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Par la fenêtre [Texte long]

Par Khae-Lynn le 6/11/2002 à 20:43:34 (#2499411)

Les ténèbres s'étendaient sur HavreClair, plongeant la ville endormie dans une semi-clarté que les torches fixées aux murs des maisons s'évertuaient à maintenir. Dans la crypte, Khae-Lynn ouvrit les yeux, se réveillant d'un sommeil dénué de ces rêves auxquels certains humains attachaient tant d'importance qu'ils les croyaient réalisables...

Oh si seulement ils en connaissaient le prix.

Encore engourdie, elle sortit des ombres pour se mêler aux sombres créatures qui régnaient ici, passablement dérangés par les aventuriers qui venaient les abattre une à une, mais qui jamais ne les vaincraient, tellement leur nombre était grandissant. Un rat s'approcha à ses pieds et elle se baissa pour le caresser doucement, s'attachant pour quelques secondes à cette petite bête avant de la vider de son sang et de la jeter au loin, là où les zombis finiront de le dépecer et de n'en laisser que les os.

Rapidement, Khae-Lynn essuya ses lèvres rougies du plat de sa main et sortit de la crypte. Elle croisa au passage un groupe de jeunes aventuriers encore peu au fait des habitudes de cet endroit, conseillé par un mage visiblement plus aguerri si elle en jugeait par le bâton gravé de runes qu'il tenait entre ses mains, le serrant comme s'il s'était agi de son plus précieux trésor, ce dont elle doutait peu. Un sourire fugace apparu sur son visage alors qu'elle le fixait de ses yeux noirs, yeux qu'il croisa sans ciller.

Sans un mot, elle se détourna, n'assistant pas au cours magistral qu'il débitait. Enfin à l'extérieur, elle fit quelques pas au milieu de ce cimetière si cher à ses yeux. Cet endroit l'avait abrité durant cinq siècles, la protégeant des regards, la maintenant hors de portée de leurs attaques. Les humains, dont elle avait pourtant fait parti durant les quelques années de sa vie mortelle, resteraient pour elle un mystère. Ils en étaient encore à se poser bien des questions auxquelles elle-même avait trouvé les réponses en devenant celle qui leur donner la mort. Loin était sa prétention de se prendre pour Celle qui lui était de loin supérieure et qu'elle servait avec une délectation proche de l'adoration. Devenir celle qu'elle était maintenant n'avait été qu'un jeu qu'elle jouait avec une passion dévorante. Comment quelqu'un pouvait tomber si bas, se demandait parfois une conscience qu'elle avait tenté de refouler au fond de son cerveau mais qui remontait à la surface à chacun de ses meurtes gratuits?

Khae-Lynn ne pouvait répondre à cette question car, bien au contraire, elle estimait ce qu'elle faisait. Pouvait-on parler de meurtre alors qu'elle ne chassait que pour assouvir une sempiternelle faim qui tenaillait tout son être et prenait le contrôle de son esprit. Un ours était-il meurtrier lorsqu'il se nourraisait d'un daim? Les druides, adorables protecteurs de cette Nature pourtant si féroce à l'encontre des humains dont ils souhaitaient ardemment, pour ne pas dire naïvement, faire adopter leur point de vue, contrediraient cette pensée en objectant qu'une créature si maléfique n'avait que peu de place au milieu du troupeau, tel ce mouton noir faisant tâche au milieu de la blancheur de ses congénères.

Il était vrai que Khae-Lynn ne faisait pas parti de ceux qu'elle chassait. Elle était le prédateur, ils étaient le gibier. Si cela ne cadrait pas avec cette Nature si bien défendué, qu'est-ce qui l'était?

