Vivre : Chronique d'un buff bot libre -suite-

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Première partie
Deuxième partie


L’approche de mon pèlerinage symbolique touchait presque à sa fin.. curieux pléonasme, comme si le début de toute chose pouvait signifier une fin en soi.
Bien sûr que c’est possible..
Mais quel plaisir malsain me pousse à retourner sur les lieux, Ce lieu, où mon destin a prit une autre tournure ?
J’ai tant marché, tant chevauché de montures pour m’éloigner au contraire de cet endroit pourtant synonyme de ma Renaissance..

C’est comme si..

Comme si je voulais m’assurer.. qu’après tout ce temps –il me semble pourtant que c’était hier- Il n’était plus là..

Je sais pourtant, qu’il est absent.. j’ai parcouru suffisamment de chemin pour en être sure et avoir une bonne longueur d’avance pour peu qu’il ai pu me suivre, qu’il y ai eu une aide inespérée : un Ovate se promenant par un total et pur hasard près de là où il a succombé..
Mais qu’importe la distance : où que j’aille il me semble Le voir en chaque visage, fusse t il Lurikeen, Firbolg ou Elfe, lui qui n’est rien de tout cela.. et moi qui n’ose qu’à peine regarder plus d’une seconde quiconque s’approche de moi..

Peut être.. parce que j’ai si souvent cru sentir sur mon épaule Sa main, qu’il me retournerait vers lui et se contenterais de me dire « Viens ».. Parce qu’il est le verbe, et moi le sujet.. bien que dans l’impératif, il n’y en ai point..
Comme il est facile d’annihiler un humain..

Peut être.. parce que je ne peux vivre et apprendre tant qu’il y aura cette peur.. ce sentiment d’emprisonnement.. et donc une demi liberté.. une illusion..
Peut être aussi parce que mes chaînes invisibles m’ont marquées jusque dans ma chair, et que ces marques là sont indélébiles..

Peut être enfin.. parce qu’au milieu de cette pseudo liberté que je découvre, il y a aussi ce manque, ce trop plein de malaise dont je n’arrive à me défaire et qui m’empêcheront toujours d’être entière..
La solitude était déjà présente bien que mes pas suivaient les siens, mon empreinte dans son empreinte.. mais il était mon Tout.. Et bien que je sache pouvoir m’en sortir seule (je me le suis prouvée) je ne peux m’empêcher de me poser la question : qu’a t il exactement ressenti ?
N’y a avait il que ces deux sentiments que je lisais en son regard, peur et colère, ou y a t il eu autre chose ?
Pourquoi ai je soudain ce fol espoir qu’il ai vu en moi autre chose qu’une esclave trahissant son Maître ? je n’ai qu’à me souvenir pour savoir, comprendre, qu’il n’y a jamais rien eu d’autre qu’un verbe.. et son sujet..

Il y a peu encore..
Je suis près de ce Lac aux Etoiles, admirative, rêvassant devant ces lumières scintillantes et essayant de les compter, mon luth contre mon cœur..
Je suis déjà dans ma bulle, qui pulse autour de moi comme un énorme cœur qui me berce d’un doux bourdonnement régulier... J’aime dans ces moments fermer les yeux et m’inventer un passé..
Je ne dors que très peu, et seul l’épuisement –et seulement lorsque je sais la zone sûre, même si je ne crains pas davantage les créatures sauvages que les voyageurs indiscrets- me fait sombrer dans un sommeil que j’aimerais profond et paisible..
Il me semble hélas que je suis plus vulnérable encore, mais je me sens toujours attirée vers cet abîme onirique..

Tout à coup la simple pénombre se fait ténèbres, et par quelle magie un brouillard que je perçois épais se profile doucement, s’approchant comme si il s’agissait d’un monstre géant.. Pourquoi ai je les yeux ouverts, alors que je me vois les yeux clos ?
La peur soudain tandis que je m’observe, allongée.. je n’ose tendre la main vers mon corps et me sens tiraillée vers cette brume qui instinctivement me terrifie..
A mesure qu’elle s’approche de plus en plus les détails se font plus net et tandis qu’elle m’encercle –pourquoi ai je cette impression- des formes se distinguent et me font penser à de grotesques pantins désarticulés..
Pourquoi à cet instant ai je le sentiment d’être proche d’eux, moi même marionnette sans fils..
Ce qui pourraient être des visages semblent exprimer à la fois la douleur, la peur, la colère, je les trouve hideux et ils m’effraient mais mon corps ne me répond plus.. je suis paralysée..
Les formes, les expressions changent et Il apparaît encore..

Est ce que je crois entendre sa voix, dans cette soudaine cacophonie ? Je n’arrive à distinguer les phrases, sinon un verbe, un seul..

Je suis au centre d’un tourbillon dont je ne peux m’enfuir..
Il est devant moi.. à ma gauche.. ma droite.. derrière moi.. j’aimerais regarder la terre, l’herbe mais toute à mon délire je suis certaine que je pourrais le voir incrusté dans le sol..
Nous hurlons en chœur alors qu’il me traverser le corps, me glaçant jusque l’âme..
..L’âme ?

Brusquement des couleurs, des images, des villes, des cris de joie et des larmes, des sons propres aux Marchés et des galops de chevaux..
Tout explose en même temps dans ma tête –ma tête ? – et tout ce que j’ai fait depuis Ce jour défile à une telle vitesse que je crois bientôt m’évanouir.. et encore sa voix ou plutôt ses voix..
Cette conscience qui est la mienne au moment où je vis –ou crois vivre, cela m’est si réel- me semble bien plus redoutable que tous les ennemis que j’ai pu rencontrer, et à cette minute –rêve, réalité ?- la seule pensée qui m’est tenace est que l’ennemi que je devrais le plus craindre n’est que moi même..

Est ce pour cela..
Le silence, soudain..
Je n’ai qu’une envie, m’envoler, m’éloigner m’enfuir de ce lieu aussi maudit qu’un certain Marais.. une autre voix murmure d’une voix faible que ça n’existe que parce que je le crains et que moi seule lui donne ce pouvoir.. j’aimerais pouvoir comprendre et interroger ce que j’espère être un allié mais alors que j’ouvre la bouche, je me rend compte que cette voix est la mienne..

Est ce pour cela..
Je me sens tirée vers l’arrière et je m’attends à voir se réaliser ce que je redoute depuis des semaines..
Pourquoi ai je l’impression que je tombe et ne touche jamais le sol.. pourquoi ai je l’impression d’être ici et ailleurs.. pourquoi est ce que j’ai l’impression de me diviser, enfin ?

Est ce que pour être Libre et se sentir pleinement humaine, il faut faire face à ces propres peurs sous formes de cauchemars ?

Je suffoque soudain et m’assieds, tétanisée..
Me touchant les bras, les jambes, vivement, sans douceur, voulant m’assurer que mon corps était palpable.. je regarde autour de moi, essayant de « me » voir. Mais c’est fini..
Fini..

Cette sensation de froid persiste pourtant.. et je gémis doucement, comme un animal blessé.. je sens ma gorge comme nouée, mes yeux me brûlent.. Je connais les larmes pour en avoir déjà versé de douleur.. celles ci sortent pour la première fois, d’une toute autre sorte de douleur : la peur..
Des heures durant je ne me sentirais pas en paix..

C’est après cette nuit que je décidais de reprendre la route, et faire le chemin inverse.. C’est aussi depuis cette nuit là que j’essaie de me rapprocher davantage des chaumières, quoique un peu isolées mais ne me laissant plus totalement seule..
Que se passera t il une fois là bas ? je l’ignore..
Peut être que cette fois ce sera moi, la victime..
Peut être que lui aussi, sera là..

Mes sentiments à son égards son trop flous, peut être aimerais je lui parler..
Lui parler ?
Comme par réflexe je porte ma main à ma bouche, comme si l’idée même que je puisse moi sujet, parler au Verbe, était pure inconscience..
Un rire nerveux.. le premier depuis longtemps..
Une pensée.. ne se confie t on pas à son Dieu ?
Une question soudain.. et si il était bien plus que cela ?

Une goutte me surprend, puis une autre et enfin la pluie se met tomber, m’obligeant à faire attention au chemin.. de gros nuages et la visibilité peut être quasi nulle, et se perdre est alors facile..
La pluie redoublant de violence je guide mon cheval vers un bosquet.. les feuillages épais nous permettront de nous protéger..

Caressant doucement mon instrument, comme à mon habitude.. j’entonne une lente et douce ballade.. Je me sais assurément piètre chanteuse mais le son de ma voix me donne l’impression de faire connaissance avec moi-même, ou une partie que je ne connais pas..

Les heures passent doucement, sans que je me rende réellement compte.. la pluie a cessé mais je ne bouge pas.. rêvant à demi..
J’ai en si peu de temps vécu des choses, tout en les fuyant..
Ces choses que j’ai faites, je les ai ait au travers d’autres vies, d’autres personnes que je croisais et observait toujours à bonne distance..

Mon cheval soudain semble nerveux.. C’est infime, mais ses oreilles qui s’agitent et ses petits coups de sabots dans le sol soudain m’indiquent que nous ne sommes plus seuls..
Je ne vois personne..
Je me lève et tente vainement de percevoir une forme, il me semble entendre doucement respirer..

Mettant de coté sa furtivité, un Elfe se manifeste.. tout d’abord silencieux, il parle lentement et d’une voix à peine audible.. son arrogance est toutefois très perceptible..
Ne prêtant pas attention au premier abord à ses mots, je finis par l’écouter..
Ce qu’il me propose alors ne me surprend qu’à moitié, nous sommes ainsi qu’il le dit de « profession compatibles et pouvant trouver un intérêt commun»

Bien sûr..
Comment ne pas être tenté ? Je suis seule et lui également, mais sa solitude à lui est presque un Art de vivre alors que ma classe est plutôt vouée à l’union..

Les yeux baissés je caresse les courbes de mon instrument en me demandant si l’espace d’un instant il m’a prise pour une Barde, même si ma bulle ne trompe personne.. Je le laisse continuer sa diatribe, toujours sur un ton à la limite de l’insolence..

Une pensée, taquine..
Je me dis qu’il serait inutile de déranger le Seigneur Pooka, l’Elfe me semble si malingre qu’un Siabra -ou pire : Curmie- en ferait peut être son affaire..

Le regardant en coin, je me dis que je préférais encore regarder la nuque de mon Celte, celle de celui ci –si chétif- serait elle facilement décelable à deux pas ?

Une pensée, encore.. alors que je regarde machinalement ma monture :
Oui oui.. J’en parlerais à mon cheval..

J’éclate soudain de rire..
Un rire qui n’en peut plus de se libérer, une telle ironie..
Me libérer d’un Maître pour en trouver un autre..

Surpris par ma réaction troublant violemment le silence de la nuit, il reste tout d’abord muet, et son expression outrée n’a pas du tout un effet calmant, bien au contraire..

Sans doute me prit il pour une folle, alors qu’il reculait et disparaissait à nouveau invisible..
Peu m’importe, je riais encore alors qu’il était sûrement loin..
Je riais à en pleurer, pressant toujours mon luth contre ma poitrine..

Je riais même encore, alors que l’aube pointait..




...Un temps pour pleurer et un temps pour rire
un temps pour se lamenter et un temps pour danser…

Ecclesiaste (extrait)-
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