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Retour à Trandling - 10ème partie

Par Galadorn le 15/10/2001 à 23:42:00 (#351320)

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Une note claire bondit vers le ciel, par dessus le tumulte des armes et les cris des mourants, dépassant les gémissements et les grincements des damnés. Solitaire, elle semble planer plusieurs secondes au dessus du champs de bataille, avant qu'un grondement ne parvienne aux combattants. Comme un roulement de tambours au rythme des battements de leur coeurs, le bruit s'amplifie en l'impact de centaines de sabots sur le sol rocailleux. Sous peu, alors que le premier accent s'estompe dans les nues, d'autres notes prennent naissance au loin, vibrantes de force et d'espoir.

Contournant le talus, les chevaliers de Lutri débouchent sur la route au son des cors, leurs oriflammes colorées une brillante antithèse aux teintes ternes et défraichies des armées maudites. Montés sur leur chevaux carapaconnés de métal, ils chargent le flanc des légions retenues entre la colline et les bois.

Du plus profond de son apathie, l'idée que le cor ait sonné sans qu'il n'en ait donné l'ordre intrigue le baron. La curiosité cédant à l'irritation, la conscience du vieil homme refait surface, pour le ramener enfin à la réalité. D'un regard circulaire il absorbe la situation, et force lui est de reconnaitre qu'avec la mort de son fils, son plan minutieux aurait avorté, ses préparatifs auraient été réduits à néant, sans l'intervention du mercenaire... Cependant la victoire est loin d'être acquise. Ignorant le poids sur son coeur, Heyron de Lutri tire sa large épée avant de plonger à son tour dans le chaos.

La cavalerie percute avec violence les rangs des créatures exhumées, usant de son élan pour écraser les os et broyer les corps putrides. Les morts-vivants, dont l'attention est tournée ailleurs, tombent par dizaines sous la charge brutale, et en l'espace de quelques instants, coincée entre les chevaliers et la rivière, privée de toute maneuvre par sa formation serrée, l'assemblage de cadavres se désagrège.

Dans la forêt, le désordre règne sans partage. Du sol jaillissent des racines tordues, des broussailles surgissent des lianes échevelées qui tissent une toile de vrilles et de ronces autour des assaillants. Le druide Thylanon et sa femme se tiennent côte à côte, et autour d'eux des cranes, des pièces d'armures s'accumulent. La terre, calme sous leur pieds, se déplace comme une onde en cercles concentriques, avalant les déchus, retournant les morts à la glèbe, brisant leurs os comme leurs armes avec la force d'un séisme.

Sur l'escarpement, galvanisés par l'apparition de leur seigneur, les hallebardiers parviennent à rallier les paysans et les brigands pour repousser les zombis. Tandis que ses hommes forcent leur avancée, le vieux guerrier dirige son cheval vers le borgne armé de deux longs poignards. Mennar Un-Oeil, finissant un squelette d'un coup de botte, se retourne pour apercevoir le baron. Il lui adresse une grimace qui chez lui pourrait passer pour un sourire, s'incline brièvement, avant de planter sa dague dans l'oeil purulent d'un dernier mort-vivant.
"- Vot' seigneurie, s'pourrait que la victoire nous soit acquise. Vot' plan, c'te sacré bon plan." Lance t'il par dessus le vacarme. Le noble s'est rapproché, et de son bras indique le pont, plus bas, puis secoue la tête.
"- Non. Tout au plus avons nous réussi à détruire une partie des légions, et à nous gagner quelque délai. Leurs troupes sont encore nombreuses, et déjà elles tentent à nouveau de traverser le pont. Le temps joue en leur faveur."
"- Je ne comprends pas, vot' seigneurie." Le baron tourne ses yeux vers l'ouest, et tous deux regardent le disque solaire qui effleure le sommet des arbres sur la colline.
"- Lorsque la nuit tombera, ce sera la fin."

La mêlée a été très couteuse pour les archers, vêtus d'armures légères ou de simples vestes de cuir. Aidés de quelques soldats et des deux druides, ils ont contenu au prix du sang les assauts sans fin des cadavres. Leurs compagnons sur la hauteur ont fait de même, tandis que les chevaliers ont enchainé maintes et maintes charges. Le pont sur la Luliune a fait l'objet de quatre combats encore, avant que le coucher du soleil ne donne définitivement la victoire aux revenants. Pendant ce temps, le stratège a parcouru ses troupes pour leur demander de se disperser juste avant la tombée de la nuit. Il sait que l'obscurité ne gênera pas ses ennemis, tandis que les ténèbres et la fatigue seront fatales à son armée. Pour éviter cela, il doit protéger leur fuite.

