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Violences banales et ordinaires.

Par Jeanne DoreggaN le 7/8/2002 à 19:01:09 (#1931489)

L’homme qui parvint au Château était écarlate, soufflant comme un bœuf de trait au bord de l’apoplexie, transpirant toute l’eau de son corps, par litres entiers. Ses pieds ne l’avaient jamais porté aussi vite, il était même certain d’avoir pris de vitesse une hirondelle qui filait vers le nord –du moins c’est ce qu’il raconterait à la taverne, lorsqu’il aurait pris quelques jours de repos. Son marathon éperdu avait débuté de l’échoppe de Boreas, fuyant la mort la plus certaine, pour s’interrompre enfin, les poumons au bord des lèvres, aux portes du Palais Royal. L’œil d’Edden, le garde de faction à l’entrée, se partageait entre la suspicion, l’inquiétude et l’amusement ; il n’avait finalement que peu l’occasion de voir le gros Elmert dans un tel état. Le paysan improvisé athlète tenta au plus vite de haleter ses explications, entrecoupant ses silences épuisés de monosyllabes qu’il fallut plus d’une minute pour comprendre en une alerte cohérente.

Le sergent Lebuz n’ouvrit pas la porte, il la défonça et s’arrêta, pour un instant de flottement. Régulièrement, pendant l’horaire de pause, il pouvait trouver le Lieutenant Doreggan et Jeanne à discuter dans la salle des gardes, à l’aise d’un peu de tranquillité lors de la journée de travail. Cette fois, il ne s’attendait pas précisément à les trouver l’un
dans l’autre, goûtant du frustre confort du sol dallé de pierres.

- Excusez-moi, commença-t-il doucement. (Mais voyant que leur ascension touchait au sommet et que sa présence ne pouvait plus les arrêter, il haussa le ton) Désolé, mais on a besoin de vous !

A cheval sur Neo, Jeanne explosa et s’affaissa sur lui. Neo l’attrapa aux hanches et la redressa pour l’accélérer fiévreusement et se cambrer deux fois en expirations libératrices.

- Bon sang, dépêchez-vous ! hurlait le Sergent. Les ogrimariens font une descente en ville !

Les amants prirent conscience de la présence de Lebuz en même temps qu’ils comprenaient ce qu’il disait. Ils n’attendirent pas de connaître le détail, il se levèrent et se jetèrent sur leur équipement.

- Explique, engagea le Lieutenant.

Lebuz avait déjà son arme en main et la visière de son heaume baissée. Tandis que Jeanne aidait Neo à fixer les dernières pièces d’armure, il exposa rapidement :

- Les ogris sont chez Boreas, ils l’ont séquestré dans l’arrière-salle et s’en prennent à chaque client. Visiblement, ils avaient envie de lever un nouvel impôt…
- Béni ? interrogea Jeanne, comme si elle n’avait rien écouté.

A la négative, elle répondit par trois incantations rapides, suivies des soins habituels, en prévision de tout éventuel combat. Une fois prêts –cela avait été rapide, très rapide– Lebuz lâcha « Fontaine » et activa son anneau de téléportation. Deux explosions de lumière suivirent de près son geste. Sur la place de la ville, les archers Red Sullyvan et C. Real les attendaient, le carquois plein et l’arc solidement en main. Ils ne perdirent pas un instant et gagnèrent tous la boutique de l’apothicaire à petites foulées. Pour Jeanne, les réflexes d’urgence avaient déjà laissé place à l’analyse tactique et elle se sentait (hélas peut-être) totalement dégrisée de ses récentes étreintes.

C. Real était le moins robuste au combat de mêlée, mais également la meilleure force de frappe du groupe, et de loin. Sur un ordre du Lieutenant, une fois à son tour béni, il contourna au large la petite bâtisse, pour s’embusquer derrière un arbre assez proche. De là, il aurait une vue imprenable sur la salle d’entrée, grâce à la petite fenêtre qui s’ouvrait à l’opposé de la rue. Il constata immédiatement, à regret, que les silhouettes des néphilims présents dans l’échoppe avaient veillé à fermer cette ouverture, pour s’épargner une prise à revers. Cela ne changeait pas grand chose à ses yeux, il en fallait plus pour entamer sa confiance tranquille.

