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Malgré les bruits que faisait Aëya avec son ouvrage, Nanoko avait finalement réussi à s'assoupir, bercée par la douce chaleur des rayons du soleil sur sa peau.
Le soleil du désert était bien trop chaud pour s'adonner à ce genre de plaisirs, mais ici, une légère brise rafraichissait l'air.
Pendant ce temps, Aëya s'affairait sur une étrange construction.
L'ensemble était constitué d'une grosse conque qu'elle avait ramassé la veille sur la plage, au bout de laquelle était fixée une vessie. Tout autour venait se greffer un mechanisme compliqué de planches de poulies et de cordes, le tout terminé par une manivelle en os.
Au bout d'un moment, la Trykette semble satisfaite de son travail. Elle approche son oreille de la conque et tourne très doucement la manivelle.
Elle entend un léger sifflement, et sourit.
Tirée de sa torpeur par un bruit de tempête, de vent hurlant contre les racines, Nanoko se redresse d'un coup dans son hamac, manquant de tomber.
Au pied du comptoir, elle voit Poilu tout aussi surpris qu'elle, et dans tout le campement, des Sentinelles accourent l'arme à la main.
Au centre du campement, Aëya, tourne la avec vigueur la manivelle d'un engin qui semble être la cause de ce bruit désagréable. Elle est radieuse et quand elle arrête de s'acharner sur la manivelle, au plus grand bonheur des oreilles de tout le monde, c'est pour pousser un cri de victoire.
- Ca marche!
Puis elle courre vers Nanoko, portant son engin dans les bras.
- Regarde, j'ai fait ça, et ça marche bien!
- Tu as fait une machine à casser les oreilles... C'est Gozmoth qui va être heureuse, elle va trouver que tu y arrivais déjà assez bien sans machine.
- C'est pour donner l'alarme. Faut leur vendre à eux qui font la guerre. Ils la mettent sur la tour, et quand y'a un ennemi, il suffit de tourner et hop, tout le monde sait. Chez Onc'Bara, on faisait sonner quand on voyait un Clap-clap, alors tout le monde sortait de l'eau, et les chasseurs plongeaient.
- Donner l'alarme? Oui, tu as peut-être raison, ça peut leur être utile... La Fyros se dit que c'est ce genre de choses qui peut l'aider dans ses négociations avec les Sentinelles. Si elle peut leur montrer concrètement les bienfaits que Somalis peut leur apporter, c'est presque gagné. Elle montre l'appareil, je peux le garder?
- Oui, je fais les trucs, et tu les vends. On va à la plage ce soir, tu te rappelles?
Nanoko se rappelle bien que la Trykette l'a harcelée toute l'après-midi de la veille pour aller à la plage ce soir, mais elle n'a pas le temps de dire un mot qu'Aëya l'entraîne par la main vers le gros morceau de la carapace de cococlaw.
- Viens alors, il faut s'entrainer. Tu dois apprendre les cerf-volants.
La carapace de Cococlaw a bien changée depuis la matinée. Aëya l'a retournée, comme un bac, et sur la partie avant un essieu est fixé, portant deux roues.
Sur l'arrière, une planche verticale s'articule, au bout de la planche est accrochée une roulette. Des cordes partent de chaque côté de la planches et arrivent vers l'avant, guidées par des petits anneaux en os disposés sur le rebord de la carapace.
Enfin, toujours sur le bord de la carapace, à gauche et à droite du véhicule, deux anneaux de plus grosse taille sont fixés. Ils ne guident encore aucune corde, mais le soin apporté à leur fixation laisse supposer qu'ils vont beaucoup travailler.
- Qu'est-ce que c'est que ça encore, demande Nanoko dubitative. On dirait un chariot, mais il n'y a rien pour accrocher un mektoub, et la carapace n'est sûrement pas assez solide pour bien le remplir.
- C'est pour faire la course! Annonce Aëya avec fierté. Ce soir, on va faire la course de la Luriah. Normalement, c'est sur l'eau, mais j'ai mis des roues pour s'entrainer sur la terre, et...
- La course? la Luriah? mais de quoi tu me parles?
- La Luriah, c'est un truc.. juste un nom comme ça. Y'a la course ce soir, et on y va ensembles. Comme t'es plus forte qu'un Tryker, on va pouvoir mettre plus de cerf-volants, alors on va aller plus vite. On va gagner, tu vas voir.
- Ouh la.. calme toi, je ne comprend plus rien là... Explique-moi tout dès le début, et lentement s'il te plaît.
Aëya prend un respiration et se calme. Elle monte dans la carapace et se place à l'avant.
- Ce soir, il y a une course sur l'eau. Ca, c'est le bateau, pour tourner, je tire sur les ficelles, comme ça joignant le geste à la parole, la Trykette tire tour à tour sur les cordes à sa gauche puis à sa droite, la planche à l'arrière de la carapace pivote alors selon son articulation. Aëya passe alors sur l'arrière de la carapace.
