Broc - Hibernia - Blackblade - Sa jeunesse

 
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Un sceptre s'etait elevé d'hibernia et le Seigneur au Bois lui même avait donné un signe. La jeune fille devint enceinte et elle enfanta un fils. Le huitieme jour de sa naissance il fut nommé selon la Loi, Blackblade, lame noire. Alors son pere et sab mère se rendirent en forêt pour offrir un sacrifice à la Dame de Feuilles et pour le racheter, car il etait un tabernacle.

Il apprit la Loi écrite et la Loi orale. Son esprit etait vif, ses pensées secretes. Il parlait peu même à ceux qui lui etaient proches, et souvent il restait seul, pour mediter, pour chercher des reponses, et parfois il interrogeait ses maitres sur son avenir.

Puis il grandit, il devint un jeune homme qu'on appela "gardien" comme d'autres qui disaient "aime le metier de gardien et deteste le rang qui est le tien" car ils voulaient qu'a tout enfant fut enseigné un metier de combattant. Mais il ne se plaisait pas dans le metier que lui avaient enseignés ses maitres, et il decida de les quitter car le temps de la venue du Seigneur au Bois etait proche. Des sa premiere rencontre avec les fils de la nature, il sut qu'il lui faudrait quitter ses maitres si un jour il voulait les rejoindre et partir dans leur communauté tres loin des villes. S'il voulait avoir pour lui et tout autour de lui la presence constante de l'Esprit.

Une semaine plus tards, il le virent. Il etait assis pres de la plage, et il avait changé, même s'ils ne s'en étaient pas aperçus. Il ne leur dit pas ce qui lui etait arrivé car on lui avait interdit d'en parler.

C'etait un homme qu'il avait suivi, un homme vêtu de noir qui le mena pres des arbres ou il y avait plusieurs de ses amis vêtus comme lui. Ils palèrent et Kjeldor les écouta. Ils parlaient de l'avenement du Royaume de la Nature et de la venue prochaine du Messie.

Kjeldor partit retrouver les fils de la nature dans la foret et ils lui dirent que sa place n'etait pas dans la forêt, mais que sa place etait sur la voie publique. Car eux-même annonçaient la venue d'un mortel, fils de l'homme, plus grand qu'eux même. Ils lui enseignerent la force car les vrais fils de la nature sont les forts élus par le Seigneur au Bois. Et ils croyaient que le Messie etablirait un ordre nouveau. Ils regardaient en arriere et lisaient les ecritures sacrees d'hibernia. Les forces des tenebres etaient les etrangers et l'elimination des mauvais serait apportée par une guerre sainte sanglante. Puis viendrait une periodes de renouveau, de paix, d'harmonie. La victoire finale, la destruction des mauvais serait le fait de la predestination divine. Alors ils lui transmirent leur secret, l'arme infaillible de la victoire. Au cours d'une longue nuit ils lurent : La guerre contre les mauvais, je ne la menerai pas avant le jour de la vengeance, mais ma colère, je ne la detournerai pas des mauvais et je ne vivrai pas en paix avant le jour du jugement fixé par Lui. Pus ils lui apprirent à être un protecteur et comment appeler un fragment du Seigneur au Bois en lui. Alors il s'en fut à Connla ou l'attendaient ses maitres.
Il sut que des années d'attente etaient venues à leur terme. L'Esprit du Seigneur au Bois etait en lui. Et voila qu'il annonçait le salut aux humbles, qu'ils pansait leurs corps meurtris, qu'il annonçait aux captifs la liberté, aux prisonniers la redemption, qu'il prevoyait une année de grâce de la part de la Dame de Feuilles et un jour de vengeance afin de consoler tous les affligés.

Alors Kjeldor ne douta plus. Avec tout son coeur, toute son âme et tous ses moyens, il prêcha, il annonça l'imminence de la venue su Seigneur au Bois et sa renommée crut et traversa le pays.

