Chapitre XV: Featuring a new character !

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Pour ceux qui attendaient les révélations de l'androgyne, vous allez être déçus. J'aime bien frustrer les gens

Ce chapitre reste cependant très important, pour plusieurs raisons... Mais vous verrez par vous-même

Continuez à m'envoyer vos commentaires, floodez-moi, j'adore ça ! Flagellez-moi avec des orties fraîches, oh, oui !


Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Chapitre VI
Chapitre VII
Chapitre VIII
Chapitre IX
Chapitre X
Chapitre XI
Chapitre XII
Chapitre XIII
Chapitre XIV


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Les bois étaient plus magnifiques qu'ils ne l'avaient jamais été. Le printemps était proche; cela se voyait, cela se sentait. Les arbres bourgeonnaient en une symphonie de couleurs, et le vent était chargé de senteurs herbacées. Le soleil brillait dans un ciel sans nuages, caressant doucement la peau huilée de l'empereur.
Habituellement, un tel spectacle aurait réjoui son cœur. Il avait toujours apprécié la beauté là où on pouvait la trouver. Dans les œuvres d'art qu'il collectionnait, dans les maîtresses qu'il avait eues, dans les paysages sublimes qu'il aimait à peindre.
Pourtant, aujourd'hui, l'empereur ne parvenait pas à se détendre. Ses pensées ne cessaient de revenir à Rekk, et à ce qu'il lui avait demandé de faire. Accepterait-il ? Serait-il à la hauteur ? Ce n'était pas certain. L'empereur se souvenait de l'homme que le Banni avait été. Un homme d'acier, prêt à tuer pour ses convictions. Un homme qui n'aurait reculé devant rien pour faire régner sa propre idée de la justice et de la paix. Un homme, véritablement, qui s'était révélé un outil plus que parfait pour l'ancien empereur dans sa jeunesse. Un parfait bouclier contre la vindicte populaire.
Lorsqu'il réfléchissait au jeu dangereux qu'avait joué son père, plus de vingt ans auparavant, Marcus ne pouvait s'empêcher d'être admiratif.

L'empereur Bel, durant son long règne, avait manœuvré comme un serpent pour restaurer l'unité de son immense empire. Il avait hérité de la somme de près de deux cent ans de conquêtes, de provinces divisées, prêtes à se soulever sous le moindre prétexte, fourmillant de faux prophètes, de rebelles, de héros populaires et de bardes qui entretenaient la flamme de la révolution par leurs chants vengeurs. Alors qu'il avait encore les mains pleines de la guerre Koushite qui s'éternisait, la province de Realb, à l'extrême-ouest de l'Empire, s'était soulevée.
Alors, il avait utilisé Rekk. Il avait vu le potentiel de cet homme dès le début, de ce fameux épéiste qui ne semblait pas se soucier de bien ou de mal, uniquement de justice; de sa justice.
Bel l'avait d'abord envoyé écraser Realb, pour le tester, et il l'avait fait en moins d'un moins. Son armée anéantit les quelques troupes qu'avaient levées la province. Il pendit les meneurs, et exécuta leurs familles devant leurs yeux. Bientôt, Realb n'avait plus été qu'une forêt de gibets, un véritable charnier. Mais le calme était revenu dans une rivière de sang. Les soldats de Rekk étaient partout et avaient carte blanche. La dénonciation était monnaie courante.

Le gouverneur de Realb avait fini par se jeter à genoux devant le trône de Bel pour l'implorer de faire cesser ces massacres. Dans sa grande mansuétude, l'empereur avait accepté, et rappelé Rekk à lui. Des manifestations de liesse eurent lui dans toute la province alors que le Démon partait, et le peuple reconnaissant ploya l'échine devant la magnanimité de Bel. Rekk, lui, avait gagné dans cette histoire plusieurs qualificatifs. Aucun n'était particulièrement flatteur.
Et Bel ne s'était pas arrêté là. Partout où le mécontentement grondait, il envoyait son bras armé. Il le laissait tuer, piller, massacrer, puis le rappelait lorsque la population le suppliait. L'empereur était ravi. Dans le même mouvement, il anéantissait tout espoir de rébellion en faisant pendre les meneurs, puis se faisait passer pour un sauveur en rappelant son exécuteur auprès de lui.

