Le Creuset du monde

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Ouvrir les yeux. Doucement. Décoller son corps engourdi de la pierre froide et se relever.

Cybèle resta figée quelques minutes, se demandant ce qu’elle faisait là. Essayant de se rappeler ce qui avait amené ses pas dans ce lieu si étrange. Puis le souvenir de la nuit lui revint.
Armagueddon le jeune Dragon l’avait convié à l’étape ultime de sa transformation, le Rite du Passage de son corps d’adolescent vers sa forme pleine et puissante d’adulte.
Une bien belle cérémonie que cela avait été là. Que d’enthousiasme et de fébrilité dans l’assemblée qui s’était réunie a cette occasion.
A chaque fois que l’un de ses amis Dragon avait franchit cette étape elle n’avait pu y assister. Souvent enfoncée trop loin dans les terres Istariennes, parfois perdue au milieu de forêt trop dense pour avoir même une notion de jour ou de nuit, quelquefois simplement parce qu’elle avait pris retraite au creux d’un sous-bois, sans prévenir, parce que cette envie irrépressible de s’écarter pour retrouver la nature et les odeurs forestières s’étaient fait impérieuse.
Cette fois elle y avait assisté. Cette fois la missive du jeune Dragon lui était parvenue a temps et elle avait pu l’accompagner.
Oh oui … une bien belle cérémonie …
Les rires et les acclamations s’étaient estompés pour laisser la place à l’admiration du nouveau Seigneur Dragon qui venait d’émerger. Le Seigneur Nwyll avait pris le jeune adulte sous sa coupe et l’avait aidé à se dégourdir un peu les ailes.
* La jeune Satyre souriait a cette évocation * Les premiers battements d’ailes un peu gauche, le corps plus lourd et plus massif a présent, la gueule venant maintenant largement dominer les têtes des bipèdes présent. Tout cela devait être effroyable pour le jeune Seigneur Dragon et s’habituer ainsi à un tel changement si soudain ne devait pas être chose des plus aisée. Et puis, mû par l’instinct sans doute, parce qu’un enfant s’éveille de lui-même à la marche, trouvant sans aide son équilibre, chancelant un peu au début mais prenant vite l’assurance que confère la griserie de la nouvelle liberté acquise il s’était positionné en vol au dessus de nos têtes et de nos regards amusés et piquetés d’envie, le Seigneur Nwyll face à lui, lui prodiguant quelques conseils avisés pour redescendre et se poser en douceur sur la pierre ferme qui avait si longtemps supporté ses pattes et ses ailes encombrantes.
Puis enfin la foule toujours riante et se félicitant s’en était retournée vers d’autres lieux plus familiers. Appelant a eux le droit du rappel des corps tous avaient disparus dans une éclatante lumière encore parsemé de quelques rires.
Cybèle était restée. La journée avait été rude. Cette cérémonie l’avait un peu vidé de ses forces et à l’anxiété vécue pour son ami Dragon avait succédé une immense fatigue. Elle s’était assise là, sur la pierre froide, pour se reposer quelques instants … Et quelques instants avaient durés une partie de la nuit.

Les sabots encore gourds elle se rapprochait à petit pas du bord de la falaise, sans vraiment s’en rendre compte, attirée, mue par un aimant inconnu qui la laissait pantelante et forçait ses pattes a se mouvoir d’elles même. Elle ne se souciait pas vraiment de tout cela d’ailleurs.
Elle n’avait pas prêtée attention hier soir au lieu. Entouré d’amis, de complices, de ces gens avec qui elle aimait à partir en balade ou à la chasse elle n’avait pas vraiment fait cas de ce qui l’entourait et maintenant qu’elle s’éveillait, ici, dans ce cratère de pierre et lave, l’étrangeté de l’endroit l’assaillait, tout à la fois emprunt d’une beauté surréelle et pourtant inquiétant et sombre.
Elle passa une main sur son visage. Essayant inconsciemment d’ôter le voile qui ternissait sa vue ou du moins celle de son esprit. Elle s’avança encore, encore un peu, un peu plus, jusqu’à ce que la pointe de ses sabots sente le vide derrière l’arrête tranchante du bord du précipice.