Les ogrimariens étaient violents, forcenés et corrompus, mais pas systématiquement stupides. Il était probable qu’une entrée en force n’apporterait rien de valable. Jeanne suggéra qu’ils devaient avoir au moins un otage en sus du marchand, et ce serait sûrement les atouts avec lesquels ils leur lieraient les mains. Le sergent Lebuz avait déjà noté la présence d’une lucarne de fortune sur le toit, il la désigna comme la clé de l’intervention. Sullyvan était tout désigné pour cette partie de l’action, sur un ordre bref il sut ce qu’il aurait à faire et gagna la façade nord de la boutique. Même avec son armure de plaque, Sullyvan était un chat. Il se vantait parfois de savoir traverser tout le palais, de pilier en colonne, d’ombre en pénombre, sans jamais éveiller la vigilance d’une seule patrouille. Le métal sur lui était comme du tissu, et il escalada le mur aux pierres inégales comme il aurait grimpé un escalier. L’instant d’après, il y avait une ombre au bord du toit.

Pourtant, l’intervention ne pouvait se résoudre avec les deux archers, ne serait-ce parce qu’ils avaient besoin de l’effet de surprise et, donc, d’une diversion. Le Lieutenant Doreggan ouvrit la porte d’un coup de botte qui eût arraché des charnières un peu moins entraînées. Les quatre (quatre !) néphilims devaient forcément s’attendre à l’intrusion, sa violence les fit tout de même légèrement sursauter. Les gardes, quant à eux, notèrent immédiatement qu’ils étaient en sous-nombre. L’un des ogrimariens était directement affecté à la garde de deux otages (Jeanne se survolta d’un peu d’énervement supplémentaire en constatant qu’il s’agissait de deux jeunes femmes), sa solide hallebarde prête à bûcheronner les corps recroquevillés dès que nécessaire. Deux autres se hâtaient de charger de grands sacs de fioles diverses, après avoir sans doute vidé la caisse et tout ce qui avait davantage de valeur. Le dernier, un mage en robe sombre, méconnaissable derrière son heaume noir, méritait sûrement une attention immédiate. Il avait dû passer les précédentes minutes à impressionner au bord de ses doigts son rituel offensif et il était à présent tout à fait disposé à le libérer sur les invités qu’il n’attendait plus. D’ailleurs, il ne se fit pas prier. Un autre du groupe que le Lieutenant n’aurait probablement pas tenu. Lui para le déluge de feu de son large bouclier argenté, la fournaise se répandant sur les côtés comme des coulées de lave destructrices, mettant à rude épreuve son armure. Jeanne et Lebuz répondirent au torrent de flammes par un torrent de lumière, leurs soins combinés interdisant à la chair de se carboniser sous le métal brûlant. Les flux et contreflux durèrent deux longues secondes durant lesquelles Neo n’eut pas d’autre choix que de reculer d’un pas sous le souffle infernal. Il tint bon. Le temps que le mage se reprenne de l’incantation, il était à nouveau entré.

Il fallut que les deux autres gardes pénètrent à sa suite pour vraiment comprendre qu’ils faisaient le jeu des ogrimariens. Si le bourreau gardait toujours précieusement ses victimes, les deux autres –une guerrière et un prêtre noir– étaient en posture de combat. En temps normal, avec la disposition et l’encombrement de la pièce, les gardes royaux n’auraient pas été certains de défaire les opposants. Cette fois, de toute façon, toute offensive aurait valu le sacrifice d’un otage, voire des deux. Enfin, il restait l’arrière-pièce comme inconnue, elle pouvait sans doute receler un cinquième néphilim, capable d’intervenir rapidement, ou d’exercer une pression sur le très probable otage Boreas.

- Rendez-vous immédiatement ! ordonna le lieutenant Doreggan d’une voix trop autoritaire pour trahir le moindre pessimisme.

Les ogrimariens étaient expérimentés, au moins le bourreau et le sorcier, et ne se laissèrent pas impressionner. Ils savaient reconnaître lorsqu’ils avaient l’avantage et, clairement, c’était le cas.

- Lâchez vos armes, déclara froidement le mage. Il vous reste une chance d’épargner la vie de ces deux gueuses et du marchand.