C'avait dû être un véritable crève-cœur que de finalement devoir se séparer de Rekk. Marcus soupira. On ne pouvait toujours utiliser le même chien pour la même tâche. Les exactions du Démon étaient trop nombreuses. S'il voulait acquérir définitivement la loyauté de ses sujets, Bel n'avait qu'un geste à faire. Il devait abandonner Rekk à la vindicte populaire.
Marcus était déjà passionné par la politique et les affaires de l'Empire, à l'époque. Il avait suivi le déroulement de cette crise avec intérêt. Pendant un instant, il avait même cru que Bel allait céder et abandonner Rekk au bourreau. Quel spectacle cela serait ! Quel bonheur pour le peuple ! Cela scellerait une véritable histoire d'amour, un pacte de confiance entre l'empereur et ses sujets, si jamais il leur offrait la tête du Démon.
Mais il fallait croire que le prix à payer était trop élevé. Bel avait quelques soucis avec les barbares qui s'agitaient dangereusement à la frontière nord. Personne ne gardait plus la vieille forteresse de Bertholdton, qui avait empêché durant des années les pillards de traverser le col. Il y avait exilé Rekk, satisfaisant ainsi le peuple tout en trouvant une dernière utilité à l'homme.
Oui, Rekk avait bien servi. Et s'il acceptait le marché que lui proposait Marcus, il serait de nouveau utile

"Une piste ! Ils ont flairé une piste !"
L'empereur revint brutalement à la réalité, alors que le cri excité était repris par tous les chasseurs. Devant lui, les chiens s'affolaient, tirant sur leur laisse. Les hommes avaient fort à faire pour les retenir.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?"
"Les chiens ont retrouvé la piste du cerf, votre grâce" fit Mandonius, rapprochant sa monture de celle de l'empereur. "Vous sentez-vous bien ? Vous avez l'air perdu dans vos pensées ?"
"Pardon ? Non, j'étais… Ca n'a aucune importance ! Un cerf, dis-tu ?"
"Je dirais un gros, au vu des empreintes que nous avons vu tout à l'heure…" Mandonius fronça les sourcils. "Vous êtes sûr que tout va bien ?"
"Je te dis de ne pas t'inquiéter, Mandonius ! Je me sens aussi jeune qu'au premier jour ! Allons, rattrapons ce cerf ! Depuis plusieurs heures que nous tournons dans cette maudite forêt, je commençais à me demander si nous croiserions enfin du gibier !"
"C'est la forêt impériale, Votre Grâce. Il y a toujours du gibier, ici"
"Mais tais-toi, tais-toi, tu vas me gâcher mon plaisir !" Malgré ses préoccupations, l'empereur réussit à rire de manière insouciante. Tous les regards étaient sur lui, et il se devait de montrer l'exemple. "Donne-moi ma lance, va !"

Il s'empara de la souple hampe de bois avec précaution. Ce n'était pas un épieu à sanglier, épais comme le poing, mais une lance fine et légère, parfaite pour le lancer. Il en jugea rapidement l'équilibre et, satisfait, poussa sa monture à la suite des chiens. Le premier coup était le privilège de l'empereur, comme le symbolique dernier coup. On prétendait que c'était mauvaise fortune que de laisser quelqu'un d'autre le frapper en premier. Le gibier, lui aussi, devait s'incliner devant l'autorité impériale. Telle devait être la raison première de cette coutume, toujours était-il que Marcus fit tournoyer sa lance avec dextérité. Cela, au moins, allait lui changer les idées.
"Vous semblez habile avec cette arme" fit une voix calme, empreinte d'un accent guttural.

