Enfin, ils résolurent de partir à la recherche d'indices. Le jour de leur départ, l'aubergiste leur remit un paquet qui venait d'être déposé. Il contenait un morceau de parchemin d'un brun très sombre. Sur le moment, ils ne comprirent pas qui l'avait envoyé. Aussi décidèrent-ils de remettre leur voyage à plus tard et d'examiner le rouleau.
" C'est étrange, dit Kjeldor, je ne vois pas de quelle peau de bête il peut s'agir. C'est trop sombre pour être de l'agneau ou du mouton. Je n'ai jamais vu un tel parchemin.
" En effet, le parchemin, épais et lisse, à peine strié, était mou, comme s'il n'avait pas séché, comme s'il était encore innervé. A l'inverse des vieux écrits il n'était pas friable. Le cuir dans lequel il avait été découpé, bien que tanné, était très tendre , maléable, et s'enroulait facilement. Il avait l'air étonnament frais, comme si la bête venait d'être tuée, ou l'avait été il y a peu de temps.
Ils déchiffrèrent les mots qui avaient été tracés, bavant par endroits et prenant parfois involontairement le chemin ténu, à peine discernable, de quelques ridules de la peau, souligné par de minuscules stries rouges, comme du sang. Les mots qu'ils découvrirent ne leur étaient pas inconnus :
" Il lache sur les sots la bête la plus féroce"
" Il s'agit d'une prophétie, lorsque les Mauvais enva-hissent le Royaume de la Nature et qu'ils se moquent du Seigneur au Bois.
- mais quel est l'interêt ? Qui peut bien nous avoir envoyé cela ? Et pour quelle raison ?
- Je ne sais pas.
- Crois tu que quelqu'un cherche à se moquer de nous ?
- Ou à nous faire peur... A nous faire savoir que nous sommes surveillés."
Intrigués, ils se penchèrent à nouveau sur le parchemin pour l'examiner. Il ne ressemblait décidément pas à ceux qu'il connaissaient. Les mots semblaient avoir été écrits par un bon scribe, car les lettres étaient bien formées, mais à la va-vite, sans avoir pris le temps de tracer des lignes. La texture de la peau, bien que plus douce que celle des rouleaux anciens, avait quelque chose de troublant, de familier. Plus Legysmo le contemplait, plus il avait le sentiment étrange de l'avoir déjà vu quelque part, mais ou ?
Soudain, interrompant ses reflexions, Kjeldor poussa un cri d'horreur. Pendant un instant, des gouttes de sueur froide perlèrent à son front, sans qu'il put prononcer un mot.
" Ce n'est pas une peau... Legysmo... c'est une peau, finit-il par dire.
- Mais oui, une peau ? répondit l'interessé sans comprendre.
- Non, je veux dire... une peau humaine."
Legysmo baissait à nouveau les yeux sur le fragment que son ami tenait en tremblant. Alors il comprit. Un frisson de terreur parcouru toute son échine. Il reconnut la peau brune, si caractéristique, de Darnos.
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