Il confirmait donc qu’ils avaient Boreas sous leur coupe et, implicitement, qu’ils devaient être en mesure de le menacer aisément. Il ne restait plus qu’à souhaiter que le cinquième néphilim ne vienne pas leur prêter main forte. Si seulement il y avait eu deux gardes supplémentaires à Silversky… Avec dix minutes de plus, ils auraient pu avoir un renfort d’Arakas, mais dix minutes c’était aussi peut-être autant d’innocents tués ou des criminels fuyant en toute impunité. Stoïquement, le Lieutenant donna l’ordre à Lebuz et Jeanne de baisser leurs armes et montra l’exemple.

- Par terre, les armes ! et ce n’est pas le moment de jouer aux héros !

Le ton du mage triomphait déjà, suintant de mégalomanie et de vanité satisfaite. Sur un nouvel ordre de son supérieur, Jeanne abandonna son fléau à ses pieds, regrettant déjà de n’avoir jamais fait l’étude de ce fameux sort d’éboulement. Cependant, même désarmée elle n’était pas désemparée, et près de Neo elle se sentait toujours aussi invincible.

- Vous allez pouvoir fuir avec votre sale butin, lança-t-elle, mais laissez les deux femmes. Vous n’en sortirez pas indemnes tous les cinq si vous tentez quoi que ce soit à leur égard.

Elle se tenait droite, le menton légèrement relevé, les yeux assassins de mépris et elle s’exprimait encore avec l’assurance de celle en position d’imposer. Il y avait quelque chose qui inspirait le respect dans son attitude, mais les néphilims étaient hermétiques à cette émotion.

- Tous les cinq, hein ? releva le néphilim à la hallebarde, tout de même amusé par l’intervention de la garde. Quinto, viens par ici !

Quinto… « le cinquième », dans la langue ancienne de Goldmoon… Il était assez étonnant de voir à quel point ils semblaient tenir à leur anonymat, pour une fois. Mais de toute façon, personne n’ouvrit la porte menant à la pièce attenante. Les ogrimariens ne s’en inquiétèrent pas pour autant et les trois gardes s’abstinrent d’échanger un regard entendu.

- Va voir, ordonna le « bourreau » au prêtre, avec un mouvement de tête en direction de la porte.

Par mesure de précaution ou simplement pour laisser un peu de place au néphilim, il se recula dans un même temps d’un pas en arrière. Jeanne sourit intérieurement à cette erreur, extérieurement elle affichait la même attention détachée à la scène que ses collègues, comme s’ils n’étaient pas vraiment concernés. Elle avait une conscience précise de l’emplacement de son fléau –qu’elle se gardait bien d’observer– tout comme des places tenues par chacun, s’étant déjà plusieurs fois représenté en pensée le passage à l’action. Au moment précis où le prêtre actionna la poignée, deux événements s’enchaînèrent à une vitesse fulgurante. La porte s’ouvrit brutalement, entraînant le prêtre dans son mouvement, pour le projeter contre la silhouette en armure de plaque qui obstruait maintenant l’embrasure. Plus exactement, il fut projeté sur la lame d’une dague qu’il n’avait aucun espoir d’esquiver. Sa pierre de Destinée le fit pour lui et le téléporta juste avant que l’acier trempé ne vienne ouvrir sa carotide. Le guerrier à la hallebarde avait eu un autre pas de recul, cette fois pour passer hors de portée de… ce qui se trouvait dans l’arrière-salle. Son ombre obscurcit la fenêtre qui explosa presque instantanément dans un fracas de verre, alors qu’une flèche venait se ficher durement dans son bras gauche. Comme un éclair, C. Real avait déjà saisit un autre trait, armé, bandé, tiré, avec une précision inimaginable. La seconde flèche siffla à travers toute la pièce et se planta très profondément dans l’étagère d’en face, meurtrière. Sa cible avait plongé au sol avec une rapidité exceptionnelle, Lebuz ne mit pas beaucoup plus longtemps à réagir pour l’enchevêtrer magiquement. Les lianes s’élançaient encore pour l’empêtrer que Jeanne et Neo avaient déjà récupéré leurs armes. Sullyvan tira les otages totalement désorientés vers le refuge de la pièce secondaire. Le mage avait été trop pris de court, trop vite, pour prendre le temps de réactiver toutes ses protections magiques négligées par orgueil. Son attaque prit néanmoins le pas sur l’assaut, à la masse d’arme, de Jeanne, et il agressa tout le groupe d’un blizzard aussi glacial que mortel. Neo sembla n’en tenir aucun compte et abattit sa hache de guerre sur la gorge offerte du néphilim à ses pieds. Une autre pierre brilla. Le sergent Lebuz, quant à lui, contenait avec une bonne maîtrise l’attaque de la guerrière restante. Il n’eut pas à riposter vraiment, un angle de tir audacieux (non : dément) offrit son dos à C. Real, et deux flèches très rapprochées vinrent perforer son armure océane. Elle rejoignit à son tour le temple. De son côté, Jeanne sentait très bien qu’elle ne faisait pas le poids et résistait à son adversaire plus qu’elle n’essayait vraiment de le mettre à mal. Elle encaissa encore durement un déluge de glaces et Neo vint à ses côtés pour la soutenir. Le mage se téléporta immédiatement, suffisamment lucide sur les suites du combat pour ne pas se handicaper d’inutiles blessures.