Marcus se retourna pour plonger les yeux dans le regard de G'kaa. Il avait complètement oublié que l'ambassadeur Koushite avait souhaité participer à cette chasse. Il se détourna aussi vite que la politesse le lui permettait; les yeux de l'homme, comme ceux de Rekk, étaient de sombres puits qui parlaient de mort et de violence.
Le fait que l'homme ait la peau noire était encore plus déstabilisant pour l'Empereur. Il avait passé une grande partie de sa vie à vivre dans un empire en guerre contre Koush. Les guerriers sombres étaient alors redoutables et redoutés, tendant des embuscades terrifiantes à l'armée impériale, se glissant avec une habileté démoniaque dans les campements, la nuit, pour égorger les gens dans leur sommeil. Oui, les Koushites avaient combattu comme des lions. Il avait fallu un Rekk pour les soumettre. Mais, même maintenant, même après vingt ans de paix, Marcus ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise devant les hommes de ce peuple.

"Cela fait bien longtemps que je n'ai pas combattu avec, mais je n'étais pas mauvais, autrefois" fit-il poliment. "J'aime bien la lance. C'est une arme intéressante"
"G'kaa le pense aussi." G'kaa sourit de toutes ses dents, qu'il avait d'une blancheur irréprochable. Il caressa la sagaie qui pendait à sa selle du bout des doigts.
Puis, comme si la conversation était terminée, il tourna bride pour rejoindre l'arrière de la colonne.
"Des gens surprenants, ces Koushites" fit Marcus, songeur. "Quoi qu'il en soit… à moi le cerf !"

"Père ! A moi le cerf !"
Marcus allait plonger dans les fourrés quand Theorocle passa brutalement devant lui, debout sur sa monture, agitant follement sa propre lance. Il avait les yeux pétillants de bonheur, comme toujours lorsqu'il était au cœur de l'action. Se tournant vers son père, il lui lança un regard de défi.
L'empereur grogna de colère, luttant avec les rènes pour maîtriser sa monture. Suivant le prince comme leur ombre, une dizaine de jeunes gens en livrées colorées lui passèrent devant sans même le remarquer. Le rouge de la fureur envahit le front de l'empereur.

Il n'avait jamais vraiment apprécié la manière dont son fils s'entourait. Il semblait avoir un talent pour attirer les enfants les plus turbulents, mais aussi les plus teigneux. Des enfants qui, en grandissant, étaient devenus de plus en plus brutaux, de plus en plus stupides, et de plus en plus dévoués au prince qui le faisait vivre. Des fils de nobles mineurs, certains n'appartenant même pas aux branches principales des sept Maisons, qui se croyaient tout permis parce qu'ils avaient l'aval du prince. Le plus énervant, bien entendu, était que tout le monde semblait trouver cela tout à fait normal. Les gens se contentaient de détourner le regard lorsque la malice du prince se posait sur quelqu'un. Comme au bal, par exemple. Theorocle lui avait fait honte. Se comporter ainsi !

Marcus serra les rênes d'une main ferme, les jointures blanchies par l'énervement. Il allait devoir se montrer plus ferme avec ces brutes, et plus encore avec son fils.
"Suivez-les, tous !" cria-t-il alors que les chevaux des jeunes gens disparaissaient dans les sous-bois. "Le cerf est à moi, par l'Empire, à moi !"
Il lança son cheval en avant, ignorant les branches basses qui lui fouettaient le visage alors qu'il galopait. Les chasseurs et les courtisans suivaient derrière, alors que les chiens aboyaient de plus belle.
"Je le ferai fouetter" gronda Marcus, furieux. "Pour qui se prend ce gamin ?"
"Il est jeune, votre grâce" fit Mandonius. En quelques foulées, son cheval avait rejoint celui de l'empereur. Marcus lança un regard surpris à la monture du précepteur. C'était un animal qui ne payait pas de mine, la robe banale, sans aucun signe distinctif. Pourtant, un examen attentif révélait un poitrail solide et des jambes nerveuses, faites pour la vitesse. C'était une bonne monture.
"La jeunesse n'excuse pas tout, Mandonius. Il y a des règles, et l'empereur se charge de les appliquer. Theorocle sera empereur, un jour – même si les dieux veuillent que ce soit le plus tard possible, pour moi et pour le royaume. Comment pourra-t-il édicter des lois s'il ne les respecte même pas ?"