Ainsi commença la guerre des fils de la nature contre les fils des tenebres. Et Blackblade, auquel les grands de Lames et Sortilèges n'etaient pas indifférents, devait saper leurs efforts. Afin qu'ils veuillent se debarasser de lui plus que de tout autre. Que les mauvais fassent venir en lui la veritable puissance du Seigneur au Bois. Que la guerre commence !

Un homme vint de Lames et Sortilèges. Il lui dit qu'il pouvait l'aider à se battre. Lui qui n'avait jamais gouverné, lui qui jamais n'avait exercé le pouvoir du Seigneur au Bois, lui qui ne connaissait que les humbles, les terres de la Dame de Feuilles, ils lui enseignerent à recourir à la violence, une fois recruté. Ils lui dirent que lui-même passerait recruteur un jour, pour la guilde, pour qu'il enseigne à son tour la parole du Seigneur au Bois.
Un matin à l'aube était né le fils conçu afin d'incarner l'Esprit.
Son épouse avait failli passer en mettant bas. Les breuvages qu'il lui administrait depuis plusieurs mois y étaient certainement pour quelque chose. Cette faiblesse de sa femme le contrariait. Sans elle il se verrait obligé de trouver une nouvelle génitrice. Quel effort avait-il dû déployer pour trouver une fille fille dont le sang convienne à ses projets !
Son fils était un échec. Né avant terme, il avait bien cru qu'il était mort lorsqu'il était sorti du ventre de sa femme. Il ne bougeait pas, il ne pleurait pas, et Gilles avait dû lui même le fesser avant qu'il ne daigne crier. Au soir de la première journée de sa vie il se demandait si l'enfant survivrait.
Il n'avait pas quinze jours que déjà il avait failli passer deux fois. Une fièvre subite s'était déclarée le troisième jour et il avait fallu toute la puissance des remedes de Gilles et toute l'attention possible pour que le nouveau né ne succombe pas.
Sa femme se remettai lentement de ses couches. Elle était triste et dolente depuis que Gilles lui avait dit que son fils était mort. Il avait préféré mentir, ainsi il pouvait disposer de l'enfant en toute liberté. La solicitude d'une mêre n'aurait fait qu'entraver ses projets. Il attendait avec impatience que le nouveau né soit assez fort pour pratiquer le rituel, scrutant avidement le moindre signe révélant la présence de l'Esprit, mais il n'avant devant lui que les vagissements d'une larve débile.
A bientôt un mois, l'enfant se développait bien. Trois fois déja Gilles avait cru apercevoir la lueur d'un autre regard dans ses yeux, mais aucune autre manifestation de la présence n'était apparue. Gilles partageait ses nuits et ses jours, passant le plus clait de son temps entre ses travaux et la surveillance de l'enfant.
La génitrice s'était remise et semblait avoir oublié son malheur. Gilles se rejouissait de la voir ainsi car elle pourrait ventuellement lui resservir. Il envisageait de recommencer à lui donne les breuvages dont il avait amélioré la composition. Que le temps lui semblait long ! Il guettait chaque jour un signe chez l'enfant, tremblant qu'il ne meure avant de pouvoir servir de tabernacle vivant.
Elle était complètement à bout de souffle et du finalement s’arrêter pour respirer. Lâchant son arc, elle se plia en deux et posa les mains sur ses genoux. Elle releva la tête et vit l'enchanteresse suivie du champion qui lui fonçaient dessus, leurs visages éreintés mais maintenant confiants, surs de leur victoire. La jeune fille avait bien tenté de les semer et avait failli réussir entre les caisses de docks, mais à chaque fois ils l’avaient retrouvée de justesse. Rien à faire, elle devait s’avouer vaincue, elle ne ferait jamais le poids si elle acceptait le combat de toute façon. En plus elle avait encore eu droit a l'arc, pas de chance.
L'enchanteresse était maintenant toute proche, ellel leva son baton, prêt à l’abattre sur la ranger. Celle-ci n’esquissa pas un mouvement de défense ni de fuite. Au contraire, elle s’assit pour se reposer de ses efforts.