La pièce se retrouva incroyablement vide, laissant des impressions de ruines post-cataclysmiques. Le désordre qui ne venait pas du pillage initial avait été causé par les sorts dévastateurs pas tout à fait prévus pour être incantés dans un si petit espace, ou par les bousculades propres aux combats de corps à corps. Jeanne était, indiscutablement, la plus blessée du groupe et son état restait très satisfaisant compte tenu des dangers encourus. Neo, avant d’intervenir en tant que lieutenant, la serra doucement contre lui, et la tendresse du geste compensa presque toutes les blessures. Boreas apparut à la porte de l’arrière-boutique, encore un peu hagard, sûrement un peu plus en constatant l’état des lieux, tandis que C. Real et Sullyvan (tiens ?) entraient par la porte extérieure.

- J’ai libéré les otages et inspecté, depuis le toit, les environs, Lieutenant. Tout semble en ordre.

Sullyvan s’exprimait d’un ton tranquille, comme après l’entraînement, son heaume masquant toujours l’expression de son visage.

- Parfait. Lebuz, va voir comment se portent les deux femmes, enjoignit le Lieutenant. Les autres, on va mettre un peu d’ordre là-dedans. Jeanne, tu évites de porter des choses trop lourdes si tu es blessée. Sullyvan, tu peux me faire un bref rapport de ton intervention, le détail par écrit au Capitaine.

Un chœur de « bien, Lieutenant » et chacun se mit au travail. Sans aller jusqu’à passer le balai, rendre un semblant d’ordre au magasin incombait un peu aussi aux gardes royaux. Jeanne ne se ménagea pas plus que les autres et Sullyvan raconta succinctement ce qui avait échappé au groupe. Le plus délicat pour lui avait été de passer de la petite lucarne aux poutres anciennes de la charpente. Il avait dû se laisser couler, un peu de biais, sans éveiller l’attention de l’ogrimarienne qui surveillait le marchand. Ensuite, une flèche bien ajustée, bien placée et tirée juste au moment où, l’ayant remarqué, Boreas avait failli trahir sa présence, et il était débarrassé de « Quinto ». De la charpente il avait pu désescalader le mur, pour retomber sans bruit sur le sol et se tenir derrière la porte.

Sur les remerciements les plus cordiaux de Boreas, les gardes repartirent ensuite, une partie amorçant immédiatement une patrouille sur l’île. Neo entraîna Jeanne vers la Capitainerie, pour lui conférer les quelques soins qu’exigeait le combat, et avec l’idée commune de consommer jusqu’au bout la pause interrompue…

Par Aina HarLeaQuin le 7/8/2002 à 19:06:15 (#1931517)

Un vrai régal comme toujours. :amour:

Par Ibuki Tribal le 7/8/2002 à 19:30:12 (#1931595)

wouh :lit: excellent...

Par La Quenouille Sacrée le 7/8/2002 à 19:39:43 (#1931614)

Ben ca alors...ca c'est du beau texte, avec une belle forme, simple a lire...:lit:

*se met au coup de pied au *** pour se motiver a archiver tout ces textes RP et biblio le plus vite possible*

Par Balkis Legend le 8/8/2002 à 0:26:53 (#1932462)

Vraiment impressionnant

Chapeau Jeanne :amour:

Par Kyriane Feals le 8/8/2002 à 0:42:21 (#1932515)

Comme toujours, un texte simple dans sa construction et agréable à lire...

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