Mandonius haussa un sourcil. Il avait l'air amusé.
"Je vais voir ce que je peux faire, Votre Grâce"
"Non, cette fois-ci, c'est moi qui m'en chargerai. Je vais personnellement… par les enfers, qu'est-ce que c'est que ça ?"
Marcus resta bouche bée de stupéfaction alors qu'il pénétrait dans une petite clairière. Les chiens n'avaient pas flairé le cerf qu'ils chassaient, finalement. Mais quelque chose de beaucoup plus dangereux. Devant eux, acculé contre un arbre par les chiens, se trouvait un sanglier, plus gros que tous ceux que Marcus ait jamais vu. Le cadavre d'un des chiens gisait dans un coin, le dos brisé. Le prince et ses comparses s'étaient arrêtés net à cette vue, eux aussi, mais Theorocle se reprit bien vite.
"Mon arc, vite !" cria-t-il à un des garçons. "Je vais clouer cette bestiole au mur ! Et mes flèches, abruti ! A quoi sert un arc sans les flèches ? Plus vite, allez, allez !"
Poussant leurs montures, le reste de la troupe déboucha enfin dans la clairière, sur les talons de leur empereur. Ils furent donc le témoin du coup de poing magistral que Marcus envoya à Théorocle.

L'empereur n'était plus aussi fort qu'il l'avait été, mais dans sa jeunesse, son père Bel lui avait fait participer à de nombreux tournois de lutte pour endurcir son corps. Il prétendait qu'un esprit ne pouvait être sain que dans un corps sain. Et le bras de Marcus avait derrière lui toute la fureur et la déception d'un père. Theorocle lâcha son arc, vida les étriers, et se retrouva cul par dessus tête sur le sol.
"Qu'est-ce qui te prend ?" hurla Marcus, fou de rage. "Si je me souviens bien, je suis encore l'empereur, ici, et tu n'es que l'Héritier. Si les dieux le veulent, tu le resteras longtemps, au moins assez pour que je t'apprenne le respect des traditions et la valeur de l'obéissance ! Qu'est-ce que tu m'as promis pour que j'accepte de t'emmener à la chasse avec moi ?" Se frottant la joue, le prince se releva. Il avait les yeux baissés. Le coup avait durement porté. Peut-être cela lui remettrait-il les idées en place. "Qu'est-ce que tu m'as promis ?"
"De rester derrière et de ne pas intervenir" grommela le prince, boudeur. "Mais…"
"Il n'y a pas de Mais qui tienne, Theorocle. Nous en reparlerons lorsque j'aurai abattu ce sanglier"