La jeune femme arrivait enfin sur la place à la fontaine, lieu de rencontre hors-pair de HavreClair. Là s'étaient déroulés les plus haut-faits de la ville. Ce lieu était chargé de souvenirs pour Khae-Lynn. Bien avant que les humains prennent le pouvoir, s'accordant entre eux après la disparition tragique du peuple nain, elle avait vu bien des fontaines se succéder au fil des prétendants à un trône souvent décrié et des Baronnies parfois volages, parfois manipulatrices, mais que Sélène gardait généralement sous sa coupe. Celle qui faisait face à Khae-Lynn était en place depuis longtemps si ce qu'elle avait entendu était vrai.

Ronde, taillée dans une pierre grise pigmentée de tâche plus sombre, s'apparentant au grès, mais bien plus dure que tout ce qu'elle avait pu voir, elle siégeait sur la place, maîtresse des sujets qui daigneaient s'asseoir sur son rebord toujours pailletée de gouttes d'eau emportée par le vent. En son centre une colonne s'élevait pour s'ouvrir en corolle sur un second étage qui accueillait l'eau s'coulant en un jet continu des becs des trois aigles qui en formaient la partie la plus magnifiques. En or pur, ceux-ci irradiaent d'une beauté sauvage alors qu'un soleil radieux, sis dans le bleu azur du ciel, osait poser ses rayons sur eux. Pas un spectateur ne pouvait, paraît-il fixer ces trois statues presque vivantes sans devenir aveugles pour un temps. Cela, bien sûr, Khae-Lynn ne pouvait décemment pas le vérifier. Malgré tout, la nuit et la faible lumière apportée par les torches perchée autour de la place rendait à ce monument un hommage, certes moins parlant mais, aussi sûr que Khae-Lynn était un de ces vampires amateur du passé, si troublant qu'elle s'en émerveillait à chaque fois qu'lle le contemplait.

Elle s'en approcha sans un bruit, flottant presque sur les pavés de la place, et s'agenouilla. Sa robe s'étendit autour d'elle. D'une blancheur immaculée, elle ressembla tout à coup à une sainte positionnée pour une salvatrice prière à son dieu, quémendant une attention qu'il consentira peut-être à accorder à l'une de ses ouailles. Mais il n'en était rien. Khae-Lynn plongea ses mains dans l'eau froide, et aurait frissoné si une once de vie résidait encore en elle, puis s'aspergea le visage d'un peu de ce liquide précieux, finissant de nettoyer les commissures de ses lèvres encore ensanglantées. Elle frotta ses bras, rougissant un peu plus l'eau qui, bien vite, reprit sa transparence. La nuit promettait d'être fraîche si elle accusait tous ces passant chaudement vêtus de fourrure. Femmes, hommes, enfants, tous déambulaient autour d'elle, ne jetant qu'un bref coup d'oeil à cette femme habillée d'une robe blanche si fine qu'elle ne pouvait point la protéger d'une froidure naissante qui promettait d'être rude. La rigueur d'une météo capricieuse n'avait pas prise sur elle et elle s'en accomodait très bien, faisant fi de tous les commentaires que pouvaient se dire dans l'ombre ces quelques spectateurs.

Le visage et les bras encore humides, Khae-Lynn se releva et se dirigea vers l'intérieur de la ville. Elle n'avait pas encore décidé qui elle élirait pour être son repas cette nuit et avait encore largement le temps de le faire.

A sa gauche, l'auberge. Sobre bâtiment aux innombrables tenanciers, avec laide de Halam et Geena, toujours présents, qui avaient tous apposé leur griffe du temps de leur poste. Elle y était entré il n'y a pas si longtemps et fut accueillie par une femme aux traits guerriers, mais assurément féminine. Elle avait semblé ouverte et joyeuse, mais Khae-Lynn dénota en elle une peine bien ancrée. Elle connaissait bien les gens, elle avait eu le temps pour cela, et un simple bonjour lui apprenait bien des choses. Il était souvent de bon goût de dire que les yeux ne mentaient pas, mais peu savaient à quel point cela était vrai... A droite, la maison d'une dénommée Syndrael, qu'elle n'avait entraperçue qu'une ou deux fois. Tant d'énigmes touroyaient autour de cette femme que Khae-Lynn s'était demandé si elle ne faisait pas partie de son monde... Elle prendrait certainement du plaisir à partager ses pensées avec elle, si l'occasion se présentait un jour.

