Broc - Hibernia - Contre les Fils des Ténèbres - Convaincre

 
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Quand Kjeldor parla du manuscrit à Legysmo, il ne fut pas surpris. Il connaissait le Mythe du Seigneur au Bois et il y avait quelque chose qui l'attirait vers ces écrits, où, sans qu'il puisse expliquer quoi, il savait que se jouait une partie de sa vie.
" Je me rappele ce que tu m'as appris à l'époque, dit-il à Kjeldor. Les Ecritures, le Mythe du Seigneur au Bois, l'attente du Maitre de Justice par qui vient le Royaume de la Nature... Ainsi donc Darnos te demande pour la recherche d'un manuscrit du Mythe ? Je ne comprends pas pourquoi est-il derriere cette affaire ? Qu'est-ce que cela a à voir avec eux, ils n'y sont même pas instruits.
- Il y a des enjeux politiques énormes derriere la recherche de ce rouleau.
- De quoi s'agit-il ?"
Il ne lui parla pas des meurtres atroces qui avaient été commis en rapport avec le manuscrit ; sans doute était-ce pour le préserver. Legysmo ne l'apprit que bien plus tard, apres que d'autres atrocités furent perpétrées, et peut-être était-ce mieux ainsi. Legysmo ne savait rien encore de tout cela ; mais il voulait rechercher le manuscrit par curiosité, et également parce que quelque chose d'indefinissable l'attirait vers lui, quelque chose comme une invincible reminiscence.
Ils restèrent quelques jours encore à Ardee, allant à la bibliothèque de Tir-Na-Nog, voyant druides et sages, maitres et instructeurs en chaque temple dédié à une voie. Partout, on leur disait que leur recherche était aussi vaine pour leur foi que dangereuse pour leur vie.
Peu à peu, l'anxiété de Legysmo se dissipa comme s'était évanouie celle de Kjeldor. Il lui semblait qu'une fois les doutes envolés, et les lâchetés vaincues, il est des moments ou l'on agit sans savoir pourquoi, comme par une nécessité interieure, impérieuse et indéfinie.
Même s'il y avait une menace qui planait autour de ce manuscrit, Legysmo continuait de se sentir invincible. Il était fier de Kjeldor et de lui-même. Il était persuadé que cette alliance était le secret de la puissace et de la réussite. Et, à la différence de Kjeldor, bien qu'étant aussi fervent envers la Dame de Feuilles que lui, il ne croyait pas au Malin, car il n'avait pas encore vu le mal de ses yeux. Il était sûr que la mort faisait partie de ces histoires inventées pour faire peur et pour se soumettre aux évenements. Qu'ils étaient des animaux ayant besoin d'un maître et ayant trouvé dans la mort le maître absolu.
Il ne croyait pas à la mort, car il pensait qu'il était maître de sa destinée. Des évenements dont la malice est sans égale n'allaient pas tarder à le détromper.
Enfin, ils résolurent de partir à la recherche d'indices. Le jour de leur départ, l'aubergiste leur remit un paquet qui venait d'être déposé. Il contenait un morceau de parchemin d'un brun très sombre. Sur le moment, ils ne comprirent pas qui l'avait envoyé. Aussi décidèrent-ils de remettre leur voyage à plus tard et d'examiner le rouleau.
" C'est étrange, dit Kjeldor, je ne vois pas de quelle peau de bête il peut s'agir. C'est trop sombre pour être de l'agneau ou du mouton. Je n'ai jamais vu un tel parchemin.
" En effet, le parchemin, épais et lisse, à peine strié, était mou, comme s'il n'avait pas séché, comme s'il était encore innervé. A l'inverse des vieux écrits il n'était pas friable. Le cuir dans lequel il avait été découpé, bien que tanné, était très tendre , maléable, et s'enroulait facilement. Il avait l'air étonnament frais, comme si la bête venait d'être tuée, ou l'avait été il y a peu de temps.
Ils déchiffrèrent les mots qui avaient été tracés, bavant par endroits et prenant parfois involontairement le chemin ténu, à peine discernable, de quelques ridules de la peau, souligné par de minuscules stries rouges, comme du sang. Les mots qu'ils découvrirent ne leur étaient pas inconnus :
" Il lache sur les sots la bête la plus féroce"
" Il s'agit d'une prophétie, lorsque les Mauvais enva-hissent le Royaume de la Nature et qu'ils se moquent du Seigneur au Bois.
- mais quel est l'interêt ? Qui peut bien nous avoir envoyé cela ? Et pour quelle raison ?
- Je ne sais pas.
- Crois tu que quelqu'un cherche à se moquer de nous ?
- Ou à nous faire peur... A nous faire savoir que nous sommes surveillés."
Intrigués, ils se penchèrent à nouveau sur le parchemin pour l'examiner. Il ne ressemblait décidément pas à ceux qu'il connaissaient. Les mots semblaient avoir été écrits par un bon scribe, car les lettres étaient bien formées, mais à la va-vite, sans avoir pris le temps de tracer des lignes. La texture de la peau, bien que plus douce que celle des rouleaux anciens, avait quelque chose de troublant, de familier. Plus Legysmo le contemplait, plus il avait le sentiment étrange de l'avoir déjà vu quelque part, mais ou ?
Soudain, interrompant ses reflexions, Kjeldor poussa un cri d'horreur. Pendant un instant, des gouttes de sueur froide perlèrent à son front, sans qu'il put prononcer un mot.
" Ce n'est pas une peau... Legysmo... c'est une peau, finit-il par dire.
- Mais oui, une peau ? répondit l'interessé sans comprendre.
- Non, je veux dire... une peau humaine."
Legysmo baissait à nouveau les yeux sur le fragment que son ami tenait en tremblant. Alors il comprit. Un frisson de terreur parcouru toute son échine. Il reconnut la peau brune, si caractéristique, de Darnos.
 

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