La bête n'avait pas bougé durant l'altercation, observant les chiens devant elle de ses petits yeux vicieux. Mais lorsque Marcus leva sa lance, l'animal chargea avec un instinct sûr. Le chien en face de lui glapit alors que les défenses lui perforaient le ventre. D'un coup de tête, il fit un vol plané avant de s'écraser contre un arme.
"Dieux des mondes inférieurs, c'est vraiment le père de tous les sangliers" murmura Marcus, fasciné. Il avait déjà oublié son fils sur le sol. Ses yeux étaient rivés sur la bête, alors qu'il mettait lentement sa lance en position.
"Il va charger !" cria un chasseur. L'animal gratta le sol. Les deux chiens survivants reculèrent.
"Premier sang !" fit Marcus, faisant volter son cheval pour pouvoir lancer son javelot avec précision.
"Votre grâce ! Attention !"
L'avertissement de Mandonius vint trop tard, alors que le sanglier chargeait brutalement l'empereur. La lance vint s'enfoncer dans le sol à quelques pouces de l'animal.
"Raté !" hurla Marcus, furieux.
La monture de l'empereur fit un écart brutal, et les défenses vinrent la cueillir sur le flanc gauche. Il s'empressa de vider les étriers et tenta de sauter à terre, mais son mouvement était lent, bien trop lent. Lorsque ses pieds touchèrent terre, le sanglier était sur lui.
"Votre Grâce !" répéta Mandonius.
Le percepteur bondit en avant. Instinctivement, sa main trouva la lance enfoncée sur le sol. Il l'en arracha et la planta dans le même mouvement fluide dans le dos de l'animal. Le sanglier rugit, se retournant contre ce nouvel adversaire.
"Qu'est-ce que vous attendez, aidez votre empereur !" hurla Mandonius. Il tenta de récupérer son arme, mais la pointe de la lance était coincée. Il poussa un juron, et se jeta de côté pour éviter un furieux coup de tête. Se relevant, souple comme un félin, il tira son épée.

Les chasseurs réagissaient enfin, mais ils devaient contourner le cheval de l'empereur pour pouvoir intervenir. Quatre flèches vrombirent, trois s'enfonçant dans le flanc de l'animal, la dernière ratant sa cible d'un cheveu. Pour autant, le sanglier ne paraissait pas autrement incommodé. S'ébrouant, il chargea de nouveau Mandonius.
"Aidez-le, par le Sang ! Trucidez la bête" glapit Marcus. Ses riches habits lui collaient à la peau. Il était trempé d'une sueur froide. Les défenses du sanglier avaient bien manqué l'étriper. Si le précepteur n'avait pas été là pour distraire son attention… Avec colère, il s'écarta de son cheval. Il n'avait pas d'arme. Tout cela n'était censé être qu'une simple formalité.
Les chiens survivants s'empilèrent vicieusement sur la bête alors qu'elle avançait. Concentré, la respiration calme, Mandonius attendit la charge pour bondir brusquement de côté. Son épée frappa la peau du dos et s'enfonça d'un bon pouce, mais cela ne suffit pas non plus.
Surgi de nulle part, G'kaa bondit de selle, sa sagaie tournoyant dans ses mains. Poussant un hurlement incompréhensible, il enfonça l'arme de toute sa longueur à quelques pouces de la colonne vertébrale de la bête. Le sanglier grogna, crachant un épais nuage de sang. Quelques coups encore, et il ne bougea plus.

Le calme redescendit sur la clairière. On n'entendait plus que les hennissements du cheval de l'empereur, qui gisait avec les boyaux à l'air. Mandonius, essuyant la sueur qui lui coulait dans les yeux, vint lui trancher la gorge.
"Pauvre bête" murmura-t-il. "Quelle pitié"
"Plutôt elle que moi" grommela Marcus en réponse. Il haletait. "Je te dois une vie, Mandonius. Et vous aussi, ambassadeur"
"Vous ne me devez rien, votre grâce. Je n'ai fait que mon devoir" répondit le précepteur.
"Les sangliers dansent bien, mais G'kaa danse mieux" sourit G'kaa avant de se détourner et de disparaître dans les buissons comme il était venu.
"Certes, certes…" fit l'empereur, déstabilisé. " Cependant… Ah, peu importe. Quel énorme monstre !"
"J'en ai rarement vu d'aussi gros, votre grâce" acquiesca le précepteur.
"Mais tu vas rarement à la chasse aussi… Bah, quoi qu'il en soit, c'était vraiment une grosse bestiole." Il éclata de rire. "L'excitation de la mort ! Ca me manquait, tu vois ! Je ne me suis jamais autant senti en vie depuis des années que maintenant, couvert de sang et de boue"
"Je connais ça" fit Mandonius, souriant légèrement. "Mais vous ne direz pas la même chose dans quelques minutes, lorsque l'excitation disparaîtra. Nous devrions rentrer au château"
"Très vrai, très vrai"
"Père…" fit Theorocle d'une petite voix. Il était remonté à cheval; sa joue était gonflée. Il garderait probablement une marque quelques temps. "Je suis désolé. Pour tout"
Marcus secoua la tête avec colère.
"Nous en rediscuterons au palais. J'ai beaucoup de choses à te dire, je pense" Theorocle sursauta comme si on l'avait de nouveau giflé. "Bah ! cette histoire m'a donné soif. Personne n'aurait du vin ? Du brandy ? Quelque chose de fort, en tout cas !"
"J'ai du vin… père" murmura l'héritier, sortant une gourde de ses fontes.
"Ah, ça ! Tu servirais à quelque chose, finalement ? Je ne peux pas y croire ! Donne-moi cette flasque !"

