Broc - Hibernia - Déchirement

 
Partager Rechercher
Allongé sur l'herbe verte de la prairie, ses yeux d'un bleu sombre levés vers le ciel, il semblait rechercher dans les volutes nuageuses une chimère que lui seul aurait pu retrouver. Oublieux de tout ce qui pouvait l'entourer, il laissait ses pensées dériver au gré du vent. Il ne sentait plus rien, n'entendait plus rien, complètement absorbé dans le labyrinthe de sa mémoire, suivant le fil salvateur conduisant à sa dulcinée.

Qu'il avait été bon d'être dans ses bras et de se savoir aimé d'une telle princesse. Combien de fois avait-il plongé dans l'océan de ses yeux pour n'en ressortir qu'une éternité plus tard, à bout de souffle? Combien de fois avaient-ils échangé des serments d'amour enflammés aussi bien que profonds? Les dieux lui étaient témoins, il l'aimait de tout son corps, de toute sa force, de toute son âme.

Et pourtant, alors même que le soleil irradiait un peu plus à chaque battement de son coeur, tout était perdu. Pourquoi avait-il été aussi inconscient pour accepter pareille trahison? Pourquoi ne pas avoir songé aux pleurs et au désespoir qu'une telle nouvelle allait provoquer? Seul les dieux le savaient. Les yeux clos, il déglutit difficilement, une boule sourde et amère se formant au creux de son coeur.

Il la revoyait encore, telle une image figée, assise face au feu qu'il avait allumé pour elle, comme pour chasser la torpeur et le froid de son forfait. Elle lui souriait et alors, son éclat chassait les ténèbres de son coeur. Mais tout cela était terminé, à jamais. Il sentit une larme glisser lentement, presque au ralenti le long de sa joue. Combien il se sentait las à présent, terriblement fatigué et vidé de toute force.

Même les éléments semblaient lui rejeter sa faute. Le vent autour de lui devenait plus assourdissant, chargé de cris et de fracas, le ciel s'assombrissait, les volutes s'alourdissant de pluie. De lourdes gouttes tombèrent sur son visage fermé par la douleur qu'il ressentait. Il voulait en finir, mais comment? Il ne commandait plus rien. Son angoisse monta telle de la bile dans sa gorge, ses yeux s'ouvrirent en un spasme. Il sentait son coeur se déchirer à morceaux, son âme partir et s'élever.

Lentement, l'herbe verte et grasse devint plus sombre autour de lui, comme si le ciel ténébreux jetait un éclat sanguin sur la nature. Dans un soupir, il sourit, ses yeux se voilant et perdant leur éclat. Un mince filet de sang s'échappa de la commissure de ses lèvres, se perdant dans les mèches de cheveux que la sueur froide de la mort avait collé sur son visage.

La lance plantée dans son corps ne pouvait plus retenir son esprit dans ces prairies destinées aux vivants. Une dernière pensée pour sa dulcinée, regrettant de ne pas lui avoir donné un fils avant de partir combattre pour sa patrie, il gravit les marches de Tir-Na-nÔg...
 

Connectés sur ce fil

 
1 connecté (0 membre et 1 invité) Afficher la liste détaillée des connectés