"- Pffff, c’est pas du jeu si tu te bats pas ! Je suis un enchanteresse, tu dois au moins de défendre un peu. T’es vraiment pas drôle Aileeona.
- J’ai plus envie, répondit-elle simplement."
Elle aussi essoufflée et maintenant boudeur, Geazabelle s’assit à ses cotés. Elle avait 8 ans, 2 de moins qu’Aileeona. Schneider, le champion arrivait enfin. Etant encore plus jeune, 7 ans, il avait toujours du mal à les suivre. De plus, autant Aileeona était grande pour son âge, autant lui était encore petite et frêle. C’est pour cela que lorsqu’il s’agissait de jouer aux mercenaires, elle était toujours seule contre les deux. Mais elle se lassait de ce jeu enfantin. Elle n’aimait pas se battre avec des bouts de bois, et de plus c’était vraiment fatiguant dans la chaleur de l’été. Elle se rendait maintenant compte qu’elle était trempée de sueur, et la poussière omniprésente se collait à sa peau matte et burinée par le soleil.
Elle regarda autour d’elle. Ils avaient couru jusqu’au mur nord du marché et elle pouvait entendre les coups de marteaux réguliers de la forgeronne. Le marché était presque vide, le soleil allant très bientôt se coucher. Quelques villageois faisaient cependant leurs dernières emplettes, quelques figues, des herbes ou un morceau de viande pour le repas du soir. Le marché ne serait vraiment désert que bien après l’arrivée de la nuit. Howth était une plaque tournante pour le commerce et prospérait, presque insensible aux troubles extérieurs. La ville était très bien protégée par ses hautes murailles et tous profitaient de la ville et de ses marchandises. Il était donc rare que des caravanes soient attaquées.
Face à eux se dressait le deuxième coeur de la ville : l’auberge du voyageur. C’était la plus grande auberge des Monts d'Argent avait déjà entendu dire Aileeona, et pour elle qui n’avait jamais quitté Howth c’était une chose évidente et acquise. L’intérieur semblait déjà animé, de nombreux marchants et marins de passage y prenant leur repas. Iranya n’avait jamais vu à quoi ressemblait une soirée à l’auberge. La patronne faisait en sorte qu’aucun des garnements de la ville ne pénètre ses murs. Elle trouvait, à juste titre, qu’une auberge ou l’on se soule, ou l’on joue et ou l’on jure n’est pas un lieu pour les enfants de leur age. Aileeona pensait bien entendu le contraire et se sentait frustrée d’être privée de cette partie si intéressante de la ville.
Schneider venait juste de s’asseoir avec eux et regardait lui aussi l’auberge, mais avec un tout autre regard que son amie. Il n’était pas vraiment un aventurier de nature et préférait encore la douce sécurité des jupes de sa mère à l’inconnu d’un lieu si bruyant. Aileeona l’aimait bien, comme le frère qu’elle n’avait pas. Son père était un marin de passage qu’il n’avait jamais vu et qui ne devait même pas savoir qu’il avait un fils. Gezabelle n’était elle non plus pas très grande, et ne le serait sans doute jamais car il descendait d’une famille d'elfes plutôt petits. Aileeona quant à elle était déjà élancée et athlétique comme sa mère. Elle avait de courts cheveux roux et une peau couleur caramel. Ils étaient tous les trois très différents, mais étaient devenus bons amis au fil du temps. Leurs différences importaient peu et ils s’entendaient merveilleusement bien.
Les trois enfants restèrent ainsi quelques instant à récupérer, puis la jeune fille pris la parole.
"- Bon, maintenant qu’on a bien couru, euh, combattu, il est l’heure de boire un verre à l’auberge, plaisanta-t-elle
Gezabelle la regarda, un instant étonnée, puis il enchaîna.
- Oui, un bon verre d’alcool des sables ! Une bouteille même !