Pourquoi était elle si impressionnée par ce lieux. Impressionnée et attirée.
Elle embrassa d’un regard le panorama. Un cercle de hautes montagnes, un cratère de lave bouillonnant, un aplomb rocheux dominant le gouffre.
Ses yeux se portèrent sur le ciel, impossible de savoir qu’elle heure il pouvait être, s’en souciait-elle d’ailleurs ? Nulle étoile, ni lune ni soleil pour éclairer de leur froide ou chaude clarté, juste un ciel sombre marbré de mauve et d’ocre mouvant, de lourds nuages semblant figés dans leur course ou ayant élu définitivement domicile ici, refusant de bouger d’un pouce.
Les bras pantelants, le corps balançant doucement au bord du précipice elle cherchait à comprendre pourquoi elle restait là ainsi, tout aussi immobile que ces épais nuages.
Un cercle de montagnes si hautes qu’elles masquaient toute vue au delà de leurs cimes, dents acérées et pointes menaçantes brandies vers le ciel, des montagnes sans neige, sans verdure, simple mais massif bloc de roche et de lave encerclant, engeolant, le gouffre profond ou bouillonne une lave épaisse et rougeoyante laissant échapper d’épais volutes d’une acre fumée.
Un athanor. Creuset mêlant inquiétude et beauté dans une transformation divine d’où l’on s’attendrait a voir sortir là un monstre à l’indicible laideur et l’instant d’après une nymphe éthérée éclairant d’un sourire magique ce lieux sans âge ou semblait se rassembler pour fusionner les images, les sons et tous les sentiments de ce monde.
Un vortex incroyable et cyclopéen tout a la fois fruit et arbre, matrice de la renaissance et tombeau, de toutes les vies passées, présentes et à venir.

Cybèle avait l’esprit embrumé. Un vent souple mais puissant tourbillonnait en charriant de filandreuses nappes de brumes, un vent mugissant fait de mélange d’ancestrales musiques venant d’instruments oubliés de tous, de milliers de voix se superposant, fortes ou faibles dans une cacophonie sourde empêchant d’y distinguer quoique ce soit d’audible, si tant est qu’il y eu quoi que ce soit a entendre en fait …
Un vent qui jouait un étrange rôle dans ce ballet de décors et de sensations, tout a la fois repoussant la satyre puis l’entraînant avec lui. La tirant vers le précipice pour la rejeter la seconde suivante. Lui tournant autour et manquant de la déséquilibrer à chaque seconde et pourtant la maintenant debout sur l’aplomb rocheux.

Le temps s’écoula ainsi comme une goutte de pluie creusant lentement son sillon sur un visage lisse, préparant le chemin a ses s½urs, traçant dans quelques plis et sur des joues grises la route ou viendrait s’égrener un temps qui restait immobile, attentif et patient.
L’image ne vint qu’après. Se formant lentement sur la rétine d’abord puis dans un fond de pensée mouvant aux contours indécis. Le Cercle de pierre. La Lave. L’éperon rocheux. Elle debout face à tout cela.

Le c½ur du Volcan et sa lave purificatrice, à la fois Mère nourricière et Mère dévoreuse … * Elle murmura laissant les mots glisser sur le vent *
« Magna Mater toi la Grande Mère au ventre de feu qui réchauffe nos c½urs et prête vie a nos membres … »
« Magna Mater toi dont on m’a donné le Nom, ma Déesse Cybèle, que j’essaye de porter avec honneur … »
« Magna Mater toi qui est source et fin de tout … »
« Tu me mets à l’épreuve Grande Mère et tu me montres ce que mes yeux ne voient pas. »
« Ce c½ur de feu et de flammes est notre monde, notre terre et notre vie, bouillonnant et chaud de nos sangs et de nos rêves. »
« Ces Montagnes puissantes sont nos ennemis qui dardent leur pointes vers le ciel, nous encerclent et nous menace »
« Ce vent est la voix des temps passés et à venir essayant de nous leurrer pour nous attirer vers l’oubli ou nous murmurant des conseils pour avancer sur le bon chemin »
« Et cet éperon rocheux où je me tiens est le doigt du Destin, le lieux du choix, la croisée des chemins, ou converge toutes existences et d’où toutes repartent »
« Ceci est notre monde, tout ceci est nous, nos rêves et nos espoirs, notre chemin et ce que nous en faisons »
« J’ai choisie ma Voie, Mère, mais tu le sais déjà. Je lutterais, avec mes armes contre nos ennemis de chairs ou d’esprits, et avec mon c½ur et mon âme je soutiendrais les miens, ceux que j’ai élue comme mes frères, mes amis et pour tous ceux qui portent encore et toujours l’étendard de l’espoir dans l’avenir… »

* La jeune Satyre embrassa du regard le paysage qui s’étendait devant elle, respira profondément puis fit un pas en arrière pour s’arracher aux jeux du vents et dégager ses sabots du bord du précipice. Un sourire s’éveilla au coin de ses lèvres puis comme mille fois déjà elle sortie sa lourde hache de l’étui de cuir de son dos, la brandit haut vers le ciel et invoquant le droit de rappel retourna vers New Rachival pour reprendre le cours de sa vie *

Ce ne fut qu’un simple murmure qui resta en suspend quelques brèves secondes.
« Dragons je vous remercie de m’avoir emmenés dans ce lieu si chargé de vies, d’histoires et de promesses »


(Merci a Armagguedon de m’avoir invité à son rituel de passage. J’espère qu’il ne m’en voudra pas d’avoir imaginé ses propres sensations et parler en son nom. Et toujours merci a mes amis de m’emmener ainsi partout avec eux)
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