A pas mesurée, elle s'approcha des deux échoppes qui maintenaient à elles seules une grande partie du commerce de la ville. Fali proposait un assortiment de potions et d'objets utiles pour tout aventuriers débutants qui se respectaient et son mari, Rolph, avait un stock d'armures et de vêtements impressionnant. En face, une batisse renfermait d'innombrables armes. Epées, bâtons, et arcs s'offraient aux yeux des vendeurs sous les sourires entendus de Siegfried, vendeur dans l'âme. Plus loin, le temple d'Artherk, où Khilliam organisait une partie de la vie religieuse de la ville. Rédempteurs et autres serviteurs du Dieu Bon se mêlaient bien souvent à ceux qui avaient besoin de la protection relative des prêtres présents, voire des aventuriers soucieux du bien-être de leurs semblables.

Alors qu'elle se dirigeait vers l'imposant bâtiment aux vitraux magnifiques, un parfum vague l'attira comme la flamme attirait le papillon ignorant tout des dangers inhérents mais qui ne pouvait y résister. Une maison, à l'écart, située près de la plage, semblait être à l'origine de cette fragrance que Khae-Lynn connaissait sans pouvoir la déterminer avec exactitude. Le silence semblait être palpable tellement sa présence se faisait ressentir tandis qu'elle s'écartait des rues pour s'engager sur un chemin de terre qui la mènerait à la porte d'entrée. Le froid était devenu plus persistant, si elle en croyait la faible couche de givre qui se formait sur l'écorce des arbres qu'elle touchait, y laissant une empreinte de sa main fine et glaciale. Le ciel était envahi de nuages, ceux-ci cachant la lune et les étoiles, renant les ombres un peu plus hardies.

Khae-Lynn contourna la maison et s'approcha de la fenêtre. Déjà, des bruits étouffés provenaient de l'intérieur de la pièce qu'elle s'apprêtait à regarder. Elle hissa sa tête devant la vitre et le spectacle qu'elle découvrit fit monter en elle quelque chose qu'elle n'avait plus connu depuis un âge trop révolu pour que les mortels s'en souviennent. Deux bouches s'unirent dans un grand halètement, achevant la complémentarité de ces deux corps qui s'imbriquaient sur le lit. Nus, les deux amants s'enlaçaient tendrement. Ils semblaient ivres d'un désir si ardent que la femme ne pouvait s'empêcher de le crier. Le monde ne devait plus exister pour eux, rien que cette chambre enténébrée que même la lune, soucieuse, n'osait espionner, se gardant de violer l'intimité comme elle-même venait de le faire. En un soubresaut, la femme s'éleva au-dessus de l'homme, le privant des joyaux qu'il caressait jusqu'alors. Haut, bas, haut, bas, le mouvement de va-et-vient qui s'ensuivit laissait la femme maîtresse de la situation, la laissant libre de poser ses mains sur ses seins qui affichaient ostentiblement cette fièvre qui faisaient vibrer chacune des fibres de son organisme. L'homme, allongé, était couvert de cette enivrante sueur et soufflait hâtivement. Il avait posé ses mains sur les cuisses de sa compagne et soutenait le rythme saccadé qu'elle s'employait à accorder avce lui. Khae-Lynn ne pouvait détourner son regard de cette scène attractive. Elle n'avait qu'un vague souvenir du plaisir qu'on pouvait éprouver lors des rapports sexuels. Elle avait dépassé ce stade lorsqu'elle s'était nourri pour la première fois et ressenti ce vertige si profond qu'elle avait cru s'évanouir. Fixer ces deux personnes si admirablement faite l'une pour l'autre ne pouvait lui rappeler que ce qu'elle avait inéxorablement perdu en devenant ce qu'elle était.