- Vous z’êtes pas sérieux hein ? On n’a pas le droit de boire vous savez ! s’inquiéta aussitôt Schneider à qui l’idée paraissait tout, sauf attrayante.
- Mais non, ballot, bien sur que non, s’esclaffa aussitôt Gezabelle, tu prends toujours tout ce qu’on dit trop au sérieux !
Mais en regardant Aileeona, il s’arrêta de rire bien vite. Son regard dirigé vers l’auberge, elle souriait, et son expression ne prêtait pas à confusion.
- Non Aileeona, c’est pas une bonne idée, on va se faire punir. De toute façon on nous mettra tout de suite à la porte.
- Pas tant qu’on ne nous verra pas, le coupa Aileeona. Allez quoi, ça va être marrant ! Mais peut être que vous n’êtes que des scarabés d'eau, bande de froussards !
lle connaissait bien ses deux camarades et savait comment les faire aller dans la direction qu’elle voulait. Ils étaient de trop bons amis pour qu’elle profite d’eux et ne les entraînait jamais à faire de grosses bêtises, mais elle avait vraiment envie de faire quelque chose de spécial ce soir-là.
- Froussard, nous, répète un peu ! On va y aller, tu vas voir ! Hein Schneider ?
- Heu, ze sais pas... Oui, Non. Si vous voulez, mais c’est pas une bonn...
- Très bien ! dit Aileeona en se levant. Je sais comment on va rentrer. La porte de derrière est presque cassée et elle ferme mal, je suis sur qu’on peut rentrer sans problème."
Et c’est suivie de deux vaillants petits guerriers très peu sur d’eux que la jeune fille se dirigea vers l’arrière de l’établissement, en faisant tout de même un petit détour pour ne pas se faire remarquer.
Après s’être acharnée vingt bonnes minutes sur la serrure, à l’aide d’un petit bout de bois puis d’une broche cassé trouvée par Gezabelle, Aileeona soupira et abandonna, au grand soulagement de Schneider. Mais alors la porte s’ouvrit, lui cognant le nez et la faisant tomber à la renverse sur ses amis. Cependant l’homme qui venait de sortir ne les remarqua pas, d’une part à cause de l’obscurité qui régnait maintenant, mais surtout parce que ses pensées étaient déjà bien embrumées par l’alcool. Il se tourna tout de suite vers le mur et commença à déboutonner son pantalon pour assouvir un besoin naturel. Les enfants s’entre-regardèrent un instant, puis Aileeona s’avança et jeta un coup d’oeil par la porte restée ouverte. Schneider essaya de lui attraper l’épaule, mais elle se glissa alors à l’intérieur de la taverne. Les deux enfants n’hésitèrent pas longtemps et la suivirent. Si elle le faisait, ils devaient la suivre, leur honneur était en jeu.
La première chose qu’elle remarqua fut l’odeur. L’air de l’auberge était un mélange de sueur, d’alcool et de fumée. Elle ne pu s’empêcher de tousser. De nombreuses chandelles éclairaient la salle, mais on avait l’impression que les murs absorbaient la lumière et que les ténèbres n’attendaient qu’un signe pour envahir la pièce. Cependant l’atmosphère n’était pas pour autant oppressante, mais au contraire conviviale, intime presque. Des rires fusaient à une table, une conversation animée sur le temps mis pour traverser Hibernia enflammait une autre. La salle était pleine, les tables toutes occupées par nombres d’hommes, principalement des marchands remarqua Aileeona. Aucun ne semblait s’intéresser à elle, et elle chercha du regarda la patronne. Celle-ci était occupée de l’autre coté, près de l’entrée principale.
"- Parfait, on est entré sans problème, pensa la jeune fille. A ce moment deux mains la poussèrent dans le dos, la faisant basculer en avant. Elle se retourna d’un bond, la peur d’être grondée lui envahissant l’estomac.
- Oups, désolé Ailee, s’excusa Schneider dans un murmure.
