[Noth]

Iluen est l’archétype du Tryker que les marchands n’aiment pas voir traîner près de leurs étals.
Du haut de ses quinze ans, Iluen n’est pas fondamentalement méchant, mais pas fondamentalement honnête non plus.

- …et ne te met pas dans une situation déliçate !
- Oui m’man !, répondit Iluen s’éloignant en courant

L’objectif de la matinée était simple, une embarcation était arrivée la veille, pleine de marchandises diverses à vendre sur le marché du village. Décharger tout cela prend du temps, et nécessite de la main d’œuvre. Un travail honnête pour Iluen ? Pas nécessairement.

- Laissez cette caisse là sur le quai ! Les caisses restent sur le quai j’ai dit !, s’exclama l’homme qui dirigeait les opérations de déchargement.
- Bonjour m’sieur ! Besoin d’un coup de main ?
- Pourquoi pas ! Montes à bord, les hommes te diront quoi faire.

Mais déjà, Iluen était à mi-chemin sur la passerelle, bousculant un marin qui transportait un gros sac.
« Petit ! Reviens ! »
Se retournant, Iluen ne pût s’empêcher de grimacer en voyant son nouveau patron aux cotés du chef du port.
- On se passera de tes services je crois… Allez, vas-t’en !
- Mais…
- Pas de « mais » ! Pas de voleur sur mon bateau ! Ouste !

L’occasion était trop belle, il faudra laisser passer un petit peu de temps avant de revenir sur le port. Il avait manqué de discrétion lors de son dernier larcin et avait été repéré par de nombreux marins.
Peu importe se dit-il, je sais où ils emmènent la cargaison.

Les marchants et artisans de Naria passaient leurs commandes d’objets difficiles à trouver dans la région à une dénommée Leni. Elle faisait ensuite régulièrement venir les cargaisons par bateau et revendait tout au prix fort. Le petit village de Naria est isolé, et seuls les grands marchands peuvent réellement se passer de ses services.

Un des piliers de la cave de Leni avait été abîmé par un tronc flottant qui l’avait percuté lors de la dernière tempête.
C’est Nogos qui devait faire la réparation, mais Iluen avait réussit à le convaincre de repousser un petit peu les travaux.
Se glissant habilement par la fissure, Iluen se retrouva derrière une étagère surchargée d’objets divers et la lumière dans le fond de la pièce laissait entrevoir les hommes qui déchargeaient les sacs ici.
Tout se passe comme prévu se dit Iluen, avant d’entendre le grognement rauque d’un varynx.
« Un varynx… », Leni avait donc décidé de prendre ses précautions cette fois ci.
L’animal commençait à s’exciter, et sa cache serait bientôt découverte.
Résolu à ne pas perdre complètement sa matinée, Iluen s’empara du premier objet trouvé sur l’étagère avant de détaler.

Assis sur la plage, Iluen déballait l’objet soigneusement emmailloté dans un linge grossièrement tissé. Posant l’objet sur le sol, Iluen déplia les ailes et s’allongea pour attendre la première bourrasque et enfin savoir ce qu’il avait dérobé.
Elle ne se fit pas attendre longtemps, et Iluen fût averti par une petite musique douce.
« Jolie petite musique, se dit Iluen, parfait pour une berceuse. »
Allongé au soleil sur la plage, bercé par une douce musique, Iluen ne pouvait que décider de faire une sieste.

- Aille ! !, s’écria Iluen
- hihihi
- Allez jouer plus loin !, dit-il en renvoyant le bâton vers les enfants qui jouaient au Gochu.
Déjà midi, il devait faire vite s’il voulait rentrer chez lui assez tôt pour ne pas rater le repas.
Le quartier de la crique est l’endroit où tout s’achète, et tout se vend. Le marchand qui avait commandé la petite boite à musique serait content de la racheter à un prix inférieur à celui qui aurait été proposé par Leni. Pour ce genre d’affaire Iluen avait un intermédiaire qui rachetait tout ce qu’il lui tombait entre les mains – « tombé du mektoub », disaient-ils en riant.

- Trois graines ? C’est une blague ? !
- Ca n’en vaut pas plus. Enfin je crois…
- Leni l’aurait vendu trois fois ce prix là.
- Première fois que je vois un instrument pareil, je n’ai pas une grande idée de son prix.
- Je vais me renseigner, je reviens.

L’entrepôt de Leni n’était pas loin, cela ne prendrait que quelques minutes.
- Leni ?
- Je suis occupée Iluen, que veux-tu ?
- Je me demandais… Un appareil pour faire de la musique, ca coûte dans les combien ?
- Environ cinq graines, tu voudrait que je t’en trouve un ?
- C’est pour un cadeau. Je vais réfléchir, merci.
Ils furent interrompus par l’arrivée d’un des assistants de Leni
- La cargaison est complète, il manque juste une boite à musique, un des hommes se souvient pourtant de l’avoir déchargée, dit-il.
- Iluen tu es désespérant, soupira Leni.

Répondant par grand sourire angélique, Iluen reparti en direction de la crique.

- Six graines !
- Six ? Tant que ca ?, répondit Merak
- Tu pourras demander à Leni. Je te conseille d’attendre un petit peu, elle risque de mal le prendre si tu vas lui demander maintenant.
- Bon allons-y pour six graines, dit-il en tendant la précieuse monnaie.
- A bientôt Merak !
- Au revoir Iluen, sois prudent.

Six graines, Iluen avait bien gagné sa matinée, il allait pouvoir arrêter de travailler pendant quelques semaines et profiter de la vie.