Le couple se mut et l'homme prit momentanément le dessus. La femme cria à nouveau sous les délices qu'il lui procurait. Les assauts se firent plus ardents et, sous les coups répétés de son partenaire, elle mordit les draps, ivre, euphorique, pour un instant si intense qu'il ne pouvait durer qu'un instant. Pourquoi l'amplitude du plaisir était-elle toujours proportionnellement inverse à celle de la durée...? Curieusement, cette pensée traversa l'esprit de Khae-Lynn, tandis qu'elle était spectatrice de ce moment bestial qui se déroulait sous ses yeux. Un dernier râle, poussé d'un commun accord par les deux partis, l'homme se retira de celle qu'il venait de déposer sur ces nuages si lointains. Rares étaient ces hommes si capables et peut-être en faisait-il parti. Chacun s'allongea de son côté. Les draps reposaient sur le sol, laissant les deux jeunes gens offert à qui voulait les voir; Khae-Lynn ne s'en privait pas, fascinée. Non, ce n'était pas le mot juste... intéressée plutôt. Elle regrettait ces instants volés que plus jamais elle ne connaîtrait et la mélancolie s'attacha à elle, l'entourant d'un cocon de soie qui lui collait à la peau.

Puis vient la colère, une grande soeur qui la suivait continuellement, se rapprochant et s'éloignant au gré des marées que ses réflexions faisaient onduler dans tout son corps. Elle se laissait aller parfois à ses conseils, mais cela impliquait des dommages qu'elle finissait par accepter malgré les réticences des parcelles d'humanité qu'il lui restait, vestiges de temps anciens et d'un passé qu'elle reniait. Passé le stade de l'intérêt, ce fut bientôt un dégoût morbide qui défila devant ses yeux. Ce couple si beau il y a quelques instants ne fut bientôt que le symbole de toutes les choses manquées que Khae-Lynn ne pouvait même pas pleurer. Il devait disparaître pour son bien, sorte d'expiation meurtrière, gratuite mais qui la comblerait parfaitement.

Et puis, elle avait faim. D'une pierre deux coups, comme disait le proverbe. Elle trouva qu'il s'accordait fort bien à la situation qui allait suivre.

Un voile rouge se transposa à son regard, rendant opaque sa vision. Mais elle n'en avait guère besoin... l'deur et les soupirements repus de ces deux mortels suffiraient largement. Sans crier gare, elle s'engouffra par la fenêtre et s'avança vers le couple maintenant endormi, presque iridescente, se contenant pour ne pas se jeter sur eux et les éventrer sans un mot, inondant la pièce des flots de sang qui s'échapperaient du trou béant. Silencieuse comme un chat, elle contourna le lit, souillant de terre les draps, pour venir tour près de la femme dont elle pouvait imaginer les rêves. Elle contempla sa peau encore humide, sa poitrine ferme, ses cuisses entrouvertes laissant voir sa toison pubienne, sa tête de côté aux paupières closes et frémissantes sous les visions nocturnes qui ne manquaient pas de l'assaillir. Khae-Lynn s'abaissa pour porter son propre visage à quelques centimètres de celui de la jeune femme... puis la saisit par le cou et serra si fort que quelques os craquèrent sinistrement dans le silence. Se réveillant abruptement, elle poussa un cri de stupeur, ce qui eut pour effet de sortir de sa torpeur l'homme encore sous le coup des efforts consentis. La vampire la souleva au-dessus du sol et fixa son regard dans celui de l'homme.


- Tiens toi tranquille, ou elle mourra!

Toujours faire espérer.

La femme se débattait, frappant Khae-Lynn de ses poings et de ses pieds. Mais elle en avait vu d'autre et chaque coup ne lui faisait pas plus d'effet que celle d'une piqûre d'insecte.