Comme l'avait dit Mandonius, le plaisir du combat quittait progressivement son corps, le laissant tremblant, alors que Marcus réalisait à quel point il était passé proche de la mort. Il but avec plaisir et gratitude, chaque gorgée lui faisant prendre conscience qu'il était encore en vie. C'était une sensation délicieuse, enivrante.
"Nous devrions rentrer, Votre Grâce" fit Mandonius, surveillant les alentours de la clairière comme si un second sanglier pouvait surgir des sous-bois. "Nous avons perdu trop de temps pour le cerf, de toute façon. Un sanglier, voilà une prise de qualité !"
"Comme tu dis, Mandonius, comme tu dis… Cependant…" Il hésita, puis se pencha à l'oreille du précepteur pour murmurer: "C'est toi qui a porté le premier coup à la bête, pas moi. Penses-tu que c'est un présage ? D'abord mon fils qui veut m'enlever cet honneur, ensuite, par un concours de circonstances, toi qui frappe en premier…"
"Je cherchais à sauver votre vie, Votre Grace" fit Mandonius sèchement.
"Bien sûr, bien sûr… Je voulais juste savoir… Non que je sois superstitieux… Mais ce n'est pas un mauvais présage, n'est-ce pas ?"
Le précepteur eut un léger sourire.
"Si j'ai pu apprendre quelque chose de ma vie sur les champs de bataille, c'est que les présages de mort sont rarement vérifiés. Ceux qui souffrent sont ceux qui ne s'attendent à rien"
"Ah. Bon. Bien" L'empereur eut un sourire hésitant, et rendit la gourde à son fils sans le regarder.
Theorocle reboucha la flasque avec soin avant de la ranger.
G'kaa était songeur alors qu'il remontait souplement à cheval. Il y avait beaucoup de coutumes qu'il ne comprenait pas, même après une dizaine d'années passées au sein de l'Empire, à essayer de signer des traités, de définir des routes commerciales, et d'essayer de se sortir le mieux possible de la honteuse capitulation que leur avait infligée Rekk – le Danseur Rouge, comme ils aimaient à l'appeler – et l'empire dans son ensemble.
Il n'appréciait pas particulièrement le travail qu'il avait à fournir ici. Ses amis lui manquaient, et son âme attendait avec espoir de pouvoir rentrer à Koush. Là-bas, il n'aurait plus à supporter ces hivers glacés, cette eau gelée que les gens appelaient neige, et ce soleil si pâle qu'il ne réchauffait pas la peau. Surtout, il avait la désagréable impression d'avoir mis le pied dans un repaire de vipères. Tout le monde ici souriait à tout le monde, mais jamais le sourire n'atteignait les yeux. Dans un certain sens, l'Empire était un endroit bien plus barbare que Koush. Là-bas, au moins, les gens disaient ce qu'ils pensaient. Lorsqu'un différent ne pouvait être réglé autrement, les gens venaient danser la mort – et le problème était finalement réglé. Après autant de temps passé à Musheim, G'kaa était prêt à admettre que ces duels mortels étaient peut-être une erreur. Pourtant, ils avaient l'avantage de ne pas laisser de mauvais sang entre les gens. Là-bas, on pouvait faire confiance à son prochain.