- Imbéciles ! Faites gaffe, lui répondit-elle, sur le même ton, bien que leurs petites voix n’aient aucune chance d’être entendues dans le brouhaha ambiant. Les deux jeunes acquiescèrent sérieusement. Ils se faufilèrent en file indienne entre deux tables, sans trop savoir où ils allaient, quand schneider lui tira la jupe.
- La patronne arrive, elle arrive ! La panique que le petit éprouvait se communiqua instantanément aux deux autres. Ils se figèrent, ne sachant où aller, regardant anxieusement autour d’eux.
- Sous la table ! s’exclama Gezabelle, et son idée fut instantanément adoptée par les trois enfants qui se mirent à quatre pattes et se glissèrent sous la longue table, entre les jambes des clients. Ils se serrèrent et se firent les plus petits, les plus immobiles possible. La patronne arriva alors, portant son plateau, et déposa les choppes de bières qu’elle transportait, ce qui provoqua une grande exclamation de bienvenu chez les hommes attablés. Les enfants ne pouvaient voir que le bas de la robe de la femme, mais rien ne leur avait semblé si dangereux jusque là. Pendant un temps qui leur parut durer des heures elle resta là à servir, puis se retourna et partit vers la cuisine. Les trois jeunes aventuriers relâchèrent leur respiration, et se regardèrent. Ils rirent alors tout bas, infiniment fiers de leur hardiesse. Au dessus d’eux, la conversation battait son plein et les voix s’échauffaient.
- Dix je que vous dis ! Dix à moi tout seul, c’est la vérité vraie, aussi vraie que je suis Protecteur ! Et les dires de l’homme étaient appuyés de violents coups de talons."
Il était connu dans toute la ville pour sa langue bien pendue et son épée si prompte à rester au fourreau. Le regard d’Aileeona remarqua alors un objet qui sortait de la botte du vantard. Le manche d’un magnifique couteau. Pas un de ces couteaux d’aventuriers fait pour résister au temps, à la pluie et au sable, mais un couteau orné de pierres brillantes, un couteau de parade. Pour la jeune fille, c’était là un objet merveilleux. Elle venait de trouver le but de sa venue ici, le trophée de leur aventure, le prix pour leur courage ! Et c’est suivi par les yeux ronds d’incrédulité et d’horreur de ses amis qu’elle avança la main vers le couteau...
Ils continuèrent de courir bien après avoir tourné au coin de la rue et après que les cris de la patronne ne se soient tus. Enfin ils s’arrêtèrent et se réunir dans un coin de la rue, près de l’échoppe. Les deux plus jeunes s’approchèrent près d'Aileeona et c’est avec une attitude pleine de respect qu’ils regardèrent le couteau qu’elle serait entre ses petites mains.
"- J’le crois pas ! J’le crois pas ! disait Gezabelle , On est rentré dans la taverne ! Et on a piqué le couteau d'un Proto !
Schneider lui aussi était abasourdi et n’en revenait pas, cependant il n’était pas aussi euphorique que ses amis et ses peurs enfantines commençaient à l’envahir.
- On va aller en prison, ils vont nous jeter dans un cachot !
- Mais non ! On jette pas les enfants en prison, et pis de toute façon personne nous a vu le prendre. Tant que vous direz rien on sera tranquille !
Schneider commença à se détendre, et Aileeona continua,
- C’est que le couteau d'un firbolg. Il est trop bête pour remarquer qu’il l’a plus. On va garder ça comme notre secret, c’est à nous maintenant et pas à ce gros lourdaud. C’est notre trésor, à nous ! "
Maintenant calmé, Schneider sourit lui aussi, et pendant quelques minutes les trois enfants se racontèrent leur aventure, essayant de n’oublier aucun détail et en ajoutant une bonne dose d’imaginaires. Ils rirent beaucoup, se vantèrent encore plus et commencèrent à échafauder d’autres plans pour leur futures aventures, plus dangereuses et irréalisables les unes que les autres. Un long gargouillis du ventre de Gezabelle les ramena enfin à la réalité et à des préoccupations plus terre-à-terre.