- Par Artherk! Qui...?

- Un adepte d'Artherk?

Khae-Lynn souffla.

- Me voilà bien tombé. Votre dieu ne vous sera d'aucun secours... avez-vous quelquechose à dire avant de mourir?

- Que... Qu'est-ce qu'on a fait...?

- Doit-on toujours avoir accompli un quelconque acte pour mériter la mort? Allez dire cela aux victimes d'accidents.

Un sourire s'afficha sur le pâle visage de celle qu'on appelait communément un démon.

- Pitié...

La pitié.

Qu'avaient-ils à toujours invoquer ce sentiment qui ne l'avait jamais même éffleuré de son aura de bienfaisance. Seuls les faibles s'y adonnaient et elles ne faisaient pas partie de cette caste. Jamais elle n'en ferait partie...

Khae-Lynn écarta son bras et, sous le regard affolé de l'homme, qui cherchait une issue favorable à son funeste destin, ses ongles s'allongèrent et ses doigts devinrent des griffes acérées. Une brume venait d'envahir la pièce, effet secondaire de la rage qui avait envahi et consumé l'esprit de la vampire. Elle allait s'adonner maintenant à ses plus bas instincts... c'était un fait assez rare pour qu'il soit noté car elle n'aimait pas cela. Perdre le contrôle de la situation ne l'enchantait guère, elle qui aimait tout gérer devait laisser un... une? autre le faire à sa place.

S'abandonnant complètement, furieuse que l'homme ne soit finalement qu'un pleutre comme les autres, elle siffla à la face de l'homme, dénudant ses crocs. Puis elle plongea sa main dans la gorge de la femme, lui arrachant sa langue qu'elle jeta sur le lit, rougissant le matelas. Horrifié, l'homme recula et manqua de tomber à même le sol. Khae-Lynn poussa le lit d'un pied et celui-ci percuta de plein fouet le malheureux, l'assomant presque. La jeune femme, toujours perchée à bous de bras, avait un filet de sang qui s'écoulait sur son menton, noyant les cris qu'elle poussait. La douleur devait être insoutenable mais, muse de la souffrance, Khae-Lynn s'en moquait. L'homme les fixait toutes deux de ses yeux vides de toute expression. Il semblait être devenu apathique, comme perdu dans cette pièce désormais devenue un enfer pour lui.

Khae-Lynn leva les yeux vers cette pauvre petite femme désormais seule face à sa propre affliction. Elle pleurait. Cela ne la rendait que plus détestable. Haïr, ça Khae-Lynn savait le faire. Elle pointa son index sur le torse dénudé, posant sa griffe sur sa peau tendue. D'un geste sec, elle perça cette si futile protection et pénétra à l'intérieur des chairs, éclaboussant un peu plus sa robe d'un liquide rouge vif, puis ouvrit béatement le corps de cette créature mortelle. Les organes débordèrent tout-à-coup et tombèrent sur la pierre froide en un bruit visqueux et assourdi. Foie, intestins, coeur, tout y était. Action gratuite...? Cela allait rendre la vampire un peu amère, mais il s'agissait bien là d'une action seulement formentée par un plaisir, pour sûr morbide, mais d'une pureté sans égal. Khae-Lynn ne voulut cependant pas laisser tout ce sang perdu. Certains de ces congénères aimaient à boire le sang de personnes venant à peine de faire l'amour; cela, paraissait-il, lui donnait un goût sucré. Elle préférait celui des vierges, plus fort que n'importe quel autre humeur, quelle qu'elle soit. Mais elle s'en contenterait. Elle but à grande gorgée ce liquide de vie et se restaura un peu.

