Le bon prof c'est celui qui donne envie aux élèves de bosser.
Le mauvais serait donc celui qui n'y arrive pas.
L'éducation était jadis une chance pour les élèves. Elle est devenue un droit. De ce progrès essentiel, on a fallacieusement tiré le devoir pour cette dernière d'être attrayante, voire distrayante.
Ce n'est plus aux élèves de faire l'effort d'apprendre, c'est au professeur de transformer le cours en une sorte de fête (de jeu ?) où un travail intellectuel par définition difficile deviendrait indolore.
Avec le bon prof, les cancres n'existent pas. Qu'est-ce qu'un cancre ? C'est la victime du mauvais prof, celui qui ne sait pas rendre l'école appétissante.
L'école peut parfois être un lieu de plaisir. Mais il n'a pas l'obligation de l'être. L'équivalence école = plaisir est une farce. Si gratification intellectuelle il y a, celle-ci suit l'effort, mais ne le précède pas.
Il serait sage de ne pas confondre la qualité d'un cours avec les qualités humaines du professeur qui le propose. Même si, dans les faits, le facteur humain pèse lourd en pédagogie, on ne saurait tirer de l'efficacité des profs charismatique le devoir pour les autres de l'être.
Tout part de l'ambiguïté sémantique contenue dans l'adjectif "bon" : il peut désigner un prof qui fait ce qu'on attend de lui
ou un prof qui, par son talent, s'élève au-dessus du lot. Adéquation ou supériorité.
Le glissement de la première acception vers la seconde semble irrésistible.
Quun prof séduise, captive, fasse de l'humour, entretienne une relation subtile avec ses ouailles, parfait, très bien. Mais ça ne fait pas pour autant des autres des incapables. Les voies de la pédagogies sont aussi innombrables qu'impénétrables.
D'ailleurs, je n'ai pas souvenir que les moyennes aient été meilleures avec les génies de la com'.
Et surtout, encore une fois, ça ne leur donne pas le
devoir de l'être.
De plus, le mythe du prof enthousiaste n'est, à la fin, qu'un leurre.
La figure qui revient avec une épouvantable régularité est celle du prof de philo qui illumine les terminales, et qui rend tout si simple, si digeste, si facile !
C'est oublier le caractère élémentaire de ce qui y est enseigné. La philosophie qui ne se contente plus d'égratigner des sujets fatalement succulents pour un adolescent, celle qui demande veilles et labeur, demande plus qu'un prof captivant pour être assimilée, risque d'être une sacrée croix pour ceux qui découvriront que bonne volonté et beaux discours ne suffisent pas (bande de sophistes).
Entretenir l'équation prof intéressant = succès, c'est s'embourber dans une illusion et s'exposer à de lourdes déconvenues.
L'intérêt, c'est à l'élève, jamais au prof, de le générer. Le prof peut servir l'apéritif, mais ce n'est pas lui qui fera la cuisine.