Alors que les lambeaux orangés du ciel cèdent leur place aux étoiles, les morts-vivants se sont réorganisés au pont. Profitant de ce répit, le baron a rassemblé ses volontaires sur la butte qui borde la route, en retrait de la forêt. A la lueur des torches, son regard parcourt les visages un à un: moins d'une centaine au total, mais tous familiers. Sur chacun d'eux, il est capable de mettre un nom, de se rappeler une anecdocte, une histoire. Il a devant lui ses vétérans, ses amis et, pour une raison qu'il ne s'explique pas, le mercenaire Mennar Un-Oeil.
"- Mes frères d'armes, si nous sommes en ce lieu et en cette heure, c'est que le combat ne fut pas vain. Nous avons malmené les légions plus qu'aucune autre armée ne peut s'être vanté de l'avoir fait, et, aurions nous été plus nombreux, peut être ce jour aurait-il vu une issue différente." Heyron hésite à parler de sa faute, quand ses yeux rencontrent ceux du brigand. Ce dernier secoue doucement la tête, comme s'il savait ce que le noble allait dire. Le baron comprend dès lors qu'il ne gagnerait rien par ses excuses que de démoraliser ses troupes. Il se racle la gorge.
"Vous pouvez être fiers de ce que vous avez accompli jusqu'à présent." Laissant trainer ses paroles quelques secondes, il cherche ses mots avant de reprendre son discours avec plus de conviction.
"La plupart des notres, sous la direction du druide Thylanon, sont partis rejoindre les chariots, avec pour ordre de s'éparpiller dans les plaines en compagnie des femmes et des enfants... Chacun de vous a d'ores et déjà donné bien plus que tout ce que je ne pourrais jamais lui demander... En demeurant ici, vous avez choisi d'offrir aux notres une chance supplémentaire d'échapper à un sort pire que la mort. Votre geste ne sera pas oublié. Que Brehan guide nos bras."

Les guerriers ont allumé de nombreux feux afin de maintenir l'illusion d'une armée retranchée dans les bois et sur le relief. Seul le crépitement des flammes perturbe le calme de la nuit, qui ne résonne d'aucun des bruits familiers de la forêt. Subissant ce long silence contre nature, c'est presqu'avec soulagement que les guetteurs accueillent l'attaque, discordante en cliquètements et murmures impies. Se saisissant chacun de deux torches, les hommes mettent le feu ici et là à des buchers préparés à la hâte, puis s'enfoncent dans la futaie, entrainant les cadavres animés à leur poursuite.

Le second groupe au dessus de la colline s'est vite retrouvé encerclé. Les soldats, malgré leur épuisement, se battent avec la férocité d'animaux aculés dans leur tanière. Le baron et le brigand sont côte à côte, le premier, un chevalier en armure de plates dont le casque a pour motif une tête de sanglier, accompagné du second, un gredin portant une cotte de maille sous ses habits de velours vert sombre. Tous deux exécutent un ballet destructeur, où à tour de rôle l'un attaque les créatures d'outre-tombe tandis que l'autre le défend.
"- Ah - dites moi-" grince Heyron entre deux coups de sa lourde épée.
"- Oui vot' seigneurie?" lui répond Mennar, essayant de reprendre son souffle.
"- Pourquoi êtes vous r-" Le vieillard parre un hache, tandis que la pointe d'une vouge glisse sur son plastron.
"- Resté avec vous autres, les idéalistes?" Le mercenaire donne un coup de son lourd gant ferré, serrant sa dague, fêle un crane, puis coincant la hampe sur son avant-bras, vient briser la vouge sur un autre squelette. " Disons que j'ai un compte à régler avec ces machab'- et- puis c'te belle occasion de racheter- quelques unes de mes- ooompff". Heyron le pousse de coté, tout en déviant un cimeterre de sa trajectoire.

Les corps s'amoncellent autour des deux combattants.
Sur l'élévation les brasiers continuent de brûler jusque dans la nuit et donnent à la scène un clarté fuyante, confuse. Un à un, lentement, les défenseurs tombent, pour ne laisser plus que les deux hommes, entourés par d'innombrables monstres décharnés aux orbites vides.
"- Vot' seigneurie?... Vous croyez qu'on les aura ret'nu assez longtemps pour-" Le brigand esquive une premiere lame, coince une seconde avec ses deux poignards, avant de se faire transpercer par une, puis deux lances. Immobilisé, crachant le sang, il tourne son regard vers son compagnon, pour apercevoir derrière la ligne de zombis une armure plus noire encore que l'obscurité, rehaussée de motifs argentés. Le vieux guerrier est déjà au sol. A ce moment une épée s'abat, tranchant la tête du mercenaire.

Sur la grande plaine de Sarsadhar, menant une colonne de réfugiés, le druide Thylanon se retourne vers la lueur qui est apparue à l'est. L'homme aux longues boucles grises est capable de sentir les perturbations dans l'essence de la Vie, de percevoir les blessures faites à la terre. Mais en cet instant il n'a pas besoin de remonter les lignes de force tellurique pour savoir qu'à plusieurs lieux de là, au pont sur la Luliune, la forêt toute entière est en flammes.

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pour Kroaar, pour la bataille qui n'a jamais eu lieu...

[ 15 octobre 2001: Message édité par : Galadorn ]

Par Zeed Mithror le 16/10/2001 à 8:01:00 (#351321)

Merci Galadorn pour ce magnifique récit de bataille et pour l'hommage rendu à Kroaar et à ses écrits. S'il lit cela je pense qu'il appréciera.

Zeed Mithror.

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