G'kaa bailla, étirant ses muscles. Il avait quarante ans, maintenant, si les chamans de sa tribu avaient bien inscrit le jour de sa naissance. Le combat contre le sanglier lui avait fait du bien. Cela faisait trop longtemps qu'il n'avait pas combattu, pour une raison ou pour une autre. L'envie de danser le démangeait. Avec quelqu'un. N'importe qui. Mais personne ne semblait réellement habile à la lance, ici. De toutes les personnes qu'il avait pu croiser au palais, seul celui qu'on appelait Mandonius bougeait avec la grâce du guerrier. Contre le sanglier, encore, il s'était comporté avec vaillance et habileté. G'kaa aimait bien l'homme, même s'il semblait cacher de nombreux secrets. Parfois, G'kaa sentait une odeur de nervosité en lui, difficilement réprimée.
"Pousse ton cheval, face noire. Tu bloques la route"
Sans se retourner, G'kaa fit volter complaisamment sa monture. Le prince avait visiblement récupéré rapidement son arrogance après la correction que lui avait administré son père. Il n'y avait bien que lui pour appeler G'kaa face noire. Le Koushite sourit langoureusement.
"Lorsque le sanglier a chargé l'empereur, le fils de l'empereur a mis une flèche dans son arc. Mais le fils de l'empereur n'a pas tiré. Pourquoi est-ce que le fils de l'empereur n'a pas aidé son père ?"
G'kaa n'avait pas voulu intervenir au début du combat. Il lui avait été expliqué clairement que l'empereur devait toucher la bête en premier, et que sa sagaie ne serait pas nécessaire. Par conséquent, il avait pris le temps de regarder les gens, leur manière de bouger et de réagir. Des détails intéressants, trahissant souvent le caractère et le cœur de la personne. Deux des chasseurs étaient des vétérans, ainsi, qui avaient rapidement surmonté leur surprise pour décocher des flèches. Mais ils étaient également un peu vieux, et devaient manquer de pratique. Les deux autres étaient plus jeunes et plus influençables. Mandonius avait des réflexes de combattant. L'empereur avait du courage. Et le prince…
Theorocle devint blanc.
"Qu'est-ce que tu as dit, sauvage ?"
"Lorsque le sanglier a chargé l'empereur, le fils de l'empereur a mis une flèche dans son arc" répéta G'kaa, imperturbable. "Mais le fils…"
"Je sais ce que tu as dit, pas la peine de le répéter !"
"Le fils de l'empereur se contredit" nota G'kaa.
L'héritier alla pour s'approcher de lui, mais eut un geste de répulsion visible. Le Koushite était habitué aux réactions que provoquait la vue de sa peau chez les gens, mais la plupart tentaient au moins de se montrer polis et diplomates. Une légère irritation montait en lui. Surpris, il se força à la supprimer. La voie de la sagaie nécessitait un esprit clair et ouvert.
"Tu n'as rien vu, sauvage. Rien" cracha Theorocle. "Prends garde à tes paroles. Je pourrais te faire fouetter"
"Les ambassadeurs ont droit au respect et à l'immunité tant qu'ils ne transgressent aucune loi de l'empire" cita G'kaa, son accent soudain disparu. Il sourit. "Je ne pense pas que l'empereur apprécierait de vous voir parler comme cela. Mais je sais tenir ma angue"
"Il peut arriver des choses, dans cette ville. Les nuits ne sont pas sûres, même pour les ambassadeurs" murmura le prince. Derrière lui, ses comparses ricanèrent lourdement. Un simple regard du Koushite leur fit cependant baisser les yeux.
"Que se passe-t-il, ici ?" Mandonius remontait la petite colonne, exaspéré. "Prince, je vous ai dit de venir avec moi. Je ne le répéterai pas !"
"Pour cela, il faudrait pouvoir me rattraper, Mando !" Le prince lança un regard venimeux au Koushite. "Tiens ta langue, vipère noire" Il éperonna sa monture et partit au galop.
Mandonius soupira.
"Veuillez l'excuser, Seigneur. Il est jeune, et trop gâté. Ne tenez pas compte de ce qu'il a pu vous dire. Il ne représente en rien la position de l'Empire au sujet de Koush"
Le Koushite s'inclina.
"Je le sais"
Le précepteur haussa un sourcil.
"Vous avez vu l'arc du prince ?"
"Quel arc ?" s'enquit G'kaa innocemment.
Mandonius resta un instant silencieux, scrutant le visage du Koushite. Puis il haussa les épaules.
"C'est sans importance. Je vous souhaite une bonne journée, Seigneur"
"Vous de même, Précepteur"
Il regarda d'un œil impavide l'homme se lancer à la poursuite du prince. C'était quelqu'un de dangereux, ce Mandonius. Son visage ne révélait rien.
Les jours à venir promettaient d'être intéressants.
Tu es trop fort GreGre
tu maitrise beaucoup de ficelles de l'ecriture , c'est toujours un réel plaisir de te lire !!