Elle laissa tomber cette parodie de vie qu'avait été la femme, maintenant à l'agonie. Dans quelques minutes, voire dans une heure si elle était chanceuse ou de forte constitution, elle s'envolerait vers un endroit qui lui avait été refusé, à elle. Le visage ensanglanté par le sang d'une autre, les yeux profondément sybillins, une robe défaite plus rouge que blanche, des souliers ruisselant, elle se tourna enfin vers l'homme, qui se remettait peu à peu. Elle était soudain devenu une ambassadrice zélée de la Mort elle-même, lui offrant des âmes innocentes pour qu'elle puisse se repaître à son tour, tout comme elle l'avait fait et s'apprêtait à nouveau à le faire. Mais avant...

Elle monta sur le lit dans une position lascive, ses cheveux noirs sanguinolants tombant en cascade sur ses épaules. Un bruit sec retentit: il s'agissait des souliers qui tombaient à terre. Elle avança ainsi, à quatre pattes, ses iris noirs posés sur ce mâle à la mine défaite qui ne pouvait esquisser le moindre geste, ses yeux trahissant la peur qui le prenait dans tout son être. Elle s'amena suffisamment près de lui pour sentir son soufle rauque au creu de son cou et lui murmura quelques mots.


- Je suis belle, n'est-ce pas?

Elle l'était, assurément. En tout cas plus que bon nombre de femmes mortelles. Elle avait, en plus du charme naturelle qu'elle dégageait, un charisme apporté par son côté surnaturel qui faisait d'elle une personne que tous les hommes enviaient et que toutes les femmes jalousaient. Pour beaucoup, elle figurait même parmi les plus belles créatures qu'ils aient jamais vu. Pour l'homme sis à ses côtés, elle fit appel à ces ressources insoupçonnées que son statut de vampire pouvait lui apporter. Autant profiter de sa prétendue malédiction si cela lui permettait d'arriver à ses fins.

- Tu me désires... Je le sens. N'aie pas peur. De toute manière tu mourras, alors profites de la dernière once de joie que je te propose.

- N... Non... Ne me... Ne me tuez pas...

Khae-Lynn s'écarta légèrement pour croiser ses yeux. Ils étaient bleus, la couleur qu'elle détestait et qui n'aurait jamais du exister. Le voile rouge voulut à nouveau s'emparer d'elle mais elle fit cette fois l'effort de résister. Pas maintenant, elle voulait obtenir de lui ses faveurs avant de se permettre de l'abattre. Elle passa sa langue sur la joue droite de l'homme, séchant une larme naissante puis se dirigea vers sa bouche qu'elle entrouvrit d'une langue exploratrice. Elle n'avait de cesse de le regarder droit dans les yeux. Elle pouvait y lire comme dans un livre ouvert: peur, haine, désir... ces émotions fusionnaient pour ne former qu'un tout dans ces profondeurs abyssales qu'elle prospectait. Lui ne pouvait rien lire dans les iris de Khae-Lynn. Il n'avait pas l'expérience nécessaire et elle était passé maître dans l'art de dissimuler ses émotions à tel point qu'ils devenaient parfois totalement inexpressifs et donc insondables.

L'homme se laissa faire sans rechigner, mais il n'accompagnait pas non plus ce baiser qu'elle voulait langoureux. Furieuse d'être ainsi ignorée elle se jeta vivement sur lui et le porta jusqu'au mur où elle le plaqua avec une telle violence qu'elle fit voler des fragments de pierre autour d'elle. Puis elle déchira la carotide d'un coup de dent avec cette précision acquise après maintes années de pratique. Khae-Lynn ne désirait pas qu'il jouisse du pivilège de lui servir de nourriture mais qu'il souffre. Elle étancha une partie de sa soif sur lui puis se força à cesser son épandement. Elle le transporta vers une chaise où il fut rageusement assis sans aucune espèce de ménagement. Se saisissant du petit coutelas qui était attaché sur sa jambe, elle mit la main de l'homme à plat sur le bureau attenant et, d'un coup trop rapide pour qu'une récation soit possible, elle lui sectionna le petit doigt. L'homme voulut crier mais Khae-Lynn lui mit une boule de chiffon entre les dents afin de faire taire toute velleité d'alerter une garde qu'elle ne souhaitait aucunement voir arriver.

