Si y'a une chose qui est claire, c'est bien ça.
J'ai jamais compris ce truc.
D'ailleurs toutouyoutou, je ne te comprends pas, car comme beaucoup d'agrégés (tous?
), tu es hyper élitiste (c'est pas une critique d'ailleurs, tu as obtenu un concours extrêmement difficile, tu as le droit d'en être fier et de le revendiquer), mais pourquoi ne fais-tu pas profiter de tes connaissances à des élèves qui pourraient en profiter -ce qui n'est pas le cas de collégiens-?
Je précise qu'il n'y a aucune ironie dans mon message ; c'est vraiment une question que je me pose et que j'ai déjà posée à un agrégé en collège (mais il m'a pas répondu... c'était un gros con
)
Mais, pourquoi penses- tu que mes élèves n'en profitent pas ?
Si j'ai demandé un collège difficile, c'est pour un ensemble de choix personnels, mais c'est aussi parce qu'en quelques années de lycée (comme TZR en plus), je me suis rendu compte que les lycéens n'étaient pas nécessairement un public plus "éclairé" ou "travailleur", et qu'en définitive, je n'employais pas plus mes "connaissances" pour eux que je peux le faire pour mes élèves de collège. Surtout, j'avais envie de parfaire ce qu'on m'a plus ou moins reproché indirectement ici, c'est- à- dire mes pratiques pédagogiques.
En lycée, je tournais parce que je voulais multiplier les expériences (en 4 ans, j'ai fais tous les programmes de toutes les filières, sauf celles du technique, où je faisais quand même passer les oraux du Bac). Depuis, j'ai fais tous les programmes de collège, que je réactualise chaque année du fait des changements de programme, et par goût pour divers choix de documents / activités. Je considère que c'est une richesse (relative) qui permet aussi de se tenir à jour (dans le même temps, j'ai toujours continué à suivre les programmes d'agrégation et à me tenir à jour de l'historiographie, tout en aidant des gens à préparer le concours, comme étudiants que j'ai rencontré, ou collègues que je fréquente).
Moi je suis heureux où je suis. Les gamins me plaisent, ils sont gentils, ils ne mouftent pas trop si on sait les prendre, les parents sont globalement respectueux, je suis bien reconnu dans le quartier où je travaille, je suis au Conseil d'Administration de mon établissement où j'ai le sentiment d'oeuvrer pour des choses utiles, je suis dans des associations sportives (pratique personnelle), j'ai du temps pour moi (parce qu'effectivement, le travail au collège est tout de même "light"), j'ai un emploi du temps qui me fait travailler un petit peu tous les jours (et j'aime bien ça en fait). Que demande le peuple !? Ca me va.
Surtout, c'est une posture morale qui m'a conduit là où je suis. Je suis assez élitiste, certes, mais au sens républicain du terme, et surtout, je suis quelqu'un de très entier, qui ne transige pas sur l'essentiel, et qui entend mettre en cohérence son discours et ses actes. Et je n'ai pas aimé une certaine mentalité que j'ai croisé au lycée chez des collègues, principalement de gauche et syndiqués au SNES (je ne sais pas si c'est anecdotique ou pas, je ne fais que ce constat personnel, qui ne vaut pas de généralisation outrancière), qui consistait à se plaindre sans cesse de ceci ou de cela sans jamais se bouger le cul pour améliorer les choses, sans s'investir, sans donner un peu de soi, cet affreux attentisme mou, cette fausse ironie finalement bien docile et très servile face à un système auquel on ne croit pas, et finalement, ce que je diagnostique comme un authentique mépris de l'élève.
Je suis élitiste, peut- être, je ne sais pas en fait. Mais je respecte fondamentalement mes élèves, et c'est parce que je les respecte que j'estime qu'un agrégé dans un collège difficile n'est pas un gâchis, mais une chance, tant pour eux que pour moi. Parce que je pense comme Marc- Aurèle que si on ne veut pas subir les autres et les fuir, il faut aller vers eux et les éduquer, au sens de les élever, non pas vers un soi illusoire et vaniteux dont tout le monde se fout, mais vers une culture objectivement capable de les élever socialement. Pas que cette culture soit meilleure, mais parce que cette culture est scolaire, et qu'elle leur permettra de réussir, et de ne pas être sans des ghettos sociaux et mentaux où des politiques irresponsables et des merdes gluantes de bons sentiments les ont patiemment enfermés. Moi mes élèves sont de toutes les couleurs, et les "têtes blondes" sont minoritaires. Mais tant mieux, j'aime ça, parce que les forces vives de la Nation, c'est dans les quartiers populaires qu'elles sont, et pas chez les bobos merdeux et dégénérés des centres villes, qui ne sont bons qu'à se palucher en se matant le nombril et à chialer sur leur sort comme des tocards, et surtout, surtout... qui croient que tout leur est dû...
Au nom de quoi mes élèves n'auraient pas droit à avoir ce que le système lui- même estime être le meilleur (et je mets des pincettes dans cette phrase, vous en comprenez le sens) ? Au nom de quoi ne devraient- ils pas avoir accès à ce qu'ils n'ont pas chez eux pour la majorité d'entre eux ? Au fond, n'est- ce pas là le sens premier et profond de l'Ecole de la République telle qu'elle a été fondée par Jules Ferry ? En prépa agreg, j'avais eu une colle sur la lettre de Ferry aux instituteurs... Ca m'a marqué, à tel point que j'ai toujours le texte sur moi, dans ma sacoche. Franchement, le modèle du hussard noir de la République me convient tout à fait, et je crois qu'au fond c'est ce modèle que j'ai choisi de suivre, et dont personne n'aurait dû s'éloigner : c'est précisément parce que je respecte profondément mes élèves que j'ai choisi d'être là où je suis, et que je n'entends pas m'en aller de suite. Pourquoi fuir un endroit où je me sens à ma place, pour aller dans un autre où je me sentirais plus inutile et un peu étranger parmi des collègues dont je ne chercherais pas particulièrement la compagnie et le commerce ?
EDIT : en plus, j'ai un collègue qui a vendu la mèche, et qui a expliqué en gros ce qu'était le concours à des élèves que nous avons en commun (je ne sais pas pourquoi il l'a fait par contre). Du coup, les gamins sont super flattés, et tout le monde le sait maintenant (parce qu'en deux minutes dans une cours de récré tout se sait et se déforme à la vitesse du TGV). Même les parents sont tout doux, mdr ! Moi je trouve ça marrant. Et surtout, super confortable.