"- Oula, j’ai faim, et maman va s’inquiéter, il est tard !
- Zuteuh, ze vais me faire gronder moi aussi, réalisa Schneider"
Et c’est ainsi que les deux plus jeunes s’en allèrent en courant vers leur maison respective, se préparant à recevoir les foudres parentales mais heureux de leur soirée. Aileeona n’était pas si pressée. Bien qu’elle aussi ait faim, elle n’était pas encore attendue chez elle. Son père, Protecteur, était chargé de la surveillance de l’entrée principale pour le début de la nuit. Quant à sa mère, elle devait servir en ce moment même le repas. Aileeona avait fait le ménage avant de partir jouer et donc n’avait rien d’autre d’important à faire. Elle s’assit et contempla encore une fois le couteau, son couteau. Il lui paraissait toujours aussi beau et sa lame était bien affûtée. Elle sortit son mouchoir et l’enveloppa pour éviter de se couper. Il lui faudrait trouver autre chose plus tard.
Son regard fut attiré par un mouvement sur sa gauche. La porte de la ville venait de s’ouvrir et deux personnes à pied entrèrent. Ils échangèrent quelques mots avec les gardes puis empruntèrent la rue principale. Ils passèrent devant la fillette mais ne lui prêtèrent pas attention. Aileeona était intriguée ; elle avait ressenti un très étrange frisson lorsqu’ils l’avaient dépassée. Le plus petit des deux était un homme très maigrichon et il n’était pas du coin. Il semblait malade, presque cadavérique. Mais sa présence était entièrement occultée par son compagnon. Revêtu des pieds à la tête d’une grande pelerine grise, Iranya n’avait pas pu voir son visage. Il dégageait une aura puissante et la jeune fille n’avait pu réprimer un tremblement lorsqu’il était passé près d’elle. Sa gorge était instantanément devenue sèche et ses mains moites. Un cliquetis régulier résonnant quand il marchait trahissait une armure et une épée sous son vêtement. Mais malgré l’heure tardive et après une journée de marche, sa démarche était encore assurée et reflétait une force et une agilité peu commune.
Ils tournèrent à droite, prenant la direction opposée de la taverne du voyageur. Cela voulait dire qu’il allait dormir dans une petite auberge, sale et presque toujours vide. Ils ne voulaient donc pas attirer l’attention et préféraient éviter la grande auberge. Intriguée par l’homme à la cape et désireuse de voir son visage Aileeona commença à les suivre. Son intuition ne l’avait pas trompée car ils allèrent droit sur le petit troquet crasseux. Elle se rapprocha et se cola contre le mur, près de la porte. Elle pu ainsi entendre la voix pâteuse du gérantx quand il répondit enfin aux appels d’un des deux hommes. Ils voulaient une chambre, pour une nuit. Jusque là, rien de bizarre. « Rentre chez toi, se dit-elle, tu n’as rien à faire ici, tu vas t’attirer des ennuis ». C’était la voix de la raison, elle le savait, elle l’approuvait. Elle s’éloigna de l’entrée, marchant vers sa maison. Mais elle entra sans réfléchir dans la petite ruelle qui longeait l’établissement. Elle se rendit soudain compte qu’elle serait son couteau de toutes ses forces. Ses phalanges lui faisaient mal et elle se força à desserrer les doigts et à respirer profondément. Elle attendit ici quelques instants, indécise. La fenêtre entre ouverte semblait l’appeler, et renonçant à écouter sa raison, elle grimpa sur une caisse et se hissa dans l’ouverture.
