte par un long tablier qui n’avait plus de blanc que le nom.

— Naddy, amène-nous deux assiettes de ton meilleur ragoût.

— Et comme boisson ?

— Une bière pour moi, et un verre de lait pour la petite.

Ces quelques mots firent monter aux joues de Shalina le rouge de la colère. Elle attendit que la serveuse se fut éloignée pour répliquer fortement :

— Cessez de me considérer comme une gamine, je n’en suis pas une !

— Au lieu de t’énerver, dis-moi plutôt quel âge tu as.

— Dix-sept ans, je ne suis plus une enfant !

Un sourire en coin apparut sur les traits d’Owald.

— Ça, je m’en doute. Une petite fille n’aurait pas eu le courage de se promener en ville avec ces frusques et en se cachant le visage à l’aide de ce chapeau. Tu as eu de la chance de m’avoir croisé, petite, tu aurais pu te faire tuer. Il y a beaucoup de gens peu catholiques qui traînent dans les rues, la nuit. Des coupes jarrets, des bandits, des assassins ! Il te volent ton argent et finissent par te planter la dague dans la gorge pour ne pas que tu ailles les dénoncer à la garde. Si je n’étais pas arrivé, tu serais probablement tombée sur quelqu’un qui n’aurait eu aucun état d’âme.

La serveuse revint avec les plats commandés. Shalina ne prit pas le temps de vérifier ce qu’il y avait dans son assiette, elle avait si faim qu’elle se jeta sans retenue sur la nourriture fumante, sous le regard amusé d’Owald qui venait de couper une large tranche de pain à l’aide de sa dague acérée.

— Tu n’as pas l’air de venir de Malbourg, je me trompe ?

Elle secoua la tête sans répondre, l’homme reprit :

— C’est bien ce que je me disais. Tu sembles affamée, on a l’impression que tu viens de loin, que tu n’as pas mangé pendant des jours.

— Pendant un jour seulement, répondit-elle après avalé un large morceau de viande enrobé d’une sauce délicieuse. J’ai galopé toute une nuit et toute une journée avant d’arriver ici, je ne savais même pas que j’étais à Malbourg avant que l’un des gardes de la porte me l’apprenne.

— D’où viens-tu, alors ?

Elle releva la tête et reposa ses couverts. Une expression un peu triste se peignit sur son doux visage alors qu’elle répliquait :

— Je viens de Thaie. J’ai quitté la ville hier soir.

— Thaie ? Cela fait une sacrée trotte pour venir ici. Tu as dû pousser ton cheval en dehors de ses limites.

Elle acquiesça d’un simple signe.

— Pourquoi en es-tu partie ?

— Je… Cela ne vous regarde pas !

Le visage de la jeune fille devint si farouche qu’Owald éclata à nouveau de rire avant de dire :

— D’accord, cela ne me regarde pas, comme tu veux. Mais je suis tout de même curieux. Comment une petite fille comme toi, en apparence débrouillarde, a bien pu débarquer ici, dans ces contrées hostiles de Malbourg ? Serais-tu en fuite ?

— Je… enfin… en quelque sorte, oui, avoua-t-elle d’une petite voix.

— Et je suppose que tu ne veux pas en parler ?

— Vous supposez bien ! La raison de ma venue ici ne vous regarde en rien !

Sur ces mots, elle se leva d’un bond avant d’ajouter :

— C’est très aimable de vous être occupé de moi mais il me faut y aller. Au revoir, sieur Owald !

À peine avait-elle fini ses mots qu’elle se dirigea vers la porte de la petite salle. Elle s’apprêta à disparaître dans l’auberge mais la voix de l’homme l’arrêta brusquement :

— Malbourg n’est pas une ville pour une jeune fille sans défense, surtout la nuit. À la minute où tu sortiras de cette auberge, tu vas te retrouver seule dans un endroit hostile peuplé de brigands sans âme et sans c½ur. Ils te voleront tout ce que tu possèdes, et si tu ne possèdes rien, il te voleront autre chose.

— Autre chose ? répéta Shalina, surprise et inquiète. Quelle chose ?

Owald tourna la tête vers elle, son ½il se mit à briller légèrement au gré d’un petit sourire en coin.

— Tu crois qu’une jeune et jolie jouvencelle comme toi est en sécurité au milieu des hommes vils et sans scrupules de cette ville ? Tu as parfaitement compris ce à quoi je fais allusion. Je peux te trouver un abri et t’aider un peu à t’en sortir.

— Je suis capable de me débrouiller seule, merci !

— Je n’en doute pas, mais sans arme tu n’iras pas loin.

— Sans arme ? Mais je suis armée !

Sur ces mots, elle glissa la main à son fourreau mais n’y rencontra que le vide. Son visage pâlit subitement alors que celui d’Owald redevenait souriant. Il se leva en disant :

— C’est moi qui ai ta rapière. La voici.

Il la dégaina de sa ceinture et la tendit à la jeune fille qui la lui arracha des mains, une profonde moue coléreuse au coin des lèvres.

— J’espère que tu sais t’en servir, au moins, reprit l’homme. Parce que tu ne pourras pas survivre dans cette ville sans savoir te battre.