Devant lui, elle mit le doigt à sa bouche et en suçota le sang. Jamais il n'avait assisté à pareil spectacle et elle s'en exalta. Jetant le doigt au loin elle reprit son coutelas.


- Bon, au suivant.

L'homme défaillit, et s'écroula sur sa chaise, rejetant amèrement cette vie qu'il savait maintenant vaine. Offusquée, Khae-Lynn tenta de le réveiller en lui tapotant les joues... sans succès. Elle n'aurait pas de fin heureuse à son projet. Ceci était fort dommage mais elle ferait avec. Elle laissa la le corps endormi de l'homme et celui maintenant froid de son amante. Dehors, la brume était là, comme pour cacher se fuite, complice anonyme de ses actes répréhensibles, certes, mais tellement jubilatoires.

Sur le pas de la porte, Khae-Lynn prit une des torches que la devanture de la maison comptait et brûla rideaux, draps et tout ce qui pouvait rapidement s'enflammer. Les flammes dansaient devant ses yeux devenus oranges s'accordant soudain avec tout son corps, bien que certains endroits soient encore assombris par le sang coagulé. Khae-Lynn aurait fait peine à voir pour quelque spectateur imprudent, mais son sourire dénué de toute joie faisait fi des contradictions qui reposaient en elle. Loin de la maison elle contempla son oeuvre, voyant les habitants de HavreClair accourir de tous côtés pour, les uns aider, les autres regarder, tous s'accorder sur l'origine de l'incendie et les éventuelles victimes.

Un couple avait résidé là, leurs âmes y resteront pour toujours...

Khae-Lynn disparut dans les ombres, maudissant le moment où elle s'était laissé aller. Trouverait-elle en ces lieux une personne la comprenant? Peut-être l'homme qu'elle avait croisé et qu'elle n'avait pu se résoudre à vider de son sang, si elle l'initiait...

Les volutes de brouillard remplacèrent peu à peu la présence de la vampire. Jamais sa présence ne fut détectée, elle-même n'est qu'un image résiduelle, un passé oublié que peu de sages connaissent, une légende ancienne racontée encore au coin de certains feux...

Elle n'avait pas à s'inquiéter.

Elle fut... mais sera-t-elle à nouveau?

Par Aina HarLeaQuin le 6/11/2002 à 20:47:48 (#2499468)

Très beau texte mais qui aurait gagné à ne pas être donné en un seul bloc plutôt indigeste au final. :)

Edit pour pas flooder. De rien, c'est juste un avis personnel :)

Par Kyriane Feals le 6/11/2002 à 20:51:04 (#2499497)

Provient du message de Aina HarLeaQuin
Très beau texte mais qui aurait gagné à ne pas être donné en un seul bloc plutôt indigeste au final. :)


C'est un très long texte, je te l'accorde...

*Note pour la prochaine fois*

- Faire plusieurs parties.

Merci. :)

Par Drazhar Ul'Gar le 6/11/2002 à 21:25:44 (#2499801)

Sournois ce post; des lors que l'on commence la lecture, on ne peut plus s'arreter et une fois celle ci terminée, on s'apperçoit que le plat de pates si amoureusement cuisiné est froid...
A prendre comme un compliment, car c'est tres bien écrit.

Par Drazhar Ul'Gar le 6/11/2002 à 23:07:50 (#2500661)

*Se permet de faire un petit up, pour son amie irl qui vient également de lire tout le texte, qu'elle a apprécié.*

Par .: Demi :. le 7/11/2002 à 0:46:50 (#2501239)

Etant lecteur inveteré,la longueur du texte ne m'a pas gêné. C'est très interessant a lire en tout cas :)

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