Conseils d'un aubergiste

 
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Quel bonheur de se réveiller dans un lit confortable aux draps sentant le frais. J'avais dormi comme un bébé, ce qui ne m'était pas arrivé depuis une éternité. Alors que je terminais de m'habiller, je trouvais un vieux papier plié dans une des poches de ma veste. Curieuse, je le dépliais découvrant une belle écriture fine et serrée :
"Chère Ménestrelle, pourrions-nous nous rencontrer prochainement pour faire plus ample connaissance ? Je traîne souvent près de Aegirhamn, pour le moment.
Une Ombre."

Je me promis de me rendre un jour en ce lieu pour retrouver l'auteur du message. La signature me laissait peu d'indices quant à son identité, mais je me doutais que cette personne me contacterait si elle apprenait mon passage dans la région. Sur cette décision, je descendais prendre mon petit-déjeuner.

L'aubergiste m'accueillit par un bonjour jovial. Je lui demandais un bol de gruau et un verre de lait et partais m'installer à une table près de la cheminée. On approchait le milieu de la matinée et la salle était presque vide. Le tenancier vint m'apporter ma commande et s'assit en face de moi.
"Vous savez" commença-t-il, "mon offre d'hier soir était on ne peut plus sérieuse. Vous avez un sacré talent pour captiver un auditoire. Sans votre intervention, il m'aurait fallu racheter une bonne partie du mobilier…"
"Il est vrai que je suis tentée" lui répondis-je, "mais je dois vous avouer que je ne suis pas Ménestrelle. Je ne sais jouer d'aucun instrument et mon répertoire de contes est très limité, malgré la lecture de nombreux ouvrages. Sans compter que je ne connais pas les ficelles de ce métier."
"Pourquoi ne pas faire appel un professionnel qui vous formerait ?" m'interrogea-t-il.
"Je ne sais pas où trouver quelqu'un susceptible de m'aider."
"Rendez-vous à Camelot" me dit-il en se penchant vers moi. "Vous y trouverez certainement une école qui vous acceptera sans aucun problème. Vous êtes faite pour ce métier et le plaisir que vous y prenez est évident."
"Je ne mérite sûrement pas vos éloges", bafouillais-je en rougissant.
"Pas de fausse modestie avec moi, jeune fille !" s'exclama-t-il. "Vous paraissiez transformée lorsque vous racontiez cette histoire. Moi, j'appelle ça le feu sacré ! Si les dieux vous ont donné ce don, exploitez-le !"
"Soit, je partirai demain à l'aube pour Camelot", capitulais-je. Puis, j'ajoutais le regard pétillant "Je vous échange une nouvelle histoire et quelques chansons pour ce soir contre une seconde nuit céans, un bain chaud avant le spectacle et trois jours de vivres."
"Deux jours ! Marché conclu !" Sur ce, il se leva et retourna astiquer son comptoir.

Après mon repas, je sortis pour visiter la ville. Je flânais ainsi la majeure partie de la journée, m'attardant en fin d'après-midi sur la place du marché où je vendais pour un bon prix mon bracelet de perles. J'avais décidé de garder le collier pour les jours de vaches maigres… Je dépensait néanmoins une partie de mon pécule pour m'offrir de solides sacoches de selle, des huiles parfumées pour le corps et les cheveux et un vêtement de scène, une robe de velours rouge au col et aux manches brodés de fils d'or.

De retour à la "Chope d'abondance", je montais dans ma chambre où un baquet rempli d'eau fumante m'attendait. Je me déshabillais et plongeais dedans avec délectation. Je me sentais tellement détendue que je faillis m'endormir. Heureusement, la femme de l'aubergiste vint frapper à ma porte pour me prévenir que la représentation allait débuter une heure plus tard. Je me dépêchais donc de me laver et de me préparer.

Il ne me restait plus que quelques minutes avant de rejoindre la grande salle. J'avais revêtu ma tenue neuve, parfumé et attaché mes cheveux avec des rubans assortis. Debout devant le miroir, j'étudiais mon reflet avec attention… J'avais devant moi une jeune femme à la chevelure d'or et au teint de lait. Les marques, derniers souvenirs qu'y avait laissé mon mari, disparaissaient peu à peu et je pouvais facilement les cacher. Je constatais que, par chance, les malheurs n'avaient pas marqué mon visage. Par contre, mes yeux pouvaient passer soudainement du bleu sans nuage d'un ciel d'été au gris tourmenté de l'hiver. Mais cela me servirait dans ma future profession. Je hochais la tête ; je n'avais jamais remarqué que, pomponnée, j'étais assez mignonne. Tant mieux ! On accorde plus d'attention à un joli minois. J'inspirais profondément et affichais un sourire éclatant. "En avant Kalliopê ! Et advienne que pourra !". J'ouvrais la porte et me dirigeais vers l'escalier menant au rez-de-chaussée.

Je passais une excellente soirée, divertissant un public encore plus nombreux que la veille. Malgré le trac qui me nouait les entrailles, j'avais réussi à prononcer les premiers mots, les plus difficiles. Ensuite, tout s'était enchaîné comme dans un rêve. A la fin du spectacle, je retournais directement dans ma chambre où j'avais demandé que l'on m'apporte quelque chose à magner. Je dévorais une miche de pain frais avec du jambon et du fromage et me désaltérais d'un doux Clairet. Enfin rassasiée, je me couchais.

Comme prévu, je fus réveillée avant l'aurore. Après avoir rassemblé mes affaires et pris un copieux repas, j'avais dit au revoir aux propriétaires, leur promettant de leur rendre visite si je revenais un jour dans la région. Enfin, j'avais enfourché ma jument et, des rêves plein la tête, j'avais pris la route pour Camelot.
Ce soir là, elle était de nouveau dans les alentours de l'auberge, attirée par une impression étrange qu'elle ne connaissait pas. Elle passa par la grange et vit la jument toujours présente. Elel la caressa quelques minutes, un sourire vint marquer son visage, elle était contente, heureuse de se détendre un peu.

Elle finit par lâcher la jument et, se cachant dans l'Ombre, rentra sans faire le moindre bruit à l'intérieur de l'auberge.

Elle vît la Menestrelle et l'aubergiste discuter, elle s'approcha pour les écouter, elle ne put s'empêcher d'être d'accord avec l'homme.

Lorsque la Menestrelle remonta, elle la suivi de nouveau.

Au bout d'un moment elle la vît vendre un bracelet, surprise elle observa de loin. Dès que la Menestrelle fût repartie, elle racheta discrètement ce bracelet, et le mis de côté ... Peut-être en aura-t-elle un jour besoin.

Elle retourna à l'auberge, et regarda l'aubergiste travailler, puis préparer un bac d'eau et le monter dans la chambre. Elle le suivi, et attendit dans la pièce son retour. Elle fût un peu surprise de la voir arriver et se dénuder avec tant de hâte pour se glisser dans le bac d'eau fumante. Elle se retourna, et sorti sans bruit, ne voulant pas profiter de l'Ombre.

Elle mangea un morceau de volaille en attendant le compte de la soirée. Elle restait toujours dans l'Ombre après son repas, payant l'aubergiste juste avant. Elle écouta l'histoire, une belle histoire encore, elle avait du talent, c'est certain.

Elle rentra après à Aegirhamn, espérant la voir prochainement ...
 

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