par contre il y a une chose pour laquelle tu es nul !!
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LE TITRE BOUDIOU !!
Citation :
Flagellez-moi avec des orties fraîches, oh, oui !
C'est demandé si gentiment
Viens par là

Sinon deux petites fautes de frappe, si tu as envie de les rectifier

Citation :
Bel l'avait d'abord envoyé écraser Realb, pour le tester, et il l'avait fait en moins d'un moins
Citation :
"Je ne pense pas que l'empereur apprécierait de vous voir parler comme cela. Mais je sais tenir ma angue"
Tu as bien fait d'écrire ce chapitre, qui permet de faire une petite pause dans l'intrigue de Deria, Shareen, Malek... pour revenir à l'Empereur et à son détestable fils, surtout que l'on savait qu'ils étaient à la chasse, donc ca colle parfaitement
Mais bon, n'oublie pas qu'on veut savoir qui est ce mystérieux jeune homme ! Alors ne refais pas encore un chapitre de ce genre
Vivement demain
Dark Age of Mushiem

Avec les barbares du Nord qui manient 2 haches, les sarasins alliés au Roy Art... Marcus, etc
Et l'épée de feu de Rekk

D'ailleurs, il l'avait allumée juste pour impressionner Shareen ?

Toujours aussi bon en tout cas
eeeeeeeeeeeerf !



tu peux pas t'arrête laaaaaaaaaaaa !


naaaaaaaaaaaan !




ohhh mon dieu que demain est loin !


P.S. comme disait le chat, demain est aussi loin d'aujourd'hui qu'hier, mais pourtant on sera beaucoup plus vite a demain qu'a hier !

de toute façon : CrapeauMéthylènique ou RainetteAzur : AU BOUUULOOOOT !
Ekssasoooote !
Rah c'est bon !! c'est trop bon !!

Cependant ... ptit salopio d'Heritier de mes deux la qui file la vinasse au paternel ... mmmh ca causait poison avant ... mhhhh le ptit salopioooooo mmmmmmh LA SUITE DIDIOUX !!!

Ekios totaly fan
Citation :
Flagellez-moi avec des orties fraîches, oh, oui
avec des nénuphars ! Tu n'auras le droit qu'a des nénuphars! Non mais

Toujours aussi agréable, de l'innovation en ce qui concerne le personnage de G'kaa, et c'est un plaisir de revoir ce Mandonius

Bibi, mon crapaud.
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