Shalina ouvrit la bouche pour lui répondre mais aucun son ne s’échappa d’entre ses lèvres. Elle soupira. Cet homme avait sans doute raison. Elle n’avait pas pu se défendre face à ce voleur qui l’avait soulagée de sa bourse, alors comment pourrait-elle repousser les assauts de ces assassins et ces crapules qui courraient dans les rues ? Elle baissa la tête, légèrement honteuse d’elle-même, de son mauvais caractère et de cette idée idiote de vouloir survivre seule dans cet endroit inconnu et hostile. Owald remarqua le mal à l’aise qui se peignait sur son visage. Doucement, il s’approcha d’elle et posa une main amicale sur son épaule en disant :

— Ecoute, petite, je veux bien t’aider à t’en sortir. Je peux te trouver un endroit où loger durant plusieurs jours. Tu comptes rester à Malbourg combien de temps ?

Elle secoua la tête et répondit d’un ton désabusé :

— Je n’en sais rien… À vrai dire, je n’ai pas la force ni le courage d’en partir. Je… j’ai quitté Thaie pour échapper à quelque chose… je ne veux pas y retourner.

Ses yeux commencèrent à briller sous un léger voile humide. Elle se détourna rapidement pour ne pas offrir à l’homme son visage brusquement tourmenté des premières larmes qu’elle n’arrivait pas à refouler.

— Et… on m’a volé ma bourse…, ajouta-t-elle. Je n’ai pas d’argent… juste un cheval que je pourrais revendre et…

— Non, garde ton cheval, coupa Owald d’un ton presque paternel. De nos jours, il est bien rare d’en avoir un à soi, ne le vends pas. Je pourrais te prêter un peu d’argent pour commencer. Mais ensuite tu devras trouver un moyen d’en gagner par toi-même. Je t’aiderais, s’il le faut.

— Comment pourrais-je vous faire confiance ? lança la jeune fille en levant son regard embrumé vers lui. Vous êtes… un inconnu, pourquoi devrais-je me fier à vous ?

— Pourquoi ? Parce que tu n’as personne d’autre vers qui te tourner en cas de besoin, et crois-moi, tu vas avoir besoin d’aide si tu veux espérer survivre.

Il sourit et ajouta :

— Ne t’inquiète pas, je ne suis pas une de ces crapules qui court les rues, bien au contraire. J’avais un fils de ton âge. Il a été assassiné par un voleur qu’il avait prit sur le fait.

— Oh… je suis désolée…, murmura Shalina.

— Tu n’as pas à être désolée, ce n’est pas de ta faute. Viens avec moi, je vais te conduire dans un endroit où tu pourras passer la nuit sans craintes.

Lentement, elle rengaina sa rapière tandis qu’Owald passait un bras amical autour de ses épaules. Il lui tendit son chapeau qu’elle s’empressa de remettre, alla payer le repas et l’entraîne gentiment dehors.



(chapitre 4 en cours d'écriture)
Merci pour ce doux moment passé dans ton monde virtuel (je te dois combien pour le ticket ? ) comme a chaque fois a te lire tout s'efface autour et on vit au rythme des héros (j'étais assis a une table de la taverne, j'ai pas eu l'impression de lire quelque chose mais d'assister à la scène comme devant un bon film, c'est plutôt bon signe ) le tout appuyé par une écriture simple et tres lisible et un style génial bravo, vivement la suite

D'habitude je fuis les textes RP qui m'endorment (surtout en ce moment ) a la 2e ligne, mais toi tu as un don pour accrocher le lecteur, je vous encourage à tout lire depuis le début ça sent le chef d'oeuvre

Falcon fan de Shary
Citation :
Publié par falcon
Merci pour ce doux moment passé dans ton monde virtuel (je te dois combien pour le ticket ? ) comme a chaque fois a te lire tout s'efface autour et on vit au rythme des héros (j'étais assis a une table de la taverne, j'ai pas eu l'impression de lire quelque chose mais d'assister à la scène comme devant un bon film, c'est plutôt bon signe ) le tout appuyé par une écriture simple et tres lisible et un style génial bravo, vivement la suite

D'habitude je fuis les textes RP qui m'endorment (surtout en ce moment ) a la 2e ligne, mais toi tu as un don pour accrocher le lecteur, je vous encourage à tout lire depuis le début ça sent le chef d'oeuvre

Falcon fan de Shary
Y en a au moins UN qui me lit

Bon, je range la corde pour le moment, j'irais me pendre si vraiment tout le monde se fiche de mon beau texte

Merci pour tes encouragements, Falcon Je le continuerais, ce bouquin, au moins pour toi

Shary, écrivain sur le point de se pendre
Citation :
Publié par Pardot Kynes
Te pend pas de suite on est pas critique litteraire ...

juste une bande de flemard qui veulent pas lire texte long comme celui ci

(quoique si tu te suicide y a moyen que ton livre marche )
Comme si c'était long

Je veux pas dire mais là, mes chapitres sont courts contrairement à ce que je fais d'habitude (15 a 20 pages A4 format word)

Et ils trouvent le moyen de se plaindre Vous voulez pas non plus que je les sépare en petits bouts, mes textes ?
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