Aileeona avait l’habitude des acrobaties et c’est sans un bruit qu’elle atterrit dans le sombre couloir. Son coeur battait à tout rompre et elle serra à nouveau son couteau. Elle regarda autour d’elle. Trois portes donnaient sur le couloir et un étroit escalier menait au premier étage. Elle se trouvait à une extrémité du couloir, l’autre étant un coude donnant sur la réception. Elle réalisa soudain qu’elle ne savait pas se qu’elle faisait là, et surtout qu’elle ne voulait pas être là. Elle ne céda pas à la panique mais contrairement à ce qu’elle souhaitait en elle-même elle ne se retourna pas et ne ressortit pas par la fenêtre. Au contraire, ses jambes se mirent en marche et elle avança doucement, longeant furtivement un mur. Le patron s’endormait toujours en quelques secondes et elle pouvait déjà entendre son ronflement régulier. Hormis cela, le silence était total, pesant, et contrastait avec le boucan chaleureux et vivant de la grande auberge. Ici, tout semblait mort et sombre, comme quelque antichambre du royaume des enfers. Aileeona, continuait d’avancer, elle avait dépassé une porte et se trouvait presque au milieu du couloir. Sous ses pieds, une latte de bois mal en place craqua en un long bruit sinistre qui lui glaça le sang. Elle eu l’impression que le monde entier venait de hurler une longue complainte stridente pour alerter de sa présence. Entièrement paralysée, elle n’osait respirer et un filet de sueur commença à lui couler au milieu du dos. Elle entendait clairement le battement de son coeur taper dans ses oreilles. Rien ne se passait, rien ne bougeait dans l’obscurité du couloir. Elle commença à se détendre. Tout à coup la porte face à laquelle elle se trouvait s’ouvrit, et Aileeona se trouva soudain devant l’homme à la cape. Celui-ci était deux fois plus grand qu’elle, et sa silhouette lui apparut telle une ombre titanesque dans le contre-jour de la chambre. Elle leva lentement les yeux vers le visage de l’homme. Celui-ci ne bougeait pas.
Alors elle vit, et toutes les peurs qu’elle avait connues ne furent plus rien en comparaison de la terreur qu’elle ressentit alors. Il était certes humain, mais son visage était ravagé, comme rongé de l’intérieur. Sa barbe était grise et irrégulière et sa peau était ridée. Mais tout ce qu’Aileeona voyait étaient les yeux de l’homme. Ceux-ci semblaient exprimer de la tristesse et de la fierté à la foi.. Quiconque regardait ces yeux ne pouvait éprouver qu’un sentiment : c’était les yeux d'une personne qui a longtemps cherché.
"- Maître, ou allons nous maintenant ?" implora un jeune garçon derrière en se rapprochant. Il devait avoir quatre ans de plus qu'elle.
Aileeona tourna son regard vers lui, et le charme qui la paralysait se dissipa sur l’instant. Elle sentit qu’on lui rendait le contrôle de son corps, qu’elle pouvait de nouveau bouger. Elle avait envie d’hurler, mais son premier réflexe fut de s’enfuir en courant. Le vieil homme la suivait, elle le savait, elle pouvait entendre ses pas, sentir sa respiration sur sa nuque, ses mains allaient l’attraper. Elle tourna au coin du couloir et passa en trombe devant le comptoir, elle ouvrit la porte sans se retourner. Elle sentait la présence de l’homme, derrière elle, prêt à la saisir. La rue était déserte, elle ne voyait personne, pas un seul adulte pour la sauver. Elle essaya de regarder derrière mais trébucha, s’étalant de tout son long sur le sol. Elle allait mourir, elle le savait, mais se serait en se battant. La jeune fille se mit sur le dos et pointa son petit couteau devant elle, dérisoire défense contre le mal qui la pourchassait. Il n’y avait personne, elle était seule, allongée dans la rue. Le monstre ne la suivait pas, il n’était pas là. Elle cligna plusieurs fois des yeux avant de baisser les bras et de ranger son arme sous ses vêtements. Sans comprendre vraiment ce qui se passait, elle se releva et s’enfuit chez elle, sans demander son reste. Aileeona ne dormit pas beaucoup cette nuit là, et son sommeil fut empli de cauchemars. Mais blotti au fond de son lit, au milieu de la nuit, même en sachant ce qui se trouvait à quelques pâtés de maison de là, elle trouva le réconfort en regardant une lame qui brillait sous les étoiles.
 

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