- Toi, tu te mets ici, et tu tiens les cerf-volants. On passe d'abord les fils dans les gros anneaux, sinon tu t'envoles et le bateau ne bouge pas. Tu as deux ficelles, et tu tire à gauche ou à droite pour avoir le meilleur vent. Aëya ne tient plus, et se remet à parler vite, trahissant son enthousiasme débordant. Et comme tu es forte, on va pourvoir prendre quatre cerf-volant, alors on aura plus de vent, et on ira plus vite.
- Mais je ne sais pas me servir de cerf-volant
- Tu apprends maintenant, viens.
Et la Trykette met deux poignées dans les mains de Nanoko et la pousse vers le centre du campement.
N'écoutant pas les protestations de la Fyros, elle lance le cerf-volant en l'air et il se gonfle immédiatement sous l'effet de la brise continue qui souffle sur le camp.
Elle vient alors se placer sur les pieds de Nanoko et lui prend les poignets, pour guider ses gestes.
Assez rapidement, sous les conseils éclairés d'Aëya, la Fyros arrive à faire voler le cerf-volant seule, et se risque même à quelques figures.
Elle se prend même au jeu et a oublié ses premières protestations.
- Il faut essayer avec plusieurs maintenant, dit la Trykette en interrompant le vol du cerf-volant. Jouant sur les longueurs de fils, Aëya accroche alors un deuxième cerf-volant aux poignets, puis relance les cerf-volants en l'air.
Dans un premier temps, les deux cerf-volants retombent aussitôt, mais finalement, Nanoko parvient à les maintenir en vol, et à les diriger. Elle se risquerait bien à des figures, mais Aëya l'en dissuade, ça emmêlerait tous les fils.
Ainsi de suite, au bout de deux heures, la Fyros est capable de faire voler les quatre cerf-volant en même temps, Aëya agrippée à ses jambes pour qu'elle ne décolle pas du sol.
Aëya est satisfaite de son élève et décide alors de passer à l'étape suivante.
- Vient, on va sur le bateau maintenant
Et rapidement, les deux amies se retrouvent à parcourir le campement en lignes droites sous les yeux intrigués des Sentinelles.
Sous les cris de joies d'Aëya et les rires de Nanoko, le chariot file à bonne allure, avec Poilu essayant de le rattraper.
L'après-midi touche sur sa fin quand elles arrivent à faire virer convenablement leur embarquation.
Pour Aëya, il est temps d'aller à la plage, mais Nanoko est embêtée de partir alors que les chasseurs ne sont toujours pas revenus. Elle n'a pas encore eu l'occasion de discuter avec Gozmoth et Khalzaam, et elle n'aime pas voir les choses trainer.
- Aëya, écoute, il faut attendre le retour des chasseurs..
- Ils ne rentrent pas ce soir.
- Pas ce soir? Comment tu sais ça?
- C'est un garde qui l'a dit, quand tu dormais. Il discutait avec un autre. Ils doivent chasser loin, alors ils ont pris des tentes pour dormir. Ils reviennent sûrement demain. Nous on va faire la course, y' des cadeaux a gagner, et puis y'aura ptet Orphéa aussi.
Nanoko se dit que si les chasseurs ne rentrent pas dans la soirée, elle n'a rien de spécial à faire au camp, alors pourquoi ne pas suivre la Trykette pour aller faire sa course.
Après tout, elle avait l'air de beaucoup y tenir, et l'après-midi sur le char l'avait bien amusée aussi.
Le char est donc attaché au mektoub, les cerf-volants pliés, et Nanoko et Aëya partent ensembles vers la plage.
Contrairement à la veille, la plage est noire de Trykers, mais la majorité sont venus pour voir le spectacle, car il faut avoir un bateau pour pouvoir participer.
Aÿea fouille dans le fond du bateau et ressort un paquet qu'elle tend à Nanoko.
- Tiens, mets ça pour aller dans l'eau.
Un Tryker passe les voir, et leur indique où se mettre pour le départ. Aëya essaye de négocier une meilleur position, mais ses talents de négociatrice ne sont vraiment pas au point.
Aëya bricole un peut le bateau pour enlever les roues qu'elle avait mises, et elles le traine jusqu'à la ligne de départ.
Une amarre prête à être coupée les retiens jusqu'au signal de l'arbitre.
Le bateau à leur droite est tout en bois et bien plus lourd que le leur, quand à celui de gauche les ficelles de son cerf-volant sont trop fines et Aëya ne leur donne pas longtemps pour céder.
- Partez! crie l'arbitre, suivit d'un court mugissement d'une sirène semblable à celle d'Aëya.
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