Broc - Midgard - Un soir ordinaire

 
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Petite Histoire à vocation romantique (ou presque) écrite un soir à la suite d'un mémorable RVR. Elle est dédiée à Aajar le Chasseur ainsi qu'aux proecteurs hiberniens et leurs peaux de caribou dépecées et tannéesqui ont servis de couvertures à nos ébats langoureux de cette nuit là...

Ocaterina avait retiré sa fine côte de maille, ne conservant que l'épais gambison de laine qui la protégeait du froid. D'un geste machinal elle étala son armure sur la longue table de chêne appuyée contre le mur au fond de l'armurerie. En cette fin de journée la pièce était plus silencieuse, forgerons et armuriers devaient être partit pour la grande salle du fort où l'on distribuait la fin des réserves de bière naine. Seuls subsistaient quelques apprentis, couverts de sueur et de charbon. Les jeunes artisans actionnaient sans relâche les énormes soufflets qui maintenaient les feux en bonne santé. En l'absence des maîtres les insultes et les blagues grivoises volaient dans tous les sens.

La skald, le dos tourné vers les forges s'attaqua à la réparation de sa cote de maille. Sifflotant une vieille chanson paillarde elle maniait les courtes pinces à remailler avec précision, rajoutant quelques rangées d'anneaux là où s'était abattue une lame celte, remplaçant ceux que les explosions magiques avaient carbonisés. Chaque entaille avait sa petite histoire à raconter, en s'y penchant bien, toute une vie de bataille était gravée sur cette armure, tout comme le menu d'un restaurant troll pouvait se lire sur les vêtements des dîneurs. Maillant et remaillant, elle entonna à pleine voix le dernier couplet des aventures de Rioryk le troll impuissant, derrière elle les apprentis avaient reconnu la chanson et reprirent le refrain en chœur. Le travail manuel lui faisait du bien. Depuis plusieurs jours, la garnison de Bledmeer Faste était sur le pied de guerre. Les dirigeants de l'Althing redoutaient un assaut massif et imminent, une bonne raison de plus pour rafistoler son équipement.

Elle ne remarqua le chasseur que lorsqu'il pris place à coté d'elle. Sans un bruit il déposa sa lourde broigne de cuir clouté sur la table et s'attaqua aux nombreuses lacérations qui parsemaient l'armure.
Il se nommait Aajar, du clan des Einherjars. Il faisait partie de sa patrouille ces dernières semaines. Ocaterina n'avait jamais su quoi penser de ce grand viking aux yeux perçant. Il ne parlait pas beaucoup mais lorsqu'il ouvrait la bouche c'était pour encourager et redonner un peu de moral à ceux qui en avaient besoin. Ces traits d'humours étaient rares également mais toujours ravageurs. En très peu de paroles il faisait autant pour le groupe qu'elle n'y parvenait avec toutes ses chansons et ses histoires. Etonnant pour quelqu'un qui avait choisit de vivre à l'écart des villes et des hommes. Elle n'avait pas non plus ignorée les attentions qu'ils avaient déployées à son égard. Discrètes, souvent silencieuses, elle avait beaucoup appréciée ces manières à mille lieux des fanfaronnades viriles des soldats de la garnison.

Terminant sa chanson elle se retourna pour accueillir les applaudissements enthousiastes des apprentis forgerons. En reprenant sa place elle croisa le regard du chasseur.

- " Ta chanson était très... hum.. très jolie"
- "Merci "
Ocaterina pouffai intérieurement de la maladresse du grand viking.
- "Les Jarls de garde ont refusé de faire entrer ton loup?"
Le sourire d'Aajar trahit quelques dents manquantes.
- "Il est partit chasser, je n'ai.. heu.. hum pas vraiment besoin de lui ce soir, autant qu'il en profite."
- "Nous avons tous besoin d'un peu de repos"
Quitte à faire des allusions, autant jouer le jeu.

- "Je voudrais.. heu.. tu as un peu de temps? Je voudrais te montrer quelques chose, mais il faut que nous sortions avant le coucher du soleil pour revenir avant le couvre feu."
Ocaterina se sentit rosir.
- "Hum.. pourquoi pas, tout le monde est un peu nerveux en ce moment, de l'air frais nous ferrai du bien. Tant que ton loup ne vient pas..."
- "Je crois bien qu'il est partit pour la nuit, il a .. heu.. ses habitudes".
Cette bête était ce qui la repoussait le plus chez le chasseur. Bavant et nauséabond, le grand loup noir traînait avec lui une odeur abominable. Elle était bien consciente des avantages que procurait un tel allié dans cet environnement hostile mais elle restait avant tout une femme, et il est des choses que la gente féminine ne peux supporter à moins de cinq pas, l'odeur du compagnon d'Aajar en était une.

Ils travaillèrent en silence. Elle voyait clairement les regards qu'Aajar lui lançait à la dérobée, elle aurait bien voulu relancer la conversation mais les mots restaient bloqués dans sa gorge. Avec les soldats c'était facile, il suffisait de retourner leurs propres remarques contre eux, mais avec le chasseur c'était différent. Il ne disait rien, seuls ses yeux semblaient parler et comment répondre à un regard si ce n'est avec un autre regard. La parole semblait bannie dans leur relation, comment faire alors que les meilleurs alliés d'une skald sont les mots?

Un lourd craquement d'une botte ferrée contre une porte l'interrompit dans ses réflexions. Echevelé, une grosse choppe moussue à la main Gorhlak venait de faire son apparition dans la pièce. D'un pas qui tanguait fortement, le nain esquiva les établis de forge pour venir se planter face aux deux vikings.

- "Oca, ma grosse tu d'vrais v'nir! Les tonneaux d'biere descendent aussi vite dans les choppes que les intestins d'elfes dans leurs culottes"
- "Surtout quand ils te voient vieux nain"
- "Ah! J'aime quand tu m'fais des compliments" Le nain leva les yeux vers Aajar.
- "C'est qui suis là?"
- "Aajar, un ami"
- " Un ami, ah ouais? Vu comme vous êtes roses tout les deux je commence à piger pourquoi un "ami" comme celui là t'empêche d'aller t'pinter avec un vieux guérisseur comm'moi ".
Ocaterina sentit le feu lui monter aux joues, à ses cotés Aajar était écarlate. "On dirait deux enfants de ferme pris sur le fait" pensa-t-elle.
- "Je fais ce que je veux avec mes amis et ça ne te regarde pas gros ivrogne!"
- "Bah, tu as bien raison de t'amuser un peu, les hiberniens sont si près que l'on peut respirer l'odeur de leurs crottes depuis le haut des murailles." Il leva sa choppe moussue. "A la santé des futurs crânes d'elfes qui viendront compléter ma collection!"
Il la vida d'un trait de son contenu avant de pousser un rot dont les secousses ébranlèrent le fort jusque dans ses fondations.
- "J'vous laisse les amoureux, j'vais voir si ces petites natures de trolls n'ont pas sifflés tout ce qui reste!". Remontant ses braies d'un geste ample, il tituba jusqu'a la porte, renversant au passage plusieurs râteliers d'armes et les apprentis trop pressés pour l'éviter.

Le départ du nain laissa un silence gêné. Ocaterina reposa ses outils et enfila sa cote de maille.
- "Tu voulais me montrer quelques chose n'est ce pas? Je te suis."
Le chasseur acquiesça sans un mot et, à son tour, revêtit son épaisse armure.

L'après midi touchait à sa fin dans les neiges d'Odin, ce jour là le temps était incroyablement clair. Juste au-dessus de la cime des arbres le soleil baignait le paysage d'un éclat aveuglant. Il marchèrent près d'une heure, suivant un chemin invisible que seul Aajar pouvait distinguer. Apres une courte montée entre les sapins il parvinrent au pied des falaises qui bordaient la passe de Jamtland. Leurs bottes s'enfonçaient dans la neige alors qu'ils s'approchaient de la muraille naturelle.

- " C'est un cul de sac ton chemin chasseur! Cette falaise est infranchissable c'est connu."
Il haussa les épaules.
- "Regarde cet arbre."
C'était un grand pin collé contre la paroi dont le tronc épais montait parallèle à la pierre. La skald remarqua soudain qu'il ne poussait qu'a un demi pied de la falaise, à intervalles réguliers des barres de bois avaient été fixées entre son tronc et la pierre. Invisibles sauf selon un angle particulier, ces barreaux formaient une immense échelle qui courait entre l'arbre et la falaise.

Lestement Aajar commença l'ascension, Ocaterina lui emboîta le pas. Cinquante pieds au-dessus du sol les barreaux s'arrêtaient à coter d'un surplomb rocheux. Sautant lestement, le chasseur tendis la main pour aider la skald à le rejoindre. Reprenant son souffle Ocaterina aperçu une faille au fond de la corniche, la dénivellation avait été taillée en forme d'un escalier dont les marches semblaient mener encore plus haut. En quelques minutes leur ascension les mena en haut de la falaise, cent pieds au-dessus de la plus haute cime des arbres. Une étrange cabane troglodyte avait été aménagée contre la paroi.

- "Depuis Bledmeer il faut plus de trois jours pour monter ici si l'on ne connaît pas le secret."
- "Bragi chantant! Nous n'avons mis que quelques minutes pour monter jusqu'ici, c'est fantastique!"

L'abri de pierre les protégeait des assauts du vent glacial, des peaux de nombreux animaux étaient disposés sur le sol, offrant un confort étonnant pour cet endroit perdu. Puisant dans la réserve de bois attenante Ocaterina prépara un feu. Se frottant les mains pour récupérer un peu de chaleur elle entendit la voix d'Aajar qui l'appelait dehors. S'enroulant dans une épaisse peau de lynx elle poussa la petite porte de l'habitation. Le chasseur était assis sur le bord de la falaise, il lui fit signe d'approcher. Elle vint se blottir contre lui, partageant son épaisse couverture sur leurs épaules serrées.

Aajar pointa sont doigt vers l'horizon où le soleil allait bientôt s'abîmer.

- " Voila ce que je voulais te montrer "

En quelques minutes les couleurs du ciel se mirent à changer, le bleu se dégrada vers le violet, puis vers le rouge, le rose et l'orange. La neige amalgamée sur les arbres formait un miroir aux couleurs du ciel. Lorsque le vent se leva les arbres se mirent à danser comme les vagues d'un océan chatoyant de milles couleurs. Au loin des cristaux de neige tournoyaient emportés par le vent, semés dans le paysage comme une pluie de diamants éphémères. Jusqu'a l'horizon tout n'était que couleur et mouvement. Ocaterina ne bougea pas lorsqu'elle sentit le bras d'Aajar glisser sous leur couverture et venir lui enserrer la taille. Bien plus tard, lorsque les derniers rayons de lumières moururent dans l'horizon, ils regagnèrent leur abri enlacés.

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La pudeur m'interdit bien sur de raconter la suite de l'histoire (je ne voudrais pas choquer les petits kobolds qui me lisent). Mais je tiens à signaler une dernière chose, lorsque au matin le loup d'Aajar vint hurler devant la cabane il reçu une lourde botte doublée de maille dans le museau.

Moralité, qu'ils soient Vikings, nains ou loups sauvages,
Avec les femmes les copains ne font jamais bon ménages...

